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27/06/2017 | CEDH | N°001-174620

CEDH | CEDH, AFFAIRE VALDHUTER c. ROUMANIE, 2017, 001-174620


QUATRIÈME SECTION

AFFAIRE VALDHUTER c. ROUMANIE

(Requête no 70792/10)

ARRÊT

STRASBOURG

27 juin 2017

DÉFINITIF

27/09/2017

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Valdhuter c. Roumanie,

La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en une Chambre composée de :

Ganna Yudkivska, présidente,
Vincent A. De Gaetano,
Paulo Pinto de Albuquerque,
Egidijus Kūris,
I

ulia Motoc,
Georges Ravarani,
Péter Paczolay, juges,
et de Marialena Tsirli, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil l...

QUATRIÈME SECTION

AFFAIRE VALDHUTER c. ROUMANIE

(Requête no 70792/10)

ARRÊT

STRASBOURG

27 juin 2017

DÉFINITIF

27/09/2017

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Valdhuter c. Roumanie,

La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en une Chambre composée de :

Ganna Yudkivska, présidente,
Vincent A. De Gaetano,
Paulo Pinto de Albuquerque,
Egidijus Kūris,
Iulia Motoc,
Georges Ravarani,
Péter Paczolay, juges,
et de Marialena Tsirli, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 30 mai 2017,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 70792/10) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet État, M. Ioan Florinel Valdhuter (« le requérant »), a saisi la Cour le 9 novembre 2010 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant a été représenté par Me M.T. Popa, avocate à Dublin. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été représenté par son agente, Mme C. Brumar, du ministère des Affaires étrangères.

3. Le requérant alléguait en particulier une violation de son droit à un procès équitable et dénonçait la durée, à ses yeux, déraisonnable de la procédure pénale engagée à son encontre.

4. Le 14 mai 2013, la requête a été communiquée au Gouvernement.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Le requérant est né en 1962 et réside à Baia Mare.

A. L’ouverture des poursuites pénales contre le requérant et l’arrestation de celui-ci

6. Le 29 février 2000, le requérant, qui commercialisait des pièces de voitures d’occasion, fut convoqué au siège de la police de Baia Mare, afin de faire une déclaration au sujet de l’acquisition de trois voitures auprès d’un dénommé I.R. au mois de février 2000. Il se présenta audit siège de la police, où il fit une déclaration. À la demande des agents de police, il mentionna dans celle-ci qu’il avait été informé de son droit d’être assisté par un avocat, mais qu’il n’entendait pas s’en prévaloir.

7. Le requérant fut ensuite invité à se rendre au siège de la police d’Oradea pour une nouvelle déclaration. Après avoir donné son accord, il fut conduit à cet endroit, où il fit une nouvelle déclaration. Il y resta la nuit ainsi que le lendemain, le 1er mars 2000, jusqu’à 14 heures, lorsque la police décida l’ouverture de poursuites à son encontre et son placement en garde à vue. Il était poursuivi pour complicité de vol, étant accusé d’avoir acheté en connaissance de cause des voitures volées.

8. Le 2 mars 2000, le requérant fut entendu par le procureur en présence d’un avocat commis d’office. Il déclara qu’il avait acheté trois voitures à I.R., au prix de 1 000 marks allemands (DM), et que les barillets de contact de ces véhicules étaient endommagés. Il indiqua en outre que I.R. avait refusé de lui remettre les documents d’identification des voitures et lui avait proposé de les lui vendre. Il ajouta qu’il avait refusé d’acheter ces documents, bien qu’ayant eu l’intention de revendre l’un des véhicules. Enfin, le requérant précisa qu’il avait fait démonter la première voiture par A.V., afin d’en vendre les pièces détachées, et il reconnut avoir effacé le numéro d’identification du moteur de cette voiture, qui n’aurait pas été lisible. À ses dires, les deux autres voitures avaient été garées au domicile de A.V.

9. Le même jour, le procureur ordonna le placement en détention provisoire du requérant pour trente jours. La détention de l’intéressé fut ultérieurement prolongée par un tribunal jusqu’au 12 avril 2000, date à laquelle le requérant fut remis en liberté.

10. Au cours des poursuites, I.R. fut également entendu par les autorités de poursuite. Il reconnut avoir commis le vol de treize voitures à la suite de « commandes » passées par quatre personnes et avoir vendu les véhicules à ces personnes à des prix dérisoires, sans conclusion d’actes de vente et sans remise des documents d’identification de ces véhicules. Selon lui, le requérant figurait parmi ces quatre personnes.

Ni le requérant ni son avocat n’assistèrent aux auditions de I.R.

11. Les autorités de poursuite entendirent en outre deux personnes, qui reconnurent avoir aidé I.R. dans le vol des voitures en question. Ces individus expliquèrent en détail comment les vols s’étaient déroulés. L’un d’entre eux indiqua que le requérant avait acheté trois des voitures volées.

12. Les autorités entendirent également A.V., qui confirma qu’il s’était vu remettre ces trois voitures par le requérant, pour les démonter. L’intéressé indiqua qu’il avait uniquement procédé au démontage de la première voiture car le requérant aurait failli à lui présenter les documents d’identification des deux autres véhicules. Il ajouta à cet égard qu’il en avait déduit que les voitures avaient été volées.

13. Par un réquisitoire du 8 juin 2000, le parquet ordonna le renvoi en jugement de I.R., du chef de vol, et du requérant, du chef de complicité de vol ayant entraîné de graves conséquences. Huit autres personnes furent également renvoyées en jugement du chef de complicité de vol et de recel de biens volés. Elles étaient accusées d’avoir aidé I.R. dans le vol des véhicules ou d’avoir acheté ces voitures tout en sachant qu’elles provenaient d’un vol ou encore d’avoir aidé I.R. à effacer les traces du vol sur les voitures en question.

B. Le procès du requérant

14. Le 27 avril 2004, le tribunal de première instance d’Oradea décida de disjoindre la partie de l’affaire concernant I.R. de celle concernant le requérant (paragraphe 25 ci-dessous).

15. Au cours de la procédure menée à l’encontre du requérant et des huit autres inculpés, le tribunal de première instance entendit l’un de ces derniers, A.P. Le requérant fut représenté par un avocat choisi par lui, qui sollicita son acquittement et, à titre subsidiaire, la requalification juridique des faits reprochés en recel de biens volés. Le requérant ne fut pas entendu par le tribunal.

16. Par un jugement du 10 avril 2007, le tribunal de première instance d’Oradea requalifia les faits reprochés au requérant en simple complicité de vol, estimant qu’ils n’avaient pas entraîné de graves conséquences, et il condamna l’intéressé à trois ans d’emprisonnement ferme. Le tribunal notait à cet égard que, dans sa déclaration faite lors de l’enquête (paragraphe 8
ci-dessus), le requérant avait reconnu : qu’il avait acheté, à des prix dérisoires, trois voitures à I.R. ; que les barillets de contact de ces véhicules étaient endommagés ; que le vendeur avait refusé de lui remettre les documents d’identification et avait proposé de les lui vendre. Le tribunal relevait aussi que, toujours selon cette déclaration, le requérant avait refusé d’acheter ces documents bien qu’ayant eu l’intention de revendre l’une des voitures. Il notait également que le requérant avait reconnu qu’il avait effacé le numéro d’identification du châssis d’une des voitures. D’après le tribunal, tous ces éléments démontraient que le requérant connaissait la provenance des voitures, mais qu’il avait néanmoins tenté de tirer profit de celles-ci.

Par ailleurs, le tribunal constatait que I.R. avait admis, au cours de l’enquête, avoir commis les vols après entente préalable avec le requérant (paragraphe 10 ci-dessus) et que, en outre, ses complices avaient donné des détails sur le déroulement des vols (paragraphe 11 ci-dessus).

Enfin, le tribunal se référait à des expertises techniques réalisées au cours de la procédure, selon lesquelles les voitures achetées par le requérant présentaient des traces d’effraction.

17. Le requérant interjeta appel de ce jugement et demanda son acquittement. Il reprochait notamment au tribunal d’avoir fondé sa condamnation sur les déclarations de I.R. faites lors de l’enquête. À cet égard, il indiquait que I.R. n’avait pas été entendu lors du procès en première instance et que, par la suite, l’intéressé était revenu sur sa déclaration initiale dans le cadre de la procédure pénale parallèle menée à son encontre et avait nié toute entente préalable ou postérieure aux vols avec le requérant concernant le recel des biens volés (paragraphe 25 ci-dessous). En outre, le requérant soutenait que les prix payés pour les voitures n’étaient pas dérisoires eu égard à son intention de faire démonter celles-ci et d’en vendre les pièces détachées, et il alléguait que, en tout état de cause, il ignorait que les véhicules avaient été volés.

18. Lors de l’audience du 3 juin 2009, le requérant sollicita l’audition de I.R. Le tribunal départemental de Bihor ne se prononça pas sur cette demande.

19. Par un arrêt du 26 juin 2009, le tribunal départemental annula partiellement le jugement du tribunal de première instance d’Oradea. Il jugea que les faits avaient bien été établis par le tribunal de première instance, mais que le passage du temps avait entraîné la diminution de leur impact dans la société. En conséquence, il prononça un sursis à l’exécution de la peine.

20. Le requérant, qui était représenté par un avocat de son choix, ne fut pas entendu par le tribunal.

21. Le requérant forma un recours contre cet arrêt devant la cour d’appel d’Oradea. Il se plaignait d’abord d’avoir été condamné sans jamais avoir été entendu par les tribunaux inférieurs, et ce, selon lui, en méconnaissance de l’article 6 § 1 de la Convention, tel qu’interprété dans l’arrêt Constantinescu c. Roumanie (no 28871/95, CEDH 2000-VIII). En outre, il réitérait son moyen selon lequel I.R. n’avait pas été entendu par ces tribunaux, était revenu sur sa déclaration dans le cadre de la procédure pénale parallèle menée à son encontre et avait nié toute entente préalable ou postérieure aux vols avec le requérant concernant le recel des biens (paragraphe 25
ci-dessous). Il indiquait également que I.R. avait déposé une plainte pénale pour enquête abusive contre les agents de police ayant recueilli ses premières dépositions (paragraphe 27 ci-dessous), et il précisait à ce sujet qu’il s’agissait des dépositions prises en considération par les tribunaux inférieurs en vue de sa condamnation. Il estimait, eu égard à tous les arguments précités, que les tribunaux avaient fondé leurs décisions sur des éléments de preuve illégaux, car obtenus selon lui à la suite de traitements contraires à l’article 3 de la Convention. Or, aux dires du requérant, pareille situation contrevenait aux dispositions de l’article 64 du code de procédure pénale (CPP), interdisant l’utilisation de preuves obtenues illégalement.

22. Le requérant fut entendu par la juridiction de recours. Il clama à nouveau son innocence. I.R. ne fut pas cité à comparaître aux fins de son audition.

23. Par un arrêt définitif du 11 mai 2010, la cour d’appel d’Oradea rejeta le recours du requérant. S’agissant du défaut d’audition de celui-ci par les tribunaux inférieurs, la cour d’appel notait, d’une part, que le requérant avait été représenté tout au long de la procédure par des avocats de son choix et que ceux-ci avaient veillé à ce que ses droits procéduraux fussent respectés, et, d’autre part, que l’intéressé avait été entendu au stade du recours. Elle observait également ce qui suit :

« Il convient d’écarter la thèse [du plaignant] tirée de l’inexistence de l’élément intentionnel du délit, compte tenu de ce que l’inculpé, dans sa déclaration faite au cours de l’enquête (pages 271-272), a dit que les trois voitures avaient été achetées à la même personne, que ces voitures avaient le barillet de contact endommagé et qu’elles avaient été achetées à des prix beaucoup plus réduits que ceux du marché, déclaration confirmée par l’inculpé A.V. (page 331 du dossier de l’enquête). Toutes ces déclarations sont corroborées par la déclaration de l’inculpé I.R. – en ce que [il confirme qu’il] (...) n’avait pas remis les documents d’identification, mais qu’il les avait proposés à la vente ; l’inculpé Valdhuter avait refusé [cette offre], bien qu’il eût eu l’intention de revendre l’une des voitures. En outre, il a effacé le numéro d’identification du châssis de l’une des voitures, ce qui montre que l’inculpé avait connaissance de la provenance des voitures [et essayait de tirer profit de celles-ci]. L’inculpé I.R. affirme (page 195 du dossier de l’enquête) qu’il a remis une des voitures à l’inculpé Valdhuter et est reparti avec les plaques hongroises en mains, ce qui vient renforcer la conviction de la cour que [celui-ci] connaissait la [provenance] réelle des voitures en question ».

La cour d’appel ne se prononça pas sur la légalité des dépositions de I.R.

Enfin, elle décida la clôture de la procédure en ce qui concernait A.V., qui était décédé en février 2007.

24. Il ressort du dossier que, lors du jugement de l’affaire en première instance et en appel, les tribunaux ont ajourné à de nombreuses reprises les audiences en raison d’irrégularités dans les citations à comparaître des inculpés ou des victimes.

C. La procédure pénale contre I.R.

25. Le 15 juin 2004, après la disjonction de la partie de l’affaire concernant I.R. de celle concernant le requérant (paragraphe 14 ci-dessus), le tribunal de première instance d’Oradea entendit I.R. Celui-ci reconnut avoir commis les vols, mais nia toute entente préalable ou postérieure aux vols avec le requérant concernant le recel des biens volés.

26. Par un arrêt définitif du 18 août 2004, le tribunal de première instance d’Oradea condamna I.R. à cinq ans d’emprisonnement ferme du chef de vol.

D. La plainte pénale de I.R. quant à une infliction de mauvais traitements par des agents de police

27. Le 21 septembre 2009, I.R. déposa une plainte pénale à l’encontre des agents de police d’Oradea et de ceux de l’inspection générale de la police de Bihor qui avaient recueilli ses premières dépositions, les accusant d’avoir procédé à une enquête abusive. Il soutenait qu’il avait été frappé à coups de matraque à plusieurs reprises par ces agents et qu’il avait été menacé de continuer à se voir infliger des mauvais traitements en cas de refus de sa part de déposer dans le sens voulu par eux. Il mentionnait dans sa plainte pénale que le requérant avait été un acheteur de bonne foi, et il précisait à cet égard que l’intéressé s’était renseigné à chaque fois sur la provenance des voitures, qu’il avait vérifié les documents d’identification et la série des véhicules et qu’il n’avait jamais été informé qu’il s’agissait de voitures volées.

28. Par une décision du 29 septembre 2009, le parquet près la cour d’appel d’Oradea ordonna un non-lieu au motif que les faits reprochés étaient couverts par la prescription.

E. La demande de révision de la procédure pénale engagée à l’encontre du requérant

29. À une date non précisée, le requérant demanda la révision de la procédure pénale engagée à son encontre, sur le fondement de l’article 394 § 1 d) du CPP, selon lequel la révision pouvait être demandée lorsque le procureur ou l’agent chargé de conduire l’enquête pénale avait commis une infraction dans la procédure visée par la révision. Le requérant indiquait qu’il avait été condamné sur le fondement des déclarations de I.R. et de A.V., qui, selon lui, avaient été obtenues à la suite de mauvais traitements et de pressions exercés par les autorités de poursuite pénale. Il demandait l’audition de I.R. et du fils de A.V., qui aurait été au courant des pressions et menaces alléguées exercées sur son père par les représentants des autorités de poursuite.

30. Le 17 décembre 2010, le requérant fut entendu par le parquet dans le cadre de la procédure préalable de révision.

31. Le 27 janvier 2011, le parquet entendit I.R., qui nia toute entente préalable ou postérieure aux vols avec le requérant et toute information de ce dernier quant à l’origine des voitures. Lors de son audition, I.R. indiqua qu’il avait été agressé et menacé par les agents de police afin qu’il déposât dans le sens voulu par ceux-ci. Il déclara en outre que, bien qu’ayant été entendu par le procureur à quatre reprises au cours de l’enquête, il n’avait pas informé ce dernier des mauvais traitements allégués par lui et qu’il n’était revenu sur sa déposition que lors de la disjonction de la partie de l’affaire le concernant de celle concernant le requérant (paragraphes 14 et 25 ci-dessus).

L’avocate du requérant était présente lors de l’audition de I.R. Les éléments du dossier ne permettent pas de dire si elle s’est vu offrir la possibilité d’adresser des questions à ce témoin.

32. Le fils de A.V., qui avait été cité à comparaître pour le 17 février 2011 aux fins de son audition, ne comparut pas.

33. Par un jugement du 24 février 2012, le tribunal de première instance d’Oradea rejeta la demande de révision du requérant comme étant irrecevable.

Le tribunal notait que la condamnation pénale du requérant était basée sur l’ensemble des éléments de preuve instruits au cours de la procédure, parmi lesquels les déclarations de I.R. Selon lui, celles-ci ne constituaient pas la preuve unique, n’avaient pas une valeur préétablie et ne l’emportaient pas sur les autres éléments de preuve. Pour ce qui était des allégations de mauvais traitements infligés à I.R. par les agents de police, le tribunal relevait que l’intéressé n’avait jamais soulevé cet argument ni devant le procureur, qui l’avait entendu à quatre reprises, ni devant les tribunaux. De même, il constatait que A.V. n’avait jamais dénoncé une quelconque pression exercée par les autorités de poursuite au cours de la procédure. Le tribunal, après avoir noté que, aux yeux des juridictions, les déclarations du requérant faites au cours de l’enquête s’apparentaient à une reconnaissance des faits reprochés, observait que le requérant avait confirmé ces déclarations devant les tribunaux. Il considérait en outre que la demande du requérant tendant à la requalification juridique des faits reprochés en recel de biens volés, formulée lors de la procédure en première instance, équivalait de surcroît à une reconnaissance de ces faits.

Enfin, le tribunal rappelait qu’en tout état de cause l’appréciation des preuves incombait aux juridictions ayant statué sur l’affaire en première instance et lors de l’exercice des voies de recours ordinaires, et non pas aux tribunaux amenés à se prononcer sur les voies de recours extraordinaires, telle la demande de révision.

34. Par un arrêt du 18 avril 2012, le tribunal départemental de Bihor confirma le jugement du tribunal de première instance d’Oradea.

35. Le requérant introduisit un recours contre cet arrêt ; ce recours fut rejeté pour tardiveté.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 §§ 1 et 3 DE LA CONVENTION À CAUSE DE L’IMPOSSIBILITÉ D’INTERROGER I.R.

36. Le requérant allègue que son droit à un procès équitable n’a pas été respecté au motif que, au cours de la procédure menée devant les tribunaux, il n’a pas pu interroger I.R., et ce malgré une prise en compte, pour sa condamnation, de la déposition de ce dernier. Il invoque l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention, ainsi libellé en ses parties pertinentes :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) et dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.

(...)

3. Tout accusé a droit notamment à :

(...)

d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;

(...). »

37. La Cour rappelle que les exigences du paragraphe 3 d) de l’article 6 représentent des aspects particuliers du droit à un procès équitable garanti par le paragraphe 1 de cette disposition ; elle examinera donc le grief du requérant sous l’angle de ces deux textes combinés (Schatschaschwili c. Allemagne [GC], no 9154/10, § 100, CEDH 2015).

A. Sur la recevabilité

38. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

B. Sur le fond

1. Arguments des parties

39. Le requérant se plaint d’avoir été condamné sur la base de la déposition faite au cours des poursuites pénales par I.R., initialement son coïnculpé. Il reproche aux tribunaux, aussi bien s’agissant de ceux ayant connu de la procédure ordinaire que de ceux ayant statué lors de la procédure de révision, de n’avoir, sans aucune raison valable à ses dires, pas procédé à une audition ultérieure de I.R.

40. Le requérant soutient en outre que le Gouvernement n’a apporté aucun élément de preuve susceptible d’infirmer les allégations faites par I.R. relatives à des mauvais traitements subis aux mains de la police.

41. Le Gouvernement avance que la déposition de I.R. n’a pas été la preuve unique ayant motivé la condamnation du requérant. Il indique que celle-ci était fondée sur un ensemble de preuves qu’il qualifie de concordantes, parmi lesquelles les témoignages des complices de I.R. et celui de A.V. (paragraphes 11 et 12 ci-dessus), des recherches sur les lieux et des documents. Tout en admettant qu’un inculpé a le droit de faire interroger un témoin ayant fait une déposition déterminante, le Gouvernement allègue que, en l’espèce, la procédure n’a pas été entachée d’arbitraire, qu’elle a respecté le principe du contradictoire, que le requérant a été représenté tout au long de la procédure par des avocats commis d’office ou choisis par lui et qu’il a ainsi pu exposer l’ensemble des arguments qu’il estimait être pertinents pour son affaire. Le Gouvernement indique aussi que le requérant a refusé de se présenter aux audiences aux fins de son audition et qu’il n’a en outre pas sollicité l’instruction des preuves.

42. Par ailleurs, le Gouvernement met en avant la circonstance que I.R. a été entendu par le procureur dans le cadre de la procédure de révision engagée par le requérant. Il précise que, par la suite, le tribunal de première instance d’Oradea a attentivement examiné la fiabilité de la déclaration ainsi obtenue. S’agissant du deuxième témoin proposé par le requérant dans le cadre de cette procédure – témoin qui n’a finalement pas été entendu –, le Gouvernement soutient que celui-ci n’avait pas directement connaissance des éléments relatifs au dossier.

2. Appréciation de la Cour

a) Principes généraux pertinents

43. La Cour se réfère aux principes pertinents concernant les critères d’appréciation des griefs formulés sur le terrain de l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention en ce qui concerne l’absence des témoins à l’audience, tels qu’exposés dans les arrêts Al-Khawaja et Tahery c. Royaume-Uni ([GC], nos 26766/05 et 22228/06, §§ 118-147, CEDH 2011) et Schatschaschwili (précité, §§ 100-131).

44. Dans son arrêt Schatschaschwili (précité, § 107), la Cour a rappelé que, selon les principes dégagés dans l’arrêt Al-Khawaja et Tahery précité, l’examen de la compatibilité avec l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention d’une procédure dans laquelle les déclarations d’un témoin qui n’a pas comparu et n’a pas été interrogé pendant le procès sont utilisées à titre de preuves comporte trois étapes (ibid., § 152). Ainsi, la Cour doit rechercher :

i. s’il existait un motif sérieux justifiant la non-comparution du témoin et, en conséquence, l’admission à titre de preuve de sa déposition (ibid., §§ 119-125) ;

ii. si la déposition du témoin absent a constitué le fondement unique ou déterminant de la condamnation (ibid., §§ 119 et 126-147) ; et

iii. s’il existait des éléments compensateurs, notamment des garanties procédurales solides, suffisants pour contrebalancer les difficultés causées à la défense en conséquence de l’admission d’une telle preuve et pour assurer l’équité de la procédure dans son ensemble (ibid., § 147).

45. Il y a lieu d’insister sur ce que le manque de motifs sérieux justifiant l’absence d’un témoin à charge constitue un élément de poids s’agissant de l’appréciation de l’équité globale d’un procès ; pareil élément est susceptible de faire pencher la balance en faveur d’un constat de violation de l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention (ibid., § 113 in fine). De plus, le souci de la Cour étant de s’assurer que la procédure dans son ensemble était équitable, elle doit vérifier s’il existait des éléments compensateurs suffisants non seulement dans les affaires où les déclarations d’un témoin absent constituaient le fondement unique ou déterminant de la condamnation de l’accusé, mais aussi dans celles où elle juge difficile de discerner si ces éléments constituaient la preuve unique ou déterminante mais est néanmoins convaincue qu’ils revêtaient un poids certain et que leur admission pouvait avoir causé des difficultés à la défense. La portée des facteurs compensateurs nécessaires pour que le procès soit considéré comme équitable dépendra de l’importance que revêtent les déclarations du témoin absent. Plus cette importance est grande, plus les éléments compensateurs devront être solides afin que la procédure dans son ensemble soit considérée comme équitable (Seton c. Royaume-Uni, no 55287/10, § 59, 31 mars 2016).

b) Application de ces principes en l’espèce

46. En l’espèce, la Cour doit donc vérifier les trois étapes du critère
Al-Khawaja et Tahery – dans l’ordre défini dans cet arrêt –, qui sont interdépendantes et qui, prises ensemble, servent à établir si la procédure pénale en cause a été globalement équitable (Schatschaschwili, précité, § 118).

47. La Cour observe d’emblée que les premiers tribunaux n’ont avancé aucun motif pour justifier l’absence d’audition de I.R. (paragraphes 15, 18 et 22 ci-dessus). Ultérieurement, au cours de la procédure préalable de révision engagée par le requérant, seul le procureur a entendu ce témoin. L’avocate du requérant a pu assister à cette audition, mais il ne ressort pas des pièces du dossier qu’elle ait été autorisée à poser des questions à l’intéressé (paragraphe 31 ci-dessus ; voir, mutatis mutandis, Paić c. Croatie, no 47082/12, § 47, 29 mars 2016). En tout état de cause, aucun motif procédural ou juridique n’a été avancé par le Gouvernement pour justifier le fait que le tribunal de première instance d’Oradea n’a pas entendu le témoin en cause (voir, mutatis mutandis, Gökbulut c. Turquie, no 7459/04, § 59, 29 mars 2016). Dès lors, la Cour conclut que les juridictions nationales n’ont pas invoqué de motifs sérieux justifiant la
non-comparution de I.R. et l’admission à titre de preuve de sa déposition faite au stade de l’enquête.

48. La Cour s’attachera ensuite à examiner la question de savoir si la déposition de ce témoin a constitué le fondement unique ou déterminant de la condamnation du requérant. À cet égard, la Cour note d’emblée que les tribunaux internes – et notamment la cour d’appel d’Oradea, dans son arrêt définitif du 11 mai 2010 – se sont référés aux déclarations de I.R. en ce que celles-ci fondaient la thèse de la culpabilité du requérant (paragraphe 23
ci-dessus).

49. La Cour observe ensuite que, dans le cadre de la procédure préalable de révision, le tribunal de première instance d’Oradea, tout en déclarant qu’il ne lui appartenait pas d’apprécier les preuves, a jugé que la déposition de I.R. ne constituait pas la preuve unique, n’avait pas une valeur préétablie et ne l’emportait pas sur les autres éléments de preuve (paragraphe 33
ci-dessus). La Cour estime que cette conclusion n’apparaît pas comme étant arbitraire et note que d’autres preuves viennent corroborer le verdict de culpabilité, comme par exemple les déclarations du requérant en personne ou celles de A.V. Pour autant, la Cour ne saurait ignorer que I.R. était l’auteur de l’infraction de vol et que le requérant a été condamné du chef de complicité de cette infraction. Qui plus est, les déclarations de I.R. constituaient la seule preuve claire confirmant la thèse retenue par les tribunaux, consistant à dire que le requérant avait commandité les vols (paragraphe 16 ci-dessus). Tout en lui étant difficile de discerner si les déclarations de I.R. ont constitué l’élément à charge déterminant dans l’affaire, la Cour est néanmoins convaincue que ces déclarations revêtaient un poids certain, voire de grande importance, et que leur administration a causé des difficultés à la défense. Dans ces conditions, des éléments compensateurs solides, suffisants pour contrebalancer les difficultés causées à la défense, étaient nécessaires en l’espèce (voir, mutatis mutandis, Schatschaschwili, précité, § 116).

50. À cet égard, la Cour note que, d’après le Gouvernement, la condamnation du requérant était fondée sur un ensemble de preuves concordantes, dont notamment les témoignages des complices de I.R. et celui de A.V. (paragraphes 11, 12 et 41 ci-dessus), des recherches sur les lieux et des documents. Elle relève par ailleurs que, toujours selon le gouvernement défendeur, la procédure engagée contre le requérant a été équitable dans son ensemble.

51. Pour les besoins de la présente affaire, la Cour se borne à constater que le requérant n’a pas eu la possibilité de contre-interroger les témoins dont les dépositions ont été prises en compte par les juridictions nationales, et cela ni au stade de l’enquête ni devant les tribunaux. D’ailleurs, le requérant lui-même n’a été entendu en personne qu’au stade du recours (paragraphe 22 ci-dessus). Qui plus est, les tribunaux n’ont pas procédé à un examen méticuleux de la crédibilité des témoins absents et de la fiabilité de leurs dépositions.

52. S’agissant plus particulièrement de la déposition de I.R., la Cour note que, dans un premier temps, les tribunaux ont omis de répondre à l’argument du requérant tiré d’une illégalité de ce moyen de preuve, qui aurait été obtenu sous une contrainte exercée par les agents de l’État. En effet, la cour d’appel d’Oradea n’a aucunement répondu à ce moyen de recours (paragraphe 23 ci-dessus) ; ce n’est qu’au cours de la procédure de révision que le tribunal de première instance d’Oradea a jugé que l’argument manquait de crédibilité (paragraphe 33 ci-dessus).

53. Eu égard à ce qui précède, la Cour ne peut que constater l’absence de mesures procédurales prises par les juridictions internes pour compenser l’impossibilité pour le requérant de contre-interroger directement I.R. Elle en déduit que ces juridictions n’ont pas pris les mesures compensatrices qui auraient permis une appréciation équitable et adéquate de la fiabilité des éléments de preuve non vérifiés (Schatschaschwili, précité, § 163).

54. L’ensemble des éléments susmentionnés suffit à la Cour pour conclure qu’il y a eu violation de l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION À CAUSE DE LA DURÉE DE LA PROCÉDURE

55. Le requérant allègue que la durée de la procédure pénale en question est incompatible avec l’exigence du « délai raisonnable ». Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention.

56. Le Gouvernement invite la Cour à prendre en compte, dans son examen global, le comportement du requérant et celui des autorités, ainsi que le nombre de degrés de juridiction.

57. La Cour rappelle que la durée « raisonnable » d’une procédure doit s’apprécier suivant les circonstances de la cause et à l’aide des critères suivants : la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes, ainsi que l’enjeu du litige pour l’intéressé (voir, parmi beaucoup d’autres, Pélissier et Sassi c. France [GC], no 25444/94, § 67, CEDH 1999‑II, et Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000‑VII).

58. La Cour observe en l’espèce que la procédure a commencé le 29 février 2000, avec la première audition du requérant par la police (paragraphe 6 ci-dessus), et qu’elle a pris fin le 11 mai 2010, avec l’arrêt de la cour d’appel d’Oradea (paragraphe 23 ci-dessus). Cette procédure a donc duré dix ans, deux mois et douze jours pour trois degrés de juridiction.

59. La Cour rappelle ensuite que, dans l’arrêt de principe Vlad et autres c. Roumanie (nos 40756/06, 41508/07 et 50806/07, 26 novembre 2013), elle a abouti à un constat de violation au sujet de questions similaires à celles qui font l’objet de la présente affaire.

60. Après examen de l’ensemble des éléments qui lui ont été soumis, la Cour ne décèle aucun fait ou argument propre à la convaincre de parvenir à une conclusion différente quant à la recevabilité et au bien-fondé du grief en question. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, elle estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et qu’elle n’a pas répondu à l’exigence du « délai raisonnable ».

61. Il s’ensuit que ce grief est recevable et qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

III. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES

62. Sur le terrain de l’article 6 §§ 1 et 3 de la Convention, le requérant se plaint de ne pas avoir été entendu par les juridictions de première et deuxième instance. Il reproche aussi à la juridiction de première instance d’avoir décidé la requalification juridique des faits sans lui avoir donné la possibilité d’exposer ses arguments à cet égard. De plus, sous l’angle de l’article 5 § 3 de la Convention, il dénonce son placement en détention en ce qu’il n’aurait pas été décidé par un « magistrat habilité par la loi », mais par un procureur. Enfin, il critique sa détention, qui selon lui n’était aucunement justifiée et motivée par rapport aux dispositions légales ou aux pièces du dossier.

63. Rappelant qu’elle a pour tâche de rechercher si une procédure envisagée dans son ensemble a revêtu un caractère « équitable » au sens de l’article 6 § 1 de la Convention (voir, par exemple, Al-Khawaja et Tahery, précité, § 118), et après avoir constaté une violation de l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention (paragraphe 54 ci-dessus), la Cour estime qu’il n’y a pas lieu d’examiner séparément la recevabilité et le
bien-fondé du restant des griefs tirés de l’article 6 §§ 1 et 3 de la Convention.

64. S’agissant des griefs tirés de l’article 5 de la Convention, la Cour note que la détention du requérant a pris fin le 12 avril 2000 (paragraphe 9 ci-dessus), alors que la présente requête a été introduite le 9 novembre 2010, soit plus de six mois après. Il s’ensuit que ces griefs sont tardifs et doivent être rejetés en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

65. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

66. Au titre du préjudice matériel qu’il dit avoir subi, le requérant réclame 30 000 euros (EUR) en raison de l’irrégularité alléguée de son placement en détention provisoire. En outre, au titre du préjudice moral qu’il estime avoir subi, il demande 10 000 EUR en raison de l’absence alléguée de procès équitable et 5 000 EUR en raison de la durée de la procédure pénale engagée à son encontre, soit la somme totale de 15 000 EUR.

67. Le Gouvernement considère que le montant réclamé par le requérant pour dommage matériel n’a aucun lien avec l’objet de la présente affaire. Pour ce qui est du dommage moral, il soutient qu’un constat de violation constituerait une satisfaction équitable en l’espèce et qu’en tout état de cause le montant sollicité est excessif par rapport à la jurisprudence de la Cour en la matière.

68. La Cour n’aperçoit aucun lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué par le requérant. Elle relève que, en l’espèce, le seul fondement à retenir pour l’octroi d’une satisfaction équitable réside dans le fait que le requérant n’a pas bénéficié d’un procès équitable et d’une procédure menée dans un délai raisonnable par les juridictions nationales. Elle ne saurait certes spéculer sur ce qu’aurait été l’issue du procès si l’article 6 de la Convention avait été respecté, mais estime qu’il n’est pas déraisonnable de penser que l’intéressé a subi une perte de chance réelle dans ledit procès (Pélissier et Sassi, précité, § 80).

69. La Cour est d’avis que le requérant a subi un dommage moral certain, qui ne se trouve pas suffisamment réparé par le constat de violation de l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention. Statuant en équité, elle considère qu’il y a lieu de lui octroyer 3 000 EUR.

70. En outre, la Cour rappelle que, lorsqu’un particulier, à l’instar du requérant en l’espèce, a été condamné à l’issue d’une procédure entachée de manquements aux exigences de l’article 6 de la Convention, un nouveau procès ou une réouverture de la procédure à la demande de l’intéressé représente en principe un moyen approprié de remédier à la violation constatée (Gençel c. Turquie, no 53431/99, § 27, 23 octobre 2003, et Tahir Duran c. Turquie, no 40997/98, § 23, 29 janvier 2004). À cet égard, la Cour note que l’article 465 du nouveau code de procédure pénale, entré en vigueur le 1er février 2014, permet la révision d’un procès sur le plan interne lorsqu’elle a constaté la violation des droits et libertés fondamentaux d’un requérant (Moinescu c. Roumanie, no 16903/12, § 48, 15 septembre 2015).

B. Frais et dépens

71. À l’occasion de l’envoi de ses observations sur la recevabilité et sur le bien-fondé de l’affaire, le 3 décembre 2013, le requérant a précisé que les frais engagés pour sa représentation devant la Cour jusqu’à cette date n’étaient pas d’un montant considérable et que, dès lors, il ne sollicitait pas le remboursement de ces frais. Il a toutefois mentionné que, si le déroulement ultérieur de la procédure devant la Cour engendrait de nouveaux frais, il formulerait une demande de remboursement à ce titre. À la suite de la production par le Gouvernement de nouveaux renseignements, le requérant a été invité à transmettre des observations complémentaires. Par une lettre reçue par le greffe de la Cour le 10 août 2016, l’intéressé a transmis ses observations complémentaires ainsi qu’une demande de remboursement des honoraires d’avocat s’élevant à 3 690 EUR. À l’appui de cette demande, il a fourni une facture de ce montant, émise par son avocate le représentant devant la Cour, correspondant à la prise en charge du dossier, à des discussions avec lui, à des recherches documentaires, à la correspondance avec la Cour et à l’envoi des observations écrites.

72. Le Gouvernement considère que la somme réclamée n’est ni étayée ni justifiée. Il fait observer que le requérant avait initialement indiqué que les frais engagés pour la procédure devant la Cour n’étaient pas d’un montant considérable, et il ajoute que l’avocate du requérant n’a pas produit un récapitulatif des heures de travail prestées.

73. Compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable la somme de 3 690 EUR pour la procédure devant elle et l’accorde au requérant.

C. Intérêts moratoires

74. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés de l’absence d’audition de I.R. par les juridictions nationales et de la durée de la procédure pénale engagée contre le requérant, et irrecevable s’agissant des griefs tirés de l’article 5 de la Convention ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention, à raison du défaut d’audition de I.R. par les juridictions nationales ;

3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention, à raison de la durée de la procédure pénale engagée contre le requérant ;

4. Dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner la recevabilité et le bien-fondé du restant des griefs tirés de l’article 6 §§1 et 3 de la Convention ;

5. Dit

a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur, au taux applicable à la date du règlement :

i. 3 000 EUR (trois mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

ii. 3 690 EUR (trois mille six cent quatre-vingt-dix euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant, pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

6. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 27 juin 2017, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Marialena TsirliGanna Yudkivska
GreffièrePrésidente


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