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20/03/2018 | CEDH | N°001-181831

CEDH | CEDH, AFFAIRE TKACHENKO c. RUSSIE, 2018, 001-181831


TROISIÈME SECTION

AFFAIRE TKACHENKO c. RUSSIE

(Requête no 28046/05)

ARRÊT

Cet arrêt a été révisé en conformité avec l’article 80 du règlement de la Cour dans un arrêt du 10 novembre 2020

STRASBOURG

20 mars 2018

DÉFINITIF

20/06/2018

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Tkachenko c. Russie,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :<

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Helena Jäderblom, présidente,
Branko Lubarda,
Helen Keller,
Dmitry Dedov,
Pere Pastor Vilanova,
Georgios A. Serghides,
Jolien Schukking,...

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE TKACHENKO c. RUSSIE

(Requête no 28046/05)

ARRÊT

Cet arrêt a été révisé en conformité avec l’article 80 du règlement de la Cour dans un arrêt du 10 novembre 2020

STRASBOURG

20 mars 2018

DÉFINITIF

20/06/2018

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Tkachenko c. Russie,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Helena Jäderblom, présidente,
Branko Lubarda,
Helen Keller,
Dmitry Dedov,
Pere Pastor Vilanova,
Georgios A. Serghides,
Jolien Schukking, juges,
et de Stephen Phillips, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 20 février 2018,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 28046/05) dirigée contre la Fédération de Russie et dont quatre ressortissants de cet État, M. Mikhail Aleksandrovich Tkachenko (« le premier requérant »), Mme Nina Nikolayevna Tkachenko (la deuxième requérante »), M. Aleksandr Mikhaylovich Tkachenko (« le troisième requérant ») et Mme Nataliya Mikhaylovna Tkachenko (« la quatrième requérante »), ont saisi la Cour le 14 juillet 2005 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. La deuxième requérante est décédée le 5 avril 2011. Le 18 avril 2011, les trois autres requérants ont exprimé le souhait de poursuivre l’instance au nom de cette dernière devant la Cour.

3. Les requérants ont été représentés par Me V. Orlov, avocat à Rostov‑sur-le-Don. Le gouvernement russe (« le Gouvernement ») a été représenté initialement par M. G. Matiouchkine, ancien représentant de la Fédération de Russie auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, puis par son représentant actuel, M. M. Galperine.

4. Les requérants alléguaient en particulier avoir été arbitrairement privés de leur propriété immobilière.

5. Le 5 juillet 2010, la requête a été communiquée au Gouvernement.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

6. Les requérants sont nés respectivement en 1964, en 1966, en 1985 et en 1989. Ils résidaient, y compris la deuxième requérante jusqu’à son décès, à Aksaï, région de Rostov-sur-le-Don. Le premier requérant et la deuxième requérante étaient ex-époux et le troisième requérant et la quatrième requérante sont leurs enfants.

A. La genèse de l’affaire

7. En 1999, la société A. céda aux requérants, par la voie de la privatisation, la moitié d’une maison, à savoir deux pièces, située au centre‑ville d’Aksaï. Le terrain sur lequel était sise la maison ainsi qu’une parcelle adjacente à celui-ci étaient propriété municipale, et il apparaît que les autorités locales les avaient loués à la société A. Les requérants habitaient leur partie de la maison et se servaient de la parcelle adjacente. L’autre moitié de la maison était occupée par d’autres personnes.

8. Le 21 août 2003, le chef de l’administration du district d’Aksaï adopta l’arrêté no 999 relatif à la reprise (об изъятии) d’un terrain comprenant le terrain sur lequel était sise la maison des requérants et conférant à un entrepreneur individuel, K., un bail dudit terrain aux fins de la construction d’un immeuble multi-habitation (« l’arrêté no 999 »). Les parties pertinentes en l’espèce de l’arrêté se lisaient comme suit :

« Conformément aux dispositions des codes civil et foncier (...), ainsi que dans le but de la reconstruction de la partie centrale de la ville d’Aksaï, compte tenu du plan général d’urbanisme, ORDONNE : de reprendre (изъять) le terrain auprès de la société [A.], de louer [ce terrain] à l’entrepreneur individuel [K.] pour 3 ans afin d’y édifier une maison d’habitation et des bureaux (...). Il incombe à l’entrepreneur individuel [K.] (...) d’expulser (отселить) les habitants des maisons à démolir et de les reloger conformément à l’article 92 du code de l’habitation de la [République socialiste fédérative soviétique de Russie (RSFSR)] (...) »

B. Le litige relatif à l’expulsion des requérants

9. Invoquant l’arrêté no 999 et l’article 49.3 du code de l’habitation de la RSFSR (« l’ancien code de l’habitation », voir la partie « Le droit interne pertinent » ci-dessous) en juin 2004, K. assigna les requérants en justice. Il réclamait leur expulsion afin de commencer la construction de l’immeuble multi-habitation et demandait à leur donner en échange une maison et une parcelle de terrain qu’il avait achetées pour eux dans la banlieue d’Aksaï.

10. Lors du procès devant le tribunal du district d’Aksaï (« le tribunal »), les requérants exprimèrent leur refus de visiter la maison dans laquelle K. souhaitait les reloger et arguèrent que personne ne pouvait les contraindre à quitter la maison dont ils étaient copropriétaires.

11. Le 29 juin 2004, le tribunal, se référant à l’arrêté no 999 et à l’article 49.3 de l’ancien code de l’habitation, accueillit l’action de K. Il estima que la maison proposée était plus grande, mieux équipée et qu’elle présentait globalement de meilleures caractéristiques que celle qui devait être démolie.

12. Les requérants firent appel du jugement. Ils soutenaient en particulier que nul ne pouvait les contraindre à céder leur propriété à un tiers, que le tribunal n’avait invoqué aucune disposition légale pour justifier cette cession forcée et que K. était un particulier et non une autorité publique, ce qui excluait, selon eux, l’application de l’ancien code de l’habitation.

13. Le 28 juillet 2004, la cour régionale de Rostov-sur-le-Don annula le jugement en appel et renvoya l’affaire pour réexamen en première instance.

14. Le 16 décembre 2004, après réexamen, le tribunal accueillit l’action de K. et ordonna de mettre fin au droit de propriété des requérants sur leur partie de la maison, de les en expulser et de leur conférer la propriété de la maison achetée par K. à leur intention. Le tribunal considéra que le terrain sur lequel était sise la maison des requérants appartenait à la municipalité et que seule cette dernière pouvait en disposer (распоряжаться). Il estima que la décision du chef de l’administration locale de « reprendre » le terrain était légitime car l’arrêté no 999 avait été adopté dans les limites de ses pouvoirs. Se référant à l’article 239 du code civil (voir la partie « Le droit interne pertinent » ci-dessous), le tribunal conclut que « la partie demanderesse a[vait] fourni assez de preuves de l’impossibilité de se servir du terrain [pour y construire un immeuble multi-habitation] sans démolir la maison [des requérants] ». Il cita également les articles 49.3, 90-92 et 96 de l’ancien code de l’habitation.

15. Les requérants firent appel du jugement. Ils arguaient en particulier que l’article 239 du code civil renvoyait aux articles 279-282 du même code, et que ces dispositions imposaient une procédure d’expropriation pour les besoins de la municipalité et impliquaient la saisie de la justice par une autorité publique et non par une personne privée. Ils soutenaient également que l’arrêté no 999 était contraire à la loi et qu’il ne pouvait pas constituer un fondement pour les priver de leur propriété.

16. Le 26 janvier 2005, la cour régionale confirma le jugement en appel. Elle approuva la conclusion du tribunal selon laquelle l’arrêté no 999 avait été adopté dans les limites des pouvoirs du chef de l’administration, ainsi que les références du tribunal aux dispositions du code de l’habitation. Elle ne répondit pas au moyen des requérants tiré de la non-application par les autorités de la procédure d’expropriation.

17. Le 3 mars 2005, les huissiers expulsèrent les requérants de leur maison et les installèrent dans le nouveau logement. La maison fut démolie le même jour et un immeuble de dix étages fut ultérieurement édifié à la place.

18. Les requérants n’enregistrèrent pas leur droit de propriété sur la maison dans laquelle ils avaient été relogés et sur le terrain adjacent à celle‑ci.

II. LE DROIT INTERNE PERTINENT

A. Sur l’expropriation des immeubles et sur le relogement des habitants

1. Les dispositions relatives à l’expropriation

19. Selon l’article 235 du code civil, le droit de propriété s’éteint dans les cas d’aliénation du bien par le propriétaire, de désistement du propriétaire, de destruction ou de disparition du bien, ainsi que dans les autres cas prévus par la loi. La cession forcée (принудительное изъятие) d’un bien est interdite, sauf dans certains cas prévus par la loi. L’une des exceptions visées par le paragraphe 2, alinéa 3 de l’article 235 du code civil était, à l’époque des faits, l’aliénation d’un immeuble entraînée par l’expropriation du terrain sur lequel l’immeuble était situé. Cet alinéa 3 renvoyait à l’article 239 du même code.

20. Selon l’article 239 du code civil dans sa rédaction à l’époque des faits, dans les cas où l’expropriation (littéralement, « reprise » ou « soustraction » (изъятие)) d’un terrain pour les besoins de l’État ou de la municipalité était impossible sans mettre fin au droit de propriété sur les immeubles qui y étaient situés, l’État expropriait ces immeubles par la voie du rachat (выкуп), selon les modalités prévues par les articles 279-281 du même code. La demande d’expropriation ne pouvait pas être accueillie si l’autorité étatique ou municipale ayant saisi la justice ne prouvait pas que l’usage du terrain aux fins desquelles il était exproprié ne pouvait pas s’effectuer sans mettre fin au droit de propriété sur les immeubles qui y étaient sis.

21. Selon l’article 279 du code civil dans sa rédaction à l’époque des faits, un terrain pouvait être exproprié pour les besoins l’État ou de la municipalité par la voie du rachat. En fonction du bénéficiaire de l’expropriation, c’était l’État, une région ou une collectivité locale qui procédait au rachat. Par ailleurs, l’article 11 du code foncier en vigueur à l’époque des faits donnait compétence aux autorités publiques locales pour exproprier, y compris par la voie du rachat, les terrains pour les besoins municipaux et pour définir les règles de l’usage des terrains et de la construction dans les villes et villages. En outre, l’article 83 § 3 du code foncier, en vigueur jusqu’en 2007, prévoyait que les terrains situés dans les villes et villages pouvaient être expropriés pour les besoins de l’État ou de la municipalité, conformément aux plans généraux d’urbanisme.

22. Toujours selon l’article 279 du code civil, jusqu’en 2007, la décision d’expropriation pouvait être prise uniquement par une autorité exécutive fédérale ou régionale. Cependant, l’article 63 § 2 du code foncier autorisait les autorités locales à prendre elles aussi des décisions d’expropriation.

23. L’article 279 du code civil prévoyait également que le propriétaire devait être informé par écrit de l’expropriation à venir au moins un an à l’avance. En outre, la décision d’expropriation devait faire l’objet d’un enregistrement au registre unifié des droits immobiliers et le propriétaire exproprié devait également en être informé.

24. L’article 281 du code civil, dans sa rédaction à l’époque des faits, prévoyait la conclusion d’une convention de rachat (соглашение о выкупе) incluant l’engagement de l’État, de la région ou de la collectivité locale de payer à la personne expropriée une indemnité d’expropriation (выкупная цена). Cette indemnité comprenait la valeur vénale du terrain et des immeubles y situés, ainsi que les dommages matériels supportés par la personne expropriée. Selon l’article 282 du même code, si le propriétaire s’opposait à la décision d’expropriation ou n’acceptait pas les termes de la convention de rachat, l’autorité publique ayant pris la décision d’expropriation pouvait saisir la justice d’une demande de rachat forcé. Cette demande en justice pouvait être formée dans le délai de deux ans à compter de la notification au propriétaire de la décision d’expropriation.

25. Les autres dispositions pertinentes en l’espèce du code foncier et du code de la construction de 1998, en vigueur à l’époque des faits, sont exposées dans l’arrêt Volchkova et Mironov c. Russie, (nos 45668/05 et 2292/06, §§ 54-57, 59-61 et 63-64, 28 mars 2017).

2. Les dispositions relatives au relogement des habitants

26. L’ancien code de l’habitation était en vigueur jusqu’au 1er mars 2005.

27. Les articles 90 à 92 de ce code régissaient l’expulsion des habitants des immeubles qui n’étaient pas propriétaires de ceux-ci. L’article 96 définissait certains critères auxquels devaient satisfaire les logements de remplacement.

28. Selon les articles 49.3 et 137 de ce code, dans leur version en vigueur à l’époque des faits, lorsqu’une habitation devait être démolie dans les cas prévus par la loi, les propriétaires expulsés à cette occasion recevaient soit un logement équivalent dont ils devenaient propriétaires, soit une indemnité correspondant à la valeur de leur part dans l’immeuble concerné.

B. Sur la contestation en justice des actes des autorités publiques

29. Les dispositions pertinentes pour la présente affaire du chapitre 25 du code de procédure civile en vigueur à l’époque des faits, relatives à la procédure de contestation des actes et des omissions des autorités publiques, sont exposées dans l’arrêt Koryak c. Russie (no 24677/10, §§ 87-88, 13 novembre 2012). Selon ces dispositions, le délai pour saisir la justice d’une telle contestation était de trois mois.

EN DROIT

I. QUESTION PRÉLIMINAIRE

30. À la suite du décès de la deuxième requérante, les trois autres requérants ont exprimé le souhait de poursuivre la procédure en son nom (paragraphe 2 ci-dessus). Le Gouvernement n’a pas présenté d’observations sur ce point.

31. La Cour rappelle que, dans les cas où le requérant décède après l’introduction de la requête, elle autorise normalement les proches de l’intéressé à poursuivre la procédure, à condition qu’ils aient un intérêt légitime à le faire (voir, par exemple, Murray c. Pays-Bas [GC], no 10511/10, § 79, CEDH 2016, et les affaires qui y sont citées). Eu égard à l’objet de la requête et à l’ensemble des éléments dont elle dispose, la Cour estime que, en l’espèce, le premier requérant – l’époux de la requérante –ainsi que le troisième requérant et la quatrième requérante ‑ les enfants de la deuxième requérante ‑ ont un intérêt légitime au maintien de la requête et, de ce fait, qualité pour agir au titre de l’article 34 de la Convention.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1 À LA CONVENTION

32. Les requérants allèguent que leur expulsion et la démolition de leur logement s’analysent en une privation arbitraire de leur propriété et ce, selon eux, en violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, dont la partie pertinente en l’espèce est ainsi libellée :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. »

A. Sur la recevabilité

1. Épuisement des voies de recours internes

33. Le Gouvernement fait observer que les requérants n’ont pas épuisé les voies de recours internes en ce qu’ils ont omis de former un recours en justice contre l’arrêté no 999 dans un délai de trois mois à compter du moment où ils en ont appris l’existence. Selon lui, toutes les questions relatives à la légalité et à la nécessité de l’ingérence dans le droit des requérants au respect de leurs biens auraient dû être examinées dans le cadre d’un tel recours.

34. Les requérants contestent cette thèse. Ils estiment que l’arrêté du chef de l’administration locale était manifestement illégal et que les juridictions ayant statué dans leur litige étaient compétentes pour déclarer cet arrêté contraire à la loi, même sans demande expresse de leur part en ce sens.

35. La Cour rappelle que les requérants sont uniquement tenus d’épuiser les voies de recours internes qui sont accessibles, susceptibles de leur offrir le redressement de leurs griefs et présentent des perspectives raisonnables de succès (voir, parmi beaucoup d’autres, Paksas c. Lituanie [GC], no 34932/04, § 75, CEDH 2011 (extraits)). En outre, lorsqu’une voie de recours a été utilisée, l’usage d’une autre voie dont le but est pratiquement le même n’est pas exigé (voir, par exemple, Kozacıoğlu c. Turquie [GC], no 2334/03, § 40, 19 février 2009).

36. En l’espèce, la Cour relève tout d’abord que l’arrêté no 999 ne constituait pas une décision d’expropriation de l’immeuble des requérants, mais qu’il concernait la « reprise » à une société-locataire du terrain municipal sur lequel était situé le bien immobilier des requérants et la mise en location dudit terrain à une autre personne. Elle observe que la portée de l’arrêté précité a ainsi été limitée. Elle relève que les requérants ont néanmoins tenté de faire annuler l’arrêté du chef de l’administration locale dans le cadre de leur litige et que les juridictions internes ont examiné ce moyen sur le fond (paragraphes 14-16 ci-dessus). Elle considère que, dans ces conditions, les requérants n’étaient pas tenus d’exercer un recours séparé contre l’arrêté no 999 dans le même but. Par conséquent, elle rejette l’exception du Gouvernement tirée du non-épuisement des voies de recours internes.

2. Compatibilité ratione personae

37. Le Gouvernement soutient que le grief est irrecevable ratione personae au motif que le procès dont se plaignent les requérants les opposait à un particulier et non à une autorité publique.

38. Les requérants contestent cette thèse. Ils arguent que non seulement le jugement ordonnant leur expulsion était l’expression de l’autorité judiciaire et donc de la volonté de l’État mais, surtout, que ce jugement était fondé sur l’arrêté du chef de l’administration locale, une autorité publique, K. étant chargé de l’exécution de celui-ci.

39. La Cour rappelle qu’elle n’est pas appelée, en principe, à régler des différends purement privés et que le fait pour l’État, par le biais de son système judiciaire, de fournir un cadre pour l’appréciation des droits et obligations du requérant n’engage pas automatiquement sa responsabilité au regard de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention (voir, parmi d’autres, Vulakh et autres c. Russie, no 33468/03, § 44, 10 janvier 2012). En l’espèce, elle estime que l’objection du Gouvernement suppose de déterminer l’existence d’une ingérence dans le droit des requérants au respect de leurs biens. Cette question étant intrinsèquement liée au fond du grief, la Cour décide de joindre l’exception du Gouvernement au fond.

3. Conclusion

40. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

B. Sur le fond

1. Les arguments des parties

a) Le Gouvernement

41. Le Gouvernement admet que la privation des requérants de leur bien et leur relogement a constitué une ingérence dans leur droit au respect de leurs biens. Il considère toutefois que la mesure prise à leur encontre était conforme aux exigences de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention.

42. Le Gouvernement estime que l’ingérence était prévue par la loi. Reconnaissant que l’article 92 de l’ancien code de l’habitation n’était pas applicable en l’espèce, il se réfère aux articles 49.3 et 137 de ce code, relatifs au relogement des propriétaires d’une maison à démolir. Il estime que l’injonction faite à K. de reloger les habitants des maisons à démolir était conforme à l’article 49.3 de l’ancien code de l’habitation et, plus généralement, au principe constitutionnel de l’indemnisation préalable et juste. Par ailleurs, il cite l’article 239 du code civil relatif à l’expropriation des immeubles pour les besoins de la municipalité ou de l’État ainsi qu’aux articles 11 et 83 § 3 du code foncier, en vigueur à l’époque des faits, donnant compétence aux autorités locales pour exproprier les immeubles pour les besoins municipaux (paragraphes 20-21 ci-dessus). Il soutient en même temps qu’aucune disposition de droit russe n’imposait aux autorités publiques elles-mêmes de fournir une indemnisation aux personnes expropriées. Il allègue enfin que les juridictions internes ont contrôlé la légalité de la privation de la propriété des requérants et que leurs conclusions n’ont pas été déraisonnables.

43. Par ailleurs, le Gouvernement considère que la mesure poursuivait un but d’utilité publique, à savoir la reconstruction d’une partie de la ville conformément au plan général d’urbanisme. Se référant à l’arrêt James et autres c. Royaume-Uni (21 février 1986, série A no 98), il argue que l’État dispose d’une grande marge d’appréciation pour déterminer ce qui est d’utilité publique. Selon lui, le fait que, d’une part, le terrain où était située la maison des requérants a été loué à un entrepreneur et que, d’autre part, l’immeuble multi-habitation édifié à la place et abritant plus de 50 familles ne soit pas un logement social n’est pas de nature à priver l’ingérence d’un but d’utilité publique.

44. Enfin, le Gouvernement argue que l’ingérence a été proportionnée et qu’elle n’a non seulement pas imposé une charge excessive aux requérants, mais qu’elle leur a été profitable. Comparant les caractéristiques de l’ancienne et de la nouvelle maison, il estime que cette dernière, bien qu’elle se situe dans la banlieue de la ville, est plus grande et a plus de valeur que la première. Le Gouvernement estime que, si la procédure d’expropriation prévue par le code civil avait été appliquée, les requérants n’auraient pas pu bénéficier d’un logement d’une telle qualité. Il ajoute que l’absence d’enregistrement du droit de propriété des requérants sur ledit logement ne tient qu’à la propre réticence des intéressés.

b) Les requérants

45. Les requérants estiment que l’ingérence a été opérée en violation de la loi et qu’elle a été arbitraire. Ils soutiennent qu’aucune disposition légale n’autorise un entrepreneur privé à les contraindre de lui céder leur propriété immobilière et ils reprochent aux autorités locales de ne pas avoir utilisé la procédure d’expropriation. Ils estiment par ailleurs que les articles 90-92 et 96 de l’ancien code de l’habitation ne devaient pas s’appliquer car ceux-ci régissaient le relogement des habitants non propriétaires.

46. Les requérants contestent également l’existence d’un but d’utilité publique de la mesure. À leurs yeux, K., bien qu’il se soit fondé sur l’arrêté du chef de l’administration locale, n’a pas agi dans l’intérêt de la collectivité locale mais a poursuivi ses propres intérêts privés ou commerciaux. Les requérants arguent en outre que les appartements de l’immeuble multi‑habitation édifié à la place de leur maison démolie ne sont pas des logements sociaux.

47. Dans leurs observations, les requérants se plaignent enfin que l’indemnisation pour la privation de leur propriété n’a été ni préalable ni équitable. D’une part, la maison où ils ont été relogés ne remplirait pas les critères d’un logement décent et serait éloignée des écoles, des hôpitaux et des parcs récréatifs. D’autre part, les requérants indiquent ne pas avoir enregistré leur droit de propriété sur l’immeuble et le terrain en cause et, en l’absence d’un tel enregistrement, ils ne considèrent pas cette maison comme une indemnité.

2. L’appréciation de la Cour

a) Sur l’existence et la nature de l’ingérence

48. En l’espèce, nul ne conteste que la partie de la maison dont les requérants étaient copropriétaires s’analyse en un « bien » au sens de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention.

49. La Cour constate que K., un entrepreneur individuel, a formé une action en justice contre les requérants et qu’il se fondait pour ce faire sur l’arrêté du chef de l’administration locale lui louant un terrain dans le but de reconstruire une partie de la ville selon le plan général d’urbanisme. À l’issue de ce litige, les juridictions internes, sur le fondement de l’article 239 du code civil relatif à l’expropriation, ont mis fin au droit de propriété des requérants sur leur bien. La Cour en conclut que les requérants ont été privés de leur bien immobilier, au sens de la seconde phrase de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, par les autorités publiques locales agissant par l’intermédiaire d’un particulier. Elle rejette ainsi l’exception du Gouvernement tirée de l’irrecevabilité du grief du fait de la nature privée du contentieux dénoncé par les requérants.

50. La Cour doit rechercher si l’ingérence se justifie sous l’angle de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention. Pour être compatible avec cette disposition, une ingérence doit remplir trois conditions: elle doit être effectuée « dans les conditions prévues par la loi », « pour cause d’utilité publique » et dans le respect d’un juste équilibre entre les droits du propriétaire et les intérêts de la communauté.

b) Sur le respect du principe de légalité

51. La Cour rappelle que l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention exige, avant tout et surtout, qu’une ingérence de l’autorité publique dans la jouissance du droit au respect des biens soit légale. La prééminence du droit, l’un des principes fondamentaux d’une société démocratique, est une notion inhérente à l’ensemble des articles de la Convention (Vistiņš et Perepjolkins c. Lettonie [GC], no 71243/01, §§ 94-95, 25 octobre 2012). Il en découle que la nécessité d’examiner la question du juste équilibre « ne peut se faire sentir que lorsqu’il s’est avéré que l’ingérence litigieuse a respecté le principe de légalité et n’était pas arbitraire » (Guiso-Gallisay c. Italie, no 58858/00, § 80, 8 décembre 2005, avec les références qui y sont citées). L’expression « dans les conditions prévues par la loi » présuppose l’existence et le respect de normes de droit interne suffisamment accessibles et précises (Lithgow et autres c. Royaume-Uni, 8 juillet 1986, § 110, série A no 102) et offrant des garanties contre l’arbitraire (Vistiņš et Perepjolkins, précité, § 95).

52. La Cour a déjà eu l’occasion de dire qu’une ingérence effectuée en violation des dispositions internes ne satisfaisait pas au critère de la « légalité » (voir, par exemple, East West Alliance Limited c. Ukraine, no 19336/04, §§ 179-181 et 195, 23 janvier 2014). Cependant, toute irrégularité procédurale n’est pas de nature à rendre l’ingérence incompatible avec l’exigence de « légalité » (Ukraine-Tioumen c. Ukraine, no 22603/02, § 52, 22 novembre 2007). La Cour rappelle à cet égard qu’elle dispose d’une compétence limitée s’agissant de vérifier si le droit national a été correctement interprété et appliqué ; il ne lui appartient pas de se substituer aux tribunaux nationaux, son rôle consistant surtout à s’assurer que les décisions de ces derniers ne sont pas entachées d’arbitraire ou d’irrationalité manifeste (voir, parmi beaucoup d’autres, Kushoglu c. Bulgarie, no 48191/99, § 50, 10 mai 2007).

53. En l’espèce, les requérants étaient copropriétaires d’une moitié de la maison. Comme la Cour l’a déjà constaté au paragraphe 49 ci-dessus, ils en ont été privés dans le contexte de la reconstruction d’une partie de la ville selon le plan général d’urbanisme. La Cour considère que, dans ces circonstances, l’ingérence ne peut s’analyser qu’en une expropriation pour les besoins de la municipalité, au sens des articles 11 et 83 § 3 du code foncier et de l’article 239 du code civil (paragraphes 20-21 ci-dessus).

54. La Cour relève que les dispositions du code civil relatives à l’expropriation prévoyaient une procédure en plusieurs étapes : 1) l’autorité publique compétente prend la décision d’expropriation et en informe le propriétaire de l’immeuble au moins un an avant la mise en œuvre du rachat ; 2) l’autorité publique fait enregistrer la décision d’expropriation au registre unifié des droits immobiliers et en informe le propriétaire ; 3) l’autorité publique prépare une convention de rachat du bien auprès du propriétaire ; 4) en cas de désaccord du propriétaire sur le principe de l’expropriation ou sur les termes de la convention de rachat, l’autorité publique peut former une action en justice dans un délai de deux ans à compter de la notification au propriétaire de la décision d’expropriation. Dans le cadre du contentieux de l’expropriation, la charge de preuve de la nécessité de mettre fin au droit de propriété sur l’immeuble concerné incombe à l’autorité publique.

55. La Cour considère que la procédure précitée était destinée à fournir aux propriétaires expropriés certaines garanties. Elle constate cependant que, dans la présente affaire, cette procédure n’a pas été respectée et que les requérants n’ont pas pu bénéficier de ces garanties légales. Par ailleurs, elle note que la cour régionale n’a pas répondu au moyen des requérants tiré de l’application obligatoire de la procédure d’expropriation (paragraphes 15-16 ci-dessus). En outre, le Gouvernement s’est borné à soutenir qu’aucune disposition légale n’obligeait les autorités publiques à procéder elles-mêmes au paiement de l’indemnité de rachat ou de reloger les habitants, et que, si la procédure d’expropriation avait été respectée, les requérants n’auraient pas obtenu une meilleure indemnisation (paragraphes 42 et 44 ci-dessus), mais il n’a fourni aucune explication quant au non-respect par les autorités de la procédure-même d’expropriation.

56. De l’avis de la Cour, il ne s’agissait pas de simples irrégularités procédurales (comparer, par exemple, dans un contexte similaire concernant une expropriation, avec Volchkova et Mironov, précité) mais d’une privation de propriété en méconnaissance totale de la procédure applicable.

57. Enfin, la Cour relève que, pour accueillir la demande en justice de l’entrepreneur privé de mettre fin au droit de propriété des requérants, le tribunal s’est référé à l’article 239 du code civil. Or cet article ne permettait de former une telle demande qu’à une autorité publique, à l’exclusion de toute autre personne.

Ces éléments suffisent à la Cour pour conclure que l’ingérence n’a pas été opérée selon les conditions prévues par la loi, au sens de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention. Cette conclusion rend superflu l’examen des autres exigences de cette disposition (voir, par exemple, Minasyan et Semerjyan c. Arménie, no 27651/05, § 76, 23 juin 2009).

58. Partant, il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

59. Répétant les mêmes arguments que ceux formulés sur le terrain de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, les requérants dénoncent une violation de leur droit au respect de leur domicile et invoquent à cet égard l’article 8 de la Convention, ainsi libellé :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

60. Le Gouvernement conteste cette thèse en s’appuyant sur les mêmes arguments sur la recevabilité et sur le fond que ceux formulés sous l’angle de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention.

61. La Cour relève que ce grief est lié à celui examiné ci-dessus et qu’il doit donc être aussi déclaré recevable.

62. Eu égard au constat relatif à l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention (paragraphe 58 ci-dessus), elle estime qu’il n’y a pas lieu d’examiner s’il y a eu, en l’espèce, violation de cette disposition (Volchkova et Mironov, précité, § 142, et les affaires qui y sont citées).

IV. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES

63. Les requérants dénoncent d’autres violations de l’article 8, ainsi que des violations des articles 3 et 6 § 1 de la Convention et de l’article 2 du Protocole no 4 à la Convention.

64. La Cour juge, à la lumière de l’ensemble des éléments dont elle dispose, que les faits dénoncés ne révèlent aucune apparence de violation des droits et libertés énoncés dans la Convention. Il s’ensuit que ces griefs sont manifestement mal fondés et qu’ils doivent être rejetés, au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention.

V. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

65. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

1. Les arguments des parties

66. Les requérants réclament 500 000 euros (EUR) chacun pour dommage moral. Ils exposent que le contentieux relatif à la privation de leur propriété ainsi que l’exécution du jugement du 16 décembre 2004 et, en particulier, leur installation forcée dans un nouveau logement qu’ils qualifient d’indécent leur ont causé d’intenses souffrances morales et une détérioration de la santé des deux requérantes.

67. Ils demandent également 500 000 EUR chacun pour dommage matériel. Indiquant que leur maison démolie se situait dans le centre-ville d’Aksaï, les requérants allèguent qu’ils auraient pu la vendre à un prix élevé et que sa « cession forcée » à K. a entraîné pour eux un manque à gagner. Pour justifier les montants demandés, les requérants mentionnent les prix affichés dans des annonces de vente de maisons d’une surface de 200 m2 et bénéficiant de terrains adjacents à Rostov-sur-le-Don et à Aksaï, publiées en décembre 2010.

68. Le Gouvernement n’a pas présenté de commentaires formels sur ces demandes mais a indiqué que les annonces de vente fournies par les requérants ne sont pas pertinentes car elles portent selon lui sur des biens significativement différents de l’ancienne maison des intéressés. Il semble suggérer que, afin de calculer l’indemnisation due aux requérants, il convient de prendre comme référence la valeur en 2004 d’une maison similaire à la maison dont ceux-ci ont été expulsés.

2. L’appréciation de la Cour

69. La Cour rappelle qu’un arrêt constatant une violation entraîne pour l’État défendeur l’obligation juridique au regard de la Convention de mettre un terme à la violation et d’en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci. Si la nature de la violation permet une restitutio in integrum, il incombe à l’État défendeur de la réaliser, la Cour n’ayant ni la compétence ni la possibilité pratique de l’accomplir elle-même. Si, en revanche, le droit national ne permet pas ou ne permet qu’imparfaitement d’effacer les conséquences de la violation, l’article 41 de la Convention habilite la Cour à accorder, s’il y a lieu, à la partie lésée la satisfaction qui lui semble appropriée (voir, parmi les arrêts récents, East West Alliance Limited, précité, §§ 245-246, avec les références qui y sont citées).

70. Toutefois, un calcul précis des sommes qu’il y aurait lieu d’accorder pour aboutir à une réparation intégrale relativement aux pertes matérielles subies par les requérants n’est pas toujours possible, par exemple, en raison de la destruction du bien ils ont été privés (Minasyan et Semerjyan c. Arménie (satisfaction équitable), no 27651/05, § 17, 7 juin 2011).

71. En l’espèce, le constat de violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention découle du fait que l’ingérence litigieuse ne satisfaisait pas à la condition de légalité. Dans ces conditions, il y a lieu d’accorder aux requérants une réparation. Or la maison des requérants a été démolie. Partant, ni la restitutio in integrum, ni un calcul précis de la valeur de ce bien ne sont plus possibles en raison de sa destruction.

72. La Cour indique ne pas pouvoir s’appuyer sur le calcul de l’indemnité pour le dommage matériel proposé par les requérants car celui-ci est fondé sur des données sans aucun rapport avec le bien dont ils ont été privés. Elle estime par ailleurs qu’il convient de tenir compte du fait que les intéressés ont obtenu un autre bien immobilier à la place de leur bien exproprié irrégulièrement. Or, celui-là se trouvant en banlieue ne représente pas une réparation équivalente pour leur bien exproprié situé au centre-ville. Sur le fondement de tous les éléments dont elle dispose, la Cour juge que ce montant est de 5 000 EUR, à allouer conjointement à l’ensemble des requérants au titre du dommage matériel.

73. Quant au dommage moral, la Cour considère que les requérants ont subi un préjudice moral du fait de la violation constatée. Statuant en équité, comme le veut l’article 41 de la Convention, elle décide d’allouer à chacun des requérants 5 000 EUR à ce titre.

B. Frais et dépens

74. Les requérants n’ont pas présenté de demande de remboursement de frais et dépens. Partant, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de leur octroyer de somme à ce titre.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés de l’article 8 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, et irrecevable pour le surplus ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention ;

3. Dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner le grief tiré de l’article 8 de la Convention ;

4. Dit

a) que l’État défendeur doit verser aux requérants, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur, au taux applicable à la date du règlement :

i. 5 000 EUR (cinq mille euros), conjointement à tous les requérants, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage matériel ;

ii. 5 000 EUR (cinq mille euros), à chacun des requérants, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 20 mars 2018, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Stephen PhillipsHelena Jäderblom
GreffierPrésidente


Synthèse
Formation : Cour (troisiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-181831
Date de la décision : 20/03/2018
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Violation de l'article 1 du Protocole n° 1 - Protection de la propriété (Article 1 al. 1 du Protocole n° 1 - Privation de propriété)

Parties
Demandeurs : TKACHENKO
Défendeurs : RUSSIE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : ORLOV V.

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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