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22/04/2014 | CEDH | N°001-142462

CEDH | CEDH, AFFAIRE TRIPADUS c. RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA, 2014, 001-142462


TROISIÈME SECTION

AFFAIRE TRIPĂDUŞ c. RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA

(Requête no 34382/07)

ARRÊT

STRASBOURG

22 avril 2014

DÉFINITIF

22/07/2014

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Tripăduș c. République de Moldova,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Josep Casadevall, président,
Alvina Gyulumyan,
Ján Šikuta,
Dragoljub P

opović,
Luis López Guerra,
Johannes Silvis,
Valeriu Griţco, juges,
et de Marialena Tsirli, greffière adjointe de section,

Après en avoir délibéré en...

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE TRIPĂDUŞ c. RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA

(Requête no 34382/07)

ARRÊT

STRASBOURG

22 avril 2014

DÉFINITIF

22/07/2014

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Tripăduș c. République de Moldova,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Josep Casadevall, président,
Alvina Gyulumyan,
Ján Šikuta,
Dragoljub Popović,
Luis López Guerra,
Johannes Silvis,
Valeriu Griţco, juges,
et de Marialena Tsirli, greffière adjointe de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 25 mars 2014,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 34382/07) dirigée contre la République de Moldova et dont un ressortissant de cet État, M. Anatolie Tripăduș (« le requérant »), a saisi la Cour le 7 août 2007 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant a été représenté par Mes V. Nicoară et G. Malic, avocats à Chișinău. Le gouvernement moldave (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. V. Grosu.

3. Devant la Cour, le requérant se plaint d’une violation des articles 3 et 5 §§ 1, 3 et 4 de la Convention.

4. Le 14 février 2008, la requête a été communiquée au Gouvernement.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Le requérant est né en 1957 et réside à Bălți.

A. Contexte de l’affaire

6. Le requérant était impliqué, avec O.I. et N.N., dans une série de transactions commerciales complexes ayant pour objet la construction par une société de bâtiment (« la société ») de dix-huit immeubles à Chișinău.

7. Le 29 mars 2004, S.F. et L.B. fondèrent une société dans laquelle ils détenaient des parts sociales égales. Ils fixèrent le capital social initial à 5 400 lei moldaves (MDL) (environ 320 euros, EUR). Le 17 décembre 2004, L.B. vendit à S.F. dix pour cent de ses parts et, le 11 février 2005, elle céda les quarante pour cent de parts qu’elle détenait encore à F.M., un citoyen allemand. Les transactions en question furent enregistrées auprès de la chambre d’enregistrement d’État.

8. Le 14 février 2006, N.N. engagea, au nom de F.M., une action contre S.F. aux fins d’obtenir l’exclusion de ce dernier des associés de la société au motif que, presque deux ans après la création de la société, S.F. n’aurait toujours pas versé le montant correspondant à ses parts.

9. Le 15 mars 2006, le tribunal de Bălți accueillit l’action de F.M. et ordonna l’exclusion de S.F. des associés de la société, F.M. en devenant ainsi l’unique associé. Le 31 mars 2006, le jugement acquit force de chose jugée. Le même jour, la chambre d’enregistrement d’État procéda aux modifications qui s’imposaient dans les documents statutaires de la société.

10. Le 31 mars 2006, F.M. vendit cinquante pour cent de ses parts sociales à deux particuliers. Le 1er avril 2006, un autre particulier, V.S., acheta, d’une part, les parts sociales de ces derniers et, d’autre part, vingt pour cent des parts sociales de F.M. Le 2 avril 2006, V.S. vendit toutes ses parts sociales à trois autres particuliers, représentés par O.I. À la même date, F.M. vendit dix pour cent de ses parts sociales à O.I.

11. Le 3 avril 2006, l’office territorial de Bălți de la chambre d’enregistrement d’État enregistra une augmentation de 3 024 000 EUR du capital social de la société. Cela correspondait à la valeur d’un projet de construction estimée à 3 024 358,80 EUR par un rapport d’audit daté du 9 décembre 2005.

12. À une date non spécifiée en 2006, S.F. interjeta appel du jugement du 15 mars 2006. Il demanda à la cour d’appel de Bălți de rayer l’affaire du rôle, soutenant que N.N. ne disposait pas des pouvoirs permettant d’engager une action au nom de F.M.

13. Par un arrêt du 30 mai 2006, la cour d’appel de Bălți rejeta l’appel et la demande de radiation du rôle. Elle mentionna toutefois que la première instance avait examiné l’affaire en l’absence de S.F. qui n’aurait pas été cité à comparaître en bonne et due forme.

S.F. forma un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel.

14. Par une décision du 11 juillet 2006, la Cour suprême de justice accueillit le pourvoi, infirma les décisions des deux instances inférieures et renvoya l’affaire.

15. Le 2 août 2006, la cour d’appel de Chișinău joignit à la procédure l’action reconventionnelle de S.F. dirigée contre F.M. et contre la chambre d’enregistrement d’État. L’action de S.F. tendait, d’une part, à l’annulation de tous les documents et écrits ayant mené à son exclusion des associés de la société et, d’autre part, à sa reconnaissance en tant qu’unique associé de cette dernière.

16. Le 22 septembre 2006, la cour d’appel de Chișinău rejeta l’action engagée par N.N. au nom de F.M. et accueillit intégralement celle introduite par S.F.

17. Par une décision définitive du 19 octobre 2006, la Cour suprême de justice confirma l’arrêt de la cour d’appel de Chișinău.

B. Ouverture de l’enquête pénale et détention initiale du requérant

18. Entre-temps, le 26 mai 2006, S.F. avait déposé une plainte pénale auprès du parquet général. Il y dénonçait son exclusion, illégale à ses yeux, des associés de la société et la dépossession de ses parts sociales par un groupe de personnes dont N.N.

19. Le 9 juin 2006, un agent du Centre pour la lutte contre la criminalité économique et la corruption (CLCEC) ordonna l’ouverture d’une enquête pénale concernant les allégations de S.F. L’agent du CLCEC se fondait sur les seules affirmations de ce dernier.

20. Le 3 mai 2007, le juge d’instruction M.D. du tribunal de Buiucani autorisa une perquisition au domicile du requérant à Bălți. Le 4 mai 2007, les autorités effectuèrent la perquisition et trouvèrent, entre autres, une copie du certificat d’enregistrement de la société.

21. Le 19 juin 2007 à 11 h 59, le requérant fut arrêté et placé en garde à vue dans les locaux du CLCEC. Le même jour, il fut examiné par un médecin légiste dont le rapport, dans ses parties pertinentes en l’espèce, se lit comme suit :

« Circonstances [relatées par le requérant] : le 19 juin 2007 à 11 h 30, alors qu’il se dirigeait vers son automobile, [le requérant] a été attaqué par des inconnus et a perdu connaissance pendant quelques instants.

[Maux exprimés par le requérant] : céphalée, vertiges, nausées, douleurs au niveau des articulations métacarpiennes des deux mains et au niveau des jambes.

Examen : sur la partie antéro-médiale du tiers moyen de la jambe gauche (...), une excoriation de forme ovale irrégulière, de couleur rougeâtre et d’une dimension de 1,5 cm sur 1,5 cm ; sur la partie antéro-latérale du tiers moyen de la jambe droite (...), une excoriation de forme ovale irrégulière, de couleur rougeâtre et d’une dimension de 0,8 cm sur 0,7 cm.

Conclusions : ... les excoriations sur les deux jambes ont été causées à la suite d’un choc contre un (des) objet(s) dur(s) (...) probablement au moment et dans les circonstances indiqués [par le requérant], et sont qualifiées de lésions corporelles sans préjudice pour la santé. »

22. Le 22 juin 2007, le procureur du parquet Anticorruption en charge de l’affaire demanda au tribunal de Buiucani de placer le requérant en détention provisoire. Il relevait, entre autres, que F.M., N.N. et O.I. avaient contribué à l’exclusion de S.F. des associés de la société et que, le 31 mars 2006, date à laquelle le jugement du tribunal de Bălți du 15 mars 2006 avait acquis force de chose jugée, F.M. avait demandé à la chambre d’enregistrement d’État d’exécuter d’urgence ce jugement. Il indiquait que cette demande avait été faite sans que S.F. en eût été informé et dans le but – de l’avis du procureur – d’effacer les traces de l’infraction. Faisant référence aux résultats des « mesures d’investigation » (măsuri operativ-investigative) selon lesquels F.M., N.N. et O.I. avaient exécuté les ordres du requérant dirigés contre S.F., il notait que, eu égard aux actes du requérant, l’infraction de détournement de biens d’autrui dans de très grandes proportions était caractérisée dans ses éléments constitutifs.

23. Les conseils du requérant plaidèrent en faveur de la remise en liberté de ce dernier invoquant, entre autres, l’absence de raisons plausibles de le soupçonner d’avoir commis l’infraction, la nécessité pour lui de continuer à travailler et l’absence d’entrave de sa part au déroulement de l’enquête pénale. Les avocats alléguaient en outre que, lors de l’arrestation du requérant, la force physique avait été employée d’une manière non justifiée et lui avait causé des lésions corporelles.

24. Le même jour, le juge d’instruction I.M. du tribunal de Buiucani ordonna le placement du requérant en détention provisoire pour une durée de dix jours à compter du 19 juin 2007, 11 h 59. Il motiva sa décision comme suit :

« (...) les éléments présentés par le procureur confirment l’existence de raisons plausibles de suspecter [le requérant] d’avoir commis l’infraction reprochée (...)

[le tribunal] prend en compte le caractère et le degré préjudiciable des faits reprochés (...), leur gravité, la nécessité de protéger l’ordre public, le choc stressant que pourrait provoquer dans la société la libération du suspect [compte tenu du montant qui aurait été détourné], [ainsi que] l’existence de risques de fuite, d’obstacle à l’établissement de la vérité dans l’affaire, de collusion entre coaccusés et de fabrication de preuves à décharge, résultant de la nature de l’infraction reprochée (...), de la personnalité du suspect et de sa conduite durant le procès pénal.

(...) A ce stade, le tribunal estime que les raisons invoquées par l’accusateur ont priorité et [que la détention du requérant] va contribuer au bon déroulement de la procédure pénale.

(...) [L]e tribunal (...) adopte une décision interlocutoire adressée au procureur en vue de vérifier les allégations du suspect selon lesquelles la force physique avait été employée lors de son arrestation (...) »

25. Le 25 juin 2007, le requérant forma un recours contre la décision du juge d’instruction. Il invoquait l’absence de raisons plausibles de le soupçonner d’avoir commis l’infraction et argüait, entre autres, que l’infraction qui lui était reprochée était de nature économique, qu’il souffrait d’une hépatite chronique C, qu’il avait un domicile fixe et un emploi stable, qu’il entretenait ses deux parents aveugles et qu’il n’avait pas d’antécédents pénaux.

26. À une date non précisée, les avocats du requérant déposèrent devant le parquet une demande de récusation du procureur en charge de l’affaire.

27. Le 26 juin 2007, un agent du CLCEC dressa un rapport dans lequel il consignait que le requérant n’avait pas de domicile fixe. Il notait que, selon une attestation délivrée par la mairie compétente, le requérant n’avait jamais habité à l’adresse de Chișinău mentionnée dans son acte d’identité.

28. Le même jour, le procureur en charge de l’affaire informa les avocats du requérant que le lendemain, à 14 heures, ce dernier allait être inculpé et que leur présence était nécessaire. Les avocats se rendirent au centre de détention aux date et heure indiquées, mais, selon le requérant, le procureur ne se présenta pas. À 15 heures, les avocats auraient demandé par écrit au CLCEC de les tenir informés, conformément à la loi, de la date et de l’heure de la prochaine mesure procédurale relative au requérant.

29. Par une ordonnance du 27 juin 2007, l’adjoint du procureur général rejeta comme mal fondée la demande de récusation déposée par les avocats du requérant.

30. Par une ordonnance du 28 juin 2007, le procureur en charge de l’affaire décida, en vue d’inculper le requérant, de remplacer ses avocats, qui avaient été choisis par ce dernier, par un avocat nommé d’office. Le procureur notait que les avocats en question ne s’étaient pas présentés devant lui les 27 et 28 juin 2007.

31. Le 28 juin 2007, le procureur, en présence d’un avocat commis d’office, inculpa le requérant des chefs de détournement de biens d’autrui et d’usage de faux. Concernant ce dernier chef, il relevait que la documentation technique relative au projet de construction précité (paragraphe 11 ci-dessus) avait été introduite sur le territoire de la République de Moldova assortie d’une procuration sur laquelle était apposée la signature falsifiée du directeur de la société. Il mentionnait de plus que les parts sociales que S.F. détenait au 1er janvier 2006 étaient évaluées à 20 165 034 MDL (environ 1 200 000 EUR). En raison de l’absence de ses avocats, le requérant refusa de signer l’acte d’inculpation. En outre, il déposa une plainte officielle demandant au parquet d’assurer leur présence.

32. Avant d’être conduit à l’audience devant la cour d’appel de Chișinău qui devait se prononcer sur son recours, le requérant fut examiné par un médecin du centre de détention du CLCEC. Dans son rapport, le médecin indiquait, entre autres, que le requérant, pendant la période comprise entre le 19 et le 28 juin 2007, s’était constamment plaint d’hypertension psycho-émotionnelle, qu’il faisait l’objet d’une surveillance médicale quotidienne, qu’il lui avait été administré des sédatifs et qu’il lui avait été permis de recevoir des médicaments de la part de ses proches. Il relevait également qu’une consultation avec un neurologue avait été proposée au requérant, mais que celui-ci l’avait refusée dans l’espoir d’être libéré après l’audience. Enfin, il notait que le requérant souffrait, entre autres, d’hypertension artérielle de deuxième degré mais qu’il n’y avait pas de contre-indication médicale à sa participation aux actes de procédure pénale.

33. Le 28 juin 2007, la cour d’appel de Chișinău rejeta le recours que le requérant avait formé contre la décision du 22 juin 2007. Faisant siennes les raisons retenues par le juge d’instruction du tribunal de Buiucani pour placer le requérant en détention provisoire, elle précisait que ce dernier risquait de s’enfuir par le territoire de la Transnistrie, ledit territoire échappant au contrôle des autorités de la République de Moldova. Elle indiquait enfin que le requérant pouvait être soigné dans l’hôpital pénitentiaire.

34. Après l’audience, le requérant perdit connaissance et fut conduit par ambulance dans un hôpital de Chișinău. Il fut placé dans l’unité de réanimation avec un diagnostic d’infarctus cérébral du système vertébro-basilaire, de syndrome bulbaire de degré modéré et de convulsions clonico-toniques. Dans l’attestation correspondante du 29 juin 2007, les médecins mentionnaient que le transport du requérant à ce moment-là présentait un risque « majeur ».

C. Première prolongation de la détention provisoire du requérant

35. Le 28 juin 2007 à 10 h 40, le procureur demanda au tribunal de Buiucani de prolonger de trente jours la détention provisoire du requérant. Il indiquait des motifs similaires à ceux sur lesquels il avait fondé sa demande initiale de placement en détention provisoire du requérant. Il ajoutait par ailleurs que celui-ci n’avait pas de domicile fixe et que la collecte des témoignages des personnes susceptibles d’avoir connaissance des circonstances de l’affaire était encore incomplète.

36. À l’audience du 29 juin 2007 devant le juge d’instruction, les avocats du requérant invitèrent le juge à rejeter la demande du procureur, alléguant, entre autres, que le requérant avait un domicile fixe et que la détention provisoire de l’intéressé avait expiré ce jour-là à 11 h 59.

37. Le 29 juin 2007 à 14 h 25, le juge d’instruction M.D. du tribunal de Buiucani prolongea de vingt jours la détention provisoire du requérant, soit jusqu’au 19 juillet 2007, 11 h 59. Faisant référence aux dispositions de l’article 186 § 3 du code de procédure pénale (CPP), il mentionnait que, dans des circonstances exceptionnelles, en fonction de la complexité de l’affaire, de la gravité de l’infraction et du risque de fuite de l’inculpé, la détention provisoire pouvait être prolongée. Il notait que les raisons initiales qui avaient justifié le placement en détention provisoire du requérant étaient toujours d’actualité. Quant à l’expiration du délai précédent de la détention provisoire du requérant, le juge relevait que l’audience avait commencé avant cette échéance et que la loi avait dès lors été respectée.

En raison de son hospitalisation, le requérant n’était pas présent à l’audience.

38. En cours d’audience, les avocats du requérant invitèrent le juge d’instruction à déclarer nul l’acte d’inculpation au motif que, lors de la notification de ce document à leur client, le procureur les auraient abusivement remplacés par un avocat nommé d’office et que les droits du requérant auraient ainsi été méconnus. Ils lui demandèrent également de déclarer nulle la demande de prolongation de la détention provisoire du requérant argüant que le procureur avait omis de la déposer devant le juge d’instruction au moins cinq jours avant l’expiration du délai précédent de la détention, comme le voulait l’article 186 § 6 du CPP.

39. Par une décision du 29 juin 2007, le juge d’instruction M.D. du tribunal de Buiucani rejeta les demandes susmentionnées des avocats du requérant. Il notait que l’ordonnance du procureur concernant le remplacement des avocats (paragraphe 30 ci-dessus) n’avait pas été contestée ni annulée. Pour ce qui est de la non-observation alléguée de l’article 186 § 6 du CPP, le juge relevait, faisant référence à un commentaire du CPP, que le délai de cinq jours correspondait seulement à un délai recommandé.

40. Le 2 juillet 2007, les avocats du requérant formèrent un recours contre la décision du juge d’instruction de maintenir l’intéressé en détention provisoire. Ils invoquaient à nouveau l’absence de raisons plausibles de soupçonner le requérant d’avoir commis l’infraction. Ils reprochaient également au procureur de n’avoir présenté aucune preuve concrète susceptible de justifier le maintien de leur client en détention, soutenant que les poursuites pénales avait été engagées le 9 juin 2006 et que jusqu’alors le requérant n’avait jamais entravé le bon déroulement de l’enquête. Ils notaient en outre que le requérant avait un domicile fixe et qu’une perquisition y avait été effectuée deux mois auparavant. Les avocats soulignaient enfin que le procureur avait déposé sa demande de prolongation de la détention provisoire du requérant seulement un jour avant l’expiration du délai précédent de détention et que le juge d’instruction avait rendu sa décision environ deux heures et demie après l’expiration de ce délai.

41. Le 6 juillet 2007, une commission médicale de l’hôpital où se trouvait le requérant délivra une attestation confirmant le diagnostic posé le 28 juin 2007 (paragraphe 34 ci-dessus). Les médecins notaient que l’état de santé du plaignant était stable, qu’il recevait des soins dans l’unité de réanimation et que, afin de préciser le diagnostic, il devait subir une tomographie du cerveau ce jour-là, à 13 heures, dans un autre établissement. Une fois la tomographie effectuée, le requérant fut transféré par ambulance à l’hôpital pénitentiaire de Pruncul.

42. Le 10 juillet 2007, la cour d’appel de Chișinău rejeta, en présence du requérant, le recours que ce dernier avait formé contre la décision du 29 juin 2007 relative à son maintien en détention. Elle relevait, entre autres, que l’intéressé était soupçonné d’avoir commis une infraction très grave et que, selon les informations présentées par le procureur, des mesures procédurales nécessitant son concours devaient encore être effectuées.

D. Demande d’habeas corpus et deuxième prolongation de la détention provisoire du requérant

43. Le 12 juillet 2007, un des conseils du requérant saisit le juge d’instruction d’une demande d’habeas corpus. Il soutenait que la détention du requérant n’était plus justifiée, que l’état de santé de ce dernier s’était aggravé et que le risque de fuite pouvait être écarté par la saisie du passeport.

44. Le même jour, l’avocat susmentionné déposa une plainte auprès du juge d’instruction demandant l’annulation de l’ordonnance du procureur du 28 juin 2007 concernant le remplacement des avocats (paragraphe 30 ci‑dessus). Il demanda également de déclarer nul l’acte d’inculpation au motif qu’il avait été notifié quelques jours après l’expiration du délai de soixante-douze heures de garde à vue du requérant. À ce titre, l’avocat argüait que, selon l’article 63 § 2 du CPP, l’autorité de poursuite aurait dû, à l’issue de la garde à vue, soit inculper le requérant soit abandonner les poursuites.

45. Le 16 juillet 2007, le procureur demanda au tribunal de Buiucani de prolonger encore de trente jours la détention provisoire du requérant. Le procureur soutenait que ce dernier présentait un risque de fuite car il n’avait pas de domicile fixe et qu’il pouvait exercer des pressions sur des témoins dont la majorité étaient ses subalternes ou des membres de sa famille. Il relevait également qu’il ressortait de l’enregistrement des conversations téléphoniques du requérant pendant la période allant de juillet à octobre 2006 que ce dernier avait entrepris « des mesures concrètes afin de guider les actions » d’autres participants au procès, à savoir un des coaccusés et quelques témoins. Le procureur soutenait enfin que le requérant pouvait se procurer de nouveaux papiers d’identité et falsifier d’autres documents dans le but de créer des preuves à décharge.

46. Intervenant à la demande du procureur, le chef de l’hôpital pénitentiaire confirma, le 18 juillet 2007, le diagnostic antérieur posé à l’égard du requérant et nota que ce dernier ne pouvait pas participer à ce moment-là à l’audience devant le juge.

47. Le 18 juillet 2007, le juge d’instruction M.D. du tribunal de Buiucani, sur demande des avocats, ajourna l’audience en raison de l’état de santé du requérant et de son impossibilité à comparaître.

48. Par une décision du 19 juillet 2007, le juge d’instruction M.D. du tribunal de Buiucani rejeta la plainte du requérant du 12 juillet 2007 tendant à l’annulation, d’une part, de l’ordonnance du procureur relative au remplacement des avocats et, d’autre part, de l’acte d’inculpation. S’agissant du remplacement des avocats, le juge indiquait qu’il était légal aux motifs que l’inculpation du requérant le 27 juin 2007 à 14 heures n’avait pas été possible car ses avocats avaient introduit une demande en récusation du procureur qui n’avait pas été examinée à l’heure susmentionnée, que lesdits avocats invités à se présenter le jour même à 17 heures avaient déclaré être empêchés, et que le 28 juin 2007 ces avocats n’avaient pas répondu aux appels téléphoniques du procureur. Pour ce qui est de la notification de l’acte d’inculpation après l’expiration du délai de soixante-douze heures de garde à vue, le juge faisait référence à l’article 307 § 5 du CPP, aux termes duquel le délai maximal de détention d’un suspect était de dix jours. Le juge précisait toutefois que les dispositions applicables en l’espèce étaient confuses mais que l’inculpation en soi n’avait pas affecté les droits et libertés constitutionnels du requérant.

49. Le 19 juillet 2007, dans le cadre de l’audience concernant la prolongation de la détention provisoire du requérant et qui avait commencé à 11 heures, le procureur en charge de l’affaire présenta au juge d’instruction une note écrite de la part de trois gardiens du lieu de détention du requérant selon laquelle ce dernier aurait refusé de se déplacer à l’audience. La défense du requérant demanda au juge de ne pas accepter comme preuve ladite note au motif que, selon l’article 321 § 2 CPP, le refus de comparaître du requérant devait être confirmé par son avocat. Les avocats faisaient également valoir que la demande de prolongation de la détention provisoire devait obligatoirement être examinée en présence du requérant et que, en conformité avec les dispositions de l’article 2871 du CPP, le procureur devait suspendre la procédure en raison de l’état de santé du requérant.

Sur demande des avocats, le juge ajourna l’audience afin de vérifier l’information présentée par le procureur.

50. Le même jour, à 12 heures, le procureur et un des avocats du requérant se rendirent au lieu de détention de ce dernier. En présence de deux codétenus du requérant, le procureur dressa un procès-verbal qui, dans ses parties pertinentes en l’espèce, se lit comme suit :

« (...) Le présent procès-verbal confirme le fait que l’inculpé [le requérant] a été invité à indiquer s’il souhaitait ou non participer à l’examen par le tribunal de Buiucani de la demande de prolongation de sa détention provisoire (...)

[Le requérant] a communiqué qu’il se sentait mal et qu’il devait être soigné. Il n’a pas réagi aux autres questions posées.

(...) l’avocat note que :

"L’état [du requérant] est grave. Selon les codétenus, dans la nuit du 18 au 19 juillet 2007, il a perdu connaissance à deux reprises et il se sentait très mal.

[Le requérant] ne réagit pas aux questions posées et il semblerait qu’il est sous l’influence de médicaments. Son état de santé est inquiétant. Je demande au procureur d’entreprendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer les soins médicaux nécessaires [au requérant], y compris son transfert dans un établissement médical spécialisé. Le 18 juillet 2007, le procureur avait présenté au tribunal une attestation médicale qui prouve que [le requérant] souffre de plusieurs maladies graves. Cela met la vie [du requérant] en danger et peut même mener à son décès. En détention, [le requérant] ne peut pas bénéficier d’un suivi médical adapté à ses besoins."

[Le requérant] a été invité à signer le présent procès-verbal mais il n’a aucunement réagi (verbalement ou par signe) à la demande du procureur.

(...) objections et addendum :

[L’avocat ajoute que] (...)"bien que [le requérant] ne réagisse pas, cela ne veut pas dire qu’il ne souhaite pas ou refuse de participer à l’audience. J’ai l’impression qu’il n’est pas conscient." »

51. Le 19 juillet 2007 à 13 h 05, le juge d’instruction M.D. du tribunal de Buiucani rouvrit la procédure ajournée plus tôt le même jour. En cours d’audience, les avocats du requérant soutinrent que le délai précédent de la détention de leur client avait expiré à 11 h 59. Ils demandèrent le classement de la procédure et la libération sur-le-champ du requérant.

52. Par une décision du même jour adoptée à 17 h 45, le juge d’instruction accueillit la demande du procureur et, se fondant sur les dispositions de l’article 186 § 3 du CPP, il prolongea de vingt jours la détention provisoire du requérant, soit jusqu’au 8 août 2007 à 11 h 59. Il notait : que le procureur avait introduit sa demande le 16 juillet 2007 à 13 h 50 ; que l’audience avait été fixée au 18 juillet 2007 à 9 heures ; que, compte tenu de l’état de santé du requérant et à la demande de ses avocats, l’audience avait été reportée au 19 juillet 2007 à 11 heures ; que, le jour de l’audience, le procureur avait présenté un acte non conforme aux normes de procédure selon lequel le requérant aurait refusé de se présenter à l’audience ; et que, le 19 juillet 2007 à 13 h 05, le procureur avait présenté un procès-verbal signé par un des avocats du requérant qui confirmait l’impossibilité pour celui-ci de comparaître en raison de son état de santé. Eu égard aux circonstances de l’affaire et au but de la détention provisoire, et invoquant le principe de continuité de l’audience, le juge estimait inopportun de classer la procédure. Le juge relevait également que le requérant était soupçonné d’avoir commis une infraction très grave, qu’il n’avait pas reconnu sa culpabilité, qu’il refusait de déposer et que l’enquête pénale n’était pas encore achevée. Le juge notait que les motifs ayant justifié le placement en détention provisoire du requérant étaient toujours valables et que, compte tenu du fait que tous les témoins n’avaient pas encore été entendus et que toutes les preuves n’avaient pas encore été recueillies, il existait un risque d’influence, de la part du requérant, sur le bon déroulement de l’enquête ainsi qu’un risque de trouble à l’ordre public en cas de libération.

53. Le même jour, le juge d’instruction M.D. adopta une décision interlocutoire dans laquelle il notait que le procureur, en violation de l’article 186 § 6 du CPP, n’avait pas introduit sa demande de prolongation de la détention provisoire du requérant dans le délai de cinq jours avant l’expiration du délai précédent de détention. Il relevait également que le procureur avait présenté un document selon lequel le requérant aurait refusé de se présenter à l’audience et que ce document, contrairement aux exigences de l’article 321 § 2 du CPP, n’était pas signé par un avocat. Le juge estimait par conséquent que le procureur n’avait pas respecté les droits du requérant et il décidait d’en informer le procureur général.

54. Le 20 juillet 2007, les avocats du requérant formèrent un recours devant la cour d’appel contre la décision de prolonger la détention provisoire de l’intéressé. Ils demandaient à ce que le témoignage de S.F. fut entendu et à ce que les preuves sur lesquelles le procureur avait fondé sa demande, à savoir l’enregistrement des conversations téléphoniques du requérant, fussent examinées. Ils sollicitaient également l’examen de la décision du 3 mai 2007 du juge d’instruction M.D. ordonnant une perquisition au domicile du requérant. Enfin, ils demandaient l’examen de l’intégralité des procès-verbaux d’audition des témoins au motif que le procureur en avait présenté seulement les premières pages sans fournir le texte des dépositions.

55. Par une décision du 25 juillet 2007, la cour d’appel de Chișinău rejeta le recours et confirma la décision de l’instance inférieure. Elle notait, entre autres, que le requérant n’avait pas de domicile fixe et que, selon l’enregistrement des conversations téléphoniques de 2006, il avait donné des instructions à certains participants au procès. Le requérant était présent à l’audience, accompagné par un médecin.

56. Entre-temps, le requérant avait fait l’objet le 20 juillet 2007 d’une autre tomographie cérébrale effectuée à « l’hôpital clinique républicain ».

57. Par une lettre du 25 juillet 2007, le chef de l’hôpital pénitentiaire informa un des avocats du requérant que les soins prodigués dans son établissement étaient adéquats. Il précisait également que, bien que son établissement ne disposât pas des appareils nécessaires pour effectuer des examens médicaux complets, un patient pouvait toujours être transféré, en cas de besoin, dans un des nombreux centres de diagnostic du ministère de la Santé.

E. Troisième prolongation de la détention provisoire du requérant

58. Le 3 août 2007 à 8 h 40, le procureur en charge de l’affaire demanda au juge d’instruction de prolonger de trente jours la détention provisoire du requérant. Le procureur motivait sa demande par la gravité de l’infraction reprochée, par le risque de pressions sur les témoins et de collusion entre coaccusés, et par le risque de fuite du requérant en raison de l’absence d’un domicile fixe. Le même jour, le procureur compléta l’acte d’inculpation du requérant, lui reprochant, entre autres, d’avoir commis l’infraction d’incitation à de faux témoignages.

59. Un des avocats du requérant demanda la remise en liberté de son client aux motifs, entre autres, que ce dernier ne s’était jamais soustrait à l’autorité de poursuite et qu’il devait subir des examens médicaux et continuer son traitement.

60. Entre-temps, le requérant avait été examiné par les médecins de l’Institut de neurologie et neurochirurgie. Selon l’attestation médicale du 1er août 2007 délivrée par cet établissement, il souffrait de micro- et macro‑angiopathie cérébrale athérosclérotique de premier degré assortie à un syndrome asthénodépressif sévère, manifesté par des troubles fonctionnels de motilité dans l’hémicorps droit, et de céphalée de tension.

61. Le 6 août 2007, le juge d’instruction I.M. du tribunal de Buiucani accueillit partiellement la demande du procureur et prolongea de vingt jours la détention provisoire du requérant, soit jusqu’au 28 août 2007 à 11 h 59. Le juge faisait siens les motifs avancés par le procureur en faveur du maintien en détention du requérant. Il notait que la durée de la détention provisoire était raisonnable et se justifiait par la complexité de l’affaire et par l’intérêt accru du public pour celle-ci. Enfin, il ajoutait que, dans les lieux de sa détention, le requérant bénéficiait des soins médicaux adéquats. L’audience se déroula, à la demande de l’avocat susmentionné et du procureur, en l’absence du requérant, empêché pour des raisons de santé.

62. Sur recours d’un des avocats du requérant, la cour d’appel de Chișinău confirma, le 9 août 2007, la décision du juge d’instruction du 6 août 2007.

F. Quatrième prolongation de la détention provisoire du requérant

63. Le 17 août 2007, le procureur clôtura l’instruction et déféra l’affaire au tribunal de Buiucani.

64. Le 22 août 2007, le procureur demanda au tribunal en question de prolonger de quatre-vingt-dix jours la détention provisoire du requérant. Il soutenait, entre autres, que le requérant pouvait, en cas de libération, se livrer à des atermoiements quant à l’examen de l’affaire. Il indiquait à ce titre que le plaignant avait simulé être dans un état grave et que le diagnostic initial le concernant avait été infirmé par le diagnostic du 1er août 2007 établi par les médecins de l’Institut de neurologie et neurochirurgie. Il réitérait que le requérant pouvait faire entrave à la justice, à savoir influencer les témoins et falsifier des documents ; il en voulait pour preuve la déposition du 19 juillet 2007 d’un témoin dans laquelle ce dernier rétractait ses déclarations initiales et affirmait que le requérant, en sa qualité de supérieur, l’avait déterminé à faire un faux témoignage. Le procureur soutenait également que le requérant pouvait prendre la fuite car il n’avait pas de domicile fixe et possédait un passeport roumain.

65. Par un jugement du 28 août 2007, le tribunal de Buiucani accueillit la demande du procureur. Le requérant, représenté par ses avocats, n’était pas présent à l’audience.

66. Le 3 septembre 2007, un des avocats du requérant forma un recours. Il mettait, entre autres, en exergue le fait que le tribunal de Buiucani avait rendu son jugement du 28 août 2007 à 17 heures alors que le délai précédent de la détention provisoire du requérant avait expiré à 11 h 59. Invoquant la jurisprudence de la Cour (Boicenco c. Moldova, no 41088/05, 11 juillet 2006, Sarban c. Moldova, no 3456/05, 4 octobre 2005, et Becciev c. Moldova, no 9190/03, 4 octobre 2005), l’avocat argüait également que le tribunal de Buiucani n’avait pas justifié le maintien du requérant en détention par des motifs pertinents et suffisants. Il soutenait en outre que le constat du tribunal selon lequel le requérant n’avait pas de domicile fixe était complètement erroné étant donné qu’une perquisition avait été effectuée le 4 mai 2007 au domicile de ce dernier à Bălți. Enfin, il alléguait que l’examen par le tribunal de Buiucani de la demande du procureur en l’absence du requérant avait porté atteinte aux droits de celui-ci garantis par l’article 5 § 4 de la Convention.

67. Par une décision du 10 septembre 2007, la cour d’appel de Chișinău confirma le jugement du 28 août 2007. Elle relevait que le requérant avait déjà tenté d’entraver le déroulement normal de la procédure en faisant croire qu’il était gravement malade. Elle notait également que la détention provisoire du requérant était nécessaire compte tenu de la gravité de l’infraction reprochée, de la peine encourue et du besoin d’assurer par la suite le bon déroulement de la procédure. Elle relevait en outre que, bien qu’une perquisition eût été effectuée au domicile du requérant à Bălți, cela ne prouvait pas que l’intéressé résidait d’une manière permanente à cette adresse. Elle ajoutait que, en cas de remise en liberté, celui-ci risquait de s’enfuir par le territoire de la Transnistrie – ledit territoire échappant au contrôle des autorités de la République de Moldova. Elle soulignait également que l’audience du 28 août 2007 devant le tribunal de Buiucani avait commencé à 10 heures, soit avant l’expiration du délai de détention précédent, et que dès lors le jugement de l’instance inférieure était légal et fondé. Elle précisait également que les multiples demandes du requérant tendant à obtenir sa libération poursuivaient le but de faire entrave à la justice. Enfin, elle notait que :

« (...) l’intention [du requérant] d’empêcher le déroulement normal de la procédure (...) est révélée également par le fait qu’il invoque des affaires examinées par la Cour européenne des droits de l’homme qui ne sont pas pertinentes en l’espèce. Ces affaires sont complètement différentes du cas présent et, par conséquent, [c]es affirmations poursuivent le but d’influencer indirectement les tribunaux afin d’obtenir la libération du requérant. »

Le requérant n’était pas présent à l’audience, mais il était représenté par un de ses avocats.

G. Nouvelle demande d’habeas corpus et libération du requérant

68. Le 17 septembre 2007, les avocats du requérant déposèrent une nouvelle demande d’habeas corpus, invoquant principalement l’état grave de l’intéressé et la nécessité pour lui de bénéficier de soins médicaux spécialisés qui ne pouvaient pas être prodigués à l’hôpital pénitentiaire. Le même jour, le tribunal de Buiucani rejeta cette demande au motif qu’elle était non étayée. Sur recours des avocats, la cour d’appel de Chișinău confirma, le 3 octobre 2007, la décision de l’instance inférieure, précisant que l’hôpital pénitentiaire pouvait prodiguer tout type de soins médicaux.

69. Entre-temps, le tribunal de Buiucani avait ordonné, le 17 septembre 2007, l’expertise médicale du requérant par une commission de médecins légistes, formée d’experts du Centre de médecine légale de la République de Moldova. Le tribunal avait également ajourné la procédure pénale à l’encontre du requérant et de ses coaccusés.

70. Entre le 17 octobre et le 8 novembre 2007, la commission de médecins légistes examina tous les rapports médicaux concernant le requérant dressés pendant la période comprise entre le 19 juin et le 9 octobre 2007. Il ressort du rapport final rédigé par cette commission que, durant le séjour du requérant à l’hôpital pénitentiaire, ce dernier, tout en poursuivant son traitement, était sous la surveillance régulière des médecins. Telle que reproduite dans le rapport de la commission, la fiche médicale tenue par l’hôpital pénitentiaire comporte notamment seize mentions relatives à l’état général du requérant, aux différents médecins consultés et aux médicaments administrés. La dernière mention date du 9 octobre 2007. Le rapport fait également état d’une tomographie subie par le requérant le 20 juillet 2007.

La conclusion du rapport de la commission, dans ses parties pertinentes en l’espèce, se lit comme suit :

« Il ressort des documents médicaux présentés (...) que les maladies suivantes ont été établies chez [le requérant] :

. maladie vasculaire cérébrale aiguë assortie à un syndrome bulbaire modéré prononcé du système vertébro-basilaire ;

. micro- et macro-angiopathie cérébrale athérosclérotique de premier degré assortie à un syndrome asthénodépressif sévère, manifesté par des troubles fonctionnels de motilité dans l’hémicorps droit, et céphalée de tension [maux de tête] (confirmé par le conseil médical de l’Institut de neurologie et de neurochirurgie).

Afin de [recevoir des soins pour] les maladies susmentionnées, [le requérant] a été hospitalisé du 28 juin au 6 juillet 2007 dans l’hôpital clinique municipal (...). Ensuite, il a été transféré à l’hôpital pénitentiaire, dans lequel il a été admis le 6 juillet 2007 et où il a continué son traitement jusqu’au 9 octobre 2007 (date de la dernière mention dans la fiche médicale).

(...) la commission conclut que (...), compte tenu de son état de santé critique, [le requérant] a besoin de continuer son traitement pendant une longue période (...) dans un établissement médical spécialisé et que la durée de cette période dépendra de l’évolution de la maladie et de l’efficacité du traitement. »

71. À des dates non spécifiées, le procureur demanda la prolongation de quatre-vingt-dix jours de la détention provisoire du requérant et un des avocats de ce dernier demanda sa remise en liberté.

72. Le 23 novembre 2007, le tribunal de Buiucani, eu égard au contenu du rapport médical du 8 novembre 2007, rejeta la demande du procureur et accueillit celle de l’avocat en question. Il notait que les médecins entendus lors de l’audience avaient confirmé, d’une part, que le requérant était dans un état critique et, d’autre part, qu’il ne pouvait pas bénéficier d’un suivi médical spécialisé dans l’hôpital pénitentiaire. Le tribunal remplaça la détention provisoire du requérant par une interdiction de quitter le pays pendant une période de trente jours.

73. Le 14 décembre 2007, le tribunal de Buiucani reprit la procédure pénale ajournée le 17 septembre 2007.

74. La Cour n’a pas été informée de la suite de la procédure.

H. Enquête relative aux allégations de mauvais traitements infligés lors de l’arrestation du requérant

75. Par une ordonnance du 30 août 2007, un procureur du parquet Anticorruption classa sans suite la procédure engagée à la demande du juge d’instruction (paragraphe 24 ci-dessus) en vue de vérifier les allégations du requérant selon lesquelles il avait été battu lors de son arrestation. Le procureur notait que, selon l’enregistrement vidéo relatif à l’arrestation en question, le plaignant avait été arrêté le 19 juin 2007 à 11 h 50, que les policiers l’avaient immobilisé contre son automobile et que le requérant leur avait résisté. Il constatait que le requérant avait notamment tenté de libérer ses bras de l’emprise des policiers, obligeant ces derniers à les lui tordre derrière le dos et à lui mettre des menottes, qu’un agent du CLCEC s’était identifié entre-temps et que, le requérant ayant accepté de se calmer, les menottes avaient été enlevées trois minutes après avoir été mises, soit à 11 h 53. Le procureur relevait que la force employée par les policiers n’avait pas dépassé les limites légales et que d’autres manifestations de violence de la part des policiers n’avaient pas eu lieu. Il notait avoir entendu trois des policiers ayant participé à l’arrestation du requérant et que leurs dépositions concordaient avec l’enregistrement vidéo. Il constatait également que les deux excoriations sur les jambes du requérant, qualifiées par le médecin légiste de lésions corporelles sans préjudice pour la santé, étaient sans rapport direct avec l’application de la force par les policiers lors de l’arrestation en cause. Enfin, il relevait que le requérant avait refusé à plusieurs reprises de donner sa version des faits.

76. Le 31 octobre 2007, le premier adjoint du procureur général annula, sur demande de l’un des avocats du requérant, l’ordonnance du 30 août 2007. Il notait que les investigations menées avaient été superficielles et qu’il était encore nécessaire d’entendre la version du requérant et de poser des questions supplémentaires au médecin légiste.

77. Par une ordonnance du 26 décembre 2007, un procureur du parquet de Chișinău, après avoir entendu le requérant et obtenu les réponses du médecin légiste, classa sans suite la procédure. Le procureur notait que, selon le requérant, le 19 juin 2007, il avait été interpellé et brusqué dans la rue par dix ou douze personnes, qu’il avait ensuite reçu un coup sur la tête, qu’il était tombé après avoir reçu ce coup, que les personnes en question lui avaient asséné des coups sur le corps alors qu’il était par terre, qu’il avait perdu connaissance pendant quelques instants et que, seulement après cela, l’interpellation avait commencé à être filmée. Il relevait que les témoins désignés par le requérant avaient refusé de se présenter devant lui. Il notait également que, selon le médecin légiste, les deux excoriations sur les jambes du requérant avaient pu être provoquées lors de l’immobilisation de l’intéressé contre son automobile. Il relevait aussi que, selon les informations fournies par le CLCEC, six policiers avaient participé à l’arrestation du requérant, que trois d’entre eux avaient été interrogés, et que ces trois agents avaient déclaré que le requérant avait résisté et que la force physique employée par eux n’avait pas dépassé les limites légales autorisées. Après une appréciation globale des éléments recueillis, le procureur concluait que les allégations du requérant n’étaient pas fondées.

78. Le requérant ne contesta pas l’ordonnance en question.

II. LE DROIT INTERNE PERTINENT

79. Les dispositions internes pertinentes en l’espèce sont résumées dans les affaires Sarban c. Moldova (no 3456/05, §§ 51-56, 4 octobre 2005), Musuc c. Moldova (no 42440/06, § 22, 6 novembre 2007) et Ignatenco c. Moldova (no 36988/07, §§ 53 et 54, 8 février 2011).

80. Les autres dispositions pertinentes en l’espèce du CPP sont ainsi libellées :

Article 32 : le lieu d’examen des éléments des dossiers et des affaires pénales

« L’examen des éléments des dossiers et des affaires pénales se déroule au siège du tribunal. Lorsque des motifs fondés le justifient, le tribunal (...) peut ordonner l’examen d’une affaire dans un autre endroit. »

Article 63 : le suspect

« (...)

(2) L’autorité de poursuite ne peut pas maintenir en tant que suspect :

1) la personne gardée à vue – plus de 72 heures ;

(...) »

Article 186 : le délai de la détention provisoire et sa prolongation

« (...)

(3) Dans des cas exceptionnels, en fonction de la complexité de l’affaire pénale, de la gravité de l’infraction et lorsqu’il existe le danger de disparition de l’inculpé ou le risque qu’il exerce des pressions sur des témoins ou qu’il détruise ou détériore les moyens de preuve, la durée de la détention provisoire de l’inculpé lors de l’instruction de l’affaire peut être prolongée :

1) jusqu’à six mois, lorsque la personne est inculpée d’avoir commis une infraction passible d’une peine maximale de quinze ans d’emprisonnement ;

2) jusqu’à douze mois, lorsque la personne est inculpée d’avoir commis une infraction passible d’une peine maximale de vingt-cinq ans d’emprisonnement ou de la détention à vie.

(...)

(5) Chaque prolongation de la durée de la détention provisoire ne peut pas dépasser trente jours pendant l’instruction de l’affaire et quatre-vingt-dix jours pendant l’examen judiciaire de l’affaire.

(6) Lorsqu’il est nécessaire de prolonger la durée de la détention provisoire de l’inculpé [ou] de l’accusé (du prévenu), le procureur dépose, au plus tard [dans les] cinq jours avant l’expiration du délai de détention, devant le juge d’instruction ou, selon le cas, devant le tribunal qui connaît de l’affaire une demande de prolongation de ce délai (...) »

Article 2871 : les motifs, les modalités et les délais de suspension de l’instruction pénale

« (1) L’instruction pénale est suspendue lorsqu’il existe un des motifs suivants qui empêche sa poursuite et son achèvement :

(...)

(4) l’inculpé est tombé malade d’une affection psychique ou d’une autre maladie grave qui l’empêche de participer à la procédure pénale, confirmée par la conclusion médicolégale d’un établissement médical d’État (...) »

Article 307 : l’examen des demandes relatives au placement du suspect en détention provisoire ou à son assignation à domicile

« (...)

(5) Le délai de maintien en détention du suspect ne dépassera pas dix jours.

(...) »

Article 321 : la participation de l’accusé (du prévenu) à l’examen de l’affaire et les effets de son absence

« (...)

(2) L’examen de l’affaire en l’absence de l’accusé (du prévenu) peut avoir lieu :

(...)

2) lorsque l’accusé (le prévenu), étant en détention, refuse d’être amené devant le tribunal pour l’examen de l’affaire et [que] ce refus est confirmé par son avocat ;

(...) »

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

81. Invoquant l’article 3 de la Convention, le requérant se plaint de mauvais traitements infligés par les policiers lors de son arrestation le 19 juin 2007 et d’une absence d’enquête effective y relative. Il allègue également que son transfert de l’hôpital municipal vers l’hôpital pénitentiaire et l’absence dans ce dernier établissement de soins médicaux appropriés ont emporté violation de l’article 3 de la Convention. Enfin, il allègue que le remplacement de ses avocats le 28 juin 2007 par un avocat nommé d’office représentait un acte d’intimidation, de la part du procureur, constitutif d’un traitement contraire à l’article 3 de la Convention. Aux termes de cette disposition :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

A. Sur le grief concernant les allégations de mauvais traitements et d’absence d’enquête effective

Sur la recevabilité

82. Le Gouvernement soutient, d’une part, que le requérant ne s’était pas vu infliger, lors de son arrestation, un traitement contraire à l’article 3 de la Convention et, d’autre part, que l’enquête menée par les autorités a été impartiale et complète.

83. Le requérant réplique que la force employée par les agents était disproportionnée. Il indique qu’il a été arrêté par environ douze personnes en civil et qu’il ne pouvait pas savoir qu’il s’agissait d’une arrestation opérée par les forces de l’ordre. Il met en exergue le fait qu’un agent du CLCEC s’est identifié seulement après qu’on lui eut mis les menottes. Il soutient également que l’enquête menée par les autorités n’a pas été effective entre autres car, à ses dires, les deux témoins désignés par lui n’avaient pas été entendus et le procureur ayant procédé au classement sans suite du 26 décembre 2007 n’était pas indépendant.

84. La Cour observe d’emblée qu’il n’est pas contesté par les parties que les agents du CLCEC ont fait usage de la force pour maîtriser le requérant qui leur résistait au moment de l’arrestation. À ce titre, elle rappelle que l’article 3 de la Convention n’interdit pas l’usage de la force dans certaines situations bien définies, telle une arrestation. Toutefois, cette force peut être employée seulement lorsqu’elle est indispensable au vu des circonstances et elle ne doit pas être excessive (voir, parmi d’autres, Kurnaz et autres c. Turquie, no 36672/97, § 52, 24 juillet 2007). La Cour doit donc déterminer si le recours à la force physique a été rendu strictement nécessaire par le comportement même du requérant et si les autorités ont établi les causes de ses blessures en menant une enquête effective (Ribitsch c. Autriche, 4 décembre 1995, § 38, série A no 336).

85. La Cour note que le requérant a été arrêté le 19 juin 2007 par les agents du CLCEC et que le même jour un médecin légiste l’a examiné et a constaté deux excoriations de dimensions réduites sur ses jambes. Elle relève que les blessures observées chez le requérant étaient superficielles, que, selon le médecin légiste, elles étaient sans préjudice pour sa santé, et qu’elles sont cohérentes avec l’assertion selon laquelle le requérant avait tenté de se défaire de l’emprise des agents après avoir été plaqué par ceux-ci contre son véhicule.

86. En ce qui concerne l’enquête menée par les autorités, la Cour observe que le procureur a examiné l’enregistrement vidéo de l’arrestation du requérant, a entendu ce dernier ainsi que trois agents ayant participé à son interpellation, et a examiné en particulier la proportionnalité de la force utilisée par les agents lors de cette arrestation. Elle note que le procureur a comparé les symptômes figurant sur le rapport médical aux allégations du requérant et a posé des questions supplémentaires au médecin légiste, lequel estimait que les deux excoriations sur les jambes du requérant pouvaient avoir été causées pendant l’immobilisation de l’intéressé contre son véhicule. Elle relève aussi que le procureur avait finalement conclu que la force utilisée était proportionnée et correspondait à des gestes nécessaires pour maîtriser le requérant.

87. La Cour estime que, en l’absence d’un fondement plus solide au sujet des allégations de mauvais traitements formulées par le requérant, il ne s’imposait pas au procureur d’entendre les deux témoins désignés par le plaignant. De plus, elle ne dispose pas non plus d’éléments ou d’indices de nature à étayer l’allégation selon laquelle le procureur n’était pas indépendant.

88. Au vu de ces circonstances, la Cour constate, à l’instar des autorités internes, que les traces relevées sur le corps du requérant lors de l’examen médical du 19 juin 2007 peuvent être considérées comme consécutives à la force employée par les agents pour procéder à son arrestation (Klaas c. Allemagne, 22 septembre 1993, § 30, série A no 269, Milan c. France, no 7549/03, § 65, 24 janvier 2008, et Avcı c. Turquie (déc.), no 43461/04, 8 novembre 2011). Au regard des blessures occasionnées – qualifiées de blessures légères sans préjudice pour la santé – et eu égard aux circonstances dans lesquelles elles l’ont été (R.L. et M.-J.D. c. France, no 44568/98, § 68, 19 mai 2004), elle estime que la force utilisée par les agents lors de l’interpellation du requérant était proportionnée et qu’elle a été rendue nécessaire par le comportement même de celui-ci. Enfin, elle ne saurait reprocher aux autorités internes d’avoir manqué à leur obligation de mener une « enquête effective » au sujet des allégations du requérant.

89. Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et qu’il doit être rejeté comme irrecevable, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

B. Sur le grief tiré du transfert dans l’hôpital pénitentiaire et d’une absence de soins médicaux en détention

Sur la recevabilité

90. S’agissant de l’allégation du requérant d’une absence de soins médicaux, le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes. Il indique que l’intéressé n’a pas soulevé ce grief devant les autorités nationales et qu’il aurait pu saisir un procureur ou un juge d’instruction à cet effet. En sus, il soutient que le requérant a reçu tous les soins nécessaires dans l’hôpital pénitentiaire où il a été détenu après le 6 juillet 2007.

91. Le requérant indique que le recours invoqué par le Gouvernement ne permet pas aux justiciables de se plaindre d’actes ou d’omissions des autorités pénitentiaires. Il ajoute que, en l’occurrence, ce recours n’était pas non plus susceptible d’améliorer sa situation. Enfin, il conteste la thèse du Gouvernement selon laquelle les soins qu’il a reçus dans l’hôpital pénitentiaire étaient adéquats et il soutient que son état s’est aggravé dans cet établissement.

92. La Cour estime qu’il n’est pas nécessaire de prendre position sur l’exception soulevée par le Gouvernement, le grief étant irrecevable pour d’autres motifs.

93. À cet égard, elle rappelle que l’article 3 de la Convention ne peut être interprété comme établissant une obligation générale de libérer un détenu pour motifs de santé, mais qu’il impose néanmoins à l’État de veiller à ce que la santé et le bien-être du prisonnier soient assurés de manière adéquate, notamment par l’administration des soins médicaux requis (voir, par exemple, Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, §§ 93 et 94, CEDH 2000‑XI, et Sarban, précité, § 77).

94. Dans la mesure où le requérant se plaint de son transfert dans l’hôpital pénitentiaire, la Cour observe que celui-ci avait été victime le 28 juin 2007, après l’audience devant la cour d’appel de Chișinău, d’un infarctus cérébral et avait été transporté de suite dans un hôpital de la ville, et que, le lendemain, les médecins notèrent dans leur rapport que le requérant n’était pas transportable dans l’immédiat. Elle constate également que le 6 juillet 2007, le requérant avait été conduit, à la demande des médecins, dans un établissement où il avait subi un examen cérébral, et que tout de suite après il avait été transféré par ambulance à l’hôpital pénitentiaire. Au vu des éléments dont elle dispose, la Cour n’est pas en mesure de conclure que le transport du requérant le 6 juillet 2007 vers l’hôpital pénitentiaire présentait un risque en soi pour la santé de l’intéressé.

95. Par ailleurs, dans la mesure où le requérant se plaint de l’absence de soins en détention, la Cour note qu’il ressort du rapport dressé le 8 novembre 2007 par la commission d’experts légistes (paragraphe 70 ci-dessus) que, durant son séjour dans l’hôpital pénitentiaire, le requérant a régulièrement reçu des soins médicaux, a été examiné à plusieurs reprises par des médecins spécialistes et a fait l’objet d’examens médicaux effectués dans des centres spécialisés. Elle observe également que le juge d’instruction a estimé, le 6 août 2007, que le requérant bénéficiait de soins médicaux adéquats dans les lieux de sa détention (paragraphe 61 ci-dessus).

96. À partir des éléments dont elle dispose, la Cour ne saurait remettre en cause la qualité des soins prodigués au requérant dans l’hôpital pénitentiaire et ne saurait non plus affirmer que l’état de celui-ci s’est aggravé durant son séjour dans cet établissement. Elle relève en outre qu’il ne ressort pas des éléments de l’affaire que, pendant la période en cause, le requérant ait souffert d’une douleur sévère et prolongée due à un manque de soins médicaux appropriés. Elle estime que le fait pour le tribunal de Buiucani d’avoir noté dans sa décision du 23 novembre 2007 que, selon l’avis des médecins entendus lors de l’audience, le requérant ne pouvait pas bénéficier d’un suivi médical spécialisé dans l’hôpital pénitentiaire ne saurait changer la donne. À ce titre, elle relève que, selon l’information fournie par le chef de l’hôpital pénitentiaire (paragraphe 57 ci-dessus), les patients de cet établissement avaient accès, en cas de besoin, aux centres de diagnostic spécialisés du ministère de la Santé. Elle observe notamment que, pendant son séjour dans ledit hôpital, le requérant a été conduit au moins à deux reprises dans deux de ces centres pour y être soumis à des examens médicaux plus approfondis (paragraphes 56 et 60 ci-dessus).

97. Après s’être livrée à une appréciation globale des faits pertinents sur la base des preuves produites devant elle, la Cour estime que ce grief est manifestement mal fondé. Il doit donc être rejeté comme irrecevable, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

C. Sur le grief relatif au remplacement des avocats du requérant

Sur la recevabilité

98. La Cour rappelle qu’il ne suffit pas qu’un traitement comporte des aspects désagréables pour qu’il tombe sous le coup de l’article 3 de la Convention (Guzzardi c. Italie, 6 novembre 1980, § 107, série A no 39).

99. En l’espèce, la Cour observe que le procureur en charge de l’affaire, afin d’assurer le bon déroulement de l’enquête – comme cela a été constaté par le juge interne (paragraphe 48 ci-dessus) – et pour un acte procédural isolé – la notification de l’inculpation –, a décidé de remplacer les avocats du requérant par un avocat nommé d’office. Elle estime qu’il n’a pas été établi que cela ait entraîné pour le requérant une souffrance mentale ou une angoisse telles que l’on puisse parler d’un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la Convention. La Cour considère dès lors que le traitement dont se plaint le requérant n’a pas atteint le minimum de gravité requis pour tomber sous le coup de cette disposition.

100. Il s’ensuit que ce grief est également manifestement mal fondé. Il doit donc être rejeté comme irrecevable, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 1 DE LA CONVENTION

101. Invoquant l’article 5 § 1 de la Convention, le requérant soutient que son arrestation et sa détention n’étaient pas fondées sur des raisons plausibles de le soupçonner d’avoir commis une infraction. Il allègue également que sa détention postérieure au 22 juin 2007 était illégale, car il aurait perdu sa qualité de suspect à cette date et il n’aurait été inculpé que le 28 juin 2007. Il soutient également que sa détention après l’expiration des décisions précédentes relatives à sa détention provisoire, à savoir le 29 juin 2007 de 11 h 59 à 15 heures, le 19 juillet 2007 de 11 h 59 à 17 h 45, et le 28 août 2007 de 11 h 59 à 17 heures, était elle aussi illégale. Dans ses observations du 13 octobre 2008, il allègue enfin que son maintien en détention, autorisé par le juge d’instruction le 29 juin 2007, était illégal en raison de la tardiveté de la demande de prolongation du procureur déposée le 28 juin 2007. Les dispositions pertinentes en l’espèce de l’article 5 § 1 de la Convention sont ainsi libellées :

« 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :

(...)

c) s’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci ; »

A. Sur les griefs concernant l’absence alléguée de raisons plausibles de soupçonner le requérant

Sur la recevabilité

102. Le Gouvernement soutient que les raisons plausibles de soupçonner le requérant d’avoir commis l’infraction pour laquelle celui-ci était poursuivi découlaient des éléments de l’affaire pris dans leur ensemble. Il cite notamment la plainte de S.F. et les résultats des mesures d’investigation selon lesquels le requérant avait coordonné les actions de N.N. et O.I. en vue de la commission de l’infraction.

103. Le requérant réplique que les éléments de l’affaire ne contenaient pas suffisamment d’indices pour le soupçonner d’avoir commis l’infraction reprochée.

104. La Cour rappelle que l’existence de « raisons plausibles de soupçonner » qu’une infraction a été commise présuppose celle de faits ou de renseignements propres à persuader un observateur objectif que l’individu en cause peut avoir accompli l’infraction (Erdagöz c. Turquie, 22 octobre 1997, § 51, Recueil des arrêts et décisions 1997‑VI, et Fox, Campbell et Hartley c. Royaume-Uni, 30 août 1990, § 32, série A no 182). Ce qui peut passer pour « plausible » dépend toutefois de l’ensemble des circonstances de la cause (Fox, Campbell et Hartley, ibidem). La Cour rappelle ensuite que l’alinéa c) de l’article 5 § 1 de la Convention ne présuppose pas que les autorités d’enquête aient rassemblé des preuves suffisantes pour porter des accusations au moment de l’arrestation. Ainsi, les faits donnant naissance à des soupçons ne doivent pas être du même niveau que ceux qui sont nécessaires pour justifier une condamnation ou même pour porter une accusation, ces derniers intervenant dans la phase suivante de la procédure de l’enquête pénale (Murray c. Royaume-Uni, 28 octobre 1994, § 55, série A no 300‑A, et Korkmaz et autres c. Turquie, no 35979/97, § 26, 21 mars 2006).

105. En l’espèce, la Cour observe que le requérant a été arrêté sur la base de renseignements, obtenus à la suite de « mesures d’investigation » menées par l’autorité de poursuite, selon lesquels F.M., N.N. et O.I. avaient exécuté les ordres du requérant dirigés contre S.F. Elle note que ces renseignements étaient corroborés par la plainte pénale de S.F. et par le fait qu’une copie du certificat d’enregistrement de la société avait été trouvée au domicile de Bălți du requérant (paragraphe 20 ci-dessus). À ce titre, la Cour rappelle que, dans l’affaire Labita c. Italie ([GC], no 26772/95, § 159, CEDH 2000‑IV), elle a jugé que les déclarations d’un informateur (pentito) pouvaient valablement fonder, à son début, la détention d’un suspect. Elle a également conclu dans l’affaire O’Hara c. Royaume-Uni (no 37555/97, §§ 34-44, CEDH 2001‑X) que les renseignements communiqués lors d’un « briefing » de police, selon lesquels des indicateurs auraient identifié le requérant comme l’une des personnes soupçonnées d’avoir participé à une infraction terroriste déterminée, étaient suffisants pour faire naître des raisons plausibles de soupçonner le requérant d’avoir commis une infraction. Au vu de ce qui précède, la Cour considère que, dans la présente affaire, il existait des renseignements suffisants pour faire naître des raisons plausibles de soupçonner le requérant d’avoir commis l’infraction reprochée.

106. Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé. Il doit donc être rejeté comme irrecevable, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

B. Sur le grief concernant l’allégation d’illégalité de la détention du 22 au 28 juin 2007

Sur la recevabilité

107. La Cour rappelle qu’une période de détention est en principe « régulière » au sens de l’article 5 § 1 de la Convention si elle se fonde sur une décision de justice (Mooren c. Allemagne [GC], no 11364/03, § 74, 9 juillet 2009).

108. En l’espèce, la Cour note que, le 22 juin 2007, le juge d’instruction a décidé de placer le requérant en détention provisoire jusqu’au 29 juin 2007 à 11 h 59. Elle relève que cette décision était valable et constituait une base légale suffisante pour la détention du requérant du 22 au 28 juin 2007, et que le fait que le requérant n’ait été inculpé que le 28 juin 2007 n’est pas pertinent quant à la question de savoir si sa détention durant la période visée était légale (Ignatenco, précité, § 70).

109. Partant, ce grief est également manifestement mal fondé et il doit être rejeté comme irrecevable, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

C. Sur le grief concernant l’allégation d’illégalité de la détention provisoire du 29 juin 2007 de 11 h 59 à 15 heures et du 28 août 2007 de 11 h 59 à 17 heures

Sur la recevabilité

110. Le Gouvernement soutient que le retard de quelques heures pris par le juge d’instruction afin de prolonger la détention provisoire du requérant le 29 juin et le 28 août 2007 est dû au comportement du requérant et aux demandes dilatoires formulées par sa défense durant la procédure.

111. Le requérant réplique que les demandes formulées par ses avocats avaient pour but d’assurer sa défense effective.

112. La Cour rappelle avoir reconnu, notamment dans le contexte des alinéas c) et e) de l’article 5 § 1, que la célérité avec laquelle les juridictions internes remplacent une ordonnance de placement en détention qui a soit expiré soit été jugée défectueuse constitue un autre élément pertinent pour l’appréciation du point de savoir si la détention subie par une personne doit ou non être considérée comme arbitraire (Mooren, précité, § 80).

113. En l’espèce, la Cour relève que les demandes du procureur visant à la prolongation de la détention provisoire avaient été faites le 28 juin 2007 et le 22 août 2007 respectivement (paragraphes 35 et 64 ci-dessus) et que les audiences y relatives devant le juge d’instruction avaient respectivement commencé le 29 juin 2007 et le 28 août 2007, et ce avant 11 h 59 (paragraphes 37 et 67 ci-dessus), c’est-à-dire avant l’expiration des décisions précédentes de privation de liberté. Elle note également que, pendant les heures visées, le juge d’instruction tenait des audiences en vue de décider du maintien en détention du requérant et qu’aucun élément du dossier ne laisse penser qu’un quelconque retard lui serait imputable. À la lumière de ce qui précède, la Cour estime que la détention provisoire du requérant le 29 juin 2007 de 11 h 59 à 15 heures et le 28 août 2007 de 11 h 59 à 17 heures n’avait pas revêtu un caractère arbitraire.

114. Il s’ensuit que cette partie de la requête est également manifestement mal fondée. Elle doit donc être rejetée comme irrecevable, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

D. Sur le grief concernant l’allégation d’illégalité de la détention provisoire du 19 juillet 2007 de 11 h 59 à 17 h 45

Sur la recevabilité

115. La Cour note que la demande du procureur visant à la prolongation de la détention provisoire du requérant a été faite le 16 juillet 2007, que le juge d’instruction a fixé l’audience au 18 juillet 2007 à 9 heures et l’a ensuite reportée, à la demande des avocats de l’intéressé, au 19 juillet 2007 à 11 heures (paragraphe 52 ci-dessus). Elle observe également que l’audience en question a commencé à l’heure prévue, c’est-à-dire une heure environ avant l’expiration de la décision précédente sur la détention provisoire du requérant (paragraphe 49 ci-dessus), que le procureur a présenté une note écrite, signée par trois gardiens et jugée par la suite non conforme aux normes de procédure, selon laquelle le requérant aurait refusé de participer à l’audience, et que, afin de vérifier si le requérant pouvait et souhaitait se présenter devant le juge, l’audience a été suspendue pendant environ une heure. Elle note aussi que, une fois reprise, l’audience s’est déroulée sans interruption jusqu’à 17 h 45 et qu’aucun retard imputable aux autorités compétentes n’a été signalé. Estimant que ces dernières ont ainsi fait preuve d’une célérité suffisante pour ce qui est du remplacement de la décision de maintien en détention du requérant, la Cour considère que la privation de liberté du plaignant durant les heures en question ne saurait passer pour arbitraire. Le fait que la note présentée par le procureur n’ait pas été conforme aux normes internes de procédure ne constitue pas, aux yeux de la Cour, une irrégularité grave et manifeste et ne remet pas en cause la validité de la base légale interne sur laquelle se fondait la détention du requérant.

116. Partant, ce grief est également manifestement mal fondé et il doit être rejeté comme irrecevable, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

E. Sur le grief concernant l’allégation de tardiveté de la demande du procureur du 28 juin 2007

Sur la recevabilité

117. La Cour constate que ce grief a été soulevé pour la première fois le 13 octobre 2008, soit plus de six mois après la date de la décision interne définitive. Partant, elle juge cette partie de la requête tardive et elle la rejette, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 3 DE LA CONVENTION

118. Invoquant l’article 5 de la Convention, le requérant soutient qu’aucun motif pertinent et suffisant ne justifiait son maintien en détention. Aux termes de l’article 5 § 3 de la Convention :

« Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l’intéressé à l’audience. »

Sur la recevabilité

119. La Cour rappelle que l’article 5 de la Convention consacre un droit fondamental de l’homme : la protection de l’individu contre les atteintes arbitraires de l’État à sa liberté (Bozano c. France, 18 décembre 1986, § 54, série A no 111). Le paragraphe 3 de cette disposition exige que la détention provisoire avant jugement ne dépasse pas un délai raisonnable et que les autorités judiciaires compétentes examinent de manière régulière la persistance de raisons « pertinentes » et « suffisantes » qui légitimeraient la privation de liberté (Assenov et autres c. Bulgarie, 28 octobre 1998, § 154, Recueil 1998‑VIII).

120. Dans sa jurisprudence, la Cour a développé quatre raisons fondamentales pouvant justifier la détention provisoire d’une personne accusée d’avoir commis une infraction : le risque que l’accusé ne prenne la fuite (Stögmuller c. Autriche, 10 novembre 1969, § 15, série A no 9), que, une fois remis en liberté, il n’entrave l’administration de la justice (Wemhoff c Allemagne, 27 juin 1968, § 14, série A no 7), ne commette de nouvelles infractions (Matznetter c. Autriche, 10 novembre 1969, § 9, série A no 10) ou ne trouble l’ordre public (Letellier c. France, 26 juin 1991, § 51, série A no 207).

121. En l’espèce, la Cour observe que le requérant a été arrêté le 19 juin 2007 et qu’il a été libéré le 23 novembre 2007 sous la condition de ne pas quitter le territoire, alors que son affaire pénale était pendante devant la première instance. Elle note que sa détention provisoire s’est donc étendue sur cinq mois et cinq jours. Compte tenu de la gravité des faits à l’origine de l’affaire et de la personnalité du requérant, elle considère que ce délai n’apparaît pas excessif.

122. S’agissant du contrôle juridictionnel de la détention provisoire du requérant, la Cour relève que la question du maintien de cette mesure a été examinée à sept reprises (les 22 et 29 juin, le 19 juillet, les 6 et 28 août, le 17 septembre et le 23 novembre 2007). Elle constate que toutes les décisions rendues étaient suffisamment motivées et que les autorités compétentes se sont livrées à un examen concret de la situation et de la personnalité du requérant. Dans leurs six premières décisions, lesdites autorités ont invoqué deux motifs principaux pour justifier le maintien de la privation de liberté, à savoir le danger de fuite et le risque d’entrave à la justice, qui découleraient de la nature des actes reprochés et du comportement même de l’intéressé. Les organes étatiques se sont fondés en particulier sur le caractère complexe des actes incriminés, la manière frauduleuse dont ils avaient été commis, le nombre important de personnes impliquées dans l’affaire et de témoignages à recueillir, ainsi que sur le fait que le requérant avait donné – comme cela avait été révélé lors de l’interception de ses conversations téléphoniques – des instructions aux autres participants au procès alors que l’enquête pénale était déjà en cours, que l’information concernant son domicile permanent était contradictoire et qu’il possédait la double nationalité. À la lumière de ces éléments, les autorités compétentes ont jugé dans un premier temps que la remise en liberté du requérant n’était pas pertinente. De l’avis de la Cour, cette conclusion ne saurait passer pour déraisonnable ou arbitraire. La Cour note en outre que les autorités internes ont évoqué un éventuel trouble à l’ordre public en cas d’élargissement du requérant sans toutefois prouver réellement l’existence d’un tel risque. Cependant, au vu des autres éléments retenus par les autorités compétentes pour justifier la détention du requérant, elle considère que cela ne saurait rendre arbitraire la privation de liberté de l’intéressé.

123. La Cour estime que les motifs de refus d’élargissement du requérant ont gardé leur caractère pertinent et suffisant tout au long de la détention de ce dernier. À cet égard, elle observe que, si les décisions des tribunaux nationaux reposaient peu ou prou sur les mêmes motifs pour justifier le maintien du requérant en détention, leur lecture laisse apparaître un examen individualisé de la situation à chaque reprise et une attention portée au fait, avéré pendant la procédure, que le requérant avait déterminé un témoin à faire un faux témoignage. Par ailleurs, la Cour ne perd pas de vue que ces décisions ont été prises sur une courte période de cinq mois, de sorte que le raisonnement initialement retenu n’aurait pas pu perdre de sa pertinence dans l’intervalle. Il est en effet raisonnable, au vu du laps de temps relativement restreint écoulé entre lesdites décisions, que les autorités compétentes aient utilisé des raisonnements proches en se fondant sur les mêmes motifs, ce qui démontre également une cohérence quant aux raisons invoquées pour justifier la privation de liberté du requérant. Dès lors, la Cour ne saurait affirmer qu’en l’occurrence les tribunaux internes ont fait usage, pour motiver leurs décisions de maintien en détention du requérant, de formules plus ou moins stéréotypées ou qu’ils se sont contentés de reprendre de manière générale et abstraite des éléments déjà cités (voir, mutatis mutandis, Georgiou c. Grèce (déc.), no 8710/08, 22 mars 2011).

124. La Cour relève enfin que les juridictions nationales ont examiné avec constance l’état de santé du requérant, que, compte tenu des affirmations contradictoires des parties quant à sa gravité, elles ont ordonné l’examen de l’intéressé par une commission de médecins légistes et que, au vu des résultats de cet examen et en suivant l’avis des médecins, elles ont décidé de remettre en liberté le requérant.

125. À la lumière de ce qui précède, la Cour estime qu’aucune apparence de violation de l’article 5 § 3 de la Convention ne saurait être décelée dans la présente affaire.

126. Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et qu’il doit être rejeté, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

IV. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 4 DE LA CONVENTION

127. Le requérant allègue que la tenue en son absence des audiences des 29 juin, 19 juillet, 28 août et 10 septembre 2007 concernant la prolongation de sa détention provisoire était contraire à l’article 5 § 3 de la Convention. La Cour estime que ce grief relève de l’article 5 § 4 de la Convention. Invoquant cette dernière disposition, le requérant dénonce également le refus des autorités compétentes d’accéder à la demande de ses avocats tendant à l’audition de la partie lésée et à l’examen des pièces du dossier sur lesquelles le procureur avait fondé ses demandes de maintien en détention provisoire. D’après lui, ce refus a porté atteinte au respect des principes de l’égalité des armes et du contradictoire.

L’article 5 § 4 de la Convention est ainsi libellé :

« Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. »

A. Sur le grief concernant la tenue des audiences en l’absence du requérant

Sur la recevabilité

128. Le requérant soutient que, ayant été empêché, selon lui, de participer aux audiences en raison de son état de santé grave, les juridictions internes auraient dû tenir celles-ci dans les lieux de sa détention comme le permettrait l’article 32 du CPP.

129. Le Gouvernement souligne que, dans un premier temps, le requérant a participé aux audiences du 22 juin 2007 et du 28 juin 2007 tenues respectivement par le juge d’instruction et par la cour d’appel de Chișinău. Il soutient que, par la suite, les autorités ont tenté d’assurer la présence du requérant aux audiences mais que cela n’aurait pas été possible en raison de l’état de santé de l’intéressé et parfois du souhait de ce dernier de ne pas y participer. Il met également en exergue le fait que le requérant a toujours été représenté par ses avocats. Enfin, il allègue que le requérant n’a pas soulevé ce grief devant la cour d’appel de Chișinău, et qu’il ne s’est jamais plaint d’une mauvaise prestation de ses avocats en son absence.

130. Dans la mesure où il semblerait que le Gouvernement entend exciper du non-épuisement des voies de recours internes, la Cour estime qu’il n’est pas nécessaire de prendre position sur ce point car le grief est irrecevable pour d’autres motifs.

131. La Cour rappelle que, pour les personnes détenues dans les conditions énoncées à l’article 5 § 1 c) de la Convention, l’article 5 § 4 de la Convention exige la tenue d’une audience (Nikolova c. Bulgarie [GC], no 31195/96, § 58, CEDH 1999‑II). La possibilité pour un détenu d’être entendu lui-même ou moyennant une certaine forme de représentation figure dans certains cas parmi les garanties fondamentales de procédure appliquées en matière de privation de liberté (Kampanis c. Grèce, 13 juillet 1995, § 47, série A no 318‑B). Toutefois, l’article 5 § 4 de la Convention n’exige pas qu’un détenu soit entendu à chaque fois qu’il forme un recours contre son maintien en détention, mais qu’il ait la possibilité d’exercer à des intervalles raisonnables le droit à être entendu (Çatal c. Turquie, no 26808/08, § 33, 17 avril 2012, et Altınok c. Turquie, no 31610/08, § 45, 29 novembre 2011).

132. La Cour relève que, dans le système moldave, la question de la prolongation de la détention d’un détenu est examinée, sur demande du procureur, par un juge d’instruction ou un tribunal à des intervalles réguliers (au moins tous les mois au stade de l’instruction et au moins tous les trois mois au stade du procès). Elle note par ailleurs que le détenu peut former une demande d’élargissement à tout moment de l’instruction ou du procès et réitérer sa demande sans être tenu d’attendre un certain laps de temps. Elle relève de plus que toutes les décisions relatives à la détention provisoire peuvent faire l’objet d’un recours devant une cour d’appel.

133. En l’espèce, la Cour observe que, après avoir subi un infarctus cérébral le 28 juin 2007, le requérant, étant détenu à l’hôpital pénitentiaire, n’a pas pu participer en raison de son état de santé aux audiences des 29 juin, 19 juillet et 28 août 2007 tenues par le juge d’instruction et à l’audience du 10 septembre 2007 tenue par la cour d’appel de Chișinău. Elle constate toutefois que le requérant a été représenté à chacune de ces audiences par ses avocats qui connaissaient à la fois le dossier et l’intéressé, et qu’il n’est pas contesté par les parties qu’elles ont disposé du temps nécessaire pour préparer la défense. En même temps, la Cour note que, avant son attaque cérébrale, le requérant a été entendu par le juge d’instruction et par la cour d’appel de Chișinău le 22 juin 2007 et le 28 juin 2007 respectivement, et que, en outre, il a pu participer, après son infarctus, aux audiences des 10 et 25 juillet 2007 devant la cour d’appel de Chișinău.

134. Par ailleurs, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel les audiences auraient dû être tenues à l’hôpital pénitentiaire, la Cour n’est pas convaincue, au vu des éléments du dossier, que l’état de santé de l’intéressé lui aurait permis de participer d’une manière effective à de telles audiences.

135. Compte tenu des éléments particuliers de la présente affaire, la Cour estime que l’absence du requérant aux audiences en question n’a pas porté atteinte au respect des garanties découlant de l’article 5 § 4 de la Convention. Elle prête une attention particulière au fait que les intérêts du requérant ont été effectivement défendus par ses avocats et que le plaignant a été entendu à des intervalles raisonnables par les autorités compétentes.

136. Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et qu’il doit être rejeté, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

B. Sur le grief concernant le refus des autorités compétentes d’examiner certaines pièces du dossier et d’auditionner la partie lésée

1. Sur la recevabilité

137. Le Gouvernement indique que les avocats du requérant ont formulé leurs demandes tendant à l’examen des pièces du dossier d’instruction principalement devant la cour d’appel de Chișinău. Il argüe qu’ils auraient dû d’abord s’adresser au juge d’instruction et non pas directement à la cour d’appel de Chișinău.

138. Le requérant rétorque que, si elle avait accédé à la demande de ses avocats, la cour d’appel de Chișinău aurait pu constater l’absence, d’une part, de raisons plausibles de le soupçonner d’avoir commis l’infraction et, d’autre part, de la nécessité de le maintenir en détention provisoire.

139. La Cour constate que le Gouvernement entend exciper du non-épuisement des voies de recours internes. Elle observe toutefois qu’il n’est pas contesté par les parties que la cour d’appel de Chișinău avait la compétence nécessaire pour examiner les preuves demandées par la défense et qu’elle pouvait ordonner la remise en liberté du requérant si elle constatait que son maintien en détention n’était pas justifié. Dans ces conditions, la Cour ne saurait reprocher au requérant de ne pas avoir soulevé ce grief en intégralité devant le juge d’instruction. Partant, elle rejette l’exception du Gouvernement.

140. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare donc recevable.

2. Sur le fond

141. Le requérant soutient que, lors de l’audience du 19 juillet 2007, le juge d’instruction avait rejeté la demande de ses avocats qui avaient voulu examiner le procès-verbal de perquisition du 4 mai 2007. Selon le requérant, cet examen aurait permis à ses conseils de combattre l’allégation du procureur selon laquelle il n’avait pas de domicile fixe. Il soutient également que la cour d’appel de Chișinău avait rejeté le 25 juillet 2007 les demandes de ses avocats tendant à l’audition de la partie lésée et à l’examen des pièces du dossier – à savoir la plainte pénale de ladite partie lésée, l’enregistrement de ses conversations téléphoniques, les documents relatifs à la fouille de son domicile autorisée le 3 mai 2007 et l’intégralité des procès-verbaux d’audition des témoins présentés par le procureur à l’audience du 19 juillet 2007 devant le juge d’instruction.

Le requérant allègue que l’examen de ces preuves aurait permis de jeter un doute sur la légalité de son arrestation et de son maintien en détention.

142. Le Gouvernement indique que les pièces demandées par le requérant étaient confidentielles et que ce dernier a eu l’occasion d’en avoir connaissance après la clôture de l’instruction de l’affaire.

143. La Cour rappelle qu’un procès portant sur un recours formé contre une détention doit être contradictoire et garantir l’égalité des armes entre les parties, à savoir le procureur et le détenu (voir, en particulier, Nikolova, précité, § 58, et Mooren, précité, § 124). Elle rappelle de plus que, en pareil cas, le suspect privé de liberté doit se voir offrir une véritable occasion de contester les éléments à l’origine des accusations portées contre lui car la persistance de soupçons raisonnables qu’il a commis une infraction est une condition sine qua non de la légalité de son maintien en détention (A. et autres c. Royaume-Uni [GC], no 3455/05, § 204, CEDH 2009). Cette exigence peut imposer au tribunal compétent d’entendre les témoins dont les dépositions semblent, de prime abord, susceptibles d’influer de manière décisive sur la légalité du maintien en détention de l’intéressé (Becciev, précité, §§ 72-76, et Ţurcan c. Moldova, no 39835/05, § 67-70, 23 octobre 2007). Elle peut aussi commander que ce dernier – ou son représentant – puisse accéder aux pièces du dossier d’instruction sur lesquelles sont fondées les poursuites dirigées contre lui (voir, parmi d’autres, Lamy c. Belgique, 30 mars 1989, § 29, série A no 151, Włoch c. Pologne, no 27785/95, § 127, CEDH 2000‑XI, Schöps c. Allemagne, no 25116/94, § 44, CEDH 2001‑I, Fodale c. Italie, no 70148/01, § 42, CEDH 2006‑VII, et Svipsta c. Lettonie, no 66820/01, § 129, CEDH 2006‑III (extraits)).

144. La Cour rappelle également avoir reconnu la nécessité d’une conduite effective d’une enquête pénale, ce qui peut parfois impliquer qu’une partie des informations recueillies soit tenue secrète afin d’éviter que les suspects ne falsifient des preuves ou ne fassent entrave à la justice. Toutefois, ce but légitime ne saurait justifier une atteinte à la substance même des droits de la défense (Ţurcan, précité, § 60).

145. En l’espèce, la Cour note qu’il n’est pas contesté par les parties que la défense n’a pas eu accès aux pièces du dossier d’instruction sur lesquelles le parquet avait fondé sa demande de maintien en détention, à savoir – entre autres – l’enregistrement des conversations téléphoniques du requérant qui auraient révélé que ce dernier donnait des instructions aux autres participants au procès et des procès-verbaux intégraux d’audition de quelques témoins. Elle note également que le requérant n’a pas eu accès aux documents relatifs à la fouille effectuée à son domicile à Bălți, lesquels auraient pu étayer, selon lui, son argument selon lequel il avait un domicile fixe. Elle observe qu’aucune justification n’a été donnée par les autorités compétentes quant au refus opposé à la défense d’avoir accès à ces documents et que le requérant n’a pas été en mesure de combattre convenablement les motifs avancés par le parquet en faveur de son maintien en détention. Quant à l’autorisation donnée par les autorités internes à la défense de consulter le dossier après la clôture de l’instruction de l’affaire, elle estime qu’elle ne peut être considérée comme ayant porté remède aux défaillances procédurales survenues aux stades antérieurs de la procédure.

146. La Cour observe également que la cour d’appel de Chișinău n’a pas motivé son refus d’accéder à la demande de la défense tendant à l’interrogation de S.F., partie lésée de l’infraction. Elle note en outre que la défense n’a pas non plus pu prendre connaissance de la plainte pénale déposée par S.F. Compte tenu de la nature des actes reprochés au requérant, la Cour relève que la connaissance, pour le requérant et ses avocats, des arguments de la partie lésée leur aurait offert une véritable occasion de contester les éléments à l’origine des accusations portées contre l’intéressé et de combattre ainsi la thèse de la persistance de soupçons raisonnables quant à la commission de l’infraction.

147. À la lumière de ce qui précède, la Cour ne saurait conclure que les exigences de l’égalité des armes et du contradictoire, découlant de l’article 5 § 4 de la Convention, ont été respectées en l’espèce.

148. Il y a donc eu violation de cette disposition.

V. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

149. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommages

150. Le requérant réclame 18 500 euros (EUR) pour préjudice matériel. Il indique que cette somme correspond à des frais pour soins engagés auprès d’un hôpital turc. Il soutient qu’il a dû suivre un traitement dans cet établissement car son état s’était aggravé durant sa détention provisoire et qu’il n’a pas pu bénéficier d’un suivi adéquat en République de Moldova. Il fournit un rapport médical délivré par cet hôpital turc, selon lequel il a été hospitalisé d’urgence le 14 juillet 2008 à la suite d’une colique néphrétique aiguë.

Le requérant réclame également 200 000 EUR pour préjudice moral.

151. Le Gouvernement souligne que le rapport médical fourni par le requérant contient peu d’informations quant au traitement suivi. Il ajoute en outre qu’il n’y a pas de lien de causalité entre les griefs soulevés devant la Cour et le traitement que le requérant a dû suivre en Turquie. Quant au préjudice moral, il estime le montant demandé excessif.

152. La Cour rappelle que le constat de violation de la Convention auquel elle parvient résulte d’une méconnaissance des principes de l’égalité des armes et du contradictoire. Dans ces circonstances, elle n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel dont le requérant aurait eu à souffrir. Il y a donc lieu de rejeter cet aspect de ses prétentions. En ce qui concerne le dommage moral, la Cour admet que le requérant a subi un tort moral certain à raison des défaillances constatées dans l’attitude des autorités compétentes. Statuant en équité, elle lui accorde 2 000 EUR à ce titre.

B. Frais et dépens

153. Le requérant demande également 6 000 EUR pour les frais et dépens engagés devant la Cour. Les représentants du requérant font référence à une recommandation de l’Ordre des avocats de la République de Moldova du 29 décembre 2005 établissant les tarifs horaires pour la rémunération du travail des avocats, sans toutefois fournir ce document. Ils présentent en revanche le détail des heures passées pour présenter l’affaire devant la Cour (cent sept heures).

154. Le Gouvernement considère que les prétentions du requérant sont dépourvues de fondement. Il indique que l’intéressé n’a pas fourni de preuves qui confirmeraient son obligation à verser la somme indiquée à ses avocats. Il ajoute que le nombre d’heures évoqué et le montant demandé sont excessifs.

155. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable la somme de 2 000 EUR pour la procédure engagée devant elle et l’accorde au requérant.

C. Intérêts moratoires

156. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

1. Déclare, à la majorité, la requête recevable quant au grief tiré de l’article 5 § 4 de la Convention relativement à la méconnaissance des principes de l’égalité des armes et du contradictoire et irrecevable pour le surplus ;

2. Dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention ;

3. Dit, à l’unanimité,

a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement :

i. 2 000 EUR (deux mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral,

ii. 2 000 EUR (deux mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant, pour frais et dépens,

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4. Rejette, à l’unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 22 avril 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Marialena TsirliJosep Casadevall
Greffière adjointePrésident

Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion séparée du juge Popović.

J.C.M.
M.T.

OPINION CONCORDANTE DU JUGE POPOVIĆ

J’ai voté avec la majorité pour la violation de l’article 5 de la Convention, mais il m’est malheureusement impossible de suivre sa conclusion en ce qui concerne le grief relatif au remplacement des avocats du requérant. Cela mériterait, à mon avis, des délibérations sur le fond et, bien que le grief soit plutôt lié à l’article 6 de la Convention, en l’absence d’une réflexion approfondie, je ne peux pas exclure la possibilité de qualifier le comportement du juge envers le requérant au niveau national comme une sorte de traitement inhumain au sens de l’article 3 de la Convention.


Synthèse
Formation : Cour (troisiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-142462
Date de la décision : 22/04/2014
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Violation de l'article 5 - Droit à la liberté et à la sûreté (Article 5-4 - Garanties procédurales du contrôle)

Parties
Demandeurs : TRIPADUS
Défendeurs : RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA

Composition du Tribunal
Avocat(s) : NICOARA V. ; MALIC G.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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