LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 octobre 2021
Rejet
Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 583 F-D
Pourvoi n° T 19-19.136
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 OCTOBRE 2021
La société Compagnie nationale du Rhône (CNR), société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° T 19-19.136 contre l'arrêt rendu le 27 juin 2019 par la cour d'appel de Rouen (chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Compagnie fluviale de transport (CFT), société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Allianz Global Corporate et Speciality SE, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Allianz Global Corporate et Speciality France, venant elle-même aux droits de la société Allianz marine et aviation,
3°/ à la société SIAT, dont le siège est N° [Adresse 6] (Italie),
4°/ à la société Generali IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5], venant aux droits de la société Le Continent,
5°/ à la société MMA IARD, société anonyme,
6°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles,
ayant toutes deux leur siège [Adresse 3],
7°/ à la société Generali assurance France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SAS Cabinet Colin - Stoclet, avocat de la société Compagnie nationale du Rhône, de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de la société Compagnie fluviale de transport, de Me Le Prado, avocat des sociétés Allianz Global Corporate et Speciality SE, SIAT, Generali IARD, MMA IARD, MMA IARD assurances mutuelles et Generali assurance France, après débats en l'audience publique du 29 juin 2021 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, M. Girardet, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 27 juin 2019), à la suite d'un accident de navigation, survenu le 18 janvier 2004, ayant gravement endommagé le convoi qu'elle avait affrété composé d'un pousseur et de deux barges, la société Compagnie fluviale de transport (la CFT) a été déclarée responsable du préjudice subi par la société Novapex du fait de la perte de sa cargaison, ainsi que par les sociétés GRDF et GRT gaz. Après avoir exécuté les condamnations prononcées à son encontre, les assureurs de la CFT, les sociétés Allianz marine et aviation devenue Allianz Global Corporate et Spéciality SE, Siat, Generali IARD, venant aux droits de la société Le Continent, Generali Assurance France MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, ont sollicité la condamnation de la société Compagnie nationale du Rhône (la CNR), société concessionnaire de l'aménagement et de l'exploitation du fleuve, à leur rembourser les sommes versées et la CFT a demandé réparation de ses propres préjudices à la CNR, en invoquant des manquements à son obligation d'entretien et de surveillance du chenal de navigation.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
3. La CNR fait grief à l'arrêt de la déclarer responsable de l'accident du 18 janvier 2004 à concurrence de la moitié, et de la condamner à payer les sommes de 2 756 623 euros, outre intérêts et capitalisation, à concurrence de la moitié, et de 118 853,62 euros aux assureurs et la somme de 2 007 246,84 euros, outre intérêts et capitalisation, à concurrence de la moitié, à la CFT, et de la condamner à relever et garantir la CFT et ses assureurs de leurs condamnations à payer la somme de 72 743,40 euros à la société GRT Gaz et la somme de de 54 475,20 euros à la société GRDF, à concurrence de la moitié, alors :
« 1°/ qu'il résulte des dispositions de l'article 124 de la loi n° 90-1168 du 29 décembre 1990, de l'article 1er du décret n° 91-796 du 20 août 1991, de l'arrêté du 24 janvier 1992 pris en application de cet article, du décret n° 2003-512 du 16 juin 2003 et du cahier des charges général de la concession de la société CNR, en date du 3 juin 2003, approuvé par le décret n° 2003-513 du 16 juin 2003 que VNF est gestionnaire du domaine public fluvial et assure à ce titre une mission globale d'exploitation et d'entretien de ce domaine, sous réserve, sur le Rhône, des missions qui sont expressément confiées à la société CNR, en tant que concessionnaire, par le cahier des charges ; que l'unique obligation mise à la charge de cette dernière est le maintien du gabarit du chenal navigable, tel que défini à l'article 7 du cahier des charges ; qu'en considérant, pour retenir la responsabilité de la société CNR, que cette société était tenue d'une obligation d'entretien de la voie navigable, la cour d'appel a violé les dispositions précitées ;
2°/ que la responsabilité de la société CNR doit s'apprécier au regard des obligations mises à sa charge par le contrat de concession ; qu'en relevant, pour retenir la responsabilité de la société CNR, que cette société avait laissé la société EDF rejeter dans le Rhône des bois flottants, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société CNR n'avait pas pour unique obligation de s'assurer du maintien des caractéristiques géométriques du chenal précisées à l'article 7 du cahier des charges de la concession, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3°/ qu'en relevant, pour retenir la responsabilité de la société CNR, que cette société avait donné son aval à la société EDF pour rejeter dans le Rhône des bois flottants, sans préciser en quoi la société CNR aurait eu le pouvoir d'empêcher cette société de rejeter ces bois, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
4°/ que le rapport du CETMEF du 2 avril 2009 contredisait le rapport collégial sur la question de l'incidence de la longueur du convoi, invoquée par la société CNR comme cause principale de l'accident ; qu'en considérant que les conclusions du rapport collégial, sur lequel elle s'est exclusivement fondée pour retenir la responsabilité de la société CNR, n'étaient contredites par aucun avis technique, la cour d'appel a dénaturé ce rapport, versé au débat, violant ainsi le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;
5°/ que le rapport du BEA-TT et l'expertise morphologique de M. [M] contredisaient le rapport collégial sur la question de la possibilité, pour le convoi, d'avoir été ralenti par un haut-fond, retenue par les juges d'appel comme une des causes de l'accident ; qu'en considérant que les conclusions du rapport collégial, sur lequel elle s'est exclusivement fondée pour retenir la responsabilité de la société CNR, n'étaient contredites par aucun avis technique, la cour d'appel a dénaturé le rapport du BEA-TT et l'expertise de M. [M], versés au débat, violant ainsi le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;
6°/ que le juge doit rechercher la cause directe et immédiate du préjudice subi par la victime ; que la société CFT soutenait qu'une importante partie du préjudice qu'elle avait subi résultait de la déchirure de la coque de l'Annemasse, causée par la forme des piles du pont ; qu'en considérant, pour écarter comme inopérant le moyen tiré de ce que la société CNR n'était pas responsable de la forme des piles du pont et pour condamner cette société à réparer, à concurrence de la moitié, l'ensemble du préjudice subi par la société CFT, que la responsabilité de la société CNR était suffisamment établie par le rejet des bois flottants et l'encombrement du chenal, la cour d'appel, qui n'a pas constaté l'existence d'un lien de causalité direct et immédiat entre les manquements reprochés à la société CNR et le préjudice subi du fait de la déchirure de la coque de l'Annemasse, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
7°/ que, comme l'avait relevé le collège d'experts, la seule circonstance que le risque de heurter un bois flottant se soit trouvé augmenté par le rejet dans le fleuve des bois qui s'accumulent aux grilles de protection des usines hydroélectriques, ne permettait pas d'établir que le bois qui avait heurté l'hélice du pousseur faisait bien partie des bois ainsi rejetés ; qu'en se bornant, pour retenir la responsabilité de la société CNR, à relever que la cause principale de l'insuffisance du propulseur était « l'endommagement accidentel d'une hélice du pousseur en raison du heurt avec un bois flottant » et que la responsabilité de la société CNR était engagée du fait du rejet par EDF, avec son aval, « des bois flottants qui s'accumulent aux barrages, ce qui augmente le risque de heurts pour les usagers », sans constater que l'hélice avait été endommagée par un bois provenant effectivement d'une usine hydroélectrique, la cour d'appel, qui n'a pas constaté l'existence d'un lien de causalité direct entre le manquement reproché à la société CNR et le dommage subi par la société CFT, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
8°/ qu'en tout état de cause, la société CNR faisait valoir qu'il résultait du rapport collégial que, même en l'absence des deux causes de ralentissement qui lui était imputées (endommagement de l'hélice et engraissement du chenal), le convoi n'aurait pu atteindre qu'une vitesse de 0,94 m/s, inférieure à la vitesse de 1 m/s nécessaire pour franchir le pont ; qu'en condamnant la société CNR, sans répondre à ce moyen opérant, susceptible de remettre en cause le lien de causalité entre les manquements invoqués et le préjudice subi par les demanderesses, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
4. Après avoir examiné les causes de l'accident invoquées par la CNR, l'arrêt retient, en se fondant sur les constatations et conclusions du rapport d'expertise judiciaire, que l'insuffisance de puissance de propulsion du pousseur est à l'origine du sinistre, qu'elle a pour cause principale l'endommagement accidentel d'une hélice en raison d'un heurt avec un bois flottant, auquel se sont ajoutés une très légère survitesse du courant et l'existence de hauts fonds dues à l'encombrement du chenal, que si la probabilité de heurter un bois flottant était inhérente à la navigation fluviale, ce risque s'est trouvé augmenté par le rejet dans le fleuve des bois qui s'étaient accumulés aux grilles de protection des usines pratiqué par la société EDF et l'encombrement du chenal, à la fois naturel, lié à son engraissement et artificiel, en raison de hauts fonds, qui avait participé à la survenance du sinistre.
5. Il précise que ni la composition du convoi, ni la faute de son pilote ne sont en cause, contrairement à ce que soutient la CNR sans apporter d'éléments objectifs suffisants.
6. Il ajoute, en se fondant sur le cahier des charges de la concession de la CNR, que le concessionnaire s'est engagé à améliorer la sécurité et la fiabilité de la voie navigable ainsi qu'à en assurer la qualité et la continuité du service, que la CNR était tenue d'une obligation d'entretien de la voie navigable et que le rejet par la société EDF avec son aval des bois flottants qui s'accumulaient aux barrages et les encombrements naturel et artificiel du chenal de navigation relevaient de sa responsabilité.
7. De ses constatations et énonciations procédant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des élément de fait et de preuve qui lui étaient soumis et exemptes de dénaturation, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu déduire que le sinistre était imputable à concurrence de la moitié à un manquement de la CNR à son obligation d'entretien et de surveillance du chenal de navigation et la condamner dans cette proportion au paiement de certaines sommes à la CFT et à ses assureurs et à les garantir des condamnations prononcées à leur encontre.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
9. La CNR fait grief à l'arrêt de la condamner à payer la somme de 118 853,62 euros aux assureurs au titre des frais exposés dans le cadre des opérations d'expertise, alors :
« 1°/ que les frais exposés et non compris dans les dépens ne constituent pas un préjudice réparable et ne peuvent être remboursés que sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'en condamnant la société CNR à payer la somme de 118 853,62 euros demandée par les assureurs au titre des frais exposés dans le cadre des opérations d'expertise, cependant qu'il ne s'agissait pas d'un préjudice réparable, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°/ qu'en mettant les frais exposés par les assureurs dans le cadre des opérations d'expertise à la charge de la CNR tout en déboutant les parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé cet article ;
3°/ qu'en tout état de cause, une contradiction entre les motifs de l'arrêt et son dispositif équivaut à un défaut de motif ; qu'en condamnant la société CNR à payer l'intégralité de la somme de 118 853,62 euros demandée par les assureurs au titre des frais exposés dans le cadre des opérations d'expertise, tout en relevant, dans les motifs de son arrêt, qu'il convenait de la condamner à leur payer cette somme « à concurrence de la moitié », la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ qu'en toute hypothèse, la personne ayant contribué à la réalisation d'un dommage ne doit réparation qu'à concurrence de sa part de responsabilité dans la survenance du dommage ; qu'en condamnant la société CNR à payer l'intégralité de la somme de 118 853,62 euros demandée par les assureurs au titre des frais exposés dans le cadre des opérations d'expertise, après avoir retenu que cette société n'était responsable de l'accident qu'à concurrence de la moitié, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
10. Le moyen, qui manque en fait en ses deux premières branches, dénonce en sa troisième branche une contradiction entre les motifs de l'arrêt énonçant que les frais d'expertise doivent être supportés par la CNR à hauteur de la moitié et son dispositif la condamnant à payer leur intégralité, laquelle résulte d'une erreur matérielle pouvant, selon l'article 462 du code de procédure civile, être réparée par la Cour de cassation et dont la rectification sera ci-après ordonnée, ce qui rend la quatrième branche inopérante.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Rectifie l'arrêt rendu le 27 juin 2019 par la cour d'appel de Rouen (n° RG 17/01142) en ce sens que les mots :
« la somme de 118 853,62 euros au titre des frais exposés dans le cadre des opérations d'expertise, »
sont remplacés par les mots :
« la somme de 118 853,62 euros au titre des frais exposés dans le cadre des opérations d'expertise, à concurrence de la moitié. »
Condamne la société Compagnie nationale du Rhône aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Compagnie nationale du Rhône et la condamne à payer à la société Compagnie fluviale de transport, d'une part, et aux sociétés Allianz Global Corporate et Speciality SE, Generali assurance France, SIAT, Generali IARD, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, d'autre part, la somme de 1 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SAS Cabinet Colin - Stoclet, avocat aux Conseils, pour la société Compagnie nationale du Rhône
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'appel incident de la société CNR à l'encontre du jugement du 2 décembre 2011 par lequel le tribunal de commerce du Havre l'a déclarée irrecevable en son exception d'incompétence d'attribution et s'est déclaré compétent pour statuer sur les demandes indemnitaires formées à l'encontre de la société CNR par les sociétés Allianz Global Corporate et Specialty, Generali Assurance France, Le Continent, SIAT, Mutuelles du Mans Assurances et CFT, d'avoir déclaré la société CNR responsable de l'accident du 18 janvier 2004 à concurrence de la moitié, et de l'avoir condamnée à payer les sommes de 2 756 623 euros, à concurrence de la moitié, et 118 853,62 euros aux assureurs et la somme de 2 007 246,84 euros, à concurrence de la moitié, à la société CFT, outre intérêts et capitalisation ;
AUX MOTIFS QUE, sur l'étendue de la saisine de la cour, dans son arrêt ordonnant la réouverture des débats, la présente cour d'appel rappelle que la Compagnie Nationale du Rhône qui forme appel incident, sollicite, au principal, la réformation des jugements du tribunal de commerce du Havre en date des 2 décembre 2011 et 25 novembre 2016 ; que, dans un premier jugement en date du 2 décembre 2011, le litige opposait la société Allianz Global Corporate et Spécialty (France), la Compagnie Generali France Assurances, la Compagnie Le Continent, la Compagnie Siat, la Compagnie Les Mutuelles du Mans Assurance, et la Compagnie Fluviale de Transport, partie intervenante, d'une part, et la Compagnie Nationale du Rhône, d'autre part ; que, statuant sur l'exception d'incompétence d'attribution du juge judiciaire au profit de la juridiction administrative soulevée par la Compagnie Nationale du Rhône, le tribunal, retenant que la condition de simultanéité imposée par l'article 74 du code de procédure civile n'a pas été respectée, a déclaré la Compagnie Nationale du Rhône irrecevable en son exception de procédure, s'est déclarée compétent et enjoint aux parties de présenter leurs moyens de défense au fond ; que, dans un second jugement en date du 25 novembre 2016, dont appel, le tribunal a statué au fond en suite du premier jugement, sur l'appel en garantie de la Compagnie Fluviale de Transport et ses assureurs à l'encontre de la Compagnie Nationale du Rhône, d'une part, et sur l'action des sociétés GRT Gaz et GRDF venant aux droits de Gaz de France à l'encontre la Compagnie Fluviale de Transport, ses assureurs parties intervenantes, et la Compagnie Nationale du Rhône, d'autre part ; que le tribunal a, au préalable, reçu l'exception d'incompétence soulevée par la Compagnie Nationale du Rhône, l'a déclarée mal fondée et s'est déclaré compétent, et ce dans le cadre de l'instance GRT Gaz et GRDF contre CFT dans laquelle CNR a été appelée en garantie ; que, par ailleurs, statuant sur appel du premier jugement, dans un précédent arrêt du 11 octobre 2012, la présente cour a confirmé la décision sauf en ce qu'elle a déclaré irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par la société CNR, l'a déclarée recevable ; que, dans son arrêt en date du 30 avril 2014, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel, sans renvoi, et déclaré l'appel formé par la Compagnie Nationale du Rhône contre le jugement rendu le 2 décembre 2011 irrecevable ; que la cour est présentement saisie d'un appel principal formé par la Compagnie Fluviale de Transport et ses assureurs, par déclarations d'appel séparées en date du même jour, le 2 mars 2017 ; que les instances ont fait l'objet d'une jonction en date du 25 avril 2017 ; que, dans son arrêt du 20 décembre 2018, la cour relève que l'appel incident formé par la Compagnie Nationale du Rhône sur ces déclarations d'appel ne peut porter que sur les chefs du jugement visés dans les déclarations d'appel ; que les deux déclarations d'appel ne visent que le second jugement du 25 novembre 2016 ; que la cour n'est donc régulièrement saisie d'un appel que contre cette décision et l'appel incident ne peut porter que sur les chefs de ce jugement ; que dès lors, les chefs du premier jugement du 2 décembre 2011, faute d'avoir été régulièrement frappés d'appel sont irrévocables, de sorte que concernant l'exception d'incompétence d'attribution, la cour ne doit statuer que sur appel du second jugement en date du 25 novembre 2016 qui concerne, après jonction, l'action de CFT et de ses assureurs contre la Compagnie Nationale du Rhône sur l'action principale des sociétés GRT Gaz et GRDF ; que la CNR rappelle justement que le tribunal de commerce du Havre a été saisi de 3 actions indemnitaires à l'encontre de la CNR : celle des compagnies d'assurances subrogées dans les droits de leurs assurées respectives, les sociétés CFT et SFPR, introduite pas acte en date du 16 mars 2005 aux fins de la voir condamner à leur rembourser les indemnités qu'elles ont versées à leurs deux assurées, celle engagée par conclusions d'intervention volontaire du 2 mars 2011 par la CFT pour demander la condamnation de la CNR à réparer son propre préjudice matériel et d'image non indemnisés par son assureur ; que, pour la CNR, la cause d'irrecevabilité prononcée par le tribunal ne pouvait pas s'appliquer à l'action indemnitaire principale de la société CFT du 2 mars 2011 puisque cette exception a bien été soulevée dès le 27 septembre 2011, soit plus de 5 ans après la signification des conclusions de sursis à statuer de la CNR du 5 septembre 2005 ; qu'elle remarque que le tribunal n'a d'ailleurs pas statué sur l'exception d'incompétence à l'encontre de l'action indemnitaire principale de la société CFT ; qu'elle précise que si le jugement du tribunal de commerce du Havre du 2 décembre 2011 est irrévocable en ce qu'il a déclaré irrecevable l'exception d'incompétence de la CNR à l'encontre des actions indemnitaires des assureurs des sociétés CFT et SFPR à son encontre, par contre, le tribunal de commerce du Havre dans son dispositif a jugé recevable mais infondée l'exception d'incompétence soulevée par la CNR au profit de la juridiction administrative à l'encontre de l'action indemnitaire principale et des 2 actions récursoires de la société CFT à son encontre, qui sont recevables pour avoir été incontestablement soulevées in limine litis ; qu'il se déduit de l'arrêt de la Cour de cassation du 30 avril 2014 que le jugement du 2 décembre 2011 étant une décision insusceptible d'appel, ce jugement ne pouvait faire l'objet d'un appel qu'avec le jugement sur le fond du 25 novembre 2016 qui a mis fin à l'instance devant le tribunal de commerce ; qu'elle considère que, par l'effet dévolutif de l'appel du jugement du 25 novembre 2016, la forclusion de l'exception d'incompétence de l'action principale et des actions récursoires de la société CFT soulevée par la CNR dans cette instance ne peut être opposée à son appel incident à l'encontre du jugement du tribunal de commerce du 25 novembre 2016 et, par voie de conséquence, à l'encontre du jugement prononcé le 2 décembre 2011 sur cette exception d'incompétence ; que l'appel incident de la CNR pouvait ainsi être formé en tout état de cause contre le jugement du 2 décembre 2011 ayant rejeté ses exceptions d'incompétence puisque cette décision n'était appelable qu'avec le jugement du 25 novembre 2016 qui a mis fin à l'instance devant le tribunal de commerce du Havre ; qu'en conséquence, par son effet dévolutif, l'appel incident de la CNR a bien saisi la cour des exceptions d'incompétence au profit de la juridiction administrative qu'elle a formées devant le tribunal à l'encontre de la demande indemnitaire principale de la société CFT et de ses deux actions récursoires ; qu'il est admis que le jugement rendu par le tribunal de commerce du Havre est irrévocable sur la question de l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence de la CNR à l'encontre des actions indemnitaires des assureurs des sociétés CFT et SFPR ; qu'il ressort du dispositif des conclusions de première instance prises par la CNR qu'elle soulève l'exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative pour statuer sur les demandes récursoires de la société CFT dirigées contre la CNR au titre des actions indemnitaires des sociétés GRDF et GRT Gaz ; qu'elle n'a donc pas réitéré son exception d'incompétence au regard de la demande indemnitaire principale de CFT à son encontre ; que, d'ailleurs, et comme l'observe à juste titre la CFT, le tribunal, dans son jugement du 25 novembre 2016, et contrairement à ce que soutient la CNR, a reçu l'exception d'incompétence soulevée par la CNR uniquement à l'égard des actions récursoires de la CFT dans l'instance l'opposant à GRT Gaz et GRDF, et non pas à l'égard de la demande indemnitaire principale dirigée par la CFT contre CNR ; qu'il s'en déduit, et comme le prétend à bon droit la CFT, que la CNR a renoncé à son exception d'incompétence sur l'action indemnitaire principale de CFT à son encontre dans le cadre de son intervention volontaire tendant à la condamnation de la CNR à l'indemniser de ses préjudices propres non couverts par ses assureurs ; que, dès lors, le jugement du tribunal de commerce du Havre du 2 décembre 2011 est irrévocable non seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'exception d'incompétence de la CNR à l'encontre des actions indemnitaires des assureurs des sociétés CFT et SFPR à son encontre, mais également à l'encontre de l'action indemnitaire principale de la CFT à l'encontre de la CNR ; qu'à cet égard, le tribunal, dans son jugement du 2 décembre 2011, après avoir pris acte de l'intervention volontaire de la CFT en demande dans l'instance opposant ses assureurs à la CNR, a statué sur l'exception d'incompétence soulevée à l'encontre de l'action indemnitaire principale de la CFT en retenant que la condition de simultanéité imposée par l'article 74 du code de procédure civile n'avait pas été respectée, reprenant en cela l'argumentation développée par la CFT dans le corps de ses conclusions tendant à l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence soulevée par la CNR, et subsidiairement à son débouté ; que, par suite, si effectivement l'appel incident de la CNR pouvait être formé en tout état de cause contre le jugement du 2 décembre 2011 ayant rejeté les exceptions d'incompétence puisque cette décision n'était susceptible d'appel qu'avec le jugement sur le fond, soit avec le jugement du 25 novembre 2016, il n'en demeure pas moins qu'en première instance, elle a renoncé à se prévaloir d'une exception d'incompétence à l'égard de l'action indemnitaire principale de la CFT ; que la cour, concernant l'exception d'incompétence d'attribution, ne doit donc statuer que sur appel du second jugement en date du 25 novembre 2016 qui concerne, après jonction, l'action de CFT et de ses assureurs contre la CNR sur l'action principale des sociétés GRT Gaz et GRDF ; que l'appel incident de la Compagnie Nationale du Rhône à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce du Havre le 2 décembre 2011 est par conséquent irrecevable ;
1°) ALORS QUE le jugement qui statue sur une exception de procédure a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche et dessaisit le juge de cette contestation ; que le jugement du 2 décembre 2011, par lequel le tribunal de commerce du Havre a déclaré irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par la société CNR et enjoint aux parties de présenter leurs moyens de défense au fond, a dessaisi le tribunal de cette contestation ; que la société CNR ne pouvait pas et n'avait donc pas à soulever, à nouveau, devant le tribunal, une exception tirée de l'incompétence des juridictions judiciaires ; qu'en considérant, pour déclarer irrecevable l'appel incident de la société CNR à l'encontre du jugement du 2 décembre 2011, que la société CNR n'ayant pas, après le prononcé du jugement, réitéré dans ses conclusions son exception d'incompétence, elle avait renoncé à s'en prévaloir, la cour d'appel a violé les articles 480 et 481 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en tout état de cause, la procédure devant le tribunal de commerce, qui est orale, n'impose pas que les parties reprennent dans leurs dernières conclusions, sous peine d'être réputées les avoir abandonnés, les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures ; qu'en considérant, pour déclarer irrecevable l'appel incident de la société CNR à l'encontre du jugement du 2 décembre 2011 du tribunal de commerce du Havre, que la société CNR n'ayant pas, après le prononcé du jugement, réitéré dans ses conclusions son exception d'incompétence, elle avait renoncé à s'en prévaloir, la cour d'appel a violé les articles 753 et 860-1 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'en toute hypothèse, lorsqu'elles sont invitées, dans un jugement statuant sur une exception de procédure, à présenter leurs moyens sur le fond, les parties ne sont pas tenues de reprendre, dans les conclusions par lesquelles elles se bornent à répondre à cette invitation, les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs écritures antérieures, qui ne sont pas réputées avoir été abandonnées ; que, par son jugement du 2 décembre 2011, le tribunal de commerce du Havre a, après avoir déclaré irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par la société CNR, enjoint aux parties de présenter leurs moyens de défense au fond ; qu'en considérant, pour déclarer irrecevable l'appel incident de la société CNR à l'encontre de ce jugement, que la société CNR n'ayant pas, après le prononcé du jugement, réitéré dans ses conclusions son exception d'incompétence, elle avait renoncé à s'en prévaloir, la cour d'appel a violé l'article 753 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré mal fondée l'exception d'incompétence soulevée par la société CNR et de s'être déclaré compétent sur les demandes formées par les sociétés GRT Gaz et GRDF à l'encontre de la société CFT et sur l'appel en garantie formé par cette dernière à l'encontre de la société CNR, d'avoir déclaré la société CNR responsable de l'accident du 18 janvier 2004 à concurrence de la moitié, et de l'avoir condamnée à relever et garantir la société CFT et ses assureurs de leurs condamnations à payer la somme de 72 743,40 euros à la société GRT Gaz et la somme de 54 475,20 euros à la société GRDF, à concurrence de la moitié ;
AUX MOTIFS QUE, sur le bien-fondé de l'exception d'incompétence à l'égard de la société CFT s'agissant de ses deux actions récursoires, la CNR explique que lorsque le convoi s'est engagé le 18 janvier 2004 dans le chenal de navigation du Rhône, la société CFT, ayant acquis la qualité d'usager de cet ouvrage public dépendant du domaine public fluvial, a été placée dans une situation unilatérale réglementaire et donc non contractuelle à l'égard de la CNR, concessionnaire du chenal ; que l'appréciation de la bonne exécution par la CNR de ses obligations de concessionnaire dans l'entretien du chenal de navigation à l'égard des usagers de cet ouvrage public relève de la compétence exclusive de la juridiction administrative qui est d'ordre public pour connaître des dommages mettant en cause un défaut d'entretien d'un chenal de navigation quel que soit le mode de gestion de son exploitation, directe ou par un concessionnaire ; que la société CFT réplique en résumé que le CNR est investie, en vertu du cahier des charges général du contrat de concession, d'une mission de service public d'exploitation et d'entretien de la voie navigable ; que la CFT est bien usager du service public assuré par la CNR en sa qualité de concessionnaire de l'Etat pour l'entretien du chenal de navigation du Rhône ; que la présente cour a tranché cette question dans son précédent arrêt en date du 11 octobre 2012 dont il convient de reprendre ciaprès la motivation ; que, pour déterminer l'ordre de juridiction compétente au présent litige, il convient d'opérer la distinction entre l'usager du service public et l'usager de l'ouvrage public ; que la connaissance d'un dommage qui affecte un usager du service public qui utilise un ouvrage public, relève de la compétence de la juridiction administrative s'il s'agit d'un service public administratif, de la compétence de la juridiction judiciaire s'il s'agit d'un service public industriel et commercial ; que la connaissance d'un dommage qui affecte un usager de l'ouvrage public, s'agissant d'un dommage de travaux publics, relève de la compétence des tribunaux administratifs, et ce, quelle que soit la nature du service dont relève l'ouvrage ; qu'en l'espèce, selon la convention de concession générale du 20 décembre 1933 approuvée par décret du 5 janvier 1934, l'Etat a confié à la société CNR, personne morale de droit privé, la mission de favoriser l'utilisation du Rhône comme voie navigable en poursuivant son aménagement au triple point de vue de l'utilisation de la puissance hydraulique, de la navigation, de l'irrigation et des autres emplois agricoles (...) ; qu'aux termes de l'article 1er du cahier des charges modifié de cette concession, annexé au décret n° 2003-513 du 16 juin 2003 : « La concession à laquelle s'applique le présent cahier des charges a pour objet : I - l'établissement et l'exploitation des ouvrages nécessaires à l'aménagement du Rhône entre la frontière suisse et la mer au triple point de vue de l'utilisation de la puissance hydraulique, de la navigation, de l'irrigation et des autres emplois agricoles. (...) / Le programme des travaux concédés comprend : / 1° L'aménagement du fleuve en vue de l'utilisation de la puissance hydraulique et l'exécution simultanée d'une voie navigable à réaliser progressivement sur toute son étendue ; 2° L'amélioration et, au besoin, la création d'ouvrages intéressant la navigation, en incluant l'aménagement et la gestion de ports fluviaux ; (...) III - En matière de navigation, le concessionnaire s'engage : / 1° A améliorer la sécurité et la fiabilité de la voie navigable; 2° A assurer la qualité et la continuité du service; (...) » ; que l'article 7 de ce cahier des charges, portant dispositions relatives à la navigation et au flottage, fixe les dimensions et les caractéristiques techniques de la voie navigable ; qu'au vu de ce contrat de concession du Rhône, l'Etat a donc confié à la société CNR la gestion de cette voie navigable et partant celle de la navigation sur ce fleuve ; que la société CNR participe ainsi à la mission du service public de navigation ; que, lors de l'accident fluvial, la société CFT, armateur du convoi fluvial, était l'usager du service public d'exploitation et d'entretien du Rhône concédé à la société CNR, service public industriel et commercial, utilisant le chenal de navigation, ouvrage public en cette qualité ; que, dès lors, la connaissance des dommages subis par la société CFT, usager d'un service public industriel et commercial utilisant un ouvrage public relève de la compétence du juge judiciaire ; que la CNR explique que son exception d'incompétence est également fondée en ce que le second fondement des actions récursoires de la société CFT contre la CNR est le défaut de conception des piles du pont ferroviaire de [Localité 2] dont le heurt a provoqué la déchirure d'une des deux parois de la coque compartimentale de la barge "L'Annemasse" qui est la cause directe et immédiate de son naufrage ayant entraîné celle du pousseur "Le Redoutable"; que la CNR n'est pas susceptible d'être concernée par l'action délictuelle des appelants fondée sur le défaut de conception des piles du pont de [Localité 2] qui appartiennent au domaine public ferroviaire concédé par l'Etat à la SNCF/RFF ; que de plus ce défaut de conception de cet ouvrage public ne peut être utilement imputé à la CNR pour être extérieur à sa concession fluviale ; que, comme le relève justement la CFT, d'une part, ce défaut de conception des piles n'a contribué que pour partie au seul sinistre consistant en la perforation de la coque extérieure de la barge Annemasse, et d'autre part, sur les imputabilités, le rapport d'expertise retient des risques de perforation nuls si les piles présentaient une forme en hippodrome, comme leur base d'origine, et non en pointe de diamant comme cela a été réalisé conjointement par la SNCF en 1952 et CNR en 1960 ; que la CNR est donc bien mise en cause par l'expert concernant ces travaux ; qu'il convient dans ces conditions de rejeter l'exception d'incompétence soulevée par la CNR limitée ; que la décision entreprise sera confirmée sur ce point ;
1°) ALORS QU'il n'appartient pas au juge judiciaire de connaître des demandes tendant à la réparation des dommages causés aux usagers d'un ouvrage public ; que le propriétaire d'un bateau qui emprunte un chenal de navigation appartenant au domaine public fluvial doit être regardé, non pas comme un usager du service public d'entretien du chenal mais comme un usager direct de l'ouvrage public que constitue le chenal ; qu'en considérant, pour déclarer mal fondée l'exception d'incompétence soulevée par la société CNR, que, lors de l'accident fluvial, la société CFT était l'usager du service public d'exploitation et d'entretien du Rhône, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, il n'appartient pas au juge judiciaire de connaître des demandes tendant à la réparation des dommages imputables à un ouvrage public et d'apprécier la responsabilité encourue à raison de vices dans l'entretien de cet ouvrage lorsque ces dommages ont été causés à l'usager d'un service public administratif ; que l'exploitation et l'entretien d'un chenal de navigation appartenant au domaine public fluvial constitue une mission de service public administratif ; qu'en considérant, pour déclarer mal fondée l'exception d'incompétence soulevée par la société CNR, que, lors de l'accident fluvial, la société CFT était l'usager du service public d'exploitation et d'entretien du Rhône, et que ce service public était un service public industriel et commercial, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la société CNR responsable de l'accident du 18 janvier 2004 à concurrence de la moitié, de l'avoir condamnée à payer les sommes de 2 756 623 euros, outre intérêts et capitalisation, à concurrence de la moitié, et de 118 853,62 euros aux assureurs et la somme de 2 007 246,84 euros, outre intérêts et capitalisation, à concurrence de la moitié, à la société CFT, et de l'avoir condamnée à relever et garantir la société CFT et ses assureurs de leurs condamnations à payer la somme de 72 743,40 euros à la société GRT Gaz et la somme de de 54 475,20 euros à la société GRDF, à concurrence de la moitié ;
AUX MOTIFS QUE, sur les responsabilités, pour la CNR, c'est l'insuffisance propulsive de son pousseur qui n'a pas permis au convoi exceptionnellement long et surchargé de franchir le pont de [Localité 2] dans la nuit du 18 janvier 2004 alors que le chenal de navigation y était soumis à la forte accélération due au courant traversier des eaux du Rhône en crue due à la courbe prononcée et à la forte déclivité du fond de ce chenal ; qu'elle précise qu'une fois échoué par son pilote, en rive gauche, à l'amont du port, les barges du convoi ont été soumises à la poussée du courant du fleuve qui a provoqué une forte tension sur les câbles de brelage les reliant dont la rupture est à l'origine du mouvement de pivot et de repli de la barge "La Bourgogne" sur la barge "Annemasse" ; qu'elle note que compte tenu du mouillage précaire du convoi en l'absence de chaîne pour augmenter sa tenue, l'ancre de la barge "La Bourgogne" a décroché, ce qui a entraîné la projection des 2 barges contre les piles du pont ferroviaire dont le choc a provoqué la déchirure de la coque de la barge "Annemasse" entraînant son naufrage suivi de celui du pousseur; qu'en effet, le pousseur brêlé à la barge "Annemasse" s'est retrouvé en travers du courant et, sous son action, a gîté et embraqué de l'eau tandis que ses brelages ont cassé au fur et à mesure de son enfouissement sous les flots ; que, toutefois le rapport d'expertise judiciaire par trois experts sous la rédaction de l'un d'eux, M. [B], dont le contenu et les conclusions ne sont contredites par aucun avis technique, et notamment par les conclusions du rapport d'expertise dans le cadre de la procédure pénale de M. [B], la première cause de l'accident de navigation est la perte partielle de la puissance d'un moteur, quelle qu'en soit l'origine avec cette précision qu'avec une seule barge, et la même diminution de la propulsion, par déformation de l'hélice bâbord, le convoi aurait rencontré les mêmes difficultés, de sorte que la composition du convoi qualifié par la CNR d'exceptionnel est sans incidence sur la réalisation du sinistre ; que l'expert ne la retient donc pas comme une cause imputable à la CFT ; que l'expert écarte également les causes liées à l'environnement : période de crue, niveau des eaux du fleuve oscillant autour du PHEN, léger vent de face en circulation, traversier durant l'échouage, courant légèrement orienté vers la rive gauche sous le viaduc (de tous temps) ; qu'il fait état des causes liées à des anomalies : l'engagement de l'hélice bâbord par des corps flottant entre deux eaux, la vitesse du courant accrue dans les parages et en amont du viaduc par un engraissement des fonds, le heurt d'un haut fond à 80/90m en amont du viaduc ; qu'il précise que le pousseur a bien subi une avarie entre [Localité 3] et [Localité 2] due au heurt de son hélice bâbord par un objet flottant entre deux eaux à l'origine de la perte de puissance de propulsion et privant le convoi d'une vitesse d'approche du pont SNCF de [Localité 2] suffisante à l'origine de l'accident de navigation ; qu'il s'agit pour l'expert de la cause principale ; qu'il n'impute toutefois pas la présence du bois qui a endommagé l'hélice à la CNR, "le bois pouvant avoir franchi le barrage de [Localité 1]" tout en remarquant que "les bois rejetés par l'usine gérée par EDF pour le compte de CNR étant regroupés présentent un risque plus grand que ceux qui franchissent librement le barrage" ; qu'il relève également le rétrécissement du chenal lié à la présence par engraissement : "Ces encombrements ont affecté la vitesse du courant, certes très faiblement, mais la vitesse du convoi étant elle-même très minime, leur part relative était non négligeable" ; qu'il qualifie cette cause de "secondaire, voire très secondaire" en raison d'une vitesse suffisante de présentation devant le pont pour déterminer la possibilité de franchir l'obstacle ; qu'il précise que l'entretien du chenal incombe à CNR ; qu'il souligne enfin l'existence d'un haut fond à 80/90 m en amont du viaduc et d'un haut fond en bordure du chenal proche de la rive gauche du fleuve ; que, pour l'expert, le heurt de l'un de ces hauts fonds par le convoi est tout à fait possible ; qu'il estime que cette cause, comme la très légère survitesse due à l'encombrement du chenal, est secondaire, "le convoi étant en difficulté dès sa présentation au niveau du pont", qu'il rappelle que l'entretien du chenal incombe à CNR ; que la déchirure de la coque de l'Annemasse est due, pour l'expert, à la présence des "becs avancés" de forme très pointue dont le choix est imputable conjointement à SNCF et CNR ; que le drossage du convoi contre les piles du viaduc a pour cause principale, pour l'expert, la violence du courant du Rhône, la cause déclenchante en est la montée du niveau des eaux due à une élévation du débit général du Rhône, sans qu'elle puisse être imputée à EDF et CNR, la cause aggravante : la faiblesse relative des amarrages sans qu'elle puisse être imputée à la CFT ; que, pour l'expert, l'origine de l'accident de navigation est une "vitesse fond" (par rapport au sol) du convoi, trop faible, (inférieure à 3 km/h selon CETMEF) à l'approche du niveau du viaduc SNCF dont l'endommagement accidentel d'une hélice du pousseur "par passage dans sa tuyère d'une épave flottant entre deux eaux" est la cause principale, l'encombrement du chenal de navigation tant par engraissement naturel que par l'existence de hauts-fonds constitués de roches d'importances variées pour combler les affouillements en cours au pied amont de la pile n° 2 du pont de [Localité 2], causes secondaires, parachevant l'oeuvre du bris d'hélice ; qu'il considère que l'encombrement du chenal de navigation aurait pu être évité par un suivi rigoureux de la CNR chargée de son entretien ; que les risques de heurt de bois flottants seraient moindres, mais non nuls, si EDF avec l'aval de CNR ne rejetait pas dans le fleuve les bois pris dans les grilles de protection de ses usines ; que les risques de perforation de coques de bateaux heurtant les piles du viaduc SNCF seraient pratiquement nuls si ces piles ne présentaient pas une forme en pointe de diamant ; qu'il retient également que la CFT a accepté les risques de heurt de bois flottant qu'elle aurait pu éviter si elle s'abstenait de faire naviguer ses convois en périodes de très fortes crues du Rhône, statistiquement prévisibles, tout en observant que même par temps calme un accident de ce type est tout à fait possible, et que, de ce fait, il convient d'accepter un certain risque à un seuil raisonnable restant à définir, faute de quoi le transport fluvial n'aurait plus de raison d'être ; que, s'agissant du sinistre, et compte tenu du fait que le seul ajout d'un chaland n'aurait pas suffi à causer un accident, sans endommagement d'une hélice, l'expert n'a dégagé aucune imputabilité ; qu'il ressort de cette expertise que ni la composition du convoi, ni la faute de son pilote ne sont en cause, contrairement à ce que soutient la CNR sans apporter d'éléments objectifs suffisants en contradiction avec la position du collège d'experts judiciaires ;
que l'insuffisance de puissance de propulsion du pousseur est certes à l'origine du sinistre, elle a toutefois pour cause principale l'endommagement accidentel d'une hélice du pousseur en raison du heurt avec un bois flottant, auquel se sont ajoutés une très légère survitesse du courant et l'existence de hauts-fonds dues à l'encombrement du chenal, mais de manière secondaire, voire très secondaire en ce qui concerne la vitesse ; que la probabilité de heurter un bois flottant est inhérente à la navigation fluviale ; que, cependant, dans le cas présent, ce risque s'est trouvé augmenté par le rejet dans le fleuve des bois qui s'accumulent aux grilles de protection des usines pratiqué par EDF avec l'aval de la CNR, et l'encombrement du chenal, à la fois naturel (engraissement) et artificiel (hauts-fonds), ce qui a participé à la survenance du sinistre dans des proportions que le contenu de l'expertise judiciaire permet d'évaluer à concurrence de la moitié ; que la CNR ne conteste pas l'existence d'une responsabilité délictuelle du concessionnaire d'un ouvrage public à l'égard de ses usages victimes qui met à la charge de ces dernières la double preuve du lien de causalité entre l'ouvrage et le dommage et du mauvais entretien de l'ouvrage ; qu'elle précise que pour fonder sur la faute délictuelle de la CNR leurs actions indemnitaires, les appelantes sont tenues de rapporter la preuve du non-respect de la caractéristique réglementaire du chenal de navigation relative à sa profondeur de 3 mètres qui est seule susceptible d'être en relation avec l'accident ; que selon elle, cette preuve n'est pas rapportée ; qu'elle indique que l'article 124 de la loi du 31 décembre 1991 a confié aux Voies Navigables de France la charge et donc la responsabilité de "l'exploitation, l'entretien, l'amélioration, l'extension, la promotion des voies navigables et de leurs dépendances" ; que, toutefois, il résulte du cahier des charges général de la concession de la Compagnie Nationale du Rhône approuvé par les décrets du 7 octobre 1968, du 15 mai 1981, et du 16 juin 2003, qu'en matière de navigation, le concessionnaire s'engage à améliorer la sécurité et la fiabilité de la voie navigable ainsi qu'à assurer la qualité et la continuité du service ; qu'il s'en déduit que la CNR est tenue d'une obligation d'entretien de la voie navigable, comme le relèvent, justement, avec le collège des experts, les appelants ; qu'ainsi le rejet par EDF avec son aval des bois flottants qui s'accumulent aux barrages, ce qui augmente le risque de heurts pour les usagers, les encombrements naturel et artificiel du chenal de navigation relèvent de la responsabilité de la CNR dans le cadre de son engagement tel qu'il résulte des termes de la concession ci-dessus rappelés et de son obligation d'entretien du chenal de navigation ; que, s'agissant du moyen invoqué par la CNR relatif à l'absence de responsabilités concernant le choix dans la forme de la pile du pont dont elle serait exonérée au motif que les piles dépendent du domaine public ferroviaire concédé à la SNCF et/ou à RFF, la Cour estime que la responsabilité de la CNR est suffisamment établie pour les motifs énoncés ci-dessus, ce dernier moyen est, par conséquent, inopérant ; que, la CNR se prévaut enfin de l'autorité de la chose jugée sur le fond par l'arrêt rendu par la présente cour le 16 novembre 2006 qui écarte, selon elle, les deux prétendues causes de l'accident invoquées par les appelantes, à savoir la présence d'un haut-fond et l'endommagement d'une hélice du pousseur ; que, comme le remarquent, à juste titre, les appelants, la CNR est mal fondée à s'en prévaloir car, d'une part, cet arrêt n'a d'autorité de la chose jugée qu'à l'égard des parties à cette procédure, à savoir la CFT, ses assureurs, et la société Novapex, d'autre part, la responsabilité contractuelle de la CFT à l'égard de la société Novapex ne la prive pas d'un recours à l'encontre la CNR ; qu'enfin la décision a été rendue avant le dépôt du rapport d'expertise judiciaire et partant d'en connaître les conclusions ; qu'il se trouve ainsi établi que les causes du sinistre sont imputables, dans les proportions retenues ci-dessus, au manquement de la CNR à son engagement en qualité de concessionnaire, à son obligation d'entretien et de surveillance du chenal de navigation ; que les créances de la CFT et celles de ses assureurs ne sont pas sérieusement discutées en leur quantum ; qu'il convient, en conséquence, de déclarer la CNR responsable de l'accident du 18 janvier 2004 à concurrence de la moitié et de la condamner à payer à la société Allianz Global Corporate et Specialty SE, la Compagnie Générali France Assurances, la Compagnie le Continent Département maritime et transports, la Compagnie SIAT, département Maritime et Transports, la Compagnie Mutuelles du Mans Assurances la somme de 2 756 623 € majorée des intérêts légaux à compter du 16 mars 2015, avec capitalisation conformément aux dispositions de l'article 1154 ancien, 1343-2 nouveau du code civil, celle de 118 853 62 € au titre des frais exposés dans le cadre des opérations d'expertise, à concurrence de la moitié, à payer à la CFT celles de 2 007 246,84 € majorée des intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2011 avec capitalisation conformément aux dispositions de l'article 1154 ancien, 1343-2 nouveau du code civil, à concurrence de la moitié ; que la décision entreprise sera par conséquent réformée en ce sens ; (?) que les dispositions du jugement relatives à la condamnation solidaire de la CFT et de ses assureurs au paiement des sommes respectivement dues à GRT Gaz et GRDF, qui ne sont pas critiquées, seront confirmées ; qu'en conséquence, il convient de condamner la CNR à relever et garantir la société CFT et ses assureurs des condamnations prononcées à leur encontre au bénéfice des sociétés GRDF et GRT Gaz par le jugement dont appel, à concurrence de la moitié ;
1°) ALORS QU'il résulte des dispositions de l'article 124 de la loi n° 90-1168 du 29 décembre 1990, de l'article 1er du décret n° 91-796 du 20 août 1991, de l'arrêté du 24 janvier 1992 pris en application de cet article, du décret n° 2003-512 du 16 juin 2003 et du cahier des charges général de la concession de la société CNR, en date du 3 juin 2003, approuvé par le décret n° 2003-513 du 16 juin 2003 que VNF est gestionnaire du domaine public fluvial et assure à ce titre une mission globale d'exploitation et d'entretien de ce domaine, sous réserve, sur le Rhône, des missions qui sont expressément confiées à la société CNR, en tant que concessionnaire, par le cahier des charges ; que l'unique obligation mise à la charge de cette dernière est le maintien du gabarit du chenal navigable, tel que défini à l'article 7 du cahier des charges ; qu'en considérant, pour retenir la responsabilité de la société CNR, que cette société était tenue d'une obligation d'entretien de la voie navigable, la cour d'appel a violé les dispositions précitées ;
2°) ALORS QUE la responsabilité de la société CNR doit s'apprécier au regard des obligations mises à sa charge par le contrat de concession ; qu'en relevant, pour retenir la responsabilité de la société CNR, que cette société avait laissé la société EDF rejeter dans le Rhône des bois flottants, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions, p. 25-27), si la société CNR n'avait pas pour unique obligation de s'assurer du maintien des caractéristiques géométriques du chenal précisées à l'article 7 du cahier des charges de la concession, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3°) ALORS QU'en relevant, pour retenir la responsabilité de la société CNR, que cette société avait donné son aval à la société EDF pour rejeter dans le Rhône des bois flottants, sans préciser en quoi la société CNR aurait eu le pouvoir d'empêcher cette société de rejeter ces bois, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
4°) ALORS QUE le rapport du CETMEF du 2 avril 2009 (p. 11-15) contredisait le rapport collégial sur la question de l'incidence de la longueur du convoi, invoquée par la société CNR comme cause principale de l'accident ; qu'en considérant que les conclusions du rapport collégial, sur lequel elle s'est exclusivement fondée pour retenir la responsabilité de la société CNR, n'étaient contredites par aucun avis technique, la cour d'appel a dénaturé ce rapport, versé au débat, violant ainsi le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;
5°) ALORS QUE le rapport du BEA-TT (p. 27) et l'expertise morphologique de M. [M] (p. 7) contredisaient le rapport collégial sur la question de la possibilité, pour le convoi, d'avoir été ralenti par un haut-fond, retenue par les juges d'appel comme une des causes de l'accident ; qu'en considérant que les conclusions du rapport collégial, sur lequel elle s'est exclusivement fondée pour retenir la responsabilité de la société CNR, n'étaient contredites par aucun avis technique, la cour d'appel a dénaturé le rapport du BEA-TT et l'expertise de M. [M], versés au débat, violant ainsi le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;
6°) ALORS QUE le juge doit rechercher la cause directe et immédiate du préjudice subi par la victime ; que la société CFT soutenait qu'une importante partie du préjudice qu'elle avait subi résultait de la déchirure de la coque de l'Annemasse, causée par la forme des piles du pont (conclusions CFT, p. 41) ; qu'en considérant, pour écarter comme inopérant le moyen tiré de ce que la société CNR n'était pas responsable de la forme des piles du pont et pour condamner cette société à réparer, à concurrence de la moitié, l'ensemble du préjudice subi par la société CFT, que la responsabilité de la société CNR était suffisamment établie par le rejet des bois flottants et l'encombrement du chenal, la cour d'appel, qui n'a pas constaté l'existence d'un lien de causalité direct et immédiat entre les manquements reprochés à la société CNR et le préjudice subi du fait de la déchirure de la coque de l'Annemasse, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
7°) ALORS QUE, comme l'avait relevé le collège d'experts (p. 20), la seule circonstance que le risque de heurter un bois flottant se soit trouvé augmenté par le rejet dans le fleuve des bois qui s'accumulent aux grilles de protection des usines hydroélectriques, ne permettait pas d'établir que le bois qui avait heurté l'hélice du pousseur faisait bien partie des bois ainsi rejetés ; qu'en se bornant, pour retenir la responsabilité de la société CNR, à relever que la cause principale de l'insuffisance du propulseur était « l'endommagement accidentel d'une hélice du pousseur en raison du heurt avec un bois flottant » et que la responsabilité de la société CNR était engagée du fait du rejet par EDF, avec son aval, « des bois flottants qui s'accumulent aux barrages, ce qui augmente le risque de heurts pour les usagers », sans constater que l'hélice avait été endommagée par un bois provenant effectivement d'une usine hydroélectrique, la cour d'appel, qui n'a pas constaté l'existence d'un lien de causalité direct entre le manquement reproché à la société CNR et le dommage subi par la société CFT, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
8°) ALORS QU'en tout état de cause, la société CNR faisait valoir qu'il résultait du rapport collégial (p. 25) que, même en l'absence des deux causes de ralentissement qui lui était imputées (endommagement de l'hélice et engraissement du chenal), le convoi n'aurait pu atteindre qu'une vitesse de 0,94 m/s, inférieure à la vitesse de 1 m/s nécessaire pour franchir le pont (conclusions, p. 21-22) ; qu'en condamnant la société CNR, sans répondre à ce moyen opérant, susceptible de remettre en cause le lien de causalité entre les manquements invoqués et le préjudice subi par les demanderesses, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société CNR à payer la somme de 118 853,62 euros aux assureurs au titre des frais exposés dans le cadre des opérations d'expertise ;
AUX MOTIFS QU'il ressort de cette expertise que ni la composition du convoi, ni la faute de son pilote ne sont en cause, contrairement à ce que soutient la CNR sans apporter d'éléments objectifs suffisants en contradiction avec la position du collège d'experts judiciaires ; que l'insuffisance de puissance de propulsion du pousseur est certes à l'origine du sinistre, elle a toutefois pour cause principale l'endommagement accidentel d'une hélice du pousseur en raison du heurt avec un bois flottant, auquel se sont ajoutés une très légère survitesse du courant et l'existence de hauts-fonds dues à l'encombrement du chenal, mais de manière secondaire, voire très secondaire en ce qui concerne la vitesse ; que la probabilité de heurter un bois flottant est inhérente à la navigation fluviale ; que, cependant, dans le cas présent, ce risque s'est trouvé augmenté par le rejet dans le fleuve des bois qui s'accumulent aux grilles de protection des usines pratiqué par EDF avec l'aval de la CNR, et l'encombrement du chenal, à la fois naturel (engraissement) et artificiel (hautsfonds), ce qui a participé à la survenance du sinistre dans des proportions que le contenu de l'expertise judiciaire permet d'évaluer à concurrence de la moitié ; (?) qu'il se trouve ainsi établi que les causes du sinistre sont imputables, dans les proportions retenues ci-dessus, au manquement de la CNR à son engagement en qualité de concessionnaire, à son obligation d'entretien et de surveillance du chenal de navigation ; que les créances de la CFT et celles de ses assureurs ne sont pas sérieusement discutées en leur quantum ; qu'il convient, en conséquence, de déclarer la CNR responsable de l'accident du 18 janvier 2004 à concurrence de la moitié et de la condamner à payer à la société Allianz Global Corporate et Specialty SE, la Compagnie Générali France Assurances, la Compagnie le Continent Département maritime et transports, la Compagnie SIAT, département Maritime et Transports, la Compagnie Mutuelles du Mans Assurances la somme de 2 756 623 € majorée des intérêts légaux à compter du 16 mars 2015, avec capitalisation conformément aux dispositions de l'article 1154 ancien, 1343-2 nouveau du code civil, celle de 118 853 62 € au titre des frais exposés dans le cadre des opérations d'expertise, à concurrence de la moitié, à payer à la CFT celles de 2 007 246,84 € majorée des intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2011 avec capitalisation conformément aux dispositions de l'article 1154 ancien, 1343-2 nouveau du code civil, à concurrence de la moitié ; que la décision entreprise sera par conséquent réformée en ce sens ; (?) qu'enfin il ne paraît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles non compris dans les dépens ;
1°) ALORS QUE les frais exposés et non compris dans les dépens ne constituent pas un préjudice réparable et ne peuvent être remboursés que sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'en condamnant la société CNR à payer la somme de 118 853,62 euros demandée par les assureurs au titre des frais exposés dans le cadre des opérations d'expertise, cependant qu'il ne s'agissait pas d'un préjudice réparable, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°) ALORS QU'en mettant les frais exposés par les assureurs dans le cadre des opérations d'expertise à la charge de la CNR tout en déboutant les parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé cet article ;
3°) ALORS QU'en tout état de cause, une contradiction entre les motifs de l'arrêt et son dispositif équivaut à un défaut de motif ; qu'en condamnant la société CNR à payer l'intégralité de la somme de 118 853,62 euros demandée par les assureurs au titre des frais exposés dans le cadre des opérations d'expertise, tout en relevant, dans les motifs de son arrêt, qu'il convenait de la condamner à leur payer cette somme « à concurrence de la moitié » (p. 21 § 3), la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QU'en toute hypothèse, la personne ayant contribué à la réalisation d'un dommage ne doit réparation qu'à concurrence de sa part de responsabilité dans la survenance du dommage ; qu'en condamnant la société CNR à payer l'intégralité de la somme de 118 853,62 euros demandée par les assureurs au titre des frais exposés dans le cadre des opérations d'expertise, après avoir retenu que cette société n'était responsable de l'accident qu'à concurrence de la moitié, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.