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31/03/2009 | FRANCE | N°06-20724

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 31 mars 2009, 06-20724


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 23 décembre 1993, la société Bricoles (la société), constituée par M. et Mme X... (les époux X...), a acquis de la Société d'exploitation et de gestion du Pacifique Sud (la SEGPS) un fonds de commerce de parfumerie, bijouterie, maroquinerie et accessoires de mode ; que les époux X... se sont portés caution d'un prêt de 42 000 000 francs CFP, consenti à la société par la société Banque nationale de Paris Nouvelle Calédonie (la banque) ; qu'alléguant

avoir investi entre 1993 et 1999 tous leurs biens personnels dans la sociét...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 23 décembre 1993, la société Bricoles (la société), constituée par M. et Mme X... (les époux X...), a acquis de la Société d'exploitation et de gestion du Pacifique Sud (la SEGPS) un fonds de commerce de parfumerie, bijouterie, maroquinerie et accessoires de mode ; que les époux X... se sont portés caution d'un prêt de 42 000 000 francs CFP, consenti à la société par la société Banque nationale de Paris Nouvelle Calédonie (la banque) ; qu'alléguant avoir investi entre 1993 et 1999 tous leurs biens personnels dans la société, mise en liquidation judiciaire le 3 novembre 1999 et avoir ainsi subi un préjudice personnel, les époux X... ont assigné, aux fins d'obtenir leur condamnation in solidum à leur payer des dommages-intérêts, d'une part, la SEGPS, lui imputant une réticence dolosive par la dissimulation de l'implantation prochaine dans la même ville d'une société concurrente à laquelle elle apportait un fonds de commerce exploitant une activité similaire et à qui elle devait transférer ses marques et pour avoir omis de produire divers documents comptables qui leur auraient révélé une surévaluation du fonds, d'autre part, la banque en lui reprochant d'avoir, sans autorisation, affecté la somme de 2 000 000 francs CFP, provenant de la vente du stock effectuée par la société, nanti au profit de la banque, au remboursement d'un prêt, et, enfin, la société Mazars et Guérard Nouvelle Calédonie (la société Mazars), expert-comptable de la société, lui faisant grief de ne pas avoir conseillé à la société dès le bilan arrêté au 30 juin 1996, de solliciter l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ;
Sur les premier et troisième moyens :
Attendu que les moyens ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 1134 et 1147 du code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande en paiement de dommages-intérêts dirigée contre la banque du chef de l'affectation du prix de vente du stock gagé, l'arrêt retient que la banque soutient sans être démentie par les époux X... que la somme qu'elle a affectée au remboursement d'un prêt dont elle est créancière, provenait de marchandises nanties à son profit et qu'il ne saurait en conséquence être reproché à la banque d'avoir utilisé cette somme en remboursement de sa créance ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la banque justifiait d'un ordre valable de la société l'autorisant à tirer profit de la remise en compte du prix de vente du stock gagé en procédant au remboursement du prêt par elle consenti, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande en dommages-intérêts de M. et Mme X... dirigée contre la société BNP Paribas Nouvelle Calédonie, l'arrêt rendu le 10 août 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa, autrement composée ;
Condamne la Banque nationale de Paris Nouvelle Calédonie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Banque nationale de Paris Nouvelle Calédonie à payer à M. et Mme X... la somme globale de 2 500 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES à l'arrêt n° 313 (COMM.) ;
Moyens produits par la SCP Roger et Sevaux, Avocat aux Conseils, pour les époux X... ;

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les époux X... de leur demande en dommages et intérêts à l'encontre de la SEGPS,
Aux motifs que les premiers juges ont à bon droit débouté les époux X... de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la SEGPS, faute d'existence d'une réticence dolosive de cette dernière relative à l'implantation de la société Allders, parue dans un journal d'annonces légales dès le 10 septembre 1993, soit antérieurement à l'achat litigieux par les époux X..., et annoncée dès 1991 ; qu'à cet égard, les époux X... ne peuvent invoquer leur propre négligence pour avoir omis de se tenir informés de l'évolution du secteur d'activité dans lequel ils projetaient de s'installer ; que les premiers juges ont encore à bon droit relevé que les époux X... ont renoncé à une clause de non concurrence de la part de la SEGPS, et qu'ils n'ont intenté aucune action pendant sept ans ; que, s'agissant des documents comptables que les époux X... reprochent à la SEGPS de leur avoir cachés, de même que la valeur du fonds, les premiers juges ont justement rappelé que ces documents sont les comptes de la société SEGPS déposés au registre du commerce et des sociétés et accessibles au public, ce qui est constant, et qu'il appartenait aux époux X... acheteurs de se renseigner en consultant ces comptes avant de réaliser une acquisition d'une valeur de 66.000.000 francs CFP 553.088,07 euros ;
Et aux motifs, expressément adoptés des premiers juges, que les époux X... invoquent la réticence dolosive de la société SEGPS qui leur aurait caché l'implantation prochaine à Nouméa d'un concurrent en la personne de la société Allders ; qu'or, il n'est pas contesté que la création de la société Allders Nouvelle-Calédonie a fait l'objet d'une annonce légale le 10 septembre 1993 dans le journal Les Nouvelles Calédoniennes ; que cette annonce publiée dans le seul journal du territoire pouvait difficilement échapper aux époux X..., chefs d'entreprise depuis vingt ans, lesquels cherchaient à ce moment-là à investir le produit de la vente de leur société et avaient commencé à'intéresser au fonds de la société SEGPS ; qu'en outre, cette arrivée sur le territoire n'était pas une surprise puisque dès 1991, le syndicat des commerçants en hors taxe s'en était inquiété et s'en est ému à nouveau, quelques jours après la parution de cette annonce, dans une lettre adressée à la fédération des industries du tourisme ; que dans ces conditions, les époux X..., en tant qu'investisseurs potentiels dans ce secteur d'activité, ne pouvaient, et ne devaient, l'ignorer ; que s'il existe en effet une obligation de loyauté et de bonne foi entre deux cocontractants commerçants, mais non une obligation pré-contractuelle de renseignement qui ne s'applique qu'entre professionnel et consommateur, il existe également à la charge de chaque cocontractant une obligation de se renseigner ; qu'il ne peut donc y avoir de réticence dolosive dès lors que les informations dissimulées pouvaient, comme en l'espèce, être aisément découvertes et auraient dû l'être par tout commerçant avisé ; que si tant est que les époux X... aient à bon droit ignoré l'existence de la société Allders, il ne peut être démontré que s'ils en avaient été informés, ils auraient renoncé à leur achat puisque, ayant renoncé à toute clause de non concurrence, ils ont accepté le risque que la société SEGPS poursuive et même développe une activité concurrente voire même s'associe avec un tiers comme cela s'est produit ; qu'en outre, si l'arrivée de la société Allders avait été une surprise et un élément déterminant de leur consentement, ils n'auraient pas attendu sept ans avant de s'en plaindre ; que, par ailleurs, les époux X... estiment que la société SEGPS leur a caché divers documents comptables, qui auraient permis à leur comptable d'analyser la réalité du chiffre d'affaires et la véritable valeur du fonds ; qu'or, les documents comptables en cause sont les comptes de la société SEGPS déposés chaque année au registre du commerce et des sociétés où ils sont accessibles à tous ; que leur dépôt régulier au registre du commerce est établi de manière incontestable par les lettres d'accompagnement du comptable à l'adresse du greffier qui sont versées au débat par les demandeurs ; que les époux X... ne sauraient de bonne foi affirmer avoir ignoré ces documents et s'être contentés d'une étude d'un cabinet comptable fournie par le vendeur, avant d'investir 66 millions de francs CFP 553.088,07 euros ;
Alors qu'en ne recherchant pas, comme elle y était cependant invitée par les écritures d'appel de l'exposante, si, en stipulant, de façon non contestée, à l'acte de cession du fonds de commerce du 23 décembre 1993 que les marques clientes de la SEGPS, cédante, « resteraient distribuées par le fonds de commerce, objet de la présente », ce que, en tant que professionnelle de la distribution de luxe, la cédante savait ne pouvoir être tenu, le retrait immédiat de nombreuses marques suite au changement de propriétaires de la boutique distributrice - qui s'est effectivement produit – étant, au contraire, parfaitement prévisibles, la SEGPS ne s'était pas rendue responsable de manoeuvres dolosives envers la société Bricoles et les consorts X..., de nature à engager sa responsabilité à l'égard de ces derniers, la Cour d'appel de Nouméa a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les époux X... de leur demande en dommages et intérêts à l'encontre de la BNP Nouvelle-Calédonie, devenue BNP Paribas ;
Aux motifs que la banque soutient en appel, sans être démentie par les époux X..., que la somme qu'elle a affectée au remboursement d'un prêt dont elle est créancière provenait de marchandises nanties à son profit ; qu'il ne saurait en conséquence être reproché à la banque d'avoir utilisé cette somme en remboursement de sa créance ;
Alors, d'une part, que le nantissement est un contrat par lequel un débiteur remet une chose à un créancier pour sûreté de la dette ; que dans tous les cas, le privilège ne subsiste sur le gage, nantissement d'une chose mobilière, qu'autant que ce gage a été mis et est resté en la possession du créancier, ce qui n'est plus le cas lorsque le bien gagé a été aliéné ; qu'en justifiant l'appropriation, par la banque, du produit de la vente des marchandises par le nantissement ayant préexisté à la vente sur ces marchandises, la Cour d'appel, qui avait par ailleurs constaté que les marchandises nanties avaient été vendues, entraînant de ce fait la disparition du gage de la banque, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 2071 et 2072 anciens du Code civil et L. 521-2 du nouveau Code de commerce (article 92 de l'ancien Code de commerce) ;
Subsidiairement,
Alors, d'autre part, que la dépossession, qui fait perdre au constituant une partie de ses prérogatives sur la chose donnée en gage, ne les confère pas pour autant au créancier nanti, qui dispose, en sa qualité de créancier dépositaire de cette chose, jusqu'à sa restitution, du seul pouvoir de garder la chose sans acquérir celui d'en user ni de l'administrer ; que, même en considérant que les fonds déposés à la banque s'étaient substitués aux marchandises vendues pour constituer l'objet du gage et assurer sa persistance ou son renouvellement, la Cour d'appel, qui a justifié l'affectation litigieuse par le seul nantissement existant sur les marchandises, sans rechercher, comme l'y invitaient pourtant les conclusions d'appel des exposants, si la banque justifiait d'un ordre valable de la débitrice pour disposer des espèces qui lui avaient été déposées, a privé sa décision de base légale au regard des articles 2071 ancien du Code civil et L. 521-2 du nouveau Code de commerce (article 92 de l'ancien Code de commerce) ;
Alors, en outre, que le gage confère au créancier le droit de se faire payer sur la chose qui en est l'objet par privilège et préférence aux autres créanciers ; que si la stipulation d'attribution d'un gage constitué en espèces déposées sur un compte, par le créancier à due concurrence du défaut de paiement à l'échéance ne tombe pas sous le coup de la prohibition du pacte commissoire, celui-ci ne peut autoriser qu'une compensation ; que, même en considérant que les fonds déposés à la banque devaient être considérés comme constitués en gage-espèces avec une telle faculté d'attribution, la Cour d'appel, qui a justifié l'affectation litigieuse par le seul gage préexistant sur les marchandises, sans constater la réunion des conditions de la compensation, a de plus fort privé sa décision de base légale au regard des articles 2073 ancien du Code civil et L. 521-3 du nouveau Code de commerce (article 93 de l'ancien Code de commerce) ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les époux X... de leur demande en dommages et intérêts à l'encontre de la SARL Mazars et Guérard Nouvelle-Calédonie, devenue OCEA Nouvelle-Calédonie ;
Aux motifs que l'expert-comptable est tenu à un devoir de conseil à l'égard de son cocontractant, la société Bricoles, en application de l'article 1135 du Code civil ; qu'en l'espèce, les époux X... sont des tiers à l'égard de la SARL Mazars et Guérard, à laquelle ils réclament des dommages et intérêts en leur qualité de cautions pour un défaut de conseil commis à l'égard de la société Bricoles ; qu'en conséquence, les époux X... doivent établir une faute fondée sur les dispositions de l'article 1382 du Code civil ; que les époux X... étaient les gérants de la société Bricoles, qu'ils disposaient d'une expérience de vingt ans en matière de gestion des entreprises ; qu'ils ont acquis la société Bricoles en 1993 pour un prix de 66 millions de francs CFP, et qu'ils ont régulièrement versé des sommes importantes afin de pallier les difficultés financières de cette société, à savoir 38 millions en 1994 et 1995, 10 millions en avril 1996 et 21 millions en mars 1999, alors même que les comptes de la société accusaient un déficit important en 1996 et 1998, et que les époux X... se sont portés cautions de la société Bricoles pour le prêt de restructuration de 42 millions en avril 1998 ; qu'il en résulte que les époux X... étaient parfaitement à même d'évaluer l'opportunité de déposer le bilan de la société Bricoles ou de continuer à y verser des sommes et de poursuivre l'exploitation, ce qu'ils ont fait en toute connaissance de cause ; qu'il ne peut être imputé à la SARL Mazars et Guérard Nouvelle-Calédonie, à l'encontre de laquelle il n'est allégué aucune faute dans l'exécution de sa mission de tenue et de vérification des comptes, de nature à induire en erreur les gérants de la société Bricoles, cautions de la même société, d'avoir failli à son obligation de conseil ;
Alors que, quelle que soit la mission qui lui a été confiée, l'expert-comptable est tenu à une obligation de conseil qui implique d'éclairer le chef d'entreprise sur les moyens de faire face aux problèmes dont l'expert a pu avoir connaissance et le guider dans ses choix ; qu'il en va a fortiori ainsi lorsque le chef d'entreprise est lui-même personnellement impliqué en tant que caution solidaire de la société cliente ; que l'expertcomptable n'est pas déchargé de cette obligation par la compétence du dirigeant, lequel précisément s'entoure de personnes non seulement qualifiées, mais encore spécialisées, afin d'effectuer de façon éclairée les choix de gestion pertinents, compte tenu, également, des engagements de l'entreprise ; qu'en décidant que la société d'expertise comptable n'avait pas failli à son obligation de conseil motifs pris de la compétence des époux X... et des moyens financiers déployés par eux pour renflouer la société, ainsi que de l'absence de faute de la société d'expertise comptable dans la tenue et la vérification des comptes sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée par les conclusions d'appel de l'exposante si, ayant eu connaissance de la cessation des paiements de la société Bricoles au sens de l'article 3 de la loi n°85-98 du 25 janvier 1985, l'expert comptable justifiait avoir attiré l'attention des époux X... sur cette situation en lui recommandant d'en tirer les conséquences, la Cour d'appel de Nouméa a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 06-20724
Date de la décision : 31/03/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nouméa, 10 août 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 31 mar. 2009, pourvoi n°06-20724


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : Me Jacoupy, SCP Defrenois et Levis, SCP Roger et Sevaux

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:06.20724
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