LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. et Mme X... sont propriétaires d'un immeuble construit sur un terrain en pente, en contrebas duquel est construite la maison de M. et Mme Y... ; que des pluies intenses ayant provoqué un glissement de terrain, un arrêté municipal a ordonné l'évacuation des bâtiments ; qu'après expertise judiciaire et à la suite d'un arrêté de catastrophe naturelle M. et Mme X... ont fait assigner en réparation de leur préjudice leur assureur, la société Assurances du crédit mutuel (ACM), M. et Mme Y... et l'assureur de ceux-ci, la société Swiss Life assurances de biens ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que, pour condamner la société ACM à payer à M. et Mme X... la somme totale de 357 327,18 euros, l'arrêt retient que, selon l'article 23.2 du contrat d'assurance "Corail 3000" souscrit par eux, la garantie "catastrophe naturelle" consiste dans la réparation pécuniaire des dommages matériels directs non assurables subis par les biens assurés ; que les premiers juges ont exactement analysé l'impossibilité pour les époux X... d'utiliser leur maison en raison du caractère dangereux lié à son instabilité comme une atteinte totale à la substance des biens immobiliers assurés, qui ne peuvent plus remplir leur fonction d'hébergement ; que le terrain est inséparable de la maison et constitue son assise indispensable ; que les dommages l'affectant doivent être qualifiés de dommages matériels directs ; qu'en conclusion de son rapport complémentaire du 11 avril 2007 l'expert judiciaire a chiffré à la somme de 357 327,18 euros TTC les travaux effectués ou devant être réalisés dans la propriété des époux X... ;
Qu'en statuant ainsi, alors que ce montant total englobait notamment une certaine somme au titre des "travaux pour restituer dans son état initial" le fonds appartenant aux époux Y..., la cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise et violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que, pour condamner la société ACM au paiement de dommages-intérêts, l'arrêt confirmatif retient que cet assureur a résisté abusivement à l'indemnisation de ses assurés et retardé le paiement de la garantie alors qu'un arrêté de catastrophe naturelle avait été publié et qu'il y avait un risque d'écroulement de leur maison ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants pour caractériser une résistance abusive, alors que la société ACM contestait que les travaux que ses assurés lui demandaient de prendre en charge aient porté sur des dommages garantis et que le juge des référés avait rejeté leur demande de provision en raison d'une contestation sérieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement déféré pour avoir condamné ACM à payer à M. et Mme X... la somme de 346 779 euros et ajoute à ce titre un complément d'indemnisation de 10 548,18 euros, et en ce qu'il confirme le jugement pour avoir condamné ACM au paiement de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, l'arrêt rendu le 27 avril 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette toutes les demandes présentées de ce chef ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils pour la société Assurance du crédit mutuel
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la compagnie les Assurances du Crédit Mutuel à verser aux époux X... la somme totale de 357.327,18 euros et de l'avoir déboutée de ses demandes tendant à ce que les époux Y... et la compagnie La Suisse soient condamnés à lui restituer les sommes excédant celles dont elle était effectivement redevable,
AUX MOTIFS QUE les premiers juges ont exactement analysé l'impossibilité par les époux X... d'utiliser leur maison en raison du caractère dangereux lié à son instabilité comme une atteinte totale à la substance des biens immobiliers assurés, qui ne peuvent plus remplir leur fonction d'hébergement ; que le terrain est inséparable de la maison et constitue son assise indispensable ; que les dommages l'affectant doivent être qualifiés de dommages matériels directs ; qu'en conclusion du rapport d'expertise complémentaire du 11 avril 2007, après avoir déduit les travaux améliorant l'existant et ceux non imputables aux conséquences du glissement de terrain, Monsieur Z... a chiffré à la somme de 357.327,18 euros TTC les travaux effectués ou devant être réalisés dans la propriété des époux X... en spécifiant qu'aucune structure lourde et aucun mouvement de terrain ne peuvent être envisagés en sorte qu'il n'est pas possible de restituer les lieux dans leur état d'origine mais que la terrasse inférieure doit cependant être reconstituée en éléments légers ; que son chiffrage, qui tient compte de tous ces éléments doit être retenu ;
1°- ALORS QUE les ACM faisaient valoir qu'elles ne pouvaient être tenues de prendre en charge les travaux bénéficiant à la propriété des époux Y..., qui ne sont pas leurs assurés, et que l'expert avait du reste distingué les travaux bénéficiant respectivement à la maison des époux Gosse et à celle des époux Y... ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
2°- ALORS subsidiairement QU'il résultait clairement du rapport de l'expert Z... en date du 11 avril 2007 (p. 14) que la somme de 357.327,18 € se rapportait pour partie à des travaux bénéficiant à la propriété Gosse (209.047,64 €) et pour l'autre partie à des travaux bénéficiant à la propriété Cotte (148.279,54 €) ; que l'expert, s'agissant des travaux de confortement et de drainage précisait que ceux-ci « concernent à part égale les deux propriétés » ; qu'en affirmant que « Monsieur Z... a chiffré à la somme de 357.327,18 euros TTC » les travaux effectués ou devant être réalisés dans la propriété des époux X... », la cour d'appel a dénaturé les termes de ce rapport d'expertise et violé l'article 1134 du Code civil ;
3°- ALORS QUE les Assurances du Crédit Mutuel faisaient valoir qu'étaient exclus de la garantie catastrophe naturelle les terrains, plantations et ouvrages de canalisation, de sorte qu'ils ne pouvaient être tenus à indemniser les frais liés à la création d'un réseau d'eaux pluviales, à la reconstitution d'une terrasse naturelle et à la création d'une nouvelle ainsi qu'à la « revégétalisation » du terrain ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
:Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la compagnie Les Assurances du Crédit Mutuel à payer aux époux X... une somme de 5.000 euros pour « résistance abusive »
AUX MOTIFS QUE le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné la société Assurances du Crédit Mutuel à payer la somme de 5.000 euros à ses assurés pour avoir abusivement résisté à leur indemnisation alors qu'un arrêté de catastrophe naturelle avait été publié,
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la résistance abusive des Assurances du Crédit Mutuel et son retard dans le paiement de la garantie avec le risque de la survenance de l'écroulement de leur maison justifie de condamner les Assurances du Crédit Mutuel à payer aux époux X... des dommages-intérêts à hauteur de 5.000 euros ;
ALORS QUE la défense à une action en justice ne peut, sauf circonstances particulières qu'il appartient alors au juge de spécifier, dégénérer en abus ; qu'en statuant comme ci-dessus sans rechercher si les Assurances du Crédit Mutuel n'étaient pas fondées à décliner leur garantie en l'absence de toute détérioration des bâtiments assurés, et par de tels motifs en toute hypothèse impropres à caractériser l'abus de la compagnie d'assurances dans l'exercice de son droit de se défendre en justice, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil ;