LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt déféré et les productions (Montpellier, 16 octobre 2007), qu'une société italienne Covone ayant commandé plusieurs palettes d'échalotes à la société Le Vili, la marchandise a été expédiée depuis la Bretagne jusqu'à Perpignan, auprès de la société Pujol Verdaguer et compagnie (société Pujol) d'où elle a été, en trois envois, acheminée en Italie ; que, n'ayant pas été payée par la société Covone qui a prétendu n'avoir jamais passé avec elle la moindre commande, la société Le Vili a assigné en responsabilité la société Pujol, prise en qualité de commissionnaire de transport ou de transitaire laquelle, de son côté, a appelé en garantie la société Parten frigo, prise en qualité de transporteur ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Le Vili reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande dirigée contre la société Pujol, prise en qualité de commissionnaire de transport, alors, selon le moyen, que le commissionnaire de transport de marchandises est celui qui organise le transport des marchandises pour le compte d'autrui mais en son propre nom, tout en ayant le libre choix des voies et des moyens du transport ; qu'il était admis par la société Pujol elle-même, d'une part, qu'elle avait rédigé les documents de transport sur lesquels elle se désignait chaque fois en qualité d'expéditeur, sans que ni la société Covone, ni la société Le Vili ne soient par ailleurs mentionnées, d'où il résultait que, tout en agissant pour autrui, elle organisait le transport en son propre nom ; que d'autre part, malgré les instructions de la société Covone désignant les transports X..., la société Covone avait conservé sa liberté de choix du transporteur en s'adressant à la société Parten frigo ; qu'en concluant néanmoins que la société Pujol, qui remplissait ainsi les deux conditions définissant le commissionnaire de transport, n'avait agit qu'en qualité de transitaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 132-1, L. 132-3 et suivants du code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la société Pujol s'était vue imposer le transporteur par la société Covone et qu'elle n'avait facturé à la société Le Vili que le coût du transbordement de la marchandise et non celui de l'acheminement en Italie, la cour d'appel, qui a déduit de ces éléments que la société Pujol, qui figurait comme expéditrice sur les lettres de voiture, n'avait cependant pas été libre du choix des voies et des moyens de l'expédition, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Le Vili reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande dirigée contre la société Pujol, prise en qualité de transitaire, alors, selon le moyen, qu'il appartient au transitaire qui établit une lettre de voiture pour la réexpédition des marchandises qui lui ont été confiées de renseigner le nom du transporteur auquel il les remet ; qu'il résultait des constatations de l'arrêt, approuvées par l'expert, et dans les conclusions de la société Pujol elle-même, que cette dernière avait établi les deux lettres de voiture internationales pour les deuxième et troisième envois de marchandises en provenance de la société Le Vili et à destination de la société Covone en Italie sans mentionner le nom du transporteur auquel elle avait remis lesdites marchandises dont elle assurait pourtant le transit, privant ainsi la société Le Vili de toute possibilité de recours à son encontre ; qu'en écartant néanmoins toute faute professionnelle de la part de la société Pujol ainsi que tout lien de causalité entre cette faute et l'impossibilité dans laquelle s'est trouvée la société Le Vili de récupérer tout ou partie du prix des marchandises expédiées les 5 et 12 juin 2002, la cour d'appel n'a pas déduit de ses constatations les conséquences légales qui en découlaient au regard de l'article 1984 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le préjudice subi par la société Le Vili résultait du non-paiement des factures par la société Covone, la cour d'appel a pu en déduire qu'il était sans lien de causalité avec le transport ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que la société Le Vili reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande dirigée contre la société Parten frigo, alors, selon le moyen :
1° / que la livraison des marchandises à une autre adresse que celle mentionnée par l'expéditeur sur la lettre de voiture internationale constitue une faute de la part du transporteur équivalent à la perte de marchandise ; qu'il résultait des constatations de l'arrêt que la société Parten Frigo n'avait pas effectué la livraison à l'adresse figurant sur la lettre de voiture établie par l'expéditeur, la société Pujol, à savoir à " Covone SRL 80 0035 Nova ", mais à une autre adresse " marché de Pagani " ; qu'en concluant néanmoins que le transporteur n'avait pas commis de faute en livrant la marchandise sur un marché de Pagani, la cour d'appel n'a pas déduit de ses constatations les conséquences légales qui en découlaient au regard de l'article L. 133-1 du code de commerce ;
2° / que la société Le Vili faisait valoir dans ses conclusions d'appel qu'il était apparu en cours d'instruction que le mystérieux transport " X... " recommandé par la société Covone, et la société Parten frigo constituaient la même entité, MM. Aniello et Alessandro X... étant respectivement directeur et administrateur de la société Parten frigo ; que la société Parten frigo avait fini par admettre que c'était bien elle qui avait réalisé les trois transports successifs des marchandises litigieuses vers l'Italie, lesdites marchandises ayant été livrées en un autre lieu que celui prévu à un destinataire qui était seul connu d'elle, ce qui accréditait la thèse de la collusion entre le transporteur italien et la fausse société Covone ; que la cour d'appel qui n'a rien répondu sur ce point, a donc violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que le préjudice subi par la société Le Vili résultait du non-paiement délibéré de la facture par la société Covone, indépendamment du transport, la cour d'appel a ainsi justifié sa décision d'écarter la responsabilité de la société Parten frigo ;
Attendu, d'autre part, que la société Parten frigo n'a pas reconnu, dans la présente instance, avoir réalisé les trois transports successifs de marchandises ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait dans sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Le Vili aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Le Vili à payer à la société Parten frigo la somme de 2 500 euros et à la société Pujol Verdaguer et compagnie la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me COPPER-ROYER, avocat aux Conseils pour la société Le Vili
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la Société LE VILI de sa demande de condamnation de la Société PUJOL VERDAGUER à titre de commissionnaire de transport ;
AUX MOTIFS QUE « la Société PARTEN FRIGO indique avoir été contactée directement, par téléphone, par un certain Raphaël Z..., pour effectuer un transport de marchandises de Perpignan vers le sud de l'Italie, ce qu'il a fait le 30 mai 2002 ; selon le fax envoyé par la Société LE VILI à la Société COVONE, le 4 juin 2002, la Société LE VILI confirme la commande de … « rendu chez PUJOL, à Perpignan », et qu'en réponse, la Société COVONE, accusant réception de cet accord, mentionnait « transports X... ». Si cette modalité de transport n'apparaît que pour le 2ème envoi, il faut observer qu'elle est celle suivie pour le 1er et le 3ème envoi, et qu'il y a lieu d'en déduire, que la Société COVONE avait donné les mêmes instructions, et que c'était elle qui donnait les ordres pour l'organisation du transport et le choix du transporteur ; que, de plus, les factures adressées par la Société PUJOL VERDAGUER, à la Société LE VILI, qui s'élèvent à 60, 60 et 80, 80, et ne sont que des factures de transbordement, et non de transport en Italie, ce qui aurait été le cas si elle avait en agi en qualité de commissionnaire. Elle doit donc être considérée comme transitaire » (arrêt attaqué, page 5 3ème §) ;
ALORS QUE le commissionnaire de transport de marchandises est celui qui organise le transport des marchandises pour le compte d'autrui mais en son nom propre, tout en ayant le libre choix des voies et des moyens du transport ; qu'il était admis par la Société PUJOL VERDAGUER elle-même, d'une part, qu'elle avait rédigé les documents de transport sur lesquels elle se désignait chaque fois en qualité d'expéditeur, sans que ni la Société COVONE, ni la Société LE VILI ne soient par ailleurs mentionnées, d'où il résultait que, tout en agissant pour autrui, elle organisait le transport en son propre nom ; que, d'autre part, malgré les instructions de la Société COVONE désignant les transports X..., la Société PUJOL VERDAGUER avait conservé sa liberté de choix du transporteur en s'adressant à la Société PARTEN FRIGO ; qu'en concluant néanmoins que la Société PUJOL VERDAGUER, qui remplissait ainsi les deux conditions définissant le commissionnaire de transport, n'avait agi qu'en qualité de transitaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 132-1, L. 132-3 et suivants du Code de commerce.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la Société LE VILI de sa demande de condamnation de la Société PUJOL VERDAGUER en responsabilité pour faute ;
AUX MOTIFS QUE les pièces versées aux débats font ressortir que la Société PUJOL VERDAGUER a confié en qualité d'expéditeur, la marchandise expédiée le 29 mai à la Société PARTEN FRIGO, sous lettre de voiture internationale du 30 mai ; que les lettres de voiture internationales des 6 et 13 juin 2002 pour les deux envois suivants « ne mentionnent pas le nom du transporteur effectuant le transport » et qu'« en contrepartie de ses prestations, la Société PUJOL VERDAGUER a dressé le 10 septembre 2002, à la Société LE VILI, trois factures pour transbordement Italie " FAX d'un montant » total de 222, 20 (arrêt attaqué, page 4 in fine à page 5 alinéa 1er) ;
ET ENCORE AUX MOTIFS QU'« un transitaire n'est responsable que de sa faute, et n'est pas garant de la bonne fin du transport ; (…) la Société LE VILI ne justifie pas avoir donné des instructions précises, à la Société PUJOL VERDAGUER, ni avoir été le mandant, ni l'avoir pressée à lui fournir des informations ; qu'en tout état de cause les fautes invoquées seraient sans lien avec le préjudice subi représenté par le défaut de paiement des factures de vente des échalotes » (arrêt attaqué, page 6 2ème §) ;
ALORS QU'il appartient au transitaire qui établit une lettre de voiture pour la réexpédition des marchandises qui lui ont été confiées de renseigner le nom du transporteur auquel il les remet ; qu'il résultait des constatations de l'arrêt, approuvées par l'expert, et dans les conclusions de la Société PUJOL VERDAGUER elle-même, que cette dernière avait établie les deux lettres de voiture internationales pour les deuxième et troisième envois de marchandises en provenance de la Société LE VILI et à destination de la Société COVONE en Italie sans mentionner le nom du transporteur auquel elle avait remis lesdites marchandises dont elle assurait pourtant le transit, privant ainsi l'exposante de toute possibilité de recours à son encontre ; qu'en écartant néanmoins toute faute professionnelle de la part de la Société PUJOL VERDAGUER ainsi que tout lien de causalité entre cette faute et l'impossibilité dans laquelle s'est trouvée l'exposante de récupérer tout ou partie du prix des marchandises expédiées les 5 et 12 juin 2002, la Cour d'appel n'a pas déduit de ses propres constatations les conséquences légales qui en découlaient au regard de l'article 1984 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la Société LE VILI de sa demande en responsabilité à l'encontre de la Société PARTEN FRIGO ;
AUX MOTIFS QUE sur les lettres de voiture internationales des 30 mai, 6 et 13 juin 2002 établies par la Société PUJOL VERDAGUER « en qualité d'expéditeur », il était successivement indiqué que la marchandise était « à destination de la Société COVONE, à Nova en Italie » « que le lieu de livraison ét (ait) à Naples, à la Société COVONE » ou que la marchandise était destinée à la Société COVONE et (devait) être livrée à NOVA ; que ces deux dernières lettres de voiture ne mentionnent pas le nom du transporteur effectuant le transport (arrêt attaqué, page 4 in fine et page 5 1er) ;
ET ENCORE AUX MOTIFS QUE « le voiturier n'est garant que de la perte et des avaries de la marchandise transportée. Cette société a livré la marchandise au lieu de livraison par la Société COVONE, sur un marché à PAGANI. Elle n'a commis aucune faute » (arrêt attaqué, page 6 3ème §).
ALORS QUE, D'UNE PART, la livraison des marchandises une autre adresse que celle mentionnée par l'expéditeur sur la lettre de voiture internationale constitue une faute de la part du transporteur équivalent à la perte de marchandise ; qu'il résultait des propres constatations de l'arrêt que la Société PARTEN FRIGO n'avait pas effectué la livraison à l'adresse figurant sur la lettre de voiture établie par l'expéditeur, la Société PUJOL VERDAGUER, à savoir à « COVONE SRL 80 0035 NOVA », mais à une autre adresse « marché de Pagani » ; qu'en concluant néanmoins que le transporteur n'avait pas commis de faute en livrant la marchandise sur un marché à PAGANI, la Cour d'appel n'a pas déduit de ses constatations les conséquences légales qui en découlaient au regard de l'article L. 133-1 du Code de commerce ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, l'exposante faisait valoir dans ses conclusions d'appel qu'il était apparu en cours d'instruction que le mystérieux transport « X... » recommandé par la Société COVONE et la Société PARTEN FRIGO constituaient la même entité, Messieurs X... Aniello et Alessandro étant respectivement directeur et administrateur de la Société PARTEN FRIGO ; que la Société PARTEN FRIGO avait fini par admettre que c'était bien elle qui avait réalisé les trois transports successifs des marchandises litigieuses vers l'Italie, lesdites marchandises ayant été livrées en un autre lieu que celui prévu à un destinataire qui était seul connu d'elle, ce qui accréditait la thèse de la collusion entre le transporteur italien et la fausse Société COVONE (conclusions précitées, page 15) ; que la Cour d'appel, qui n'a absolument rien répondu sur ce point, a donc violé l'article 455 du Code de procédure civile ;