LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Auxitec industrie que sur le pourvoi incident relevé par la société Palamatic France ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 2 juillet 2009) que la société Auxitec industrie (la société Auxitec) a passé commande d'un poste de chargement en sel à la société Palamatic France (la société Palamatic) pour lequel celle-ci a confié la fabrication d'une vis d'alimentation à la société Etablissements Brun frères (la société Brun frères) ; que l'installation présentant des dysfonctionnements, la société Auxitec a assigné la société Palamatic qui a appelé la société Brun frères en garantie ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que la société Auxitec fait grief à l'arrêt de l'avoir déclarée mal fondée en son action et d'avoir rejeté corrélativement sa demande tendant au paiement des sommes de 74 398,52 et 12 729,41 euros en réparation de ses préjudices matériel et économique, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge est tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'aussi bien, manque à son office et commet un déni de justice le juge qui, après avoir restitué aux prétentions dont il est saisi leur fondement juridique prétendument idoine, refuse de les examiner sur ce fondement prétexte pris qu'il n'est pas celui invoqué par le demandeur et entre par ce seul motif en voie de rejet ; qu'en statuant de la sorte, la cour viole les articles 12 du code de procédure civile et 4 du code civil, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés ;
2°/ que le juge est saisi de tous les moyens et prétentions formulés dans les dernières conclusions, peu important qu'ils le soient dans les motifs ou dans le dispositif de ces écritures ; qu'en l'espèce, la société Auxitec avait pris la peine de démontrer en cause d'appel que, dans l'hypothèse même où il serait jugé que son action devait être fondée sur les règles régissant la garantie légale des vices cachés, elle n'en serait pas moins recevable et bien fondée en ses demandes, dès lors que le changement de fondement juridique n'emportait en lui-même aucun changement d'objet et qu'elle ne pouvait davantage trébucher sur l'écueil du bref délai ; que dès lors, en retenant que l'action intentée par la société Auxitec était fondée, et exclusivement fondée, sur les dispositions de l'article 1604 du code civil, la cour viole les articles 4 et 5 du code de procédure civile, ensemble l'article 954 du même code ;
3°/ qu'il résulte des énonciations mêmes de l'arrêt que la vis en inox litigieuse présentait non seulement des désordres relevant de la garantie des vices cachés, mais également un défaut de conformité aux spécifications contractuelles en ce que son niveau sonore était supérieur aux préconisations techniques imposées et en ce qu'il n'était pas possible de procéder à une vidange complète et à l'eau de l'installation ; qu'en soumettant pourtant ces désordres distincts au régime unique de la garantie des vices cachés, pour rejeter l'action fondée sur le défaut de conformité, la cour refuse de tirer les conséquences de ses propres constatations, violant les articles 1604 et 1641 du code civil, ensemble l'article 12 du code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève qu'il a été commandé et livré une vis dont les qualités intrinsèques ne correspondent pas aux spécifications indiquées et qui n'est pas davantage conforme à la destination qui lui était assignée ; que l'arrêt retient que ces défauts, qui rendent la chose vendue impropre à l'usage auquel elle était destinée, constituent un vice caché ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel a exclu l'action fondée sur la non-conformité ;
Attendu, en second lieu, qu'ayant souverainement apprécié que la société Auxitec n'agissait que sur le fondement de la violation des dispositions de l'article 1604 du code civil et retenu qu'à ce titre ses demandes devaient être intégralement rejetées, la cour d'appel, qui n'avait pas l'obligation de changer le fondement juridique de cette demande, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que la société Palamatic fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à retirer la vis litigieuse de l'établissement de la société Auxitec à Petite Couronne (76) et ce sous astreinte, alors, selon le moyen, que la contradiction entre les motifs et le dispositif d'une décision équivaut à l'absence de motifs ; que par suite après avoir énoncé dans ses motifs que la société Auxitec doit être déboutée de l'intégralité de ses demandes, le débouté à titre principal emportant rejet de sa demande d'enlèvement par voie de conséquence de la vis litigieuse, l'arrêt attaqué ne pouvait condamner la société Palamatic à retirer cette vis ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a donc violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir décidé dans ses motifs que la société Auxitec devait être déboutée de l'intégralité de ses demandes et précisé que le débouté à titre principal emportait rejet de sa demande d'enlèvement par voie de conséquence de la vis litigieuse, l'arrêt, dans son dispositif, condamne la société Palamatic à retirer la vis litigieuse et ce sous astreinte ; qu'il s'ensuit que la contradiction alléguée entre les motifs et le dispositif procède d'une erreur purement matérielle qui peut, selon l'article 462 du code de procédure civile, être réparée par la Cour de cassation ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois, tant principal qu'incident ;
Dit que, dans le dispositif de l'arrêt attaqué, la mention «Condamne la SARL Palamatic France à retirer la vis litigieuse de l'établissement de la SAS Auxitec industrie à Petite Couronne (76) et ce sous astreinte provisoire de 150,00 euros par jour de retard commençant à courir deux mois après la signification du présent arrêt et pour une durée de trois mois passé lequel il sera à nouveau fait droit» sera remplacée par «Rejette la demande de la société Auxitec industrie tendant à obtenir la condamnation de la société Palamatic France à enlever à ses frais la vis litigieuse sous astreinte de 100 euros par jour de retard» ;
Condamne la société Auxitec industrie et la société Palamatic aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit, au pourvoi principal, par Me Blondel, avocat aux Conseils pour la société Auxitec Industrie
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré mal fondée la société Auxitec en son action et rejeté corrélativement sa demande tendant au paiement des sommes de 74.398,52 et 12.729,41 euros en réparation de ses préjudices matériel et économique ;
AUX MOTIFS QUE, développant leurs moyens sur le manquement à l'obligation de délivrance pour la première et sur la garantie des vices cachés pour la seconde, ces deux parties placent leurs relations contractuelles sur le fondement de la vente ; qu'il en sera pris acte ; que la vis que la SARL Palamatic France a commandé à la SARL Etablissements Brun Frères et qu'elle a fourni à la SAS Auxitec Industrie n'est pas conforme aux spécifications contractuelles en ce que son niveau sonore était supérieur aux préconisations techniques imposées et en ce qu'il n'était pas possible de procéder à une vidange complète et à l'eau de l'installation ; que toutefois, elle présente aussi un défaut de conception en ce qu'il n'a pas été possible de remédier aux dysfonctionnements constatés, l'expert retenant comme une impossibilité technique le fait d'obtenir un fonctionnement satisfaisant en mettant en oeuvre une vis rigide dans un tube de 9 m ; qu'il a été commandé et livré une vis en inox dont les qualités intrinsèques ne correspondaient pas, en ce qui concerne les performances, aux spécifications indiquées et n'était pas davantage conforme à la destination qui lui était assignée à la commande, à savoir assurer le transfert du chlorure de sodium sur une hauteur de 9 mètres, même en assurant un chargement sac de sel par sac de sel ; que ces défauts qui la rendent impropre à l'usage auquel elle était destinée constituent un vice caché ; que c'est dès lors à bon droit que l'intimée fait valoir que la demande doit être examinée sur le fondement de l'article 1641 du code civil ; qu'en ce qu'elle n'agit que sur la violation des dispositions de l'article 1604 du code civil, les demandes de la SAS Auxitec Industrie sont mal fondées ; que celle-ci doit être déboutée de l'intégralité de celles-ci, le débouté à titre principal emportant rejet de sa demande d'enlèvement par voie de conséquence de la vis litigieuse ; que la décision entreprise doit être infirmée, sans qu'il y ait lieu de rechercher s'il résulte de l'assignation en référé une interversion de prescription ;
ALORS QUE, D'UNE PART, le juge est tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'aussi bien, manque à son office et commet un déni de justice le juge qui, après avoir restitué aux prétentions dont il est saisi leur fondement juridique prétendument idoine, refuse de les examiner sur ce fondement prétexte pris qu'il n'est pas celui invoqué par le demandeur et entre par ce seul motif en voie de rejet ; qu'en statuant de la sorte, la cour viole les articles 12 du code de procédure civile et 4 du code civil, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, le juge est saisi de tous les moyens et prétentions formulés dans les dernières conclusions, peu important qu'ils le soient dans les motifs ou dans le dispositif de ces écritures ; qu'en l'espèce, la société Auxitec avait pris la peine de démontrer en cause d'appel (cf. ses dernières écritures, p.7 et 8) que, dans l'hypothèse même où il serait jugé que son action devait être fondée sur les règles régissant la garantie légale des vices cachés, elle n'en serait pas moins recevable et bien fondée en ses demandes, dès lors que le changement de fondement juridique n'emportait en lui-même aucun changement d'objet et qu'elle ne pouvait davantage trébucher sur l'écueil du bref délai ; que dès lors, en retenant que l'action intentée par la société Auxitec Industrie était fondée, et exclusivement fondée, sur les dispositions de l'article 1604 du code civil, la cour viole les articles 4 et 5 du code de procédure civile, ensemble l'article 954 du même code ;
ET ALORS QUE, ENFIN ET SUBSIDIAIREMENT, il résulte des énonciations mêmes de l'arrêt que la vis en inox litigieuse présentait non seulement des désordres relevant de la garantie des vices cachés, mais également un défaut de conformité aux spécifications contractuelles en ce que son niveau sonore était supérieur aux préconisations techniques imposées et en ce qu'il n'était pas possible de procéder à une vidange complète et à l'eau de l'installation ; qu'en soumettant pourtant ces désordres distincts au régime unique de la garantie des vices cachés, pour rejeter l'action fondée sur le défaut de conformité, la cour refuse de tirer les conséquences de ses propres constatations, violant les articles 1604 et 1641 du code civil, ensemble l'article 12 du code de procédure civile.
Moyen produit, au pourvoi incident, par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils pour la société Palamaric France ;
En ce que l'arrêt attaqué condamne la SARL PALAMATIC FRANCE à retirer la vis litigieuse de l'Etablissement de la SAS AUXITEC INDUSTRIE à PETITE COURONNE (76) et ce sous astreinte.
Alors que la contradiction entre les motifs et le dispositif d'une décision équivaut à l'absence de motifs ; que par suite après avoir énoncé dans ses motifs que la Société AUXITEC INDUSTRIE « doit être déboutée de l'intégralité (de ses demandes), le débouté à titre principal emportant rejet de sa demande d'enlèvement par voie de conséquence de la vis litigieuse, l'arrêt attaqué ne pouvait condamner la Société exposante à retirer la vis litigieuse ; la Cour d'appel a donc violé l'article 455 du code de procédure civile.