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23/09/2015 | FRANCE | N°14-19284

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 septembre 2015, 14-19284


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme A..., engagée le 16 septembre 2002, en qualité de collaboratrice d'agence générale par M. X..., agent général d'assurances, auquel a succédé, en janvier 2007, M. Y..., a été licenciée le 25 avril 2008 pour inaptitude ; qu'elle a saisi de diverses demandes la juridiction prud'homale, s'estimant notamment victime de harcèlement moral de la part d'une coll

ègue, Mme Z...; que, devant la cour d'appel, M. X...a été appelé en inte...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme A..., engagée le 16 septembre 2002, en qualité de collaboratrice d'agence générale par M. X..., agent général d'assurances, auquel a succédé, en janvier 2007, M. Y..., a été licenciée le 25 avril 2008 pour inaptitude ; qu'elle a saisi de diverses demandes la juridiction prud'homale, s'estimant notamment victime de harcèlement moral de la part d'une collègue, Mme Z...; que, devant la cour d'appel, M. X...a été appelé en intervention forcée ;
Attendu que, pour rejeter les demandes de la salariée de requalification de la rupture de son contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement de diverses sommes, l'arrêt retient que la salariée produit les attestations d'un client de l'agence, d'une ancienne stagiaire, d'une ancienne collègue relatant les propos désobligeants de sa collègue à son égard, les notes de service de 2003 du premier employeur proscrivant toute saute d'humeur, manquement de respect mutuel entre salariées et rappelant les textes relatifs au harcèlement moral, ainsi que les sanctions applicables dans l'entreprise, un dépôt de plainte postérieur au licenciement, l'audition du premier employeur par les gendarmes témoignant de relations parfois houleuses entre les deux femmes, des certificats médicaux à compter de janvier 2008 faisant état de harcèlement moral, dépression réactionnelle, insomnie, une expertise médicale du 23 juillet 2009 d'un psychiatre, que, cependant, le fait qu'à une seule reprise chacun des cinq attestataires ait pu entendre ou constater que Mme Z...critiquait la qualité du travail de sa collègue, le désorganisait, la laissait fermer seule l'agence ou faisait des interventions inappropriées en présence de client, ne saurait constituer des faits précis et concordants permettant de présumer de l'existence de faits de harcèlement moral, que, par ailleurs, la salariée ne produit aucune lettre adressée à l'employeur pendant toute la relation de travail de près de 6 ans faisant état d'une plainte de faits de harcèlement moral de la part de sa collègue, que dans sa lettre du 26 avril 2007 de contestation de l'avertissement reçu à la suite d'une altercation avec sa collègue, elle mentionne que leur mésentente était existante avant son arrivée mais ne se plaint pas d'un harcèlement moral, regrettant seulement certains des propos tenus par elle devant des clients, que la plainte pour harcèlement moral qu'elle a déposée après le licenciement a été classée sans suite, que l'ensemble des éléments qu'elle produit démontrent une mauvaise ambiance de travail, des agressions verbales réciproques et une absence de dialogue constructif, mais ne permettent pas de présumer l'existence d'agissements répétés de Mme Z...ou de l'employeur constitutifs d'un harcèlement envers elle, que les certificats et attestations médicaux, s'ils évoquent un syndrome anxio-dépressif réactionnel au milieu professionnel, ne suffisent pas à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral et que la prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail et maladies professionnelles a été refusée à l'intéressée, que celle-ci n'établit donc pas l'existence de faits laissant présumer d'un harcèlement moral ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations l'existence de faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement, en sorte qu'il revenait à l'employeur d'établir que ces agissements étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne MM. Y...et X...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à la SCP de Chaisemartin et Courjon la somme globale de 3 000 euros, à charge pour cette dernière de renoncer à percevoir l'indemnité prévue par l'Etat ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé par le président, et signé par M. Chauvet, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, en remplacement de Mme Deurbergue empêchée, en l'audience publique du vingt-trois septembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour Mme A....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme Adeline A... de ses demandes tendant à ce qu'il soit dit que la cause de son licenciement trouvait son origine dans les faits de harcèlement moral dont elle avait été victime et que son employeur, M. Olivier Y...soit en conséquence condamné à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité compensatrice de préavis ainsi que des rappels de congés payés, de prime d'ancienneté et d'indemnité de licenciement ;
AUX MOTIFS QUE Mme A... a été licenciée pour inaptitude selon avis du médecin du travail du 31 mars 2008 ; qu'elle fait valoir que cette inaptitude résulte du harcèlement moral qu'elle aurait subi depuis son embauche au sein de cette entreprise de la part de sa collègue de travail, Mme Z..., aggravé depuis le changement d'employeur ; qu'à l'appui de ses allégations, elle verse aux débats :- les attestations d'un client de l'agence, d'une ancienne stagiaire, d'une ancienne collègue relatant les propos désobligeants de sa collègue à son égard,- les notes de service des 26 et 31 juillet 2003 de M. X...proscrivant toute saute d'humeur, manquement de respect mutuel entre salariées et rappelant les textes relatifs au harcèlement morale, ainsi que les sanctions applicables dans l'entreprise,- le dépôt de plainte du 20 mai 2008 donc postérieur au licenciement,- l'audition de M. X...par les gendarmes témoignant des relations, parfois houleuses, entre les deux femmes,- les certificats médicaux à compter de janvier 2008 faisant état de harcèlement moral, dépression réactionnelle, insomnie,- l'expertise médicale du 23 juillet 2009 du Docteur C..., psychiatre, concluant à l'existence d'un lien de causalité entre les conditions de travail et la pathologie, et fixant à 10 % le taux d'IPP. Que cependant, le fait qu'à une seule reprise chacun des cinq attestataires ait pu entendre ou constater que Mme Z...critiquait la qualité du travail de sa collègue, le désorganisait, la laissait fermer seule l'agence ou faisait des interventions inappropriées en présence de client, seules choses décrites dans les attestations, ne saurait constituer des faits précis et concordants permettant de présumer de l'existence de faits de harcèlement moral ; que, par ailleurs, la salariée ne produit aucune courrier adressé à l'employeur pendant toute la relation de travail, soit pendant près de 6 ans, au terme de laquelle elle se serait plainte de faits de harcèlement moral de la part de Mme Z...; que dans son courrier à l'employeur en date du 26 avril 2007, contestant l'avertissement reçu suite à l'altercation avec Mme Z...du 24 mars 2007, elle mentionne que leur « mésentente était existante avant (son) arrivée » mais ne se plaint aucunement d'un quelconque harcèlement moral de la part de sa collègue, regrettant seulement certains de ses propos, notamment ceux tenus devant des clients ; que par ailleurs, la plainte déposée pour harcèlement moral en 2008, soit après le licenciement, a fait l'objet d'un classement sans suite ; que l'ensemble des éléments qu'elle produit démontrent une mauvaise ambiance de travail, des agressions verbales réciproques et une absence de dialogue constructif, mais ne permet pas de présumer l'existence d'agissements répétés de Mme Z...ou de l'employeur sur sa salariée constitutifs d'un harcèlement envers elle ; que les certificats et attestations médicaux, s'ils évoquent effectivement un syndrome anxio-dépressif réactionnel au milieu professionnel, ne suffisent pas à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'il convient de préciser à ce sujet, contrairement à ce que laisse supposer Mme A..., que la caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne a refusé tant la prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail et maladies professionnelles de l'accident du 7 janvier 2008 que celle des arrêts de travail subséquents de la salariée, cette décision étant confirmée par le tribunal du contentieux de l'incapacité qui n'a fait que fixer le taux d'IPP de Mme A... à 10 %, après expertise médicale ; que, en conséquence, la salariée n'établit pas l'existence de faits laissant présumer d'un harcèlement moral ; qu'elle sera donc déboutée de l'ensemble de ses demandes, en ce qu'elles découlent manifestement toutes de la rupture du contrat de travail, selon les conclusions de la salariée, non précises sur ce point ; qu'il convient de confirmer la décision déférée mais seulement dans l'ensemble de ses dispositions, et non dans sa motivation, laquelle n'a pas traité la question du harcèlement moral invoqué par la salariée ;
1) ALORS QUE dans son attestation (pièce n° 3), Mme Emilie D..., ancienne salariée du cabinet d'assurances, avait indiqué que : « Lorsque Mme A... classait des documents importants (pour les sinistres) dans les dossiers des clients, Mme Z...les déclassaient ou les mettaient dans le dossier d'un autre client. Nous ne trouvions donc plus les documents. A la fin de la journée, si des clients arrivaient à l'agence à l'heure de la fermeture, et que des personnes attendaient, Mme Z...partait, laissant Mme A... s'occuper des clients et de la fermeture de l'agence. Mme Z...cherchait toujours à rentrer en conflit avec Mme A..., surtout devant les clients afin de dévaloriser Mme A... » ; que Mme D...avait ainsi attesté de faits constatés à plusieurs reprises ; qu'en retenant pourtant que le fait qu'à une seule reprise, chacun des cinq attestataires ait pu entendre ou constater que Mme Z...critiquait la qualité du travail de sa collègue, le désorganisait, la laissait fermer seule l'agence ou faisait des interventions inappropriées en présence de clients, seules choses décrites dans les attestations, ne saurait constituer des faits précis et concordants permettant de constater de l'existence de faits de harcèlement moral, la Cour d'appel a dénaturé l'attestation de Mme D...et violé l'article 1134 du code civil ;
2) ALORS QUE M. Bernard E...avait attesté (pièce n° 32) « connaître Mme A... Adeline pour être mon interlocuteur privilégié dans mes relations avec mon assureur M. Y.... Lors de mes visites au cabinet d'assurance je me dirigeais toujours vers elle bien que sa collègue face barrage et quand Mme A... et moi étions sur un dossier il était rare de ne pas avoir l'intervention inappropriée de sa collègue, peu aimable, et visiblement cherchant à nuire à Mme A..., à la rabaisser en reprenant les explications qu'elle venait de me donner » ; que M. E...avait ainsi également attesté de faits constatés à plusieurs reprises ; qu'en considérant néanmoins que le fait qu'à une seule reprise, chacun des cinq attestataires ait pu entendre ou constater que Mme Z...critiquait la qualité du travail de sa collègue, le désorganisait, la laissait fermer seule l'agence ou faisait des interventions inappropriées en présence de clients, seules choses décrites dans les attestations, ne saurait constituer des faits précis et concordants permettant de constater de l'existence de faits de harcèlement moral, la Cour d'appel a dénaturé l'attestation de M. E...et violé à nouveau l'article 1134 du code civil ;
3) ALORS QU'en tout état de cause, en application des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Mme Adeline A..., qui soutenait que son inaptitude résultait du harcèlement moral dont elle avait été victime de la part de sa collègue de travail, Mme Z..., versait au débat-les attestations, d'un client de l'agence, d'une ancienne stagiaire, d'une ancienne collègue relatant les propos désobligeants de sa collègue à son égard,- les notes de service des 26 et 31 juillet 2003 de M. X...proscrivant toute saute d'humeur, manquement de respect mutuel entre salariées et rappelant les textes relatifs au harcèlement moral, ainsi que les sanctions applicables dans l'entreprise,- le dépôt de plainte du 20 mai 2008 pour harcèlement moral,- l'audition de M. X...par les gendarmes témoignant des relations, parfois houleuses, entre les deux femmes,- les certificats médicaux à compter de janvier 2008 faisant état de harcèlement moral, dépression réactionnelle, insomnie,- l'expertise médicale du 23 juillet 2009 du Docteur C..., psychiatre, concluant à l'existence d'un lien de causalité entre les conditions de travail et la pathologie, et fixant à 10 % le taux d'IPP ; que la Cour d'appel a aussi retenu que chacun des cinq attestataires avait pu entendre ou constater que Mme Z...critiquait la qualité du travail de sa collègue, le désorganisait, la laissait fermer seule l'agence ou faisait des interventions inappropriées en présence de client ; qu'en considérant pourtant que la salariée n'établissait pas l'existence de faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral, quand il résultait de ses propres constatations l'existence de faits laissant présumer d'un harcèlement moral, de sorte qu'il revenait à l'employeur d'établir que ces agissements étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-19284
Date de la décision : 23/09/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, 15 octobre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 sep. 2015, pourvoi n°14-19284


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Piwnica et Molinié, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.19284
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