LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 117, 121 et 902 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a interjeté appel d'un jugement d'un tribunal de grande instance, intimant M. Y... et Mme A... ; que le 29 septembre 2014, le greffe a avisé M. X..., de ce que les intimés n'ayant pas constitué avocat, il lui appartenait de leur signifier la déclaration d'appel ; que le 16 octobre 2014, un avocat s'est constitué pour Mme A... et M. Y... ; que le 17 octobre 2014, ce même avocat a déposé une constitution au seul nom de M. Y... annulant et remplaçant la précédente ; que le 21 janvier 2015, Mme A... a constitué un autre avocat et saisi le conseiller de la mise en état d'un incident de caducité, à son égard, faute pour M. X... de lui avoir signifié celle-ci dans le mois suivant l'avis du greffe ;
Attendu que pour déclarer nulle la constitution déposée le 16 octobre 2014 au nom de Mme A... et caduc l'appel interjeté par M. X... dans ses rapports avec celle-ci, l'arrêt retient qu'il n'est pas démontré que Mme A... ait renoncé à se prévaloir de la nullité de fond prévue à l'article 117, alinéa 4, du code de procédure civile résultant de la constitution d'avocat dépourvu de tout pouvoir pour la représenter en justice, qu'une telle nullité n'est pas susceptible d‘être couverte au sens de l'article 121 du code de procédure civile dont les dispositions ne sont pas applicables, que Mme A... n'avait pas été valablement représentée jusqu'au 21 janvier 2015 et que c'est par de justes motifs que le conseiller de la mise en état avait constaté la nullité de la constitution du 16 octobre 2014 ;
Qu'en statuant ainsi alors que la première constitution d‘avocat au nom de Mme A... est restée valable jusqu'à ce qu'elle soit déclarée nulle et qu'à la date à laquelle la nullité a été prononcée, l'irrégularité de fond, résultant de ce que l'avocat constitué n'avait pas le pouvoir de représenter Mme A..., qui pouvait être régularisée avant que le juge statue, était déjà couverte par la constitution d'un nouvel avocat de sorte qu'à aucun moment M. X... ne s'est trouvé dans l'obligation de signifier la déclaration d'appel à Mme A..., la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne Mme A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme A... à payer à M. X... la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix janvier deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me C..., avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 15 juillet 2015 ayant déclaré nulle la constitution faite le 16 octobre 2014 par Maître Frédéric E..., avocat, pour Mme Z... A... et déclaré caduc l'appel interjeté le 21 août 2014 par M. Benjamin X... contre le jugement du tribunal de grande instance de Cahors du 20 juin 2014 dans ses rapports avec Mme Z... A..., et d'avoir condamné M. X... à payer à Mme A... la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE M. Y... a bien demandé au conseiller de la mise en état de constater que son conseil (Maître E...) n'avait jamais détenu un mandat de représentation de la part de Mme A... et que la constitution signifiée le 16 octobre 2014 à cette dernière résultait d'une erreur matérielle, confirmant ainsi l'argumentation de l'intéressée qui s'est prévalue du fait que, n'ayant pas elle-même constitué avocat, M. X... avait manqué à son obligation de lui signifier par voie d'huissier la déclaration d'appel dans le mois de l'avis adressé par le greffe ; qu'il n'est pas démontré que Mme A... ait renoncé à se prévaloir de la nullité de fond prévue à l'article 117, alinéa 4, du code de procédure civile, résultant de la constitution d'un avocat (Maître E...) dépourvu de tout pouvoir pour la représenter en justice ; qu'il s'ensuit, d'une part, qu'une telle nullité n'étant pas susceptible d'être couverte au sens de l'article 121 du même code, les dispositions suivantes de cet article – aux termes desquelles la nullité n'est pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue – ne sont pas applicables, d'autre part, que Mme A... n'était pas valablement représentée jusqu'au 21 janvier 2015, ce que n'ignorait pas au demeurant M. X... qui le reconnaît dans ses ultimes conclusions et ne peut soutenir que Maître E... restait constitué jusqu'à la constitution d'un nouvel avocat (Maître F...) ; que c'est donc par de justes motifs que le conseiller de la mise en état, après avoir constaté la nullité de la constitution de Maître E... le 16 octobre 2014, a déclaré caduc l'appel interjeté le 21 août 2014 par M. X... dans ses rapports avec Mme A... ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le principe de sécurité juridique interdit de déclarer rétroactivement opposable à l'appelant la nullité de la constitution d'avocat régularisée au nom de l'intimé, constitution au vu de laquelle l'appelant n'était plus soumis à l'obligation de faire signifier la déclaration d'appel à l'intimé ; qu'en considérant que l'annulation le 15 juillet 2015 de la constitution régularisée par Maître E... le 16 octobre 2014 était opposable à M. X..., qui aurait dû agir comme si cette constitution n'était jamais intervenue, la cour d'appel a méconnu le principe de sécurité juridique et violé l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 902 du code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'irrégularité de fond que constitue le défaut de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice peut être couverte si sa cause a disparu au moment où le juge statue ; qu'en constatant que Maître F... s'était constitué pour Mme A... le 21 janvier 2015 (arrêt attaqué, p. 3, 2ème attendu), soit avant même que le juge de la mise en état ne déclare nulle la constitution de Maître E... par son ordonnance du 15 juillet 2015, puis en se bornant à affirmer que cette nullité n'était « pas susceptible d'être couverte au sens de l'article 121 » du code de procédure civile (ibid.), cependant qu'à aucun moment entre la constitution de Maître E... pour son compte le 16 octobre 2014 et celle de Maître F... le 21 janvier 2015 Mme A... ne s'était trouvée sans représentation, la cour d'appel a violé ce texte par refus d'application, outre l'article 117 du code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN, QUE lorsque la représentation est obligatoire, l'avocat constitué n'est déchargé de son mandat de représentation que du jour où il est remplacé par un nouveau représentant constitué par la partie intéressée ; que dans sa requête afin de déféré du 20 juillet 2015 (p. 5, alinéa 5), M. X... faisait valoir qu'il était de principe que « tant que le nouvel avocat n'a pas formalisé de constitution, l'ancien n'est pas déchargé et cela même si le mandat de l'ancien avocat a pris fin (2e Civ 21 fév. 2008 note Perrot : pièce no 2) » ; qu'en laissant sans réponse ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.