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19/04/2018 | CEDH | N°001-182179

CEDH | CEDH, AFFAIRE A.S. c. FRANCE, 2018, 001-182179


CINQUIÈME SECTION

AFFAIRE A.S. c. FRANCE

(Requête no 46240/15)

ARRÊT

STRASBOURG

19 avril 2018

DÉFINITIF

19/07/2018

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire A.S. c. France,

La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :

Angelika Nußberger, présidente,
Erik Møse,
André Potocki,
Síofra O’Leary,
Mārtiņš Mits,
Gabriele

Kucsko-Stadlmayer,
Lado Chanturia, juges,
et de Claudia Westerdiek, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 20 mars 2018,

Rend ...

CINQUIÈME SECTION

AFFAIRE A.S. c. FRANCE

(Requête no 46240/15)

ARRÊT

STRASBOURG

19 avril 2018

DÉFINITIF

19/07/2018

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire A.S. c. France,

La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :

Angelika Nußberger, présidente,
Erik Møse,
André Potocki,
Síofra O’Leary,
Mārtiņš Mits,
Gabriele Kucsko-Stadlmayer,
Lado Chanturia, juges,
et de Claudia Westerdiek, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 20 mars 2018,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 46240/15) dirigée contre la République française et dont un ressortissant marocain, M. A.S. (« le requérant »), a saisi la Cour le 21 septembre 2015 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »). La présidente de la section a accédé à la demande de non-divulgation de son identité formulée par le requérant (article 47 § 4 du règlement).

2. Le requérant a été représenté par Me N. Meseci, avocat à Paris. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. F. Alabrune, directeur des affaires juridiques du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.

3. Le requérant, invoquant l’article 3 de la Convention, allègue, en particulier, avoir été expulsé vers le Maroc alors qu’il courait le risque de subir dans ce pays des traitements contraires à l’article 3 et avoir subi de tels traitements après son renvoi.

4. Le 5 octobre 2016, les griefs concernant les articles 3, 8, 34 de la Convention, l’article 1er du Protocole no 7 à la Convention ainsi que de l’article 14 combiné avec les articles 3 et 8 de la Convention et 1er du Protocole no 7 à la Convention ont été communiqués au Gouvernement et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus conformément à l’article 54 § 3 du règlement de la Cour.

5. Le requérant a également formé une demande de mesures provisoires. La Cour renvoie au paragraphe 23 ci‑dessous.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

6. Le requérant est né en 1970.

A. Les faits jusqu’à la saisine de la Cour

7. Le requérant arriva en France en 1991, épousa une ressortissante française et eut deux enfants, également français. Il acquit la nationalité française le 22 avril 2002.

8. D’après l’arrêté ministériel d’expulsion pris à l’encontre du requérant le 14 août 2015, il effectua de multiples voyages à partir de 2002 en Syrie, Jordanie, Arabie Saoudite et au Maroc, en établissant de nombreux contacts avec des islamistes notoires dans ces pays. Il procéda à des opérations de transferts de fonds, dès l’année 2004, vers l’Arabie Saoudite et la Jordanie notamment. Il déploya une activité soutenue sur internet, en particulier une vaste correspondance électronique, entre mai 2005 et octobre 2008 sur divers sites islamistes. Le requérant partit pour l’Afghanistan en mai et en juin 2009, afin de mener le djihad armé. À son arrivée, il rejoignit un camp associé à un groupe de talibans et acheta une arme de guerre puis participa à une expédition visant à attaquer un convoi militaire étranger. Il prit part à la réalisation d’une vidéo dans laquelle, armé de sa kalachnikov, il déclarait « Nous sommes Al Qaeda dans la république islamique d’Afghanistan ». À son retour en France en septembre 2009, il procéda au recrutement notamment de ressortissants marocains, évoluant dans la mouvance islamiste, afin de les envoyer combattre en Afghanistan, en Irak et en Somalie. Il récolta également des fonds au profit d’organisations terroristes implantées en Afghanistan.

9. Par un jugement du 22 mars 2013, le tribunal correctionnel de Paris le condamna à sept ans d’emprisonnement, à la privation pour une durée de cinq ans de tous ses droits civiques, civils et de famille et à la confiscation des biens saisis, pour avoir, en 2007, 2008, 2009 et jusqu’au 30 avril 2010, participé à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme à Paris, sur le territoire national, au Maroc, en Iran et en Afghanistan. Il fut incarcéré à la maison d’arrêt de Réau.

10. Le 28 mai 2014, il fit l’objet d’un décret de déchéance de nationalité, fondé sur sa condamnation par le tribunal correctionnel de Paris. Le décret précisait en outre que le prononcé d’une mesure de déchéance de nationalité française à son encontre n’aurait pas pour effet de le rendre apatride. Il forma un recours en annulation devant le Conseil d’État contre cette mesure, en demandant à l’appui de son recours le renvoi au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité (« QPC ») portant sur les articles 25, 1o et 25-1 du code civil et l’article 421-2-1 du code pénal.

11. Par décision du 31 octobre 2014, le Conseil d’État renvoya au Conseil constitutionnel la QPC portant sur l’article 25 1o et l’article 25-1 du code civil concernant certaines conditions de la déchéance de nationalité. Le 23 janvier 2015, le Conseil constitutionnel jugea ces dispositions conformes à la Constitution.

12. Le 11 mai 2015, le Conseil d’État rejeta le recours du requérant contre le décret du 28 mai 2014, en considérant notamment que le droit pour un étranger d’acquérir la nationalité d’un État signataire de la Convention européenne des droits de l’homme et de la conserver n’était pas au nombre des droits et libertés reconnus par celle-ci. Il jugea également le décret conforme au droit interne et au droit de l’Union européenne.

13. Le 22 mai 2015, le requérant demanda à la Cour, sur le fondement de l’article 39 de son règlement, de faire suspendre le décret portant déchéance de nationalité dont il faisait l’objet.

Le 22 mai 2015, le greffe de la Cour, qui avait enregistré cette requête sous le numéro 24576/15, informa le requérant qu’elle « ne s’oppose[rait] pas à ce décret » car cette demande se situait manifestement en dehors du champ d’application de l’article 39 du règlement.

Le 10 juillet 2015, le greffe de la Cour informa le requérant que sa demande ne respectait pas les exigences formelles de présentation des requêtes.

14. Le requérant formula une demande d’asile en détention le 13 juillet 2015, invoquant ses craintes en cas de renvoi au Maroc.

15. Le 22 juillet 2015, la Commission départementale d’expulsion de Seine-et-Marne (« Comex »), composée de trois magistrats, donna un avis favorable à l’expulsion du requérant.

16. Le 27 juillet 2015, un officier de protection de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (« OFPRA ») mena un entretien par visio‑conférence avec le requérant. Les extraits pertinents du compte‑rendu qui en fut dressé sont les suivants :

« Question (« Q ») : On voit que des personnes qui ont été arrêtées au Maroc ont donné votre nom, ces personnes, vous les connaissiez ?

Réponse (« R ») : Je vous jure au nom de Dieu que je ne vous dirai que la vérité ; de ce groupe de personnes qui ont donné mon identité je n’en connais que deux ; le premier c’est notre voisin qui a été enlevé par ma faute car on l’a vu avec moi au Maroc ; même le Parlement marocain a évoqué son histoire.

Q : Comment s’appelle‑t‑il

R : [LAR].

Q : La deuxième ?

R : Cette personne, je ne la connais pas de manière directe (...)

Q : Savez‑vous comment ces personnes ont été traitées depuis ?

R : Amnesty International a fait un rapport concernant ces personnes et a déclaré qu’elles ont été enlevées et torturées ; le rapport est apparu en 2010 et parlait des enlèvement ayant eu lieu entre janvier et juillet 2010, en citant des noms dont ceux de ces personnes ; d’ailleurs même le Parlement marocain a évoqué ces histoires d’enlèvement ; en 2012, des chaînes d’information arabes ont relaté des évènements liées à une manifestation qui avait eu lieu au Maroc dont l’objet était de se rendre devant les siège des services de renseignement pour demander la libération de tous les détenus politiques et l’arrêt des pratiques de torture et d’enlèvement ; j’ai un dossier d’Amnesty international avec mon avocat ; tous les documents me concernant sont sur son bureau ;

(...)

Q : Est‑ce‑que vous savez ce qu’il est advenu des personnes arrêtés en 2010 ?

R : D’après les informations que m’a données mon premier avocat, il paraît que tout le monde a été jugé ; le procès a coïncidé avec le printemps arabe.

(...)

Q : Savez‑vous si ces personnes ont été condamnées, si oui à quelles peines, se sont‑elles plaintes de mauvais traitements... ?

R : Je sais que le voisin dont je vous ai parlé a été condamné à deux ans de prison, accusé de ne pas m’avoir dénoncé d’être parti en Afghanistan alors qu’il n’avait aucun renseignement à mon sujet car lorsque je me suis rendu en Afghanistan je l’ai fait depuis la France et pas depuis le Maroc ; la juge d’instruction a dit une phrase qui restera gravée dans ma tête ; elle m’a dit : « vous avez de la chance d’avoir été arrêté par les autorités françaises »; elle me l’a dit avec un sourire

Q : Savez‑vous si ces personnes se sont plaintes de mauvais traitements ?

R : J’ai entendu dire que les détenus étaient torturés à l’intérieur de la prison ; d’ailleurs il y a des vidéos sur Youtube de l’intérieur des prisons qui attestent des mauvais traitements dont font l’objet les prisonniers, les vidéos montrent les grèves qu’ont fait les prisonniers et de l’autre leur famille pour les soutenir ; il y a aussi une vidéo sur laquelle on voit des militaires tirer sur les prisonniers à l’intérieur de l’établissement pénitentiaire ; tout mon dossier en France n’évoque à aucun moment le fait que j’ai commis des choses graves en France ; mon dossier est propre, le seul problème vient du Maroc ;

Q : Si vous rentriez au Maroc, avez-vous des éléments pour dire [que] vous seriez soumis à des mauvais traitements ?

R : Oui, je risque d’être enlevé à l’aéroport comme c’est arrivé à une trentaine de personnes avant moi, je crains d’être torturé ; dans mon dossier au Maroc, les autorités m’accusent d’avoir des relations dans plusieurs pays, notamment la Somalie, le Sahel, l’Algérie, au Kenya, en Syrie ; après trois ans d’enquête en France, le juge a décidé de m’innocenter concernant toutes les accusations qui concernent mes relations présumées ans ces pays car ils n’avaient pas de preuve ; ils m’ont jugé uniquement sur mon départ pour l’Afghanistan ;

(...)

Q : Voulez‑vous ajouter quelque chose ?

R : J’ai peur d’être enlevé et torturé pour que j’avoue des choses que je n’ai pas commises ; je ne pense pas que les enquêteurs marocains soient plus efficaces que les enquêteurs français qui ont passé trois ans sur moi et qui n’ont rien trouvé et ont dit que mon dossier était clean ; la seule [chose] à laquelle j’aspire est de vivre en paix avec mes enfants (...) »

17. Le 30 juillet 2015, le greffe de la Cour reçut une nouvelle requête du requérant, qu’elle enregistra sous le numéro 38090/15.

Le 5 août 2015, le greffe l’informa que sa demande ne respectait pas les exigences formelles de présentation des requêtes.

18. Le 14 août 2015, le requérant fit l’objet d’un arrêté d’expulsion, mentionnant son ancrage ancien dans la mouvance islamiste radicale, son expérience militaire acquise en zone pakistano-afghane, l’ampleur de ses relations avec les mouvements djihadistes à l’étranger et concluant qu’il représentait une menace particulièrement grave pour l’ordre et la sécurité publics. L’arrêté précisait que durant sa détention, il avait été à l’origine de la radicalisation de plusieurs codétenus, désormais prêts à se rendre en Syrie pour y mener le djihad armé et qu’à sa sortie de prison, il serait susceptible de constituer un groupe à vocation djihadiste en vue de commettre ou fomenter une action terroriste sur le territoire national, voire à l’étranger. Enfin, l’arrêté mentionnait qu’il n’était pas porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, le requérant ayant au demeurant déjà effectué de multiples séjours et déplacements à l’étranger.

L’arrêté du 14 août 2015 ne détermina toutefois pas le pays vers lequel le requérant serait renvoyé.

19. Le 25 août 2015, l’OFPRA, statuant selon la procédure prioritaire, rejeta la demande d’asile formulée par le requérant pour les motifs suivants :

« Concernant la nature des craintes de l’intéressé en cas de retour au Maroc, il ressort des éléments de son dossier qu’il a été effectivement condamné le 22 mars 2013 par la 14ème chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Paris à une peine de sept ans d’emprisonnement pour des faits de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme commis en 2007, 2008, 2009 et 2010, jusqu’au 30 avril 2010, à Paris, sur le territoire national, au Maroc, en Iran et en Afghanistan. Dès lors, compte tenu de la nature de cette condamnation pénale et du contexte national et international il peut apparaître légitime que les autorités en charge de la sécurité publique au Maroc exercent à son égard des mesures de contrôle et de surveillance à son retour au Maroc, sans que ces mesures puissent être qualifiées de persécutions au sens de l’article 1A2 de la Convention de Genève et l’article L. 711‑1 du [CESEDA]

Par ailleurs, il n’existe aucun élément permettant de considérer que les personnes présentées comme ses complices aient été condamnées au Maroc pour des motifs autres que ceux liés à des questions de sécurité publique et il n’y a donc pas d’éléments permettant de penser que des poursuites judiciaires pourraient être intentées contre lui par la justice marocaine pour des raisons assimilables à l’un des motifs prévus par l’article 1A2 de la Convention de Genève.

Concernant les abus dont l’intéressé dit qu’il pourrait être victime dans le cadre de mesures exercées contre lui par les autorités marocaines pour des motifs de sécurité publique, il convient de souligner que l’enquête qui a amené à son arrestation a été menée dans le cadre d’une collaboration étroite entre les autorités françaises et les autorités marocaines et que l’intéressé n’a pas apporté d’éléments ni mentionné que son conseil est en possession d’éléments de nature à établir que les personnes présentées comme ses complices et poursuivies au Maroc aient été victimes d’agissements assimilables à des traitements inhumains ou dégradants lors du déroulement de l’enquête et de la procédure judiciaire qui a suivi. Par ailleurs, aucune des sources consultées, en particulier les documents d’Amnesty International qu’il verse au dossier, n’indique que les personnes condamnées dans cette affaire au Maroc, parmi lesquelles les deux personnes qu’il dit connaître, aient été victimes d’agissements assimilables à des traitements inhumains ou dégradants (...)

Il ressort donc de l’ensemble des éléments pertinents de sa demande d’asile que les craintes exprimées par l’intéressé, dans la perspective d’un retour au Maroc à l’issue de sa détention en France, ne peuvent pas être considérées comme fondées sur l’un des motifs prévus par l’article 1A2 de la Convention de Genève sur les réfugiés et qu’il n’existe par ailleurs pas d’élément permettant de considérer qu’il serait exposé à des traitements inhumains ou dégradants suite à sa condamnation pénale dont la procédure avait fait l’objet d’une coopération étroite entre les autorités françaises et les autorités marocaines. »

20. L’OFPRA releva également que l’application par les autorités marocaines du principe ne bis in idem était de nature à écarter les craintes du requérant et qu’il n’existait pas d’éléments permettant de présumer que ces mêmes autorités puissent intenter d’autres poursuites, les faits ayant fait l’objet d’une condamnation pénale définitive en France. L’OFPRA souligna aussi que le requérant avait pu retourner au Maroc postérieurement à son retour d’Afghanistan en 2009 et rentrer en France après un mois de vacances et que les membres de sa famille, même s’ils s’étaient abstenus pendant un certain temps après son arrestation de se rendre au Maroc, étaient depuis retournés dans ce pays sans problème particulier.

21. Le 21 septembre 2015, le ministre de l’Intérieur fixa, par arrêté, le Maroc comme pays de destination. La décision fut notifiée au requérant le même jour, alors qu’il ressort des affirmations de son avocat, non contestées sur ce point, que la préfecture de Seine‑et‑Marne, également le même jour, lui avait certifié qu’aucune décision n’avait encore été prise.

22. Le 22 septembre 2015 à 7 h 55, au moment de la libération du requérant, l’arrêté d’expulsion vers le Maroc édicté le 14 août 2015 lui fut notifié.

23. Dans la matinée du même jour, le représentant du requérant saisit la Cour d’une demande de mesure provisoire sur le fondement de l’article 39 de son règlement.

À 10 h 45, le greffe de la Cour demanda au Gouvernement de préciser la date prévue pour l’expulsion effective du requérant.

À 12 h 05, le greffe informa le Gouvernement que le juge de permanence avait décidé d’indiquer au Gouvernement français, en application de la disposition précitée, de ne pas procéder au renvoi du requérant vers le Maroc jusqu’au 25 septembre 2015 inclus. Il fut néanmoins réacheminé vers Casablanca le même jour à 12 h 35.

B. Les faits qui se sont déroulés en France postérieurement à la saisine de la Cour

24. Le 22 septembre 2015, le requérant saisit le juge des référés du tribunal administratif (« TA ») de Melun d’un « référé‑liberté » (article L. 521‑2 du code de justice administrative). Toutefois dans le dernier état de ses écritures, le requérant demanda au juge des référés de constater que sa demande était devenue sans objet en raison de l’exécution de l’arrêté du 14 août 2015.

25. Le 23 septembre 2015, le juge des référés rejeta la demande au motif que seul le TA de Paris était compétent pour examiner la demande du requérant.

26. Le 30 juin 2016, le TA de Paris rejeta le recours en annulation formé par le requérant contre l’arrêté du 14 août 2015 par lequel le ministre de l’intérieur avait prononcé son expulsion et contre l’arrêté du 21 septembre 2015 fixant le pays de renvoi.

27. Le requérant interjeta appel de ce jugement devant la cour administrative d’appel (« CAA ») de Paris. Le recours est actuellement pendant.

28. Entretemps, le 27 novembre 2015, le requérant avait formé auprès de la Cour nationale du droit d’asile (« CNDA ») un recours contre la décision de l’OFPRA du 25 août 2015.

29. Le 21 décembre 2016, la CNDA rejeta ce recours, avec les motifs suivants :

« 3. Considérant, en premier lieu, que, si M. [A.S.] déclare éprouver des craintes vis‑à-vis des autorités marocaines en raison de sa condamnation en France puis au Maroc pour activités terroristes, la lutte menée par les autorités marocaines contre le terrorisme sur son propre sol n’a d’autres motifs que ceux commandés par la nécessité de garantir la sécurité publique et rien ne permet d’établir ni d’étayer le fait que cette lutte serait susceptible d’être rattachée à des motifs de race, de religion, de nationalité ou d’opinions politiques imputées au requérant ; que, par suite, les craintes invoquées par l’intéressé ne relèvent pas du champ d’application de l’article 1er , A, 2 de la convention de Genève ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu’à supposer que la règle non bis in idem aurait dû, selon le requérant, faire obstacle à sa condamnation pour terrorisme au Royaume du Maroc du fait de sa précédente condamnation en France pour les mêmes faits que ceux pour lesquels il a été condamné au Maroc, ce qui n’est nullement établi, la violation alléguée de cette règle par les autorités du pays d’origine d’un demandeur d’asile ayant fait l’objet d’une condamnation pénale définitive en France ne saurait être qualifiée de peine ou de traitement inhumain ou dégradant et, par suite, d’atteinte grave au sens des dispositions précitées de l’alinéa b) de l’article L. 712-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu’il ressort de sources récentes et publiques et notamment des rapports du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants (A/HRC/22/53/Add.2) du 11 mars 2013, du Groupe de travail sur la détention arbitraire (A/HRC/27/48/Add.5) du 4 août 2014, de Human Rights Watch de juin 2013, intitulé « Just sign here » : unfair trials based on confessions to the police in Morocco », d’Amnesty International de mai 2015, intitulé « Shadow of impunity : torture in Morocco and Western Sahara », ou encore du communiqué commun de ces deux dernières organisations avec la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) du 21 novembre 2016 intitulé « Maroc : Condamnations basées sur des « aveux » douteux », que l’usage de pratiques inhumaines ou dégradantes à l’encontre de personnes poursuivies et arrêtées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme est un problème durable au Maroc ; que ces sources attestent du recours accru, dans les situations de forte tension, comme par exemple en cas de terrorisme, aux actes de torture et aux mauvais traitements à l’encontre des personnes interpellées ; que, sont notamment dénoncées dans ces publications les violences et menaces infligées aux suspects destinées à les contraindre à signer des documents, parfois dans une langue qu’ils ne comprennent pas, contenant des aveux ; que la législation pénale marocaine accorde une très forte valeur probante aux rapports de police basés sur ces aveux ; que les juges refusent généralement de vérifier les allégations des prévenus déclarant avoir été torturés ; que la loi marocaine permet de garder à vue les terroristes présumés jusqu’à douze jours, durant lesquels ils sont isolés, leurs proches n’étant pas informés et l’accès à un avocat pouvant être tardif ; qu’en l’espèce, toutefois, M. [A.S.] ne formule aucune allégation selon laquelle il aurait été torturé à son retour au Maroc ou contraint, d’une quelconque manière, de signer de faux aveux de culpabilité ; que, s’il a été interpellé dès son arrivée à Casablanca sans que ses proches ne soient informés de sa situation et s’il n’a pu rencontrer son avocat marocain que tardivement au cours de sa garde à vue, ces atteintes à ses droits, aussi regrettables soient-elles, n’atteignent pas un seuil de gravité suffisant pour être considérées comme des traitements inhumains ; que la peine de cinq années d’emprisonnement à laquelle l’intéressé a été condamné le 10 mars 2016 ne peut être qualifiée de disproportionnée au regard des faits qui lui sont reprochés ; que, si le requérant fait valoir que, pour prononcer cette condamnation, les juges de la chambre pénale de première instance de la Cour d’appel de Rabat se sont fondés uniquement sur les confessions de ses prétendus complices, lesquels l’auraient désigné, sous la torture, comme le facilitateur et l’organisateur d’une cellule terroriste, il n’a étayé ses allégations à ce sujet d’aucun élément tangible ; qu’au demeurant, il ressort des pièces du dossier et, en particulier, du jugement du 23 mars 2013 du Tribunal de Grande Instance de Paris que son ancrage dans la mouvance islamiste radicale, ses liens avec Al Qaeda et son implication dans une structure ayant notamment pour objet le recrutement de volontaires pour le djihad dans des zones de conflit, ont pu être vérifiés sur la base de nombreuses preuves autres que les dépositions de compatriotes jugés au Maroc ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu’il ressort des sources précitées ainsi que d’un rapport publié le 31 octobre 2012 par le Conseil national des droits de l’Homme marocain intitulé Crisis in prisons : a shared responsibility, que les conditions de détention dans les prisons marocaines peuvent être précaires et particulièrement difficiles pour les personnes condamnées en lien avec des faits de terrorisme ; qu’en l’espèce, figure au dossier un courrier présenté comme rédigé par M. [A.S.] depuis la prison de Tiflet dans lequel celui-ci décrit son expérience carcérale ; que, dans cette correspondance, l’intéressé ne dénonce aucune violence physique dont il aurait souffert depuis son placement en détention mais se plaint d’avoir été plusieurs fois transféré et d’avoir connu, dans chaque lieu de détention, une insuffisance de confort, d’hygiène et d’accès aux soins ; que, dans la prison de Tiflet 2, dans laquelle il effectue actuellement sa peine, il indique souffrir d’un enfermement dans une cellule à l’équipement rudimentaire, d’un manque d’air et de lumière, des repas frugaux, de sorties courtes aux heures les plus chaudes de la journée et de contacts très restreints avec l’extérieur, sans possibilité de faire valoir ses droits ; que, toutefois, les conditions dans lesquelles est détenu M. [A.S.], telles que décrites par lui-même, ne permettent pas d’établir qu’il serait ce faisant victime de pratiques volontairement destinées à l’humilier, à l’avilir ou à lui causer de graves séquelles physiques ou psychologiques, qualifiables de traitements inhumains ou dégradants ;

7. Considérant qu’au terme des points 4 à 6, les informations à disposition de la cour relatives à la procédure pénale à l’issue de laquelle M. [A.S.] a été condamné au Maroc et aux conditions de détention de celui-ci, ne permettent pas de tenir pour établi qu’il ait été victime, depuis son retour dans son pays, d’une peine ou de traitements inhumains ou dégradants au sens des dispositions susvisées de l’alinéa b) de l’article L. 712-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (...) »

30. Le requérant affirme s’être pourvu en cassation contre l’arrêt de la CNDA.

C. Les faits qui se sont déroulés au Maroc postérieurement à la saisine de la Cour, tels qu’ils ont été décrits par le requérant

31. Le requérant arriva à Casablanca le 22 septembre 2015 vers 15 heures.

32. Il rapporte avoir été arrêté dès son arrivée et placé en garde à vue au commissariat de Casablanca. Ce n’est que le 30 septembre 2015 que ses proches auraient été informés de sa situation.

Le 2 octobre 2015, un magistrat le plaça en détention provisoire à la maison d’arrêt de Salé. Le même jour, un juge d’instruction à la cour d’appel de Rabat autorisa un avocat à le rencontrer afin de préparer sa défense.

33. Le 14 octobre 2015, le requérant présenta, par l’intermédiaire de son avocat, une demande de mise en liberté provisoire. Celle-ci a sans doute été rejetée, dès lors que la Cour observe qu’à une date ultérieure inconnue, le requérant fut transféré à la maison d’arrêt de Tiflet.

34. Le 10 mars 2016, la chambre criminelle de première instance de Rabat, après avoir considéré que les juridictions françaises n’avaient sanctionné qu’une partie des faits imputables au requérant, le reconnut coupable des faits de réunion en bande organisée pour préparer et commettre des actes terroristes, possession et usage illégal d’armes à feu et de munitions dans le cadre d’un projet collectif visant à porter une atteinte grave à l’ordre public, incitation et persuasion de tierces personnes à commettre des actes de terrorisme. Elle condamna le requérant à cinq ans de prison ferme.

35. Le 21 décembre 2016, la cour d’appel de Salé libéra le requérant au motif qu’il avait déjà purgé l’intégralité de sa peine en France pour les mêmes faits pour lesquels il était jugé au Maroc. Le requérant n’a toutefois pas transmis de copie de cette décision à la Cour.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

A. Le droit interne relatif à l’acquisition et à la déchéance de la nationalité française

36. La déchéance de la nationalité française, prévue à l’article 25 du code civil, peut être prononcée par décret pris après avis conforme du Conseil d’État dans quatre cas: 1o à l’encontre d’un individu condamné « pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme ; 2o à l’encontre d’un individu condamné « pour un acte qualifié de crime ou délit prévu et réprimé par le chapitre II du titre III du livre IV du code pénal » (atteintes à l’administration publique commises par des personnes exerçant une fonction publique) ; 3o à l’encontre d’un individu condamné « pour s’être soustrait aux obligations résultant pour lui du code du service national » ; 4o à l’encontre enfin d’un individu s’étant « livré au profit d’un État étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France ».

La déchéance de nationalité ne peut s’appliquer à des Français de naissance : elle ne peut donc être prononcée qu’à l’encontre de personnes devenues françaises et à condition que l’intéressé dispose d’une autre nationalité que la nationalité française et ne puisse devenir apatride (article 25 du code civil).

Qu’elle ait été déchue de sa nationalité ou qu’elle l’ait perdue, la personne qui n’a plus la nationalité française pourra être éloignée du territoire national.

37. Le Conseil d’État est compétent en premier et dernier ressort pour connaître des recours dirigés contre les décrets de déchéance de nationalité. Il a jugé de manière constante qu’un décret portant déchéance de la nationalité française ne constituant pas une mesure d’éloignement du territoire français, les stipulations des articles 3, 4 et 8 de la Convention ne pouvaient être utilement invoquées à l’appui de conclusions dirigées contre ce décret (voir par exemple CE 26 septembre 2007, M. Beghal, no 301967, inédit au Recueil Lebon).

B. Le droit interne relatif à l’expulsion et à la contestation d’une telle décision

38. L’expulsion est une mesure prise par le ministre de l’intérieur ou le préfet qui oblige un étranger à quitter le territoire français parce que sa présence constitue une menace pour l’ordre public (en l’espèce L. 521‑3 du CESEDA). Certaines catégories d’étrangers, présentant des liens particuliers avec la France, bénéficient d’une protection de principe contre l’expulsion (même article). Celle‑ci disparaît toutefois lorsque le comportement de l’étranger est de « nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État, ou lié à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes » (même article)

39. L’autorité compétente, en l’espèce le ministre de l’intérieur, doit préalablement saisir la commission départementale d’expulsion (L. 522‑1 du CESEDA). L’étranger est avisé de la mise en œuvre de la procédure au moins quinze jours avant la réunion de la commission d’expulsion devant laquelle il peut se défendre.

La commission est composée de deux magistrats de l’ordre judiciaire et d’un magistrat de l’ordre administratif. La commission doit émettre son avis dans le délai d’un mois. Cet avis est transmis à l’intéressé ainsi qu’à l’autorité compétente, qu’il ne lie pas.

40. La décision d’expulser prend la forme d’un arrêté d’expulsion dont un exemplaire est remis à l’étranger. L’expulsion est immédiatement exécutoire (L. 523‑1 du CESEDA). L’administration peut procéder à son exécution par la force.

41. Un recours en annulation contre l’arrêté d’expulsion est possible devant le tribunal administratif. Le recours n’a pas de caractère suspensif et n’autorise pas l’étranger concerné à rester en France. Le juge exerce un « contrôle maximum », dit de proportionnalité, quand est invoqué devant lui l’article 8 de la Convention, pour apprécier si l’expulsion était « nécessaire » à la protection de l’ordre public (voir l’arrêt d’Assemblée du Conseil d’État du 19 avril 1991, Belgacem, no 107470, paru au Recueil Lebon)

42. La fixation du pays de renvoi d’un étranger sous le coup d’un arrêté d’expulsion fait l’objet d’une décision séparée et spécifique (L. 513‑3 et L. 523‑2 du CESEDA). Celle‑ci peut être contestée dans les conditions de droit commun (L. 776‑1 et L. 776‑2 du code de justice administrative).

C. Droit d’asile et procédure d’asile

43. Les principes généraux régissant la procédure d’asile dite prioritaire sont résumés dans l’arrêt I.M. c. France, (no 9152/09, §§ 49-63, 2 février 2012).

III. TEXTES ET DOCUMENTS INTERNATIONAUX

44. La Cour renvoie à l’arrêt Ouabour c. Belgique (no 26417/10, §§ 49 à 55, 2 juin 2015).

45. Dans son rapport « Shadow of impunity : Torture in Morocco and Western Sahara », publié en mai 2015, l’organisation non gouvernementale Amnesty International note :

« Morocco has taken important steps to address and prevent the serious human rights violation of torture and other ill-treatment, a violation that is prohibited by international and national law in all circumstances. It has long been a state party to the Convention against Torture, and in November 2014 acceded to the OPCAT, undertaking to improve prevention of torture and other ill-treatment through independent monitoring of places of detention. Its transitional justice process that began in 2003 accepted state responsibility for torture and awarded compensation for many survivors. In 2012 the authorities invited the Special Rapporteur on torture to visit the country. Such steps have been accompanied by unprecedented government pledges to eradicate torture and other ill-treatment.

Despite these positive developments, torture and other ill-treatment remain all too frequent, and torturers continue to get away with their crimes. Indeed, the authorities have persistently failed to address impunity. During the period of the work of the IER (2003-2010), victims were not allowed to reveal the identity of their torturers in the course of public hearings, and the resulting impunity left a dark legacy that lives on.

The cases reported to Amnesty International reflect a failing that the Special Rapporteur on torture, Juan E. Méndez, noted following his visit to Morocco and Western Sahara in September 2012, pointing to “the apparent absence of prompt and thorough investigations into all cases of torture and ill-treatment, prosecution of the perpetrators, and the provision of effective remedies and reparations, including rehabilitation services, for all victims of torture and ill-treatment.”

The Special Rapporteur added that: “the practice of cruel treatment persists in ordinary criminal cases, and when there are highly charged events, such as a perceived threat to national security, terrorism or large demonstrations, there is a corresponding increase in acts of torture and ill-treatment during the detention and arrest process”

This finding also largely corresponds to the information that Amnesty International has obtained independently, much of it since the Special Rapporteur’s visit, suggesting that the deficiencies he identified have yet to be satisfactorily addressed by the Moroccan authorities. »

46. De même, le Département d’État américain, dans son « Country Reports on Human Rights Practices – Morocco », publié le 13 avril 2016, note :

« In 2013, at the invitation of the government, the UN Working Group on Arbitrary Detention visited prisons in Sale, Tangier, Tetouan, Casablanca, and Laayoune in Western Sahara. The group’s report, released in August 2014, stated that "in cases related to state security, such as cases involving terrorism, membership in Islamist movements or supporters of independence for Western Sahara, the Working Group on Arbitrary Detention found that there was a pattern of torture and mistreatment during arrest and in detention by police, in particular agents of the National Surveillance Directorate."

In the event of an accusation of torture, the law requires judges to refer a detainee to a forensic medical expert when the detainee or lawyer requests it, or if judges notice suspicious physical marks on a detainee. According to government-provided data, there were 13 cases of alleged police torture presented to the legal system during the year, although authorities did not provide specific examples. The UN Working Group on Arbitrary Detention, human rights NGOs, and media documented prominent cases of authorities’ failure to implement provisions of the antitorture law.

During the year the government announced several cases where it conducted investigations into allegations of torture. For example, in January independent Arabic-language daily Akhbar al-Youm al-Maghrebiya reported that Minister of Justice Mustapha Ramid ordered judicial police of Casablanca to investigate the accusations of torture made by a man imprisoned in the Ain Qadous penitentiary in Fes. The man, arrested by authorities on charges of drug trafficking, accused police in Fes of forging records of his arrest and interrogation and of torturing him during interrogations. The accuser stated that authorities held him with handcuffs behind his back throughout the investigation and that police subjected him to physical violence, which led him to lose consciousness. He added that he did not make the declarations appearing in the accusation records and that he had signed them under threat of torture. In another example, local media reported that in March the regional command of the royal gendarmerie sent a commission consisting of 16 members to the Tamaslouht gendarmerie center in the region of Marrakech to investigate complaints against two gendarmes accused of mistreating three brothers in the gendarmerie’s facilities. There were no further updates on these cases at year’s end.

Despite several investigations into torture, there were no reported cases of authorities punishing any individuals during the year. Moreover, in several cases complainants received two- and three-year sentences and fines for making "false allegations of torture" and "reporting a crime that the complainant knows has not been committed." In its May report, AI asserted that in the past 12 months, eight such individuals faced legal sanctions for "making false allegations of torture." In August 2014 authorities sentenced Wafae Charaf, a human rights and political activist, to two years in prison and a fine of dirhams 50,000 ($5,025) for allegedly falsely reporting being abducted and tortured by unknown persons; she remained in prison at year’s end. »

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

47. Le requérant considère que la mise à exécution de son renvoi vers le Maroc l’exposait à un risque de traitements contraires à l’article 3 de la Convention cité ci‑dessous. Dans son mémoire du 23 janvier 2017, le requérant se plaint également de ses conditions de détention dans les prisons de Salé et de Tiflet.

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

48. Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.

A. Sur la recevabilité

1. Arguments des parties

49. Le Gouvernement soulève une exception de non-épuisement des voies de recours internes. Il fait valoir que le requérant a saisi la Cour avant que la CNDA n’ait statué sur sa demande de reconnaissance du statut de réfugié et donc n’ait examiné le risque de traitements contraires à l’article 3 de la Convention. Par ailleurs, il souligne que le recours du requérant contre l’arrêté d’expulsion du 14 août 2015 est toujours pendant devant les juridictions administratives de droit commun et que ce recours lui permettrait de prévenir ou de redresser les violations alléguées.

50. Le requérant conteste cette argumentation. Il fait valoir que les recours cités par le Gouvernement ne sont pas de nature à réparer les violations alléguées dès lors qu’il a effectivement été expulsé le territoire français.

2. Appréciation de la Cour

a) Principes applicables

51. À cet égard, la Cour se réfère aux principes exposés dans son arrêt Y.P. et L.P. c. France (no 32476/06, §§ 50 à 53, 2 septembre 2010).

b) Application des principes

52. La Cour rappelle, à titre liminaire, que le requérant avait présenté une demande d’asile auprès de l’OFPRA et qu’il en a été débouté le 25 août 2015. Le 21 décembre 2016, soit postérieurement à la saisine de la Cour, la CNDA a rejeté le recours formé contre cette décision.

Parallèlement, le requérant a contesté l’arrêté d’expulsion du 14 août 2015 devant le TA de Paris, qui a rejeté son recours par un jugement du 30 juin 2016. Le requérant a interjeté appel devant la CAA de Paris.

53. La Cour rappelle que dans des affaires relatives à l’expulsion ou à l’extradition, l’effectivité d’un recours interne requiert notamment que ce recours soit de plein droit suspensif (Gebremedhin [Gaberamadhien] c. France, no 25389/05, § 66, CEDH 2007‑II, Hirsi Jamaa et autres c. Italie [GC], no [27765/09](https://hudoc.echr.coe.int/eng#%7B%22appno%22:%5B%2227765/09%22%5D%7D), § 200, CEDH 2012 ou plus récemment Allanazarova c. Russie, no 46721/15, § 97, 14 février 2017).

En l’espèce, elle observe que l’OFPRA ayant statué selon la procédure prioritaire (voir paragraphe 19 ci‑dessus), un recours formé devant la CNDA est dépourvu d’effet suspensif de plein droit (voir paragraphe 42 ci‑dessus). La saisine de l’OFPRA permettait au requérant de demeurer provisoirement sur le territoire français jusqu’à ce qu’il soit définitivement statué sur sa demande (Sultani c. France, no 45223/05, §§ 30 à 36, CEDH 2007‑IV (extraits) et Y.P. et L.P., précité, §§ 54 à 57). Celle‑ci impliquait pour l’Office d’examiner la question de savoir si le requérant était victime de persécutions dans son pays d’origine visées par la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et s’il devait à cet égard se voir reconnaître le statut de réfugié et les droits qui y sont attachés, dont celui du non-refoulement (articles 1er et 33 (1) de la Convention de 1951). En conséquence, l’examen de la demande d’asile du requérant par l’OFPRA devait permettre au Gouvernement de prévenir l’éloignement du requérant à destination du Maroc s’il était établi qu’il y serait exposé à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention.

54. La Cour rappelle, de surcroit, que l’article 13 de la Convention n’astreint pas les États contractants à instaurer un double degré de juridiction dans ce type d’affaires ; il suffit qu’il existe au moins un recours interne qui remplisse les conditions d’effectivité voulues par cette disposition, c’est-à-dire un recours permettant un contrôle attentif et un examen rigoureux d’une allégation quant à un risque de traitements contraires à l’article 3 de la Convention et comportant un effet suspensif de plein droit à l’égard de la mesure litigieuse (A.M. c. Pays-Bas, no [29094/09](https://hudoc.echr.coe.int/eng#%7B%22appno%22:%5B%2229094/09%22%5D%7D), §§ 62 et 70, 5 juillet 2016 ou Allanazarova, précité § 98).

55. La Cour considère qu’en l’espèce, la demande d’asile formée par le requérant auprès de l’OFPRA lui a permis de faire examiner la question de la réalité des risques qu’il alléguait encourir dans son pays, tout en demeurant provisoirement sur le territoire jusqu’à ce qu’il soit statué sur sa demande. A la lumière de ce qui précède, elle estime que le requérant a épuisé une voie de recours effective. Il y a donc lieu de rejeter l’exception soulevée par le Gouvernement.

56. La Cour constate en outre que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. La Cour relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B. Sur le fond

1. Arguments des parties

57. Le requérant se plaint en premier lieu, d’avoir été expulsé alors qu’il était exposé à un risque de traitements prohibés par l’article 3 de la Convention qui s’est manifesté par sa « disparition » immédiatement après son arrivée au Maroc.

Il se plaint, en second lieu, de ses conditions de détention qui constituent selon lui un traitement inhumain et dégradant.

à l’appui de ses prétentions, il soumet à la Cour une lettre manuscrite rédigée lors de sa détention à Tiflet. Il y décrit tout d’abord ses conditions de détention à la prison de Salé, rendues difficiles notamment par le manque d’hygiène et de sorties. Il allègue avoir été maintenu pendant un mois et demi, sans égard pour son état de santé, dans une cellule surpeuplée, infestée de rats et dénuée de sanitaires salubres.

Après son transfert à la prison de « Tiflet 1 », le requérant dit avoir également été détenu dans des conditions contraires à l’article 3 de la Convention. Il soutient avoir été placé dans une cellule surpeuplée, privée d’accès à la lumière du jour et insalubre, dans laquelle il a contracté la gale. Le requérant se plaint également de la promiscuité avec ses codétenus, pour la plupart sous traitement psychiatrique, ainsi que de l’absence d’accès à une hygiène élémentaire. Il affirme avoir entamé, avec dix‑neuf codétenus, une grève de la faim, qui devait prendre fin, selon ses déclarations, après trois mois. Les grévistes de la faim auraient, selon les déclarations du requérant, fait l’objet de mauvais traitements de la part des gardiens de prison.

Au cours du mois d’avril 2016, le requérant a été transféré à la prison de « Tiflet 2 », dans laquelle il a immédiatement été placé à l’isolement, dans une cellule de six mètres carrés, qu’il ne pouvait quitter que quinze minutes par jour. Le requérant affirme avoir été, à une date inconnue, transféré dans une autre cellule. Il soutient également avoir perdu une grande partie de son acuité visuelle en raison des traitements subis.

Le requérant reproche également aux autorités françaises de n’avoir sollicité des autorités marocaines aucune garantie permettant de s’assurer qu’il ne serait ni détenu ni jugé une seconde fois pour les faits ayant déjà justifié sa condamnation en France.

58. Le Gouvernement fait valoir que le requérant ne démontre pas être exposé à des risques actuels et personnels de mauvais traitements de la part des autorités marocaines. S’il soutient avoir été arrêté dès son arrivée au Maroc puis placé à la maison d’arrêt de Salé, le requérant n’établit nullement avoir effectivement subi des traitements prohibés par l’article 3 de la Convention. Par ailleurs, le Gouvernement relève que l’OFPRA avait considéré qu’il n’existait pas d’éléments pertinents et individualisés accréditant les allégations du requérant.

2. Appréciation de la Cour

59. En l’espèce, la Cour se réfère aux principes applicables en la matière (J.K. et autres c. Suède [GC], no 59166/12, §§ 77‑105, CEDH 2016) et en particulier au principe de subsidiarité. Elle rappelle qu’elle doit toutefois estimer établi que l’appréciation effectuée par les autorités de l’Etat contractant concerné est adéquate et suffisamment étayée par les données internes et par celles provenant d’autres sources fiables et objectives (F.G. c. Suède [GC], no 43611/11, § 117, CEDH 2016).

60. La Cour observe que le requérant a été expulsé vers le Maroc le 22 septembre 2015, malgré la mesure provisoire indiquée par la Cour conformément à l’article 39 du règlement (paragraphe 23 ci‑dessus). C’est donc cette date qu’il convient de prendre en considération pour apprécier s’il existait un risque réel qu’il soit soumis dans ce pays à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention (Mamatkoulov et Askarov c. Turquie [GC], nos 46827/99 et 46951/99, §§ 69 et 74, CEDH 2005‑I). Mais cela n’empêche pas la Cour de tenir compte de renseignements ultérieurs ; ils peuvent servir à confirmer ou infirmer la manière dont la Partie contractante concernée a jugé du bien-fondé des craintes d’un requérant (Mamatkoulov et Askarov, précité, §§ 69‑74, Hirsi Jamaa et autres c. Italie [GC], no 27765/09, § 121, CEDH 2012 et X c. Suisse, no 16744/14, § 62, 26 janvier 2017).

61. La Cour relève que le requérant a été condamné en France pour des actes terroristes et, à l’instar de ce qu’elle a rappelé dans l’affaire Daoudi c. France (no 19576/08, § 65, 3 décembre 2009), elle souhaite réaffirmer qu’elle a une conscience aiguë de l’ampleur du danger que représente le terrorisme pour la collectivité et, par conséquent, de l’importance des enjeux de la lutte antiterroriste. Devant une telle menace, la Cour considère qu’il est légitime que les États contractants fassent preuve d’une grande fermeté à l’égard de ceux qui contribuent à des actes de terrorisme, qu’elle ne saurait en aucun cas cautionner (voir, mutatis mutandis, Saadi c. Italie [GC], no 37201/06, § 137, CEDH 2008, Ismoïlov et autres c. Russie, no 2947/06, § 126, 24 avril 2008 et A. et autres c. Royaume-Uni [GC], no 3455/05, § 126, CEDH 2009).

62. S’agissant tout d’abord des risques auxquels le requérant soutient avoir été exposé en raison de la mise à exécution de son renvoi vers le Maroc, la Cour attache de l’importance au rapport établi par Amnesty International (voir paragraphe 45 ci‑dessus) selon lequel le Maroc a pris des mesures afin de prévenir les risques de torture et de traitements inhumains et dégradants. Elle partage la conclusion à laquelle est arrivée l’OFPRA (voir paragraphe 19 ci‑dessus) : la nature de la condamnation du requérant ainsi que les contextes national et international, profondément et durablement marqués par la lutte contre le terrorisme, expliquent que celui‑ci puisse faire l’objet de mesures de contrôle et de surveillance à son retour au Maroc, sans que celles‑ci puissent, ipso facto, être constitutives d’un traitement prohibé par l’article 3 de la Convention. De même, la Cour relève, à l’instar de l’OFPRA, que ni devant les instances nationales ni devant elle, le requérant n’a apporté des éléments de nature à établir que les personnes qui sont présentées comme ses complices et poursuivies au Maroc aient été victimes d’agissements assimilables à des traitements inhumains et dégradants lors du déroulement de l’enquête ou de la procédure judicaire qui a suivi.

Cette appréciation des risques auxquels aurait été exposé le requérant au moment de son expulsion est confirmée par les faits postérieurs dont la Cour a eu connaissance. En particulier, la seule circonstance que le requérant ait « disparu » dès son arrivée ne suffit pas à établir le bien‑fondé de ce grief. à cet égard, la Cour observe que, si le requérant a été placé en garde‑à‑vue du 22 septembre 2015 au 2 octobre 2015 avant d’être détenu à la maison d’arrêt de Salé (voir paragraphes 31 et 32 ci‑dessus) puis transféré à la maison d’arrêt de Tiflet, il ressort des pièces du dossier qu’il a eu accès à un avocat dès son placement en détention, qu’il n’est pas soutenu qu’il n’ait pas pu maintenir le contact avec lui tout au long de la procédure et qu’il a été libéré le 21 décembre 2016.

À ce stade de son examen, la Cour estime nécessaire de différencier la présente requête d’autres affaires. La Cour estime ainsi, en premier lieu, qu’elle se distingue de l’affaire M.A. c. France (précitée) dans la mesure où, dans cette dernière, le requérant avait été renvoyé vers un pays qui, à la différence du Maroc, n’avait pas entrepris d’actions concrètes afin de prévenir le risque de torture en détention. En outre, M.A., encore détenu lorsque sa requête a été examinée par la Cour, ne pouvait pas faire connaître à la Cour des renseignements ultérieurs à l’appui de ses prétentions (voir paragraphe 60 ci‑dessus), à la différence du requérant. Pour ce dernier, ces informations confirment que le risque dont il se prévalait ne s’est pas effectivement réalisé. En deuxième lieu, la Cour estime que la présente affaire se distingue également de l’affaire X. c. Suisse (no 16744/14, § 63, 26 janvier 2017) dans laquelle le demandeur, renvoyé vers le Sri Lanka se prévalait de la situation d’un tiers, Y, qui avait effectivement subi des traitements prohibés par l’article 3 lors de son retour dans ce pays. Dans cette affaire, X, à la différence du requérant, avait été en mesure d’établir que le tiers auquel il se comparait avait effectivement subi des traitements inhumains et dégradants.

En l’état de tous les éléments portés à sa connaissance (voir Saadi, précité, § 142), la Cour déduit qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments montrant, en l’espèce, qu’existait au jour de l’expulsion du requérant un risque de traitements contraires à l’article 3.

63. S’agissant des conditions de détention au Maroc, qu’en tout état de cause le requérant n’a pas évoquées devant l’OFPRA, la Cour note que, malgré sa libération et malgré les contacts entretenus avec son avocat marocain, il se contente de verser, à l’appui de ses allégations, un simple document manuscrit décrivant ses conditions de détention, sans l’assortir d’aucun élément de preuve tels, par exemple, des certificats médicaux propres à établir que ses conditions de détention auraient dépassé le seuil de gravité nécessaire pour constituer une violation de l’article 3 de la Convention.

64. Partant, aucune violation de l’article 3 de la Convention ne peut être constatée.

II. SUR LE NON-RESPECT ALLÉGUÉ DE L’ARTICLE 34 DE LA CONVENTION

65. Le requérant soutient qu’en le remettant aux autorités marocaines en violation de la mesure indiquée par la Cour en vertu de l’article 39 du règlement, l’État défendeur a manqué à ses obligations au titre de l’article 34 de la Convention, qui est ainsi libellé :

« La Cour peut être saisie d’une requête par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers qui se prétend victime d’une violation par l’une des Hautes Parties contractantes des droits reconnus dans la Convention ou ses Protocoles. Les Hautes Parties contractantes s’engagent à n’entraver par aucune mesure l’exercice efficace de ce droit. »

A. Sur la recevabilité

1. Arguments des parties

66. Le Gouvernement a soulevé une exception d’irrecevabilité tirée du caractère prématuré de la requête en ce qu’elle concerne le grief tiré du non‑respect de l’article 34 de la Convention.

Il rappelle que la procédure intentée par le requérant devant les juridictions administratives, tant contre l’arrêté du 14 août 2015 portant expulsion que contre l’arrêté du 21 septembre 2015 fixant le pays de destination, est pendante. Dès lors, l’existence de ce recours encore pendant rend le grief susmentionné prématuré.

67. Le requérant s’oppose à cette thèse. Il fait valoir que les recours cités au paragraphe précédent ne sont pas de nature à réparer les violations alléguées dès lors qu’il a effectivement quitté le territoire français.

2. Appréciation de la Cour

68. La Cour rappelle la nature purement procédurale d’un grief tiré du non‑respect de l’article 34 de la Convention, dont la recevabilité ne peut dès lors faire l’objet d’une contestation (voir Ergi c. Turquie, 28 juillet 1998, § 118, Recueil des arrêts et décisions 1998‑IV et Pivovarnik c. Ukraine, no 29070/15, § 52, 6 octobre 2016). L’exception d’irrecevabilité soulevée par le Gouvernement est donc sans objet.

B. Sur le fond

1. Arguments des parties

69. Le requérant rappelle que le Gouvernement a déployé tous ses efforts afin de l’expulser à des fins de communication politique.

Il souligne que le 21 septembre 2015, la préfecture, contactée par son avocat, avait affirmé à ce dernier qu’aucune décision n’avait encore été prise. De surcroît, le 22 septembre 2015, l’avocat n’est pas arrivé à joindre un interlocuteur dans les services de la préfecture.

Enfin, le requérant souligne que son avion n’avait pas encore décollé à 12 h 45. Il en déduit que le Gouvernement disposait de la possibilité matérielle d’empêcher l’exécution de son expulsion.

70. Le Gouvernement souhaite rappeler qu’il coopère pleinement avec le greffe de la Cour afin d’assurer l’entière exécution des mesures prises sur le fondement de l’article 39 de son règlement. À cet effet, dès sa saisine par le greffe de la Cour, la sous-direction des droits de l’homme du ministère des affaires étrangères et du développement international prend l’attache de la sous‑direction compétente du ministère de l’intérieur afin que la mesure de renvoi soit suspendue sans délai. Le ministère de l’intérieur prend alors immédiatement contact avec les agents des centres de rétention administrative ou des zones d’attente pour s’assurer de l’imminence d’un vol et les informer de la décision de la Cour et de l’obligation de suspendre l’éloignement.

71. S’agissant du cas d’espèce, le Gouvernement rappelle que le greffe de la Cour n’a pris contact avec lui qu’à 10 h 45 et ce, en vue de déterminer la date d’expulsion du requérant. À 12 h 05, le greffe a informé le Gouvernement de l’adoption de la mesure provisoire mentionnée au paragraphe 23 ci‑dessus. Le Gouvernement souligne que cette mesure a été prise avant qu’il n’ait communiqué au greffe les informations qu’il avait sollicitées.

La teneur de la mesure provisoire a été aussitôt relayée aux services compétents du ministère de l’intérieur. Toutefois, le très bref délai séparant la notification de la mesure provisoire (12 h 05) du départ de l’avion (12 h 35) n’a pas permis au Gouvernement d’interrompre le décollage de l’avion.

Le Gouvernement en conclut avoir tout mis en œuvre pour se conformer à la mesure provisoire et conclut qu’il ne peut se voir reprocher une violation de l’article 34 de la Convention.

2. Appréciation de la Cour

72. La Cour a rappelé, dans l’affaire Savriddin Dzhurayev c. Russie (no [71386/10](http://hudoc.echr.coe.int/eng#%7B%22appno%22:%5B%2271386/10%22%5D%7D), § § 211 à 213, CEDH 2013 (extraits), l’importance cruciale et le rôle vital des mesures provisoires dans le système de la Convention (voir également Trabelsi c. Belgique, no 140/10, § 144, CEDH 2014 (extraits), Mamazhonov c. Russie, no 17239/13, § 214, 23 octobre 2014 ou encore M.A. c. France, no 9373/15, § 64, 1er février 2018). Elle y renvoie.

73. La Cour souligne également que, dans le cadre de l’examen d’un grief au titre de l’article 34 concernant le manquement allégué d’un État contractant à respecter une mesure provisoire, elle ne reconsidère pas l’opportunité de sa décision d’appliquer la mesure en question (Paladi c. Moldova [GC], no 39806/05, § 92, 10 mars 2009 et Al-Saadoon et Mufdhi c. Royaume-Uni, no 61498/08, § 161, CEDH 2010). Il incombe au Gouvernement défendeur de lui démontrer que la mesure provisoire a été respectée ou, dans des cas exceptionnels, qu’il y a eu un obstacle objectif qui l’a empêché de s’y conformer, et qu’il a entrepris toutes les démarches raisonnablement envisageables pour supprimer l’obstacle et pour tenir la Cour informée de la situation.

74. La Cour constate, comme le reconnaît le Gouvernement, que la mesure provisoire n’a pas été respectée. Il soutient ne pas avoir eu matériellement le temps d’empêcher l’expulsion du requérant.

La Cour doit donc déterminer si, en l’espèce, il y avait des obstacles objectifs qui ont empêché le Gouvernement de se conformer à la mesure provisoire en temps voulu (D.B. c. Turquie, no 33526/08, § 67, 13 juillet 2010).

75. La Cour est pleinement consciente qu’il peut être nécessaire pour les autorités compétentes de mettre en œuvre une mesure d’expulsion avec célérité et efficacité. Toutefois, les conditions d’une telle exécution ne doivent pas avoir pour objet de priver la personne reconduite du droit de solliciter de la Cour l’indication d’une mesure provisoire.

76. La Cour observe qu’il résulte des circonstances de l’espèce (paragraphes 21 et 22 ci-dessus) que, si le ministre de l’intérieur a décidé le 14 août 2015 d’expulser le requérant, cette décision ne lui a été notifiée que le 22 septembre 2015, soit plus d’un mois plus tard. La Cour souligne la durée anormalement longue de cette notification, alors que celle-ci ne devait pas présenter de difficultés particulières, le requérant étant détenu au centre pénitentiaire de Réau.

Elle observe également que le jour de cette notification tardive était également celui de la libération du requérant.

La Cour relève aussi que la notification des deux arrêtés d’expulsion et désignant le Maroc comme pays de destination, dont la réunion était nécessaire à l’éloignement effectif du requérant, n’a été achevée que le jour de la libération du requérant.

La Cour souligne qu’ensuite, dès sa libération, le requérant a été immédiatement emmené à l’aéroport afin d’être effectivement renvoyé vers le Maroc. Elle constate que l’exécution d’une telle expulsion est nécessairement précédée par la réalisation de certaines démarches, dont la plus évidente est la réservation d’un billet d’avion. Elle note également que l’avocat du requérant a affirmé, sans être démenti par le Gouvernement, que la préfecture de Seine et Marne lui avait certifié, ce même jour, qu’aucune décision n’avait encore été prise.

La Cour relève ainsi que le renvoi du requérant vers le Maroc a eu lieu environ cinq heures après la notification de la décision d’expulsion, pourtant édictée plus d’un mois avant sa notification.

La Cour retient qu’il résulte de ce contraste que le requérant n’a pas disposé d’un délai suffisant pour demander de façon effective à la Cour la suspension d’une décision que l’Etat défendeur avait pourtant déjà prise de longue date.

77. La Cour en conclut que les autorités françaises ont délibérément et de manière irréversible, amoindri le niveau de protection des droits énoncés dans l’article 3 de la Convention que le requérant cherchait à faire respecter en introduisant sa demande devant la Cour. Dans les circonstances de l’espèce, l’expulsion a pour le moins ôté toute utilité à l’éventuel constat de violation de la Convention, le requérant ayant été éloigné vers un pays qui n’est pas partie à cet instrument, où il alléguait risquer d’être soumis à des traitements contraires à celle-ci.

78. Dès lors, la Cour conclut que les autorités françaises ont manqué à leurs obligations découlant de l’article 34 de la Convention.

III. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES

79. En premier lieu, le requérant allègue que son expulsion vers le Maroc entraînerait une séparation avec ses deux enfants constitutive d’une violation de l’article 8 de la Convention,

En deuxième lieu, il se plaint, au titre de l’article 1 du Protocole no 7 à la Convention, de s’être vu notifier son arrêté d’expulsion à sa sortie de rétention le 22 septembre 2015 à 7 h 55 du matin et d’avoir été renvoyé vers le Maroc à 12 h 35 le même jour, sans avoir eu la possibilité d’exercer la moindre voie de recours en temps utile contre cet arrêté, qui avait d’ailleurs été adopté le 14 août 2015.

En troisième et dernier lieu, le requérant se plaint de subir une discrimination dans l’exercice des droits qu’il invoque en raison de sa nationalité d’origine. Il considère en effet qu’il n’a été déchu de sa nationalité française et n’a ainsi pu être expulsable que parce qu’il l’avait acquise en plus de sa nationalité d’origine, ce qui constituerait une discrimination entre Français naturalisés et les autres détenteurs de la nationalité française, qui ne peuvent être déchus de leur nationalité.

80. L’article 8 de la Convention est ainsi libellé :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

81. L’article 1 du protocole no 7 à la Convention se lit ainsi :

« 1. Un étranger résidant régulièrement sur le territoire d’un État ne peut en être expulsé qu’en exécution d’une décision prise conformément à la loi et doit pouvoir :

a) faire valoir les raisons qui militent contre son expulsion,

b) faire examiner son cas, et

c) se faire représenter à ces fins devant l’autorité compétente ou une ou plusieurs personnes désignées par cette autorité.

2. Un étranger peut être expulsé avant l’exercice des droits énumérés au paragraphe 1 a), b) et c) de cet article lorsque cette expulsion est nécessaire dans l’intérêt de l’ordre public ou est basée sur des motifs de sécurité nationale. »

L’article 14 de la Convention dispose :

« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la (...) Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »

A. Thèses des parties

82. Le Gouvernement rappelle que la procédure intentée par le requérant devant les juridictions administratives, tant contre l’arrêté du 14 août 2015 portant expulsion que contre l’arrêté du 21 septembre 2015 fixant le pays de destination, est pendante. Dès lors, l’existence de ce recours encore pendant rend les griefs susmentionnés prématurés.

83. Le requérant s’oppose à cette thèse. Il fait valoir que les recours cités au paragraphe précédent ne sont pas de nature à réparer les violations alléguées dès lors qu’il a effectivement quitté le territoire français.

B. Appréciation de la Cour

84. S’agissant des éloignements d’étrangers contestés sur la base d’une atteinte alléguée à la vie privée et familiale, la Cour se réfère aux passages pertinents de l’arrêt De Souza Ribeiro c. France ([GC] no 22689/07, § 83, CEDH 2012).

La Cour rappelle que le recours en annulation devant le tribunal administratif dirigé contre un arrêté d’expulsion constitue un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention qui doit être épuisé (voir en ce sens Lounis c. France (déc.), no 49137/99, 25 avril 2002). Il ressort des pièces du dossier que le requérant a non seulement contesté l’arrêté du 14 août 2015 devant les juridictions administratives, mais qu’il a également soulevé, au moins devant le tribunal administratif de Paris, le grief tiré de la violation de l’article 8 de la Convention. Toutefois ce recours est encore pendant devant la cour administrative d’appel.

85. Il s’ensuit que ces griefs doivent être rejetés comme prématurés en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

86. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

87. Le requérant demande le versement d’une somme de 20 000 euros (EUR). Il affirme avoir subi un important préjudice moral qui consisterait dans les conditions matérielles tant de son renvoi au Maroc que de sa détention pendant quinze mois dans ce pays. Enfin, il est séparé de ses enfants et de sa fratrie résidant en France.

88. Le Gouvernement considère que ces demandes sont à la fois non étayées et excessives. Toutefois, dans l’hypothèse d’une violation des articles 3, 8, 14 et 34 de la Convention ainsi que de l’article 1 du protocole no 7 à la Convention, le Gouvernement estime que l’indemnisation du préjudice moral du requérant ne saurait excéder la somme de 2 000 EUR.

89. Les circonstances de l’espèce ont conduit la Cour à conclure au non‑respect de l’article 34 de la Convention du fait de l’action des autorités françaises qui ont délibérément et de manière irréversible, amoindri le niveau de protection des droits énoncés dans l’article 3 de la Convention. La Cour estime que le dommage moral du requérant lié à ce grief se trouve suffisamment réparé par le constat de non‑respect de l’article 34 de la Convention auquel elle parvient.

B. Frais et dépens

90. Le requérant demande également 2 000 EUR pour les frais et dépens engagés devant la Cour.

91. Le Gouvernement fait valoir que le requérant n’apporte aucun élément justifiant l’octroi de la somme demandée.

92. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, en l’absence de tout justificatif, notamment de notes d’honoraires, la Cour décide de ne rien allouer à ce titre.

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

1. Déclare, à l’unanimité, la requête recevable quant au grief tiré de la violation de l’article 3 de la Convention et irrecevable pour le surplus ;

2. Dit, à l’unanimité, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 3 de la Convention ;

3. Dit, par six voix contre une, que la France a failli à ses obligations au titre de l’article 34 de la Convention ;

4. Dit, à l’unanimité, que le constat du non‑respect de l’article 34 de la Convention fournit en soi une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral subi par le requérant ;

5. Rejette à l’unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 19 avril 2018, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Claudia WesterdiekAngelika Nußberger
GreffièrePrésidente

Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion séparée de la juge O’Leary.

A.N.
C.W.

OPINION EN PARTIE CONCORDANTE ET EN PARTIE DISSIDENTE DE LA JUGE O’LEARY

1. Dans la présente affaire, la chambre a été confrontée de nouveau à la constellation délicate de l’expulsion vers son pays d’origine d’une personne condamnée en France pour des actes de terrorisme, de l’examen du risque que celle-ci pouvait y courir à l’aune de l’article 3 de la Convention et de la question de savoir si l’État défendeur avait respecté les obligations lui incombant en vertu de l’article 34 de la Convention compte tenu des circonstances ayant entouré l’expulsion.

A. Sur l’article 3 de la Convention

2. Je partage la décision de la chambre relative à l’absence de violation de cet article dans les circonstances de l’espèce.

3. Le requérant a été expulsé à la suite du rejet de sa demande d’asile par l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) et sur la base d’un arrêté d’expulsion et d’un arrêté fixant le pays de destination. Ainsi qu’il ressort de l’arrêt de la chambre, le requérant n’a pas produit, ni devant l’OFPRA, ni devant la Cour, d’éléments susceptibles d’établir l’existence de motifs sérieux et avérés de croire que son expulsion vers le Maroc impliquerait pour lui un risque réel et concret d’être exposé à un traitement contraire à l’article 3 de la Convention[1]. À mon sens, l’examen effectué par la Cour de toutes les circonstances de la présente affaire, le poids qu’elle accorde à la décision détaillée et motivée de l’OFPRA et surtout l’exigence pour le requérant d’étayer le risque individuel qu’il alléguait courir répondent aux principes posés par la jurisprudence. La chambre a fait preuve de la prudence à laquelle la Grande Chambre s’est référée dans l’arrêt Saadi et elle a examiné avec soin les éléments qui lui ont été soumis[2].

4. Il est à noter que, dans un arrêt du 1er février dernier, la chambre est arrivée à la conclusion inverse s’agissant de l’expulsion vers l’Algérie d’un ressortissant algérien qui avait été également condamné en France pour des actes de terrorisme[3]. Deux éléments sont avancés au § 62 de l’arrêt A.S. pour expliquer la prétendue distinction entre les deux affaires : le Maroc, à la différence de l’Algérie, avait entrepris des mesures concrètes afin de prévenir le risque de torture en détention, et le requérant dans M.A. était toujours détenu, de sorte qu’il ne pouvait porter à la connaissance de la Cour des renseignements ultérieurs à l’appui de ses prétentions. En revanche, M. A.S. pouvait faire parvenir de tels renseignements et ceux-ci confirmaient que le risque dont il se prévalait ne s’est effectivement pas réalisé.

5. Si le premier élément pourrait effectivement être pertinent[4], il n’en reste pas moins que la vraie différence entre les affaires M.A. et A.S. réside dans l’analyse détaillée et individualisée du prétendu risque opéré dans la présente affaire conformément à la jurisprudence de la Cour, à la différence de l’analyse généralisée et in abstracto, sans examen individuel, effectuée dans l’affaire M.A.[5]. De même, si, en l’espèce, la Cour accepte l’appréciation du risque effectué par l’OFPRA, dans l’affaire antérieure elle s’écarte de l’analyse faite par cette autorité, sans en réalité expliquer pourquoi. Les éléments d’analyse figurant au § 62 de l’arrêt A.S. faisaient défaut dans l’arrêt antérieur M.A., malgré le fait que les antécédents à l’expulsion et les circonstances de détention des deux requérants lors du retour dans leurs pays respectifs étaient très similaires : tous deux ont été arrêtés par les forces de l’ordre lors de l’atterrissage des avions en provenance de la France, mis en garde à vue pendant une période comprise entre 8 à 10 jours[6], présentés ensuite à un juge et assistés depuis lors par un avocat[7]. S’il est vrai que le requérant dans A.S. avait été libéré au moment où la chambre a statué, c’est uniquement parce qu’il avait été emprisonné au Maroc pour les mêmes faits pour lesquels il avait déjà purgé sa peine en France[8]. Il est erroné de prétendre que, à la différence de M. A.S., le requérant dans l’affaire M.A., qui était représenté par des avocats français et algérien, ne pouvait pas faire connaître à la Cour des renseignements ultérieurs à l’appui de ses prétentions. Non seulement les deux requérants pouvaient le faire valoir, mais ils l’ont fait.

B. Sur le respect des obligations en vertu de l’article 34 de la Convention

6. Si je partage le constat de non-violation de l’article 3 de la Convention, je ne peux pas souscrire, en revanche, à la conclusion de la majorité selon laquelle, en préparant l’expulsion du requérant et en exécutant celle-ci le 22 septembre 2015, la France a manqué à ses obligations en vertu de l’article 34 de la Convention.

7. Il n’est pas contesté que l’article 34 de la Convention, instituant le droit de recours individuel, contient un véritable droit d’action de l’individu au plan international. Il constitue l’un des piliers essentiels de l’efficacité́ du système de la Convention et fait partie « des clefs de voûte du mécanisme » de sauvegarde des droits de l’homme[9]. De même, dans le système de la Convention, les mesures provisoires se révèlent d’une importance fondamentale pour éviter des situations irréversibles qui empêcheraient la Cour de procéder dans de bonnes conditions à l’examen d’une requête et, le cas échéant, d’assurer au requérant la jouissance pratique et effective du droit protégé par la Convention qu’il invoque. L’inobservation de mesures provisoires pourrait empêcher la Cour d’examiner efficacement le grief du requérant et pourrait donc entraver l’exercice efficace de son droit[10].

8. Dans le cadre de l’examen d’un grief au titre de l’article 34, il incombe au gouvernement défendeur de démontrer que la mesure provisoire a été respectée ou, dans des cas exceptionnels, qu’il y a eu un obstacle objectif qui l’a empêché de s’y conformer, et qu’il a entrepris toutes les démarches raisonnablement envisageables pour supprimer l’obstacle et pour tenir la Cour informée de la situation[11].

9. Sauf erreur de ma part, jusqu’à l’arrêt M.A., la Cour n’a jamais condamné un État pour avoir préparé, avec célérité et efficacité, l’expulsion d’un ressortissant étranger considéré comme présentant un risque pour la sécurité publique, sans examiner les explications du gouvernement défendeur relatives à la difficulté de faire respecter une mesure provisoire à peine notifiée dans un laps de temps très serré[12]. L’exception qu’est l’affaire M.A. commence à devenir la règle dans l’affaire A.S. Même si, dans certaines affaires de cette nature, une constatation de violation de l’article 34 pourrait être justifiée, un exposé détaillé des antécédents du présent litige révèle, à mon sens, pourquoi elle ne l’est pas en l’espèce.

10. Dès sa condamnation par le tribunal correctionnel de Paris, le 22 mars 2013, le requérant devait savoir que son séjour sur le territoire français pouvait s’achever, d’autant plus que, par la suite, il a divorcé de son épouse, de nationalité française, en mai 2014. Par le décret de déchéance de nationalité française, adopté le 28 mai 2014, son séjour en France est devenu irrégulier. Le requérant a introduit une demande d’asile en détention le 13 juillet 2015 et, une semaine plus tard, la Commission départementale d’expulsion de Seine et Marne (Comex) a donné un avis favorable à son expulsion. Il ressort très clairement de l’arrêt du tribunal administratif de Paris du 30 juin 2016 – statuant sur le recours en annulation du requérant contre les arrêtés d’expulsion et fixant le pays de destination – que l’intéressé et son conseil étaient présents lors de l’examen par la Comex et étaient donc informés de l’imminence de la prise d’un arrêté d’expulsion. L’OFPRA a rejeté la demande d’asile du requérant le 25 août 2015. Selon le droit français, la décision de l’OFPRA doit être communiquée au demandeur[13]. Il est à noter que, à aucun moment, ni devant les juridictions internes, ni devant la Cour, le requérant n’a prétendu ne pas avoir été informé du rejet de sa demande d’asile avant le jour de son expulsion[14]. S’il est vrai que l’arrêté d’expulsion adopté à son égard le 14 août 2015 ne lui a pas été notifié tout de suite, il n’en reste pas moins que cet arrêté ne pouvait pas être exécuté jusqu’à l’adoption de l’arrêté fixant son pays de destination. Cette dernière décision est uniquement intervenue le 21 septembre 2015, veille de la communication de ces deux mesures au requérant. Lorsque ces mesures ont été exécutées le 22 septembre 2015, un examen détaillé et motivé du risque que le requérant prétendait courir au Maroc avait déjà été effectué par l’autorité française compétente en la matière, concluant à l’absence d’un tel risque. De même, tout au long des procédures décrites ci-dessus, le requérant semble avoir bénéficié de l’aide juridictionnelle.

11. Dans l’arrêt Saadi, la Cour explique que, dans des affaires comme celle‑ci, elle applique des critères rigoureux et exerce un contrôle attentif. Même si l’évaluation d’un risque allégué de mauvais traitements a un aspect spéculatif, la Cour dit faire preuve d’une grande prudence et examiner avec soin les éléments qui lui ont été soumis à la lumière du niveau de preuve requis avant d’indiquer une mesure d’urgence au titre de l’article 39 de son règlement ou de conclure que l’exécution d’une mesure d’éloignement du territoire se heurterait à l’article 3 de la Convention[15]. Toutefois, en appliquant une mesure provisoire comme celle en cause en l’espèce, elle peut uniquement se fonder sur « les éléments qui lui ont été soumis ».

12. En l’espèce, le requérant avait d’abord formulé une demande de mesure provisoire afin de faire suspendre le décret portant déchéance de nationalité. La Cour avait rejeté cette demande comme étant hors du champ d’application de l’article 39 de son règlement. Ensuite, deux rejets pour non-respect des exigences de l’article 47 dudit règlement ont été opposés aux demandes introduites par le requérant. Donc, lorsque la Cour est contactée le 22 septembre 2015, elle ne semble avoir qu’une version sommaire de la situation du requérant et elle agit sur la base d’un dossier incomplet. Ainsi qu’il ressort des §§ 23 et 62 de l’arrêt de la chambre, elle conclut à l’existence d’un risque suffisant pour l’indication d’une mesure provisoire, risque dont elle rejette l’existence par la suite lorsque tous les éléments sont portés à sa connaissance. Il n’y a rien de particulier dans cette situation, la Cour devant souvent agir sur la base d’un dossier incomplet lorsqu’elle adopte une mesure provisoire. Toutefois, la particularité de la présente affaire est le défaut à deux reprises du requérant, qui a bénéficié de l’aide juridictionnelle, d’introduire une demande en bonne et due forme. De même, à compter de l’avis favorable de la Comex puis du rejet par l’OFPRA de la demande d’asile du requérant, l’expulsion de ce dernier était clairement imminente. Tant les autorités de l’État défendeur que le requérant ont donc contribué aux circonstances serrées entre la demande de mesure provisoire, la notification de celle-ci au gouvernement défendeur et le peu de temps disponible pour agir avant le départ de l’avion transportant le requérant.

13. Tout comme dans l’affaire M.A., précitée, le délai jugé anormalement long de la notification de l’arrêté d’expulsion combiné avec la célérité de l’exécution de l’expulsion à la suite de la fixation du Maroc comme pays de destination fournit la base pour la constatation de violation de l’article 34 de la Convention (voir §§ 76-77 de l’arrêt). En revanche, la période comprise entre la notification de la mesure provisoire adoptée sur la base de l’article 39 du règlement de la Cour et le départ de l’avion ne fait pas en réalité l’objet d’un examen de la part de la Cour. De nouveau, la Cour n’examine pas s’il y avait des obstacles objectifs qui, exceptionnellement, ont empêché le gouvernement défendeur de se conformer à la mesure provisoire dont il avait à peine connaissance[16]. Il faut reconnaître que cette fois-ci l’intervalle entre la notification de la mesure provisoire et le départ de l’avion était de 30 minutes, soit un laps de temps plus long que les 13 minutes en cause dans l’affaire M.A., précitée[17]. Toutefois, il n’est pas établi en l’espèce que, à la suite de la notification de la décision de la Cour à 12 h 05, les autorités françaises ont omis, délibérément, d’agir[18]. La Cour ne semble pas avoir d’informations sur l’heure précise à laquelle la mesure provisoire a été demandée, et aucune indication n’est fournie relative à la question de savoir si le représentant du requérant avait informé le gouvernement de sa demande et, dans l’affirmative, à quelle heure. La Cour a pris contact avec le gouvernement défendeur à 10 h 45 pour obtenir des informations supplémentaires sur l’expulsion du requérant, mais la mesure provisoire a été adoptée avant que des informations ne soient reçues et/ou ne puissent être transmises. Certes, le silence du gouvernement défendeur à l’égard de cette demande d’information pourrait être traduit en une tentative de ralentissement pour permettre le départ du requérant avant la prise d’une décision sur la demande de mesure provisoire. Dans un tel cas, nous serions bien devant une absence de respect des obligations résultant de l’article 34 de la Convention[19]. Toutefois, la Cour ne s’interroge pas à cet égard, mais se concentre sur la célérité et l’efficacité préalable de la procédure d’expulsion tout en reconnaissant qu’il est tout à fait légitime pour les États membres d’agir ainsi. À mon sens, la Cour ayant soulevé le grief tiré de l’article 34 d’office sans avoir toutefois posé des questions détaillées relatives aux circonstances survenues le jour de l’expulsion, nous sommes devant une constatation de violation malgré une absence de recherche et d’établissement de preuves.

14. Je n’exclus pas que si la Cour constate un schéma récurrent (« pattern ») ‒ à savoir une série de mesures provisoires qu’un gouvernement défendeur n’arrive jamais à respecter dans des circonstances similaires à celles en cause en l’espèce – une constatation de violation pourrait, voire devrait, suivre[20]. Dans un tel cas, la Cour pourrait se fonder sur « un faisceau d’indices, ou de présomptions non réfutées, suffisamment graves, précis et concordants »[21]. Il n’est ni contesté ni contestable que la Cour et les parties doivent scrupuleusement veiller au respect de l’article 34 de la Convention. Toutefois, les affaires A.S. et M.A. ne constituent pas, à elles seules, ou pas encore, un « pattern » au sens visé ci-dessus, le gouvernement défendeur ayant, en revanche, fait valoir de manière chiffrée son respect des mesures provisoires adoptées par la Cour. Compte tenu de la séquence d’événements décrite ci-dessus (voir §§ 9 et 12), le bénéfice du doute doit encore être accordé à l’État défendeur. Cela étant, l’application de la « règle des trois échecs » (« three strikes you’re out ») semble appropriée, une troisième ou quatrième instance pouvant constituer la preuve d’une absence de coopération loyale et/ou d’un « pattern » de nature à mettre en échec le droit de recours individuel et le système de mesures provisoires qui vise à le protéger.

15. Enfin, il ne faut pas perdre de vue trois éléments importants dans des affaires comme celle-ci. D’abord, même si le nombre de demandes de mesures provisoires a diminué, les constatations faites en 2011 par l’ancien Président de la Cour, Jean-Paul Costa, au nom de la Cour, lorsque celle-ci était confrontée à une augmentation insoutenable de demandes, restent valables :

« (...) il y a un risque que les cas de la petite minorité de requérants dont la vie ou l’intégrité physique seraient réellement menacées dans le pays de destination ne soient pas examinés à temps pour empêcher le refoulement de ces personnes. (...) Il est à souligner que, conformément à sa jurisprudence et à sa pratique, la Cour ne demande à un État membre de s’abstenir d’expulser, d’extrader ou d’éloigner une personne que lorsque, après avoir examiné toutes les informations pertinentes, elle considère que cette personne serait exposée à un risque réel de dommages graves et irréversibles si elle était renvoyée. Une fois indiquée, la mesure provisoire est juridiquement contraignante pour l’État concerné. La Cour n’est toutefois pas une instance d’appel européenne des décisions en matière d’asile et d’immigration rendues par les juridictions nationales, pas plus qu’elle n’est une instance d’appel en matière pénale des condamnations prononcées au niveau national. Lorsque les procédures nationales relatives à l’immigration et à l’asile comportent déjà un exercice d’appréciation des risques et qu’elles sont considérées comme conduites équitablement et dans le respect des droits de l’homme, la Cour ne devrait être sollicitée pour intervenir que dans des cas véritablement exceptionnels. »[22]

Ainsi, si les mesures provisoires jouent un rôle crucial dans le système de la Convention, cela va de pair avec le fait que la Cour n’en indique, en principe, que dans des cas véritablement exceptionnels, et sur la base d’un examen rigoureux de tous les éléments pertinents à sa disposition[23].

16. Ensuite, il ressort de la jurisprudence précitée relative à l’article 34 de la Convention que l’inobservation de mesures provisoires pourrait empêcher la Cour d’examiner efficacement le grief du requérant et pourrait donc entraver l’exercice efficace de son droit. En l’espèce, la Cour n’a pas été empêchée d’examiner soigneusement le grief du requérant, qui, représenté par un avocat tant en France qu’au Maroc, a également pu poursuivre les recours introduits devant le CNDA, le tribunal administratif de Paris et ensuite la Cour de Cassation[24].

17. Enfin, il faut se demander quelle aurait été l’issue, en l’espèce, de l’application en temps utile de la mesure provisoire de la Cour. Le requérant, qui incitait d’autres détenus à la radicalisation, n’aurait pu rentrer en prison dans l’attente de l’examen de sa demande par la Cour. Assigné à résidence dans un hôtel ou un logement similaire, il aurait été vraisemblablement soumis à des mesures de contrôle strictes et journalières afin que fût contrôlé et contenu le risque établi qu’il représentait pour la sécurité publique. De telles mesures pourraient, elles-mêmes, poser divers problèmes au regard de la Convention. L’examen de sa demande par la Cour, qui a confirmé enfin la décision de l’OFPRA, aurait en tout cas pris entre deux ans et demi et trois ans (affaire A.S. et seconde demande de mesure provisoire dans l’affaire M.A.) et quatre ans (première demande de mesure provisoire dans l’affaire M.A.). Des constatations pragmatiques de cette nature sont délicates compte tenu de la nature du risque que le requérant alléguait courir et du caractère absolu de la protection accordée par l’article 3 de la Convention. En outre, la Cour a souligné que tout laxisme sur la question des mesures provisoires affaiblirait de manière inacceptable la protection des droits fondamentaux garantis par la Convention, serait incompatible avec les valeurs et l’esprit de ce texte, et saperait l’autorité et l’effectivité de la Convention en tant qu’instrument constitutionnel de l’ordre public européen[25]. Toutefois, ces rappels tout à fait légitimes et nécessaires de la part de la Cour dans certaines affaires, combinés avec le caractère absolu de la protection susmentionnée, ne doivent pas faire pencher la Cour vers une approche absolutiste, loin de la réalité de l’affaire portée devant elle.

* * *

[1] Voir le § 62 de l’arrêt de la chambre et les exigences rappelées dans les affaires de Grande Chambre F.G. c. Suède, n° 436/11, §§ 113-116 et 120, 23 mars 2016, et J.K. c. Suède, n° 59166/12, §§ 85-86 et 91, 23 août 2016.

[2] Voir Saadi c. Italie [GC], n° 37201/06, 28 février 2008, § 142.

[3] M.A. c. France, n° 9373/15, 1er février 2018.

[4] Deux rapports de Amnesty International et du Département d’État américain cités aux §§ 45 et 46 de l’arrêt de la chambre font état des mesures prises au Maroc pour améliorer le respect des droits de l’homme. Toutefois, il ressort d’autres extraits des mêmes documents que « torture and ill-treatment remain all too frequent » ou que « there was a pattern of torture and mistreatment during arrest and detention ». Les affaires M.A. et A.S. montrent que, en fonction du choix du matériel et de sa provenance, la réalité sur place dans l’un ou l’autre pays de destination pourrait être présentée différemment. Pour des appréciations différentes de la situation au Maroc, voir A.J. c. Suède (déc.), n° 13508/07, §§ 54, 62-63, 8 juillet 2008 ; Boutagni c. France, n° 42360/08, §§ 36-40, 18 février 2011 ; Ouabar c. Belgique, n° 26417/10, 2 juin 2015 ; Rafaa c. France, n° 25393/10, § 41, 30 mai 2013 ; et X. c. Suède, n° 36417/16, §§ 52 et 57, 9 janvier 2018.

[5] Je renvoie, pour plus de détails, à mon opinion dissidente dans l’affaire M.A.

[6] Si les proches du requérant dans l’affaire M.A. étaient informés de son arrivée et, du moins au début, du lieu de sa détention (§ 39 opinion séparée dans M.A.), les membres de la famille de M. A.S. n’avaient pas d’informations sur la situation de celui-ci jusqu’à plusieurs jours après son arrivée au Maroc (§ 32 arrêt A.S.).

[7] Voir §§ 22 et 24 de l’arrêt M.A. et § 39 de l’opinion séparée ; §§ 31-33 de l’arrêt A.S.

[8] En effet, la condamnation de M. A.S. en première instance au Maroc indique que les autorités marocaines n’avaient pas, dans un premier temps, appliqué le principe ne bis in idem . §§ 20 et 34-35.

[9] Voir, par exemple, Mamatkoulov et Askarov [GC] nos 46827/99 et 46951/99, §§ 100 et 122, 4 février 2005.

[10] Ibid., §§ 125-126.

[11] Paladi c. Moldova [GC], no 39806/05, § 92, 10 mars 2009.

[12] Voir arrêt M.A., précité, §§ 68-70. Pour des exemples d’arrêts où la Cour a conclu au non-respect de mesures provisoires et donc de l’article 34 de la Convention, voir § 43 de l’opinion dissidente dans ladite affaire.

[13] Conformément à l’article L. 723-2 du CESEDA (dans sa version applicable à l’époque de l’affaire M.A.), la décision de l’OFPRA est normalement communiquée au demandeur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

[14] Voir, en revanche, la place centrale de la non-notification de la décision de l’OFPRA dans l’affaire M.A., § 69 dudit arrêt.

[15] Saadi, précité, § 142.

[16] Un tel examen est énoncé au § 74 de l’arrêt A.S. mais n’est pas ensuite effectué. Voir également l’arrêt M.A., précité, §§ 68-70.

[17] Voir, pour les difficultés que peut poser la notification des mesures provisoires dans des délais extrêmement restreints ou dans un laps de temps caractérisé par un décalage horaire, Kamaliyevy c. Russie n° 52812/07, 3 juin 2010 § 77 ou Muminov c. Russie, n° 42502/06, 11 décembre 2008, § 135.

[18] Voir également, en ce sens, Al Moayad c. Allemagne (déc.), n° 35865/03, § 127 : « the Court’s assessment of the material before it leads it to find that there is an insufficient factual basis to enable it to conclude that the authorities of the respondent State deliberately prevented the Court from taking its decision on the applicant’s Rule 39 request or notifying them of it in a timely manner in breach of their obligation to cooperate with the Court in good faith ». Voir également, en ce sens, Muminov, précité, §§ 135-137.

[19] Voir, en effet, le principe général énoncé au § 73 de l’arrêt de la chambre selon lequel l’État défendeur doit également avoir entrepris toutes les démarches raisonnablement envisageables pour tenir la Cour informée de la situation.

[20] Voir, par exemple, Mamzhonov c. Russie, n° 17239/13, 23 octobre 2014, § 215, où, lorsqu’elle a trouvé une violation de l’article 34 pour non-respect d’une mesure provisoire, la Cour a relevé : « it is alarming that the authorities’ conduct appears to follow the same pattern […]. In the present circumstances, the Court will consider its previous judgments, the position of other Council of Europe institutions, and the unprecedented and recurring nature of related incidents as a decisive contextual factor in the present analysis ».

[21] Voir, dans un contexte plus large, Georgie c. Russie, n° 13255/07, 3 juillet 2014, § 99, Timurtaş c. Turquie, n° 23531/94, §§ 66 et 70, CEDH 2000-VI, et Janowiec et autres c. Russie [GC], nos 55508/07 et 29520/09, § 202, CEDH 2013.

[22] Déclaration du Président de la Cour concernant les demandes de mesures provisoires (article 39 du règlement de la Cour), 11 février 2011.

[23] Voir Savriddin Dzhurayev c. Russie, n° 71386/10, § 213, 25 avril 2013.

[24] Voir, en revanche, Mamatkoulov et Askarov, précité, §§ 31, 36, 108 où, après l’expulsion, les requérants n’avaient plus de contact avec leur avocat.

[25] Voir Savriddin, précité, § 213 et la jurisprudence y citée.


Synthèse
Formation : Cour (cinquiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-182179
Date de la décision : 19/04/2018
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Non-violation de l'article 3 - Interdiction de la torture (Article 3 - Expulsion) (Maroc);Violation de l'article 34 - Requêtes individuelles (Article 34 - Entraver l'exercice du droit de recours)

Parties
Demandeurs : A.S.
Défendeurs : FRANCE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : MESECI N.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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