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05/12/2017 | CEDH | N°001-179213

CEDH | CEDH, AFFAIRE BIDZHIYEVA c. RUSSIE, 2017, 001-179213


TROISIÈME SECTION

AFFAIRE BIDZHIYEVA c. RUSSIE

(Requête no 30106/10)

ARRÊT

STRASBOURG

5 Décembre 2017

DÉFINITIF

05/03/2018

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Bidzhiyeva c. Russie,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Helena Jäderblom, présidente,
Branko Lubarda,
Luis López Guerra,
Dmitry Dedov,
Pere Pastor Vil

anova,
Alena Poláčková,
Jolien Schukking, juges,
et de Fatoş Aracı, greffière adjointe de section

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 1...

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE BIDZHIYEVA c. RUSSIE

(Requête no 30106/10)

ARRÊT

STRASBOURG

5 Décembre 2017

DÉFINITIF

05/03/2018

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Bidzhiyeva c. Russie,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Helena Jäderblom, présidente,
Branko Lubarda,
Luis López Guerra,
Dmitry Dedov,
Pere Pastor Vilanova,
Alena Poláčková,
Jolien Schukking, juges,
et de Fatoş Aracı, greffière adjointe de section

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 14 novembre 2017,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 30106/10) dirigée contre la Fédération de Russie et dont une ressortissante de cet État, Mme Khanifa Sultanovna Bidzhiyeva (« la requérante »), a saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. La requête, datée du 14 mai 2010, est parvenue à la Cour le 18 mai 2010. L’enveloppe ayant été égarée, la requête a été enregistrée comme introduite le 14 mai 2010.

3. La requérante a été représentée par Mme T. Lukashonok, juriste à Pyatigorsk. Le gouvernement russe (« le Gouvernement ») a été représenté initialement par M. G. Matiouchkine, ancien représentant de la Fédération de Russie auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, puis par son représentant actuel, M. M. Galperine.

4. La requérante alléguait en particulier que l’annulation par la justice de son titre de propriété relatif à une parcelle de terrain avait été effectuée en violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention.

5. Le 3 juin 2015, la requête a été communiquée au Gouvernement.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

6. La requérante est née le 19 octobre 1974 et réside dans le village de Podkoumok (district Predgorny, région de Stavropol).

A. La genèse de l’affaire

7. Dans les années 1980 ou 1990, les autorités du village de Podkoumok octroyèrent gratuitement à la famille de la requérante une ou plusieurs parcelles de terrain constructibles. En particulier, en 1993, la mère de la requérante reçut une parcelle située au no 3 de la rue Uchebnaya. Elle y fit construire une maison où s’installa la famille.

8. Selon la requérante, entre-temps, le 10 octobre 1992, le chef de l’administration du village avait délivré au père de la requérante un certificat de propriété (свидетельство о праве собственности на землю) relatif à une parcelle située au no 3a de la rue Uchebnaya et à elle-même un certificat de propriété relatif à une parcelle située au no 3b de la même rue (« les certificats de propriété de 1992 »), les deux parcelles ayant chacune une surface de 1 200 m2.

9. En 1993, le chef de l’administration délivra à la requérante un permis de construire une maison individuelle « dans la rue Uchebnaya ». La requérante indique, sans préciser quand, avoir fait creuser dans la parcelle en question des fondations dans le but de construire une maison. Il ressort des informations figurant au dossier devant la Cour que la parcelle no 3b n’a été ni viabilisée ni aménagée.

10. Le 30 août 1997, la requérante et son père se procurèrent deux nouveaux certificats de propriété (« les certificats de propriété de 1997 »), pour les mêmes parcelles, en remplacement des certificats de 1992 qui auraient été accidentellement détruits.

11. Le 21 septembre 2007, à la demande de la requérante, le service fédéral du cadastre prépara un plan cadastral de la parcelle no 3b aux fins de l’enregistrement du droit de propriété de l’intéressée dans le registre unifié des droits immobiliers. Ce plan indiquait que la superficie de la parcelle était approximative (площадь ориентировочная), que ses limites devaient être précisées lors d’un arpentage et qu’il était impossible en l’état actuel d’identifier la parcelle en tant que bien immobilier.

12. Le 16 octobre 2007, la requérante et son père inscrivirent leur droit de propriété respectivement sur la parcelle no 3b et sur la parcelle no 3a dans le registre unifié des droits immobiliers.

13. En juin 2008, la requérante demanda à l’administration du village de procéder à un arpentage de la parcelle no 3b. Le chef de l’administration rejeta sa demande au motif que l’adresse « 3b, rue Uchebnaya » était attribuée depuis plusieurs années à une station de pompage d’eau.

B. Les enquêtes pénales pour faux et usage de faux

14. Le 11 juillet 2008, à la demande de l’administration du village, une enquête pénale fut ouverte à l’encontre du père de la requérante pour usage de faux. Ce dernier était accusé de s’être servi du certificat de propriété de 1997 relatif à la parcelle no 3a, soupçonné d’être un faux, pour enregistrer son droit de propriété à l’égard de cette parcelle dans le registre unifié des droits immobiliers.

15. Dans le cadre de l’enquête, plusieurs personnes furent interrogées. La personne qui était en 1997 le chef de l’administration déclara qu’elle avait effectivement apposé sa signature sur les certificats de propriété de 1997, mais qu’elle ignorait qui les avait remplis. Selon un rapport d’expertise en écritures, les certificats en question avaient probablement été complétés par le père de la requérante lui-même.

16. La personne qui était en 1992 le chef de l’administration déclara qu’elle n’avait jamais délivré de certificats de propriété ni à la requérante ni à son père. Elle précisa que, à cette époque, des droits d’usage personnel (во временное пользование) pouvaient être octroyés sur des parcelles, mais pas des titres de propriété, et pas sur des parcelles d’une surface de 1 200 m2. Elle indiqua aussi que, en 1992, la requérante était mineure et que son père résidait officiellement dans un autre district, et que cela excluait toute possibilité pour eux de se voir octroyer des parcelles. Enfin, elle expliqua que les parcelles revendiquées par la requérante et par son père se trouvaient dans des zones protégées situées à proximité d’une station de pompage d’eau et d’une centrale électrique où toute construction aurait été interdite.

17. Les géomètres-arpenteurs en fonction entre 1992 et 1998 firent des dépositions similaires à celle effectuée par le chef de l’administration de 1992 (paragraphe 16 ci-dessus). D’autres employés de l’administration du village de l’époque furent également interrogés. Ils déclarèrent tous que les certificats de propriété de 1997 présentaient des signes manifestes de falsification.

18. Le 11 janvier 2009, l’enquêteur rendit une décision de non-lieu à poursuivre à l’égard du père de la requérante au motif que la connaissance de la fausseté du certificat de propriété de la parcelle no 3a par l’intéressé n’avait pas été démontrée. Par la même décision, l’enquêteur ouvrit contre X une enquête pénale pour faux s’agissant des certificats de propriété des parcelles nos 3a et 3b. Le 10 avril 2013, l’enquête fut classée sans suite pour cause de prescription de l’action publique.

C. L’annulation par la justice du droit de propriété de la requérante

19. Le 11 juin 2009, l’administration du district Predgorny assigna en justice la requérante et l’administration du village. En tant qu’entité chargée de la gestion et du contrôle de l’usage des terrains sis dans le district, elle demanda l’annulation du droit de propriété de la requérante sur la parcelle no 3b au motif que le certificat de propriété de 1997 aurait été obtenu en violation des dispositions en vigueur à l’époque des faits.

20. Lors du procès devant le tribunal du district Predgorny de Stavropol, la requérante fut représentée par un avocat. Des procès-verbaux furent dressés à l’issue de chaque audience. Ils indiquaient que les parties avaient été informées de leur droit de consulter lesdits procès-verbaux et de formuler des remarques à leur sujet.

21. Les personnes ayant été interrogées dans le cadre de l’enquête pénale pour usage de faux témoignèrent devant le tribunal, à l’exception du chef de l’administration de 1992. Leurs dépositions furent similaires à celles faites antérieurement (paragraphes 15-17 ci-dessus). Le tribunal prit également en compte d’autres informations obtenues auprès de la police du district.

22. Le 15 septembre 2009, le tribunal du district déclara nul (недействительным) le certificat de propriété de la requérante et annula son droit de propriété sur la parcelle no 3b, énonçant ce qui suit :

« Le certificat de propriété du 30 août 1997 a été obtenu par [la requérante] en violation de la procédure établie par les dispositions légales, et il est illégal (незаконным). »

23. Se référant à l’article 61 du code foncier (voir la partie « Le droit et la pratique internes pertinents » ci-dessous), le tribunal du district considéra que les droits et intérêts de l’administration demanderesse concernant l’usage des terrains avaient été violés.

24. La requérante fit appel. Elle indiqua en particulier que la demanderesse l’avait assignée en justice après l’expiration du délai de prescription extinctive et que le tribunal n’avait pas statué sur ce moyen.

25. Le 17 novembre 2009, statuant en appel, la cour régionale de Stavropol confirma le jugement, considérant notamment que :

« (...) il ressort du dossier que les documents justificatifs du droit de propriété n’ont pas été délivrés à [la requérante] selon les modalités prévues par la loi. »

26. La cour régionale rejeta sans examen au fond le moyen de la requérante tiré de la prescription de l’action au motif que les procès-verbaux des audiences de première instance, non contestés par l’appelante, ne comportaient aucune mention de cette exception.

D. Le bail d’une parcelle municipale et l’action engagée par le locataire contre la requérante et son père

27. En 2008, un entrepreneur, G., demanda à l’administration du district de lui louer une parcelle dans la rue Uchebnaya du village afin d’y installer un magasin et un café. Il choisit une parcelle disponible, fit procéder à un arpentage et obtint un plan cadastral relatif à cette parcelle.

28. Le 26 mars 2009, l’administration du district et G. conclurent un bail relatif à cette parcelle et le firent inscrire dans le registre unifié des droits immobiliers. Le bail comportait une mention énonçant que la parcelle était libre de toute construction et de toute culture permanente.

29. Il apparut cependant que cette parcelle englobait partiellement celles revendiquées par la requérante et son père. Ayant appris l’existence de ce bail, ces derniers déposèrent des matériaux de construction sur la parcelle en question et y installèrent une clôture. G. les assigna en justice afin de faire cesser l’entrave à son usage du terrain.

30. Le 23 juillet 2010, le tribunal du district accueillit l’action de G. en se référant au jugement du 15 septembre 2009 (paragraphe 22 ci-dessus). Cette décision devint définitive et fit l’objet d’une exécution forcée.

E. L’action formée par la requérante sur le fondement de la prescription acquisitive

31. Au cours de l’année 2011, la requérante assigna en justice les administrations du village et du district en demandant à être déclarée propriétaire de la parcelle no 3b par l’institution de la prescription acquisitive.

32. Le 14 juillet 2011, le tribunal du district la débouta de son action en considérant qu’elle s’était approprié la parcelle sans avoir de droit à cet égard (самовольно, не имея законных оснований). Le 6 septembre 2011, la cour régionale confirma ce jugement en appel. Les deux juridictions se référèrent aux conclusions des jugements du 15 septembre 2009 (paragraphe 22 ci-dessus) et du 23 juillet 2010 (paragraphe 30 ci-dessus).

F. Autres informations pertinentes

33. Dans ses observations, le Gouvernement a communiqué à la Cour les informations suivantes, accompagnées de pièces justificatives. Le 22 mars 2010, l’administration du district et la requérante conclurent un bail en vertu duquel l’intéressée se voyait attribuer une parcelle située dans le village, d’une superficie de 720 m2, aux fins de construction individuelle. La durée initiale du bail était de cinq ans, celui-ci pouvait être résilié dans le cas de non-utilisation de la parcelle pour la construction, sinon il pouvait faire l’objet d’une tacite reconduction sans limitation de durée. Le loyer était fixé à 288 roubles (RUB) par an (soit 7 euros (EUR) environ à l’époque des faits). Selon les observations de la requérante, le bail n’a pas été renouvelé.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

A. Sur la création du droit de propriété et son enregistrement dans le registre unifié des droits immobiliers

34. Selon l’article 36 du code foncier, en vigueur jusqu’au 1er mars 2015, les personnes physiques ou morales, propriétaires d’immeubles sis sur les terrains municipaux ou de l’État, avaient le droit exclusif (исключительное право) de privatiser ces terrains.

35. Selon l’article 2 de la loi fédérale no 122-FZ du 3 juillet 1997 relative à l’enregistrement des droits immobiliers et des transactions immobilières, en vigueur entre le 28 janvier 1998 et le 1er janvier 2017, un droit immobilier enregistré ne pouvait être contesté qu’en justice. Selon l’article 4 de cette loi, l’enregistrement du droit de propriété était obligatoire à l’égard des biens immobiliers lorsque les documents justificatifs de propriété avaient été obtenus (оформлены) après son entrée en vigueur.

36. L’article 25.2 de la loi précitée réglementait l’enregistrement du droit de propriété sur les parcelles octroyées avant l’entrée en vigueur du code foncier (le 29 octobre 2001), pour construction individuelle et culture à visée alimentaire (подсобное хозяйство). Cet article, dans sa rédaction en vigueur à l’époque des faits, disposait que l’enregistrement d’un droit de propriété sur de telles parcelles s’effectuait sur présentation du plan cadastral ainsi que du document justificatif du droit (comme, par exemple, un certificat de propriété) délivré par les autorités conformément à la législation. Il prévoyait également qu’une mention apposée sur le plan cadastral indiquant que la parcelle n’était pas délimitée et que ses limites devaient être précisées lors d’un arpentage ne faisait pas obstacle à l’enregistrement du droit de propriété.

37. Selon l’article 13 de la loi en vigueur à l’époque des faits, après réception de la demande d’enregistrement du droit et des documents présentés à l’appui de celle-ci, l’autorité d’enregistrement menait une expertise juridique (правовая экспертиза) au sujet desdits documents.

B. Sur l’annulation de certains actes des autorités

38. Selon l’article 61 du code foncier, les actes et décisions des autorités locales peuvent être annulés en justice lorsqu’ils sont contraires à la loi ou à d’autres normes et violent les droits et intérêts légitimes des personnes physiques ou morales en ce qui concerne l’usage et la protection des terrains (paragraphe 1). Le préjudice causé aux personnes physiques ou morales du fait de l’adoption de tels actes est réparé selon les modalités prévues par le code civil (paragraphe 2).

C. Sur la prescription extinctive

39. Selon l’article 196 du code civil, le délai de la prescription extinctive de droit commun est de trois ans. Selon l’article 199 de ce code, l’expiration du délai de prescription constitue un motif de rejet d’une action par la justice, à condition qu’une partie au procès soulève ce moyen avant le prononcé du jugement. Les plénums de la Cour suprême et de la Cour supérieure de commerce ont confirmé cette disposition dans leur directive commune no 2/1 du 20 février 1995, en précisant que l’exception de prescription pouvait être soulevée à tout moment du procès avant le prononcé du jugement et que l’expiration du délai de prescription devait être démontrée (paragraphe 12 de la directive).

D. Sur le procès-verbal d’audience

40. Selon l’article 229 du code de procédure civile (CPC), le procès‑verbal d’audience doit contenir toutes les informations essentielles concernant le déroulement du procès. Il doit comprendre, entre autres, une mention indiquant que les parties ont été informées de leur droit de le consulter et de formuler des remarques à son sujet.

41. Selon les articles 231 et 232 du CPC, les parties au procès et leurs représentants peuvent consulter le procès-verbal et formuler des remarques écrites à son sujet dans un délai de cinq jours à compter de la rédaction dudit procès-verbal. Les parties ou leurs représentants doivent alors, le cas échéant, indiquer en quoi celui-ci est selon eux inexact ou incomplet. Le juge examine leurs remarques dans un délai de cinq jours. Il peut soit les approuver soit les rejeter par une décision motivée. Lesdites remarques sont, en tout état de cause, versées au dossier de l’affaire.

EN DROIT

I. SUR L’EXCEPTION PRÉLIMINAIRE DU GOUVERNEMENT

42. Le Gouvernement estime que la requête a été introduite en dehors du délai de six mois qui a débuté avec l’adoption, le 17 novembre 2009, de l’arrêt d’appel de la cour régionale, et qu’elle est donc tardive. Il expose que, en l’absence de l’enveloppe portant le cachet de la poste indiquant la date d’expédition de la requête, c’est la date de réception de celle-ci par le greffe de la Cour, à savoir le 18 mai 2010, qui doit être considérée comme date d’introduction de la requête.

43. La requérante répond que la requête a été envoyée le 14 mai 2010. Elle fournit à l’appui de ses dires un récépissé délivré par un transporteur et portant cette date. Toutes les autres mentions figurant sur ce récépissé sont illisibles.

44. La Cour constate que la requête est parvenue au greffe par voie postale le 18 mai 2010. Elle estime ainsi que ladite requête a dû être envoyée le 17 mai 2010 au plus tard. Dans ces circonstances, elle considère que le délai de six mois courant à compter du 18 novembre 2009 et expirant le 17 mai 2010 à minuit (voir Sabri Güneş c. Turquie [GC], no 27396/06, §§ 44 et 60, 29 juin 2012) a été respecté. Elle rejette donc l’exception du Gouvernement tirée de la tardiveté de la requête.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1 À LA CONVENTION

45. La requérante allègue que l’annulation par la justice de son titre de propriété sur la parcelle no 3b a violé son droit au respect de ses biens protégé par l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »

46. Le Gouvernement conteste cette thèse.

A. Sur la recevabilité

1. Épuisement des voies de recours internes

47. Le Gouvernement indique que la requérante n’a pas formé l’action prévue par l’article 61 § 2 du code foncier permettant la réparation de préjudices causés par des actes illégaux des autorités (paragraphe 38 ci‑dessus) et qu’elle n’a donc pas épuisé les voies de recours internes.

48. Afin de démontrer l’effectivité de cette action, il fournit dans ses observations complémentaires neuf décisions de justice. Dans les affaires ayant donné lieu à ces décisions, les autorités avaient conclu avec des particuliers des contrats de bail ou de vente relatifs à des parcelles de terrain. Les intéressés avaient commencé à utiliser lesdites parcelles, puis ces contrats avaient été annulés pour différentes raisons. Ils avaient ensuite obtenu en justice le remboursement des frais engagés à l’égard de ces parcelles. Le Gouvernement indique que, à la différence des demandeurs dans les affaires présentées, la requérante n’a engagé aucuns frais à l’égard de la parcelle no 3b et n’a rien construit sur celle-ci. Il estime cependant qu’il incombait aux juridictions internes de se prononcer sur cette question dans le cadre d’une action fondée sur l’article 61 § 2 du code foncier que l’intéressée aurait dû intenter.

49. La requérante conteste cette thèse. Elle considère que le succès de ladite action dépend de deux conditions que celle-ci ne remplissait pas. Selon elle, la première de ces conditions est d’apporter la preuve d’une faute commise par l’administration locale lors de la délivrance du certificat de propriété. La requérante argue que, en l’espèce, elle n’aurait pas pu démontrer une telle faute car, à ses dires, il a été établi en justice que ce certificat n’avait jamais été délivré par l’administration du village, mais qu’il avait été contrefait par un inconnu. D’après elle, la deuxième condition est, pour le demandeur à l’instance, de démontrer une violation de ses droits en matière d’usage du terrain. À cet égard, la requérante expose que, en l’occurrence, seule la violation des droits de l’administration demanderesse a été constatée par la justice.

50. La Cour rappelle que les requérants sont uniquement tenus d’épuiser les voies de recours internes disponibles et effectives tant en théorie qu’en pratique à l’époque des faits, c’est-à-dire qui étaient accessibles, susceptibles de leur offrir le redressement de leurs griefs et présentaient des perspectives raisonnables de succès (voir, parmi beaucoup d’autres, Paksas c. Lituanie [GC], no 34932/04, § 75, CEDH 2011 (extraits)).

51. En l’espèce, la Cour considère que la question de savoir si la requérante pouvait prétendre à un dédommagement en formant une action sur le fondement de l’article 61 § 2 du code foncier suppose de déterminer si l’intéressée a effectivement engagé des frais à l’égard de cette parcelle. Cette question est intrinsèquement liée à la question de la proportionnalité de l’ingérence alléguée et donc au fond du grief. Dès lors, la Cour décide de joindre cette exception au fond.

2. Compatibilité ratione materiae

52. Le Gouvernement considère que la requérante n’avait pas de « biens » au sens de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention. S’appuyant sur les conclusions du jugement du 15 septembre 2009 (paragraphes 22-23 ci-dessus) et sur les informations fournies dans le cadre des enquêtes pénales (paragraphes 15-17 ci-dessus), il argue que la requérante n’a jamais été « légalement » propriétaire de la parcelle litigieuse et que son certificat de propriété a été falsifié. Dans ses observations, il semble ainsi suggérer que la requête est incompatible ratione materiae avec l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention.

53. La requérante conteste cette thèse. Elle estime qu’elle était propriétaire de la parcelle no 3b et que celle-ci s’analysait en un « bien » au sens de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention. Elle indique que son droit de propriété sur ladite parcelle était né en 1992 et qu’il avait été inscrit dans le registre unifié des droits immobiliers en 2007.

54. La Cour considère que cette objection du Gouvernement est intrinsèquement liée au fond du grief. Elle l’examinera ainsi dans la partie correspondante (voir, pour une approche similaire, Mkhchyan c. Russie, no 54700/12, § 44, 7 février 2017).

3. Conclusion

55. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

B. Sur le fond

1. Les arguments des parties

56. Le Gouvernement considère que, même à supposer que la requérante avait un « bien » au sens de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, l’ingérence a été compatible avec cette disposition, elle a été opérée dans les conditions prévues par la loi et poursuivait un but d’utilité publique. S’agissant de la proportionnalité de l’ingérence, il indique que la présente affaire est différente de l’affaire Gladysheva c. Russie (no 7097/10, 6 décembre 2011) dans laquelle la requérante avait acheté un appartement, s’y était installée et avait payé toutes les charges afférentes. Il expose que, toutefois, dans le cas d’espèce, la requérante a obtenu la parcelle no 3b gratuitement et ne l’a pas exploitée. Il estime donc que, en tout état de cause, l’ingérence n’a pas fait peser sur la requérante une charge excessive.

57. La requérante admet que l’ingérence poursuivait un but d’utilité publique, mais elle en conteste la « légalité » et la proportionnalité. Plus particulièrement, elle reproche aux juridictions internes d’avoir conclu à l’illégalité du certificat de propriété de 1997. Selon la requérante, cette décision n’était justifiée par aucune des dispositions en vigueur. L’intéressée considère que le chef de l’administration de 1997 lui avait délivré le certificat de propriété en agissant dans les limites de ses compétences. Elle estime que le certificat de propriété de 1997 était donc un document conforme à la loi.

58. La requérante soutient également que la question de savoir si elle a ou non utilisé cette parcelle n’est pas pertinente, et qu’elle a été privée de cette parcelle sans la moindre indemnisation. Considérant que son affaire est similaire à l’affaire Gladysheva (arrêt précité), elle argue que l’annulation de son titre de propriété sur la parcelle no 3b, prononcée à ses dires en raison d’erreurs commises par les autorités publiques, a fait peser sur elle une charge excessive et déraisonnable. Elle expose que les erreurs et omissions des autorités internes n’auraient pas dû être réparées à son détriment, et qu’elles sont de trois ordres. Il s’agirait, premièrement, d’irrégularités de forme commises par le chef de l’administration de 1997 lors de la délivrance du certificat de propriété et, deuxièmement, d’une absence d’indication de l’adresse exacte de la parcelle sur le permis de construire délivré le 1er mars 1993 (paragraphe 9 ci-dessus). Enfin, troisièmement, à supposer que le certificat de 1997 ait été falsifié, l’autorité chargée de l’enregistrement des droits immobiliers aurait dû le déceler en 2007 lors du traitement du dossier déposé par elle.

2. Appréciation de la Cour

a) Sur l’existence d’un « bien » et d’une ingérence

59. La Cour rappelle que la notion de « bien » a une portée autonome qui est indépendante des qualifications formelles du droit interne. Ce qui importe, c’est de rechercher si les circonstances d’une affaire donnée, considérées dans leur ensemble, peuvent passer pour avoir rendu le requérant titulaire d’un intérêt substantiel protégé par l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention (voir, par exemple, Öneryıldız c. Turquie [GC], no 48939/99, § 124, CEDH 2004‑XII).

60. La Cour observe que, en l’espèce, les parties sont en désaccord sur la question de savoir si la parcelle en question constituait un « bien » de la requérante au sens de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention. Mais les autorités ont inscrit le droit de propriété de la requérante sur cette parcelle en 2007 et elles ont ainsi formellement reconnu la qualité de propriétaire de l’intéressée. Celle‑ci était donc titulaire d’un « bien » au sens de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention (Gladysheva, précité, § 69, et Sociedad Anónima del Ucieza c. Espagne, no 38963/08, §§ 78-79, 4 novembre 2014). Partant, la Cour rejette l’exception du Gouvernement tirée de l’incompatibilité ratione materiae du grief.

61. Quant à la nature de l’ingérence, la Cour note que le jugement du 15 septembre 2009 a eu pour effet l’annulation définitive du titre de propriété de la requérante sur son bien, et elle estime ainsi que la mesure s’analyse en une privation de propriété au sens de la deuxième phrase du premier paragraphe de l’article 1 du Protocole no 1.

b) Sur la justification de l’ingérence

i. Sur la légalité et le but légitime de l’ingérence

62. La Cour note que les parties sont en désaccord sur la légalité de l’ingérence laquelle résulte d’un jugement. À cet égard, elle rappelle que, sauf dans les cas d’arbitraire évident, elle n’est pas compétente pour remettre en cause l’interprétation de la législation interne par les juridictions nationales. En l’espèce, elle ne décèle aucun élément qui lui permette de conclure que les décisions des juridictions internes ordonnant l’annulation du titre de propriété de la requérante ont été entachées d’arbitraire ou manifestement déraisonnables. Elle considère donc que l’ingérence a été opérée « dans les conditions prévues par la loi » au sens de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention.

63. Elle note ensuite qu’il n’est pas controversé entre les parties que la mesure répondait à un intérêt général, à savoir la protection du domaine public par les autorités locales. Il reste donc à déterminer si l’annulation du titre de propriété de la requérante a respecté le juste équilibre entre l’intérêt général et les droits de l’intéressée.

ii. Sur la proportionnalité de l’ingérence

64. La Cour rappelle que la proportionnalité de l’ingérence implique l’existence d’un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général de la collectivité et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux des individus. Cet équilibre est rompu si la personne concernée a eu à subir « une charge spéciale et exorbitante » (voir, par exemple, Mkhchyan, précité, § 67, et les affaires qui y sont citées). Elle rappelle également que la vérification de l’existence d’un juste équilibre exige un examen global des différents intérêts en cause et peut appeler une analyse du comportement des parties, des moyens employés par l’État et leur mise en œuvre, en particulier, l’obligation des autorités d’agir en temps utile, de façon correcte et cohérente (voir, par exemple, Osipkovs et autres c. Lettonie, no 39210/07, § 80, 4 mai 2017, avec les références citées).

65. En l’espèce, la Cour relève tout d’abord que, contrairement à l’affaire Gladysheva (arrêt précité), la requérante dans la présente affaire n’a pas acheté le bien en question auprès d’un particulier après une privatisation, mais l’aurait reçu gratuitement des autorités locales.

66. Elle constate également que les juridictions internes ont considéré que la requérante avait obtenu le certificat de propriété en violation des dispositions en vigueur, que ce certificat était nul et illégal, et qu’elle s’était approprié la parcelle sans aucun droit (paragraphes 22, 25 et 32 ci-dessus).

67. La Cour note ensuite que les autorités internes ont réagi en temps utile et de façon cohérente : une enquête pénale pour usage de faux certificat a été ouverte en juillet 2008 (un mois après que la requérante ait demandé à l’administration du village de procéder à l’arpentage de la parcelle), et l’administration du district a formé l’action en annulation de son titre de propriété en juin 2009 (comparer, par exemple, avec l’arrêt Anna Popova c. Russie (no 59391/12, 4 octobre 2016), où la Cour a considéré que les autorités n’ont pas agi avec une diligence et en temps utile en permettant plusieurs reventes d’un appartement après avoir découvert une fraude).

68. Mais la Cour relève surtout que, mis à part les fondations que la requérante dit avoir fait réaliser, sans préciser quand et dont la Cour ignore le coût, la requérante n’a pas aménagé cette parcelle destinée à la construction et a montré très peu d’intérêt à son égard (voir, mutatis mutandis, Malfatto et Mieille c. France, nos 40886/06 et 51946/07, §§ 69‑71, 6 octobre 2016, et les affaires qui y sont citées, voir, a contrario, Pyrantienė c. Lituanie, no 45092/07, §§ 6 et 62, 12 novembre 2013, l’affaire où, avant la reprise du terrain par les autorités, la requérante y cultivait des légumes et les vendait au marché, et où cette activité était sa principale source de revenus).

69. Dans ces circonstances, compte tenu de l’absence d’investissement fait par la requérante à l’égard de la parcelle en cause, la Cour considère que, quand bien même l’intéressée aurait apporté la preuve d’une faute de l’administration locale ou d’une violation de ses propres droits (paragraphe 49 ci-dessus), une action fondée sur l’article 61 § 2 du code foncier ne lui aurait pas permis d’obtenir un dédommagement. Il serait ainsi déraisonnable d’exiger de la requérante d’engager un tel procès inutile, contrairement aux exigences de célérité de procédure et de bonne administration de la justice, et insusceptible de redresser la violation qu’elle allègue. Partant, la Cour rejette l’exception du Gouvernement tirée du non-épuisement des voies de recours internes.

70. Enfin, la Cour prend en compte le bail conclu en 2010 entre l’administration du district et la requérante à l’égard d’une autre parcelle constructible, et cela pour un prix plus que symbolique (paragraphe 33 ci‑dessus). Si la requérante avait construit une maison sur cette parcelle, elle aurait pu soit faire renouveler le bail, soit bénéficier du droit exclusif à la privatisation de celle-ci (paragraphe 34 ci-dessus ; voir aussi, a contrario, Albergas et Arlauskas c. Lituanie, no 17978/05, 27 mai 2014, affaire où les autorités avaient rejeté la demande du requérant tendant à l’octroi d’un terrain en remplacement de celui dont la vente avait été annulée, et ne lui avaient alloué aucune indemnisation à cet égard).

71. Eu égard à tout ce qui précède, la Cour estime que l’annulation par la justice du titre de propriété de la requérante sur la parcelle no 3b n’a pas fait peser sur elle une charge excessive rompant le juste équilibre entre le respect de ses droits protégés par l’article 1 du Protocole no 1 et l’intérêt général de la société.

72. Partant, la Cour conclut qu’il n’y a pas eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention. Cette conclusion rend inutile l’analyse des autres arguments des parties.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 DE LA CONVENTION

73. La requérante allègue que le tribunal du district n’a pas examiné son exception tirée de la prescription extinctive, en violation de son droit à un procès équitable. Elle invoque l’article 6 § 1 de la Convention dont la partie pertinente en l’espèce est ainsi libellée :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

74. Le Gouvernement conteste cette thèse.

A. Les arguments des parties

75. Le Gouvernement indique que, d’après les procès-verbaux des audiences de première instance, la requérante n’a pas soulevé d’exception tirée de la prescription extinctive et que le tribunal du district n’était pas compétent pour examiner cette question d’office.

76. La requérante répond que, même si les procès-verbaux des audiences ne comportent pas de mention relative à une exception tirée de la prescription, elle l’a bien soulevé oralement. Elle reconnaît qu’elle n’a pas formulé de remarques au sujet des procès-verbaux à cet égard, mais estime que, en tout état de cause, le tribunal ne les aurait pas approuvées. En effet, selon elle, approuver de telles remarques aurait signifié, pour le tribunal, reconnaître qu’il avait omis de statuer sur une exception constituant un motif de rejet de l’action et que son jugement encourait l’annulation. Elle expose en outre qu’elle ignorait pouvoir formuler des remarques au sujet des procès-verbaux, mais précise qu’elle a soulevé l’exception de prescription dans ses conclusions en appel.

B. Appréciation de la Cour

77. La Cour rappelle que les garanties implicites de l’article 6 § 1 de la Convention comprennent l’obligation de motiver les décisions de justice et que, dès lors qu’un moyen (argument) soulevé par une partie est décisif pour l’issue de la procédure, il exige une réponse spécifique et explicite (Ruiz Torija c. Espagne, 9 décembre 1994, §§ 29-30, série A no 303‑A). Toutefois, pour qu’un tribunal puisse répondre à un moyen décisif, celui-ci doit avoir été formulé de manière claire et précise.

78. La Cour observe que, dans le droit interne, l’exception de prescription doit impérativement avoir été soulevée par une partie en première instance, avant le jugement sur le fond (paragraphe 39 ci-dessus). Une exception formulée oralement doit être consignée dans le procès-verbal de l’audience et, en cas d’omission, la partie intéressée dispose du droit de formuler des remarques au sujet du procès-verbal. Ces dernières peuvent être approuvées ou rejetées par le juge, mais doivent, en tout état de cause, être versées au dossier de l’affaire (paragraphes 40-41 ci-dessus).

79. La Cour constate que, en l’espèce, la juridiction d’appel a rejeté sans examen au fond le moyen de la requérante tiré de la prescription au motif que l’intéressée n’avait pas démontré l’avoir soulevé en première instance.

80. La Cour note que les parties sont en désaccord sur la question de savoir si la requérante a effectivement soulevé l’exception de prescription en première instance. Elle considère que, après avoir constaté, le cas échéant, que son exception soulevée oralement n’était pas mentionnée dans le procès-verbal, la requérante, qui était assistée par un avocat, aurait dû formuler une remarque à ce sujet, d’autant qu’elle avait été informée de son droit à cet égard (paragraphe 20 ci-dessus). À aucun moment, la requérante n’a discuté ni d’avoir été informée de ce droit, ni l’exactitude du procès‑verbal. Elle ne soutient pas non plus qu’elle-même ou l’avocat qui la représentait en première instance ont été empêchés de contester le contenu du procès-verbal. De l’avis de la Cour, le fait de formuler des remarques au sujet du procès-verbal aurait au moins permis à l’intéressée de démontrer qu’elle avait effectivement soulevé une exception de prescription. En l’absence de toute trace d’une telle exception soulevée par la requérante dans le dossier de l’affaire en première instance, la cour régionale ne pouvait que rejeter ce moyen.

81. La Cour estime que la requérante n’a pas usé de la possibilité procédurale qui lui était offerte et qu’elle s’est ainsi elle-même placée dans une situation désavantageuse. Partant, la Cour conclut que le grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention est manifestement mal fondé et qu’il doit être rejeté, en application de l’article 35 § 3 a) de la Convention.

IV. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES

82. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, la requérante se plaint de l’appréciation des faits et des preuves effectuée par les juridictions internes, ainsi que d’une partialité desdites juridictions à son égard.

83. Eu égard au contenu du dossier, et pour autant qu’elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour estime que ces griefs ne révèlent pas de violations des droits consacrés par la Convention. La Cour conclut que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et qu’elle doit être rejetée, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Rejette l’exception du Gouvernement tirée du caractère tardif de la requête ;

2. Joint au fond les exceptions du Gouvernement tirées du non-épuisement des voies de recours internes et de l’incompatibilité ratione materiae du grief formulé sur le terrain de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, et les rejette ;

3. Déclare la requête recevable quant au grief tiré de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention et irrecevable pour le surplus ;

4. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 5 décembre 2017, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Fatoş AracıHelena Jäderblom
Greffière adjointePrésidente

Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion séparée du juge Dedov.

H.J.
F.A.

OPINION CONCORDANTE DU JUGE DEDOV

Eu égard aux pièces du dossier, je suis d’avis que la requérante ne disposait d’aucun « bien » au sens de la Convention, et ce pour les raisons qui suivent.

Tout d’abord, la « parcelle » de terrain en question n’a pu être délimitée ni sur le plan cadastral ni sur place. Ses coordonnées géographiques ou ses limites physiques n’ont pas non plus pu être précisées. En outre, la « parcelle » ne disposait pas d’une adresse postale. De surcroît, en droit interne, cet « objet » ne pouvait être l’objet d’aucune transaction. Enfin, la requérante n’a pas utilisé cette parcelle (l’existence de fondations d’un futur immeuble n’a pas pu être prouvée devant le tribunal interne).

J’estime par conséquent que la demande aurait dû être rejetée comme étant irrecevable ratione materiae, ce qui rendait inutile le test de proportionnalité.


Synthèse
Formation : Cour (troisiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-179213
Date de la décision : 05/12/2017
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Non-violation de l'article 1 du Protocole n° 1 - Protection de la propriété (Article 1 al. 1 du Protocole n° 1 - Privation de propriété)

Parties
Demandeurs : BIDZHIYEVA
Défendeurs : RUSSIE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : LUKASHONOK T.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

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