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11/12/2015 | FRANCE | N°395008

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 11 décembre 2015, 395008


Vu la procédure suivante :

M. E...et M. B...A...ont demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Orléans, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre, jusqu'à ce que le tribunal ait statué sur le recours pour excès de pouvoir formé contre cet arrêté, l'exécution de l'arrêté du 17 novembre 2015 par lequel le maire d'Orléans a décidé l'euthanasie du chien " Santino " dans les plus brefs délais, d'autre part, d'enjoindre au maire d'Orléans de restituer l'animal à son actuel propriétaire, dans u

n délai de sept jours à compter de l'ordonnance à intervenir. Par une ordon...

Vu la procédure suivante :

M. E...et M. B...A...ont demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Orléans, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre, jusqu'à ce que le tribunal ait statué sur le recours pour excès de pouvoir formé contre cet arrêté, l'exécution de l'arrêté du 17 novembre 2015 par lequel le maire d'Orléans a décidé l'euthanasie du chien " Santino " dans les plus brefs délais, d'autre part, d'enjoindre au maire d'Orléans de restituer l'animal à son actuel propriétaire, dans un délai de sept jours à compter de l'ordonnance à intervenir. Par une ordonnance n° 1503919 du 2 décembre 2015, le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.

Par une requête enregistrée le 3 décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C...et M. A...demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à leur demande de première instance ou, à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 17 novembre 2015 jusqu'à réalisation par un vétérinaire d'un nouvel examen de l'animal aux fins d'apprécier la possibilité d'un accueil de celui-ci, sans danger pour l'ordre public, par son propriétaire actuel dans un environnement rural ;

3°) d'admettre M.A..., à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

4°) de condamner la commune d'Orléans aux entiers dépens ;

5°) de mettre à la charge de la commune d'Orléans la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la condition d'urgence est remplie dès lors que l'exécution de l'arrêté litigieux aurait des conséquences graves et irréversibles ;

- l'arrêté litigieux porte une atteinte grave et manifestement illégale à leur droit de propriété sur le chien " Santino " ;

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime car ils n'ont pas eu la possibilité de présenter des observations avant son adoption ;

- il est insuffisamment motivé et ne vise pas les dispositions sur lesquelles il se fonde ;

- le maire de la commune d'Orléans a commis une erreur de fait car il vise un numéro de tatouage correspondant à celui d'une femelle type Border Collie ;

- le maire a commis une erreur de droit car le chien " Santino " n'appartient à aucune des races mentionnées aux articles 1 et 2 de l'arrêté du 27 avril 1999 pris pour l'application de l'article L. 211-12 du code rural et établissant la liste des types de chiens susceptibles d'être dangereux ;

- l'appréciation portée par le docteur vétérinaire sur la dangerosité de l'animal est entachée d'erreur manifeste dès lors qu'elle prend insuffisamment en compte les conséquences de la séparation d'avec son propriétaire et de son placement à l'isolement depuis deux mois ;

- la mesure d'euthanasie ordonnée par le maire d'Orléans est disproportionnée au regard des nécessités de sauvegarde de l'ordre public ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2015, la commune d'Orléans conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, que les moyens soulevés par M. D...et M. A... ne sont pas fondés et, en outre, que la requête est irrecevable en tant qu'elle émane de M. A..., qui n'a pas intérêt à agir.

Vu les autres pièces du dossier ;

Après avoir convoqué à une audience publique d'une part, M. E...et M. B...A...et, d'autre part, la commune d'Orléans ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 10 décembre 2015 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Haas, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat des requérants ;

- MM. C...etA... ;

- le représentant des requérants ;

- Me Bouzidi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la commune d'Orléans ;

- le représentant de la commune d'Orléans ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a prolongé l'instruction jusqu'à 14 heures ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. " ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 211-14-2 du code rural et de la pêche maritime: "Tout fait de morsure d'une personne par un chien est déclaré par son propriétaire ou son détenteur ou par tout professionnel en ayant connaissance dans l'exercice de ses fonctions à la mairie de la commune de résidence du propriétaire ou du détenteur de 1'animal./ Le propriétaire ou le détenteur du chien est en outre tenu de le soumettre, pendant la période de surveillance définie en application du premier alinéa de l'article L. 223-10, à l'évaluation comportementale mentionnée à l'article L. 211-14-1, qui est communiquée au maire. / A la suite de cette évaluation, le maire ou, à défaut, le préfet peut imposer au propriétaire ou au détenteur du chien de suivre la formation et d'obtenir l'attestation d'aptitude mentionnées à l'article L. 211-13-1. / Faute pour l'intéressé de s'être soumis à ces obligations, le maire ou, à défaut, le préfet peut ordonner par arrêté que 1'animal soit placé dans un lieu de dépôt adapté à la garde de celui-ci. Il peut, en cas de danger grave et immédiat et après avis d'un vétérinaire désigné par le préfet, faire procéder à son euthanasie " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le 6 mars 2015, le chien " Santino ", de race malinois et âgé de 8 ans, a mordu deux personnes sur la voie publique à Orléans ; qu'à la suite de cet incident le maire d'Orléans, en application des dispositions précitées de l'article L. 211-14-2 du code rural et de la pêche maritime, a, par un arrêté du même jour, mis en demeure M.A..., alors propriétaire du chien, de procéder dans les 24 heures à la première des trois visites vétérinaires prévues, en cas de morsure d'une personne, par l'article L. 223-10 du même code ainsi que de faire procéder, dans un délai de huit jours, à l'évaluation comportementale de l'animal prévue par l'article L. 211-14-1 ; que si M. A...a bien soumis son chien à trois visites vétérinaires les 12, 19 et 30 mars 2015, aucune évaluation comportementale de l'animal n'a en revanche été réalisée pendant la même période ; que le chien " Santino " a de nouveau mordu les 10 avril et 24 septembre 2015, toujours sur la voie publique à Orléans ; que le maire de cette ville, constatant l'absence de réalisation de l'évaluation comportementale, a alors décidé, par arrêté du 25 septembre 2015, de placer l'animal en fourrière ; que l'animal a été examiné le 5 octobre 2015 par un premier vétérinaire, qui a constaté qu'il était " ingérable " et qu'il présentait un danger pour la sécurité des personnels du refuge et des soignants ; qu'une évaluation comportementale a ensuite été réalisée le 30 octobre 2015 par le docteur Leseur, vétérinaire habilité à cette fin par arrêté préfectoral, qui a conclu au classement de l'animal au niveau quatre de risque de dangerosité, niveau maximal prévu par l'article D. 211-3-2 du code rural et de la pêche maritime, et a préconisé une euthanasie dans les plus brefs délais ; que le maire d'Orléans, estimant que l'animal présentait un danger grave et immédiat, a ordonné par arrêté du 17 novembre 2015, en application du dernier alinéa de l'article L. 211-14-2 du code rural et de la pêche maritime, qu'il soit procédé à son euthanasie ;

4. Considérant que le fait pour une autorité publique d'ordonner l'euthanasie d'un animal constitue pour son propriétaire ou son détenteur, par nature et quels que soient les motifs d'une telle mesure, une atteinte grave à son droit de propriété ; que, toutefois, il résulte des termes mêmes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative que l'usage par le juge des référés des pouvoirs qu'il tient de cet article est subordonné au caractère manifestement illégal de l'atteinte ainsi portée à une liberté fondamentale ;

5. Considérant que les moyens tirés de ce que l'arrêté du maire d'Orléans du 17 novembre 2015 ne viserait pas les dispositions sur lesquelles il se fonde, serait insuffisamment motivé et n'aurait pas été précédé d'une invitation du propriétaire de l'animal à présenter ses observations ne sont pas, en tout état de cause, de nature à caractériser une telle illégalité manifeste à une liberté fondamentale ; qu'il en est de même de l'erreur alléguée dans la retranscription du numéro de tatouage de l'animal dès lors qu'il n'est pas sérieusement contesté que l'appréciation portée par le vétérinaire et par le maire a bien concerné le chien " Santino " ;

6. Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, il ressort des dispositions de l'article L. 211-14-2 du code rural et de la pêche maritimes, éclairées par les travaux parlementaire préalables à l'adoption de l'article 7 de la loi du 20 juin 2008 renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux dont elles sont issues, qu'elles s'appliquent à l'ensemble des chiens ayant mordu une personne et non uniquement aux types de chiens, réputés dangereux, visés à l'article L. 211-12 du même code et inclus dans la liste de l'arrêté du 27 avril 1999 pris pour son application, au nombre desquels ne figurent pas les malinois ; qu'ainsi le maire n'a pas excédé le champ des pouvoirs de police qu'il tient de ce texte ;

7. Considérant que les requérants soutiennent, par ailleurs, que l'appréciation portée par le maire quant à l'existence d'une situation de danger grave et immédiat serait entachée d'erreur manifeste et que la décision de procéder à l'euthanasie du chien " Santino " serait disproportionnée au regard des nécessités de sauvegarde de l'ordre public ; qu'il est vrai qu'il ressort du compte-rendu rédigé par le docteur vétérinaire ayant procédé, sur demande de la mairie, à l'évaluation comportementale de l'animal, que celle-ci s'est déroulée après plus d'un mois de captivité, sans contact direct avec l'animal et en l'absence de son maître, auquel il est lié par un attachement qualifié " d'exceptionnel " par un jugement du 9 octobre 2015 du tribunal de grande instance d'Orléans statuant en matière correctionnelle ; que de telles conditions d'évaluation, qui résultent au demeurant de la carence de M. A...à y pourvoir antérieurement de sa propre initiative ainsi qu'il en avait l'obligation légale, ont pu conduire à surestimer la dangerosité de l'animal, alors qu'il résulte de l'instruction qu'il n'a mordu, dans un but exclusivement défensif, que des personnes qui ont eu des gestes agressifs à l'égard de son propriétaire sans jamais se montrer menaçant pour de simples passants sur la voie publique ; que n'a, par ailleurs, pas été pris en compte le fait que le chien " Santino " a été cédé au cours du mois d'octobre 2015 par M. A...à M.C..., lequel réside dans une ferme en Saône-et-Loire, ni par suite étudiée la possibilité pour l'animal de résider chez son nouveau propriétaire dans cet environnement rural, sans présenter de danger pour l'ordre public ; que ces éléments apparaissent toutefois insuffisants, au regard de la réitération des cas de morsure et des appréciations portées successivement par deux docteurs vétérinaires sur la dangerosité de l'animal, pour permettre de regarder comme satisfaite la condition d'illégalité manifeste posée par l'article L. 521-2 du code de justice administrative ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence et sur la fin de non recevoir soulevée par la commune d'Orléans, ni qu'il y ait lieu d'admettre les requérants à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle, que la requête de M. C... et de M. A...doit être rejetée, y compris leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. C...et de M. A...est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. E..., à M. B... A...et à la commune d'Orléans.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 395008
Date de la décision : 11/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 11 déc. 2015, n° 395008
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : HAAS ; SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:395008.20151211
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