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11/07/2019 | CEDH | N°001-194298

CEDH | CEDH, AFFAIRE BLOISE c. FRANCE, 2019, 001-194298


CINQUIÈME SECTION

AFFAIRE BLOISE c. FRANCE

(Requête no 30828/13)

ARRÊT

STRASBOURG

11 juillet 2019

DÉFINITIF

11/10/2019

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Bloise c. France,

La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :

Angelika Nußberger, présidente,
Yonko Grozev,
André Potocki,
Síofra O’Leary,
Mārtiņš Mits,
G

abriele Kucsko-Stadlmayer,
Lado Chanturia, juges,

et de Milan Blaško, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 18 juin 201...

CINQUIÈME SECTION

AFFAIRE BLOISE c. FRANCE

(Requête no 30828/13)

ARRÊT

STRASBOURG

11 juillet 2019

DÉFINITIF

11/10/2019

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Bloise c. France,

La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :

Angelika Nußberger, présidente,
Yonko Grozev,
André Potocki,
Síofra O’Leary,
Mārtiņš Mits,
Gabriele Kucsko-Stadlmayer,
Lado Chanturia, juges,

et de Milan Blaško, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 18 juin 2019,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 30828/13) dirigée contre la République française et dont un ressortissant de cet État, M. Auguste Bloise (« le requérant »), a saisi la Cour le 6 mai 2013 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant a été représenté par Me A. Gondouin, avocat à Grenoble. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. F. Alabrune, directeur des affaires juridiques du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.

3. Le requérant allègue la violation de l’article 6 §§ 1 et 3 de la Convention, faute d’avoir bénéficié durant sa garde à vue de l’assistance effective d’un avocat et de la notification de son droit de garder le silence.

4. Le 14 janvier 2015, la requête a été communiquée au Gouvernement.

EN FAIT

1. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Le requérant est né en 1938 et réside à Punaauia (Polynésie française).

6. Le 17 novembre 2006, le procureur de la République de Papeete reçut un rapport du commissaire aux comptes de la société S., qui signalait diverses difficultés comptables et précisait ne pas pouvoir certifier les comptes annuels. Une enquête préliminaire fut diligentée.

7. Le 19 février 2007, à 14 heures, le requérant, président directeur général de la société S., fut placé en garde à vue pour des faits d’abus de biens sociaux. À 14 heures 35, l’avocat désigné par lui fut contacté et invité à se présenter, le requérant ayant souhaité avoir un entretien avec lui. De 15 heures 15 à 15 heures 30, le signalement du commissaire aux comptes fut porté à la connaissance du requérant. L’audition fut suspendue à 15 heures 55 afin de lui permettre de s’entretenir avec son avocat. Ce dernier déclara ensuite, à 16 heures 30, n’avoir aucune remarque à émettre. L’audition reprit jusqu’à 21 heures 35. Le requérant reconnut que des frais d’honoraires le concernant n’auraient pas dû être supportés dans leur intégralité par la société, qu’une opération de portage, entraînant une sortie d’argent, n’avait pas été effectuée dans l’intérêt de la société et que son compte courant associé était très souvent débiteur.

8. Le 20 février 2007, une perquisition fut effectuée au domicile du requérant, qui fut ensuite à nouveau interrogé par les policiers. La garde à vue fut prolongée et le requérant put s’entretenir à nouveau, de 14 heures 30 à 15 heures, avec son avocat. Ce dernier ne fit aucune remarque à l’issue de l’entretien. Après avoir été auditionné de 18 heures 55 jusqu’à 19 heures 15, sa garde à vue fut levée le 21 février à 9 heures 45.

9. Le 21 février 2007, une information fut ouverte du chef d’abus de biens sociaux. Dans le cadre du redressement judiciaire dont fit l’objet la société S., un plan de continuation fut ordonné et son ancien dirigeant, J.‑F.E., fut nommé en qualité de nouveau représentant légal. À la suite d’une plainte avec constitution de partie civile déposée en novembre 2006 par J.‑F.E., des chefs d’abus de biens sociaux, abus de confiance, distribution de dividendes fictifs et recel, le procureur de la République prit un réquisitoire introductif le 20 avril 2007 en visant les mêmes faits. Les deux informations firent l’objet d’une jonction.

10. Le 12 avril 2007, le requérant fut mis en examen pour abus de biens sociaux. Le 9 mars 2009, il fit l’objet d’une mise en examen supplétive pour dissimulation de compte et abus de biens sociaux, et fut placé sous contrôle judiciaire.

11. Par une ordonnance du 27 novembre 2009, le juge d’instruction renvoya le requérant devant le tribunal correctionnel pour des faits d’abus de biens ou du crédit d’une société par actions par un dirigeant à des fins personnelles et présentation de comptes annuels inexacts pour dissimuler la situation d’une société par actions.

12. Devant le tribunal correctionnel, le requérant souleva notamment la nullité de sa garde à vue durant l’enquête, au regard de trois arrêts rendus par la Cour de cassation le 19 octobre 2010. Il invoqua l’absence de notification de son droit à garder le silence et le défaut d’assistance d’un avocat.

13. Par un jugement du 2 novembre 2010, le tribunal correctionnel de Papeete jugea que le requérant n’était plus recevable à contester la garde à vue, compte tenu du délai de forclusion visé à l’article 175 du code de procédure pénale (CPP) et relatif à la fin de l’information judiciaire. Sur le fond, après avoir requalifié les faits de détournement de crédit en abus de biens sociaux, le tribunal le déclara coupable des faits reprochés et le condamna à deux ans d’emprisonnement, ainsi qu’à une amende de 4 000 000 francs pacifique (soit environ 33 500 euros – EUR). Le tribunal constata expressément qu’au cours des débats devant lui, le requérant avait fini par confirmer que deux dépenses contestées, dont l’une correspondait à des honoraires d’avocat engagés par lui, étaient de nature personnelle ; le tribunal ajouta que ces opérations n’auraient jamais dû être supportées par la société et qu’elles étaient constitutives d’abus de biens sociaux commis par lui. Il releva par ailleurs que ce dernier avait reconnu devant le juge d’instruction avoir accordé une rémunération à un tiers en échange d’un apport en capital par celui-ci, et ce en l’absence de facturation, de convention ou encore de prestations réelles. Par ailleurs, il jugea que caractérisaient l’infraction d’abus de biens sociaux : la pratique consistant à être, à plusieurs reprises, débiteur sur son compte courant associé ; le fait de se faire rembourser des frais de représentation sans aucun justificatif ; enfin, l’organisation d’un conseil d’administration ne réunissant que sa compagne et lui afin de lui accorder une augmentation de sa rémunération, alors qu’une procédure d’alerte avait été déclenchée par le commissaire aux comptes. De plus, il considéra que des faux bilans avaient été établis sur la base d’une opération de portage fictive.

14. Le 9 novembre 2010, le tribunal correctionnel condamna le requérant à payer des dommages et intérêts à la société partie civile.

15. Le requérant interjeta appel de ces deux jugements.

16. Par un arrêt du 27 octobre 2011, la cour d’appel de Papeete rejeta les exceptions de nullité soulevées par le requérant. Elle estima qu’il n’était plus recevable à contester des actes de procédure, compte tenu du délai légal de forclusion, soulignant que le juge correctionnel a compétence pour constater les nullités des procédures soumises sauf lorsqu’il est saisi, comme en l’espèce, par le juge d’instruction.

17. Sur le fond, la cour d’appel confirma le jugement. Elle rappela notamment qu’une enquête préliminaire avait été ouverte à la suite du signalement effectué par le commissaire aux comptes et que la première audition de ce dernier, ainsi que les témoignages de l’expert-comptable de la société, du représentant des créanciers (dans le cadre du redressement judiciaire de l’entreprise) et de l’ancien dirigeant de la société, nommé à nouveau dans le cadre du plan de continuation, confirmaient l’existence de graves anomalies susceptibles de constituer des abus de biens sociaux. Elle se fonda en particulier sur l’instruction, qui avait permis de caractériser des abus de biens sociaux ou de constater des détournements d’actifs et la présentation de bilans inexacts, ainsi que sur les déclarations du requérant devant le tribunal de première instance, qui ressortaient des notes d’audience. Elle releva notamment : qu’en première instance, le requérant avait fini par confirmer que deux dépenses reprochées, dont l’une correspondait à des honoraires d’avocat engagés par lui, étaient en réalité de nature personnelle ; qu’un tiers s’était vu accorder une rémunération sur plusieurs années en contrepartie d’un apport en capital, sans facturation ni convention, outre le fait qu’aucune prestation n’ayant été effectuée par son bénéficiaire, qui résidait à l’étranger, était malade et ne pouvait se déplacer ; que le compte courant associé du requérant avait été débiteur à plusieurs reprises, malgré la mise en garde de l’expert-comptable de la société, ce qui était en soi constitutif d’abus de biens sociaux, le code de commerce interdisant à un administrateur de se faire consentir par la société un découvert en compte courant ; la réalisation d’une opération de portage fictive au sein d’une autre société ; l’organisation d’un conseil d’administration uniquement en sa présence et celle de sa compagne, qui occupait elle-même un emploi fictif au sein de la société, pour faire voter à l’unanimité une augmentation de rémunération, et ce alors que la société connaissait de grave difficultés et qu’une procédure d’alerte avait été déclenchée par le commissaire aux comptes ; enfin, l’octroi de frais de représentation élevés, sans justificatifs permettant de vérifier que les dépenses avaient été effectuées dans l’intérêt de la société.

18. Le requérant se pourvut en cassation. Il souleva notamment un moyen relatif au fait que le délai de forclusion visé à l’article 175 du CPP n’avait pas commencé à courir, dès lors que l’avis de fin d’information n’avait pas été régulièrement notifié à son avocat. Par ailleurs, il se plaignit également de l’absence de notification de son droit au silence et du défaut d’assistance d’un avocat pendant la garde à vue.

19. Par un arrêt du 7 novembre 2012, la Cour de cassation rejeta son pourvoi. Après avoir relevé que l’allégation d’irrégularité de la notification de l’avis de fin d’information ne résultait d’aucune pièce du dossier, elle estima que la cour d’appel ne s’était fondée ni exclusivement ni même essentiellement sur les déclarations recueillies au cours de la garde à vue.

2. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
1. Les dispositions légales applicables à l’époque des faits

20. Les articles pertinents du CPP se lisaient comme suit :

Article 63-1

« Toute personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire, ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, de la nature de l’infraction sur laquelle porte l’enquête, des droits mentionnés aux articles 63-2, 63-3 et 63-4 ainsi que des dispositions relatives à la durée de la garde à vue prévues par l’article 63.

Mention de cet avis est portée au procès-verbal et émargée par la personne gardée à vue ; en cas de refus d’émargement, il en est fait mention.

Les informations mentionnées au premier alinéa doivent être communiquées à la personne gardée à vue dans une langue qu’elle comprend, le cas échéant au moyen de formulaires écrits.

Si cette personne est atteinte de surdité et qu’elle ne sait ni lire ni écrire, elle doit être assistée par un interprète en langue des signes ou par toute personne qualifiée maîtrisant un langage ou une méthode permettant de communiquer avec des sourds. Il peut également être recouru à tout dispositif technique permettant de communiquer avec une personne atteinte de surdité.

Si la personne est remise en liberté à l’issue de la garde à vue sans qu’aucune décision n’ait été prise par le procureur de la République sur l’action publique, les dispositions de l’article 77-2 sont portées à sa connaissance.

Sauf en cas de circonstance insurmontable, les diligences résultant pour les enquêteurs de la communication des droits mentionnés aux articles 63-2 et 63-3 doivent intervenir au plus tard dans un délai de trois heures à compter du moment où la personne a été placée en garde à vue. »

Article 63-2

« Toute personne placée en garde à vue peut, à sa demande, faire prévenir dans le délai prévu au dernier alinéa de l’article 63-1, par téléphone, une personne avec laquelle elle vit habituellement ou l’un de ses parents en ligne directe, l’un de ses frères et sœurs ou son employeur de la mesure dont elle est l’objet.

Si l’officier de police judiciaire estime, en raison des nécessités de l’enquête, ne pas devoir faire droit à cette demande, il en réfère sans délai au procureur de la République qui décide, s’il y a lieu, d’y faire droit. »

Article 63-3

« Toute personne placée en garde à vue peut, à sa demande, être examinée par un médecin désigné par le procureur de la République ou l’officier de police judiciaire. En cas de prolongation, elle peut demander à être examinée une seconde fois.

A tout moment, le procureur de la République ou l’officier de police judiciaire peut d’office désigner un médecin pour examiner la personne gardée à vue.

En l’absence de demande de la personne gardée à vue, du procureur de la République ou de l’officier de police judiciaire, un examen médical est de droit si un membre de sa famille le demande ; le médecin est désigné par le procureur de la République ou l’officier de police judiciaire.

Le médecin examine sans délai la personne gardée à vue. Le certificat médical par lequel il doit notamment se prononcer sur l’aptitude au maintien en garde à vue est versé au dossier.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsqu’il est procédé à un examen médical en application de règles particulières. »

Article 63-4

« Dès le début de la garde à vue, la personne peut demander à s’entretenir avec un avocat. Si elle n’est pas en mesure d’en désigner un ou si l’avocat choisi ne peut être contacté, elle peut demander qu’il lui en soit commis un d’office par le bâtonnier.

Le bâtonnier est informé de cette demande par tous moyens et sans délai.

L’avocat désigné peut communiquer avec la personne gardée à vue dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l’entretien. Il est informé par l’officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire de la nature et de la date présumée de l’infraction sur laquelle porte l’enquête.

A l’issue de l’entretien dont la durée ne peut excéder trente minutes, l’avocat présente, le cas échéant, des observations écrites qui sont jointes à la procédure.

L’avocat ne peut faire état de cet entretien auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue.

Lorsque la garde à vue fait l’objet d’une prolongation, la personne peut également demander à s’entretenir avec un avocat dès le début de la prolongation, dans les conditions et selon les modalités prévues aux alinéas précédents.

Si la personne est gardée à vue pour une infraction mentionnée aux 4o, 6o, 7o, 8o et 15o de l’article 706-73, l’entretien avec un avocat ne peut intervenir qu’à l’issue d’un délai de quarante-huit heures. Si elle est gardée à vue pour une infraction mentionnée aux 3o et 11o du même article, l’entretien avec un avocat ne peut intervenir qu’à l’issue d’un délai de soixante-douze heures. Le procureur de la République est avisé de la qualification des faits retenue par les enquêteurs dès qu’il est informé par ces derniers du placement en garde à vue. »

21. Les dispositions suivantes, relatives à la criminalité et à la délinquance organisées, s’appliquaient également :

Article 706-88

« Pour l’application des articles 63, 77 et 154, si les nécessités de l’enquête ou de l’instruction relatives à l’une des infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-73 l’exigent, la garde à vue d’une personne peut, à titre exceptionnel, faire l’objet de deux prolongations supplémentaires de vingt-quatre heures chacune.

Ces prolongations sont autorisées, par décision écrite et motivée, soit, à la requête du procureur de la République, par le juge des libertés et de la détention, soit par le juge d’instruction.

La personne gardée à vue doit être présentée au magistrat qui statue sur la prolongation préalablement à cette décision. La seconde prolongation peut toutefois, à titre exceptionnel, être autorisée sans présentation préalable de la personne en raison des nécessités des investigations en cours ou à effectuer.

Lorsque la première prolongation est décidée, la personne gardée à vue est examinée par un médecin désigné par le procureur de la République, le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire. Le médecin délivre un certificat médical par lequel il doit notamment se prononcer sur l’aptitude au maintien en garde à vue, qui est versé au dossier. La personne est avisée par l’officier de police judiciaire du droit de demander un nouvel examen médical. Ces examens médicaux sont de droit. Mention de cet avis est portée au procès-verbal et émargée par la personne intéressée ; en cas de refus d’émargement, il en est fait mention.

Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, si la durée prévisible des investigations restant à réaliser à l’issue des premières quarante-huit heures de garde à vue le justifie, le juge des libertés et de la détention ou le juge d’instruction peuvent décider, selon les modalités prévues au deuxième alinéa, que la garde à vue fera l’objet d’une seule prolongation supplémentaire de quarante-huit heures.

La personne dont la garde à vue est prolongée en application des dispositions du présent article peut demander à s’entretenir avec un avocat, selon les modalités prévues par l’article 63-4, à l’issue de la quarante-huitième heure puis de la soixante‑douzième heure de la mesure ; elle est avisée de ce droit lorsque la ou les prolongations lui sont notifiées et mention en est portée au procès-verbal et émargée par la personne intéressée ; en cas de refus d’émargement, il en est fait mention. Toutefois, lorsque l’enquête porte sur une infraction entrant dans le champ d’application des 3o et 11o de l’article 706-73, l’entretien avec un avocat ne peut intervenir qu’à l’issue de la soixante-douzième heure.

S’il ressort des premiers éléments de l’enquête ou de la garde à vue elle-même qu’il existe un risque sérieux de l’imminence d’une action terroriste en France ou à l’étranger ou que les nécessités de la coopération internationale le requièrent impérativement, le juge des libertés peut, à titre exceptionnel et selon les modalités prévues au deuxième alinéa, décider que la garde à vue en cours d’une personne, se fondant sur l’une des infractions visées au 11o de l’article 706-73, fera l’objet d’une prolongation supplémentaire de vingt-quatre heures, renouvelable une fois.

A l’expiration de la quatre-vingt-seizième heure et de la cent-vingtième heure, la personne dont la prolongation de la garde à vue est ainsi décidée peut demander à s’entretenir avec un avocat, selon les modalités prévues par l’article 63-4. La personne gardée à vue est avisée de ce droit dès la notification de la prolongation prévue au présent article.

Outre la possibilité d’examen médical effectué à l’initiative du gardé à vue, dès le début de chacune des deux prolongations supplémentaires, il est obligatoirement examiné par un médecin désigné par le procureur de la République, le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire. Le médecin requis devra se prononcer sur la compatibilité de la prolongation de la mesure avec l’état de santé de l’intéressé.

S’il n’a pas été fait droit à la demande de la personne gardée à vue de faire prévenir, par téléphone, une personne avec laquelle elle vit habituellement ou l’un de ses parents en ligne directe, l’un de ses frères et sœurs ou son employeur, de la mesure dont elle est l’objet, dans les conditions prévues aux articles 63-1 et 63-2, elle peut réitérer cette demande à compter de la quatre-vingt-seizième heure. »

2. La réforme législative du 14 avril 2011

22. La loi no 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue, entrée en vigueur le 1er juin 2011, a modifié certains articles du CPP (articles 63-1 à 63-4) et créé de nouvelles dispositions (articles 62-2, 62-3, 63 3 1, 63-4-1, 63-4-2, 63-4-3, et 63-4-4). Des modifications ont ensuite été réalisées par les lois no 2014-535 du 27 mai 2014 et no 2016-731 du 3 juin 2016. Dorénavant, la personne placée en garde à vue est immédiatement informée du fait qu’elle bénéficie du droit, d’une part, d’être assistée par un avocat et, d’autre part, lors des auditions et après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire (article 63-1, 3o, du CPP). Dès le début de la garde à vue, la personne peut demander à être assistée par un avocat (article 63-3-1, alinéa 1, du CPP). L’avocat désigné peut non seulement communiquer avec la personne gardée à vue dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l’entretien pendant trente minutes maximum au début de la mesure et lors de son éventuelle prolongation (article 63-4 du CPP), mais il peut également, lorsque la personne gardée à vue le demande, assister à ses auditions et confrontations (article 63-4-2, alinéa 1, du CPP). Dans certaines hypothèses, il est possible de procéder à une audition immédiate de la personne gardée à vue ou de reporter la présence de l’avocat lors des auditions et confrontations (article 63-4-1, alinéas 3 à 5, du CPP).

3. L’évolution jurisprudentielle
1. Le Conseil constitutionnel

23. Avant la réforme législative de 2011, le Conseil constitutionnel, saisi de questions prioritaires de constitutionnalité transmises par la Cour de cassation, a notamment déclaré les articles 62, 63 et 63-1 du CPP contraires à la Constitution (décision du 30 juillet 2010, no 2010-14/22 QPC). Il a en particulier estimé que l’article 63-4 du CPP, qui ne prévoyait ni la notification du droit de se taire ni le bénéfice de l’assistance effective d’un avocat, imposait de façon générale une restriction aux droits de la défense, sans considération des circonstances particulières susceptibles de la justifier. Les effets abrogatifs de sa décision furent reportés au 1er juillet 2011, afin d’accorder un délai au législateur pour la mise en conformité de la loi.

2. La Cour de cassation

24. Par trois arrêts du 19 octobre 2010, la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé que les dispositions du CPP relatives à la garde à vue ne satisfaisaient pas aux exigences de l’article 6 de la Convention (nos 10‑82.306, 10-85.051 et 10-82.902). Cependant, elle a estimé que, malgré cette inconventionnalité, les juges ne pouvaient en tenir compte dans les dossiers dont ils étaient saisis, estimant que ces règles ne pourraient produire des effets qu’à compter de l’entrée en vigueur de la loi devant intervenir à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010. Dans le cadre des pourvois nos 10-82.306 et 10-85.051, formés par les procureurs généraux des cours d’appel d’Agen et de Poitiers à l’encontre d’arrêts de chambres de l’instruction qui avaient annulé les procès-verbaux de garde à vue et des auditions intervenus pendant celle-ci en raison du défaut d’assistance d’un avocat, la Cour de cassation s’exprima comme suit :

« (...) Attendu qu’en prononçant ainsi, la chambre de l’instruction a fait l’exacte application de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

Attendu que, toutefois, l’arrêt encourt l’annulation dès lors que les règles qu’il énonce ne peuvent s’appliquer immédiatement à une garde à vue conduite dans le respect des dispositions législatives en vigueur lors de sa mise en œuvre, sans porter atteinte au principe de sécurité juridique et à la bonne administration de la justice ;

Que ces règles prendront effet lors de l’entrée en vigueur de la loi devant, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010, modifier le régime juridique de la garde à vue, ou, au plus tard, le 1er juillet 2011 ;

Par ces motifs :

Annule l’arrêt susvisé de la chambre de l’instruction (...) en ses seules dispositions ayant prononcé l’annulation et ordonné le retrait du dossier et le classement au greffe de procès-verbaux relatifs et consécutifs à la garde à vue de M. X. (...) »

25. Dans le cadre du pourvoi no 10-82.902, formé cette fois par une personne mise en examen qui se plaignait du rejet de sa demande d’annulation d’actes par la chambre de l’instruction, malgré le défaut d’assistance par un avocat et l’absence de notification du droit de se taire, la Cour de cassation rejeta le pourvoi en jugeant ce qui suit :

« Attendu qu’en prononçant ainsi, la chambre de l’instruction a méconnu le texte conventionnel susvisé, d’où il résulte que, sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’espèce, et non à la seule nature du crime ou délit reproché, toute personne soupçonnée d’avoir commis une infraction doit, dès le début de la garde à vue, être informée de son droit de se taire et bénéficier, sauf renonciation non équivoque, de l’assistance d’un avocat ;

Attendu que, toutefois, l’arrêt n’encourt pas la censure, dès lors que ces règles de procédure ne peuvent s’appliquer immédiatement àune garde à vue conduite dans le respect des dispositions législatives en vigueur lors de sa mise en œuvre, sans porter atteinte au principe de sécurité juridique et à la bonne administration de la justice ;

Que ces règles prendront effet lors de l’entrée en vigueur de la loi devant, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010, modifier le régime juridique de la garde à vue, ou, au plus tard, le 1er juillet 2011 ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli (...) »

26. Toutefois, par quatre arrêts du 15 avril 2011 (Bull. crim., Ass. plén., no 1, 2, 3 et 4), l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a jugé, d’une part, que l’article 6 § 1 de la Convention avait été violé dès lors qu’il exige qu’une personne en garde à vue puisse bénéficier de l’assistance d’un avocat dès le début de sa mesure et pendant ses interrogatoires et, d’autre part, que ce constat de violation devait recevoir un effet immédiat pour l’intéressé, sans attendre que la législation soit modifiée. Ainsi, dans le cadre du pourvoi no 10-17.049, elle s’exprima comme suit :

« Vu l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble l’article 63-4, alinéas 1 à 6, du code de procédure pénale ;

Attendu que les États adhérents à cette Convention sont tenus de respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, sans attendre d’être attaqués devant elle ni d’avoir modifié leur législation ; que, pour que le droit à un procès équitable consacré par l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales soit effectif et concret, il faut, en règle générale, que la personne placée en garde à vue puisse bénéficier de l’assistance d’un avocat dès le début de la mesure et pendant ses interrogatoires ;

(...)

Attendu que pour prolonger la rétention, l’ordonnance retient que les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme ne lient que les États directement concernés par les recours sur lesquels elle statue, que ceux invoqués par l’appelante ne concernent pas l’État français, que la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’impose pas que toute personne interpellée ne puisse être entendue qu’en présence de son avocat et que la garde à vue, menée conformément aux dispositions actuelles du code de procédure pénale, ne saurait être déclarée irrégulière ;

Qu’en statuant ainsi alors que Mme X.... n’avait eu accès à un avocat qu’après son interrogatoire, le premier président a violé les textes susvisés ;

(...) »

27. Par la suite, la Cour de cassation a censuré un arrêt dont les motifs fondaient la déclaration de culpabilité sur des déclarations enregistrées au cours d’une garde à vue, ensuite rétractées, et par lesquelles le prévenu avait contribué à sa propre incrimination sans avoir pu être assisté par un avocat (Cass. crim., 11 mai 2011, Bull. crim., no 97). En outre, après avoir préalablement jugé qu’une personne mise en examen a toujours la faculté de discuter la valeur probante des pièces de la procédure, et donc notamment en lien avec la garde à vue, devant la juridiction de jugement (Cass. crim., 4 janvier 2011, Bull. crim., no 163), elle a jugé de manière constante que lorsqu’une personne a fait l’objet d’une garde à vue sans l’assistance effective d’un avocat ou en l’absence de notification de son droit de se taire, une décision de condamnation ne peut être fondée ni exclusivement ni même essentiellement sur les déclarations recueillies au cours d’une telle garde à vue (cf., notamment, Cass. crim., 6 décembre 2011, Bull. crim., no 247, Cass. crim., 14 février 2012, Bull. crim., no 42, Cass. crim., 30 avril 2014, Bull. crim., no 118, Cass. crim., 16 décembre 2015, Bull. crim., no 608, et Cass. crim., 15 juin 2016, Bull. crim., no 184). Dans un arrêt du 11 décembre 2018 (pourvoi no 18-82.854, à paraître au Bull. crim.), elle a confirmé sa jurisprudence comme suit :

« Attendu que, par arrêts du 15 avril 2011, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a énoncé que les états adhérents à la Convention européenne des droits de l’homme sont tenus de respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, sans attendre d’être attaqués devant elle ni d’avoir modifié leur législation (Ass. plén., 15 avril 2011, pourvoi no 10-17.049, Bull. crim. 2011, Ass. plén., no 1 pourvoi no 10-30.242, Bull. crim. 2011, Ass. plén., no 2, pourvoi no 10-30.313, Bull. crim. 2011, Ass. plén., no 3, Ass. plén., 15 avril 2011, pourvoi no 10-30.316, Bull. crim. 2011, Ass. plén., no 4) ; qu’aux termes de ses arrêts Salduz c/ Turquie et Dayanan c/ Turquie, rendus les 27 novembre 2008 et 13 octobre 2009, auxquels il est fait référence dans les décisions précitées de l’Assemblée plénière, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que, pour que le droit à un procès équitable, consacré par l’article 6, § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, soit effectif et concret, il faut, en règle générale, que la personne placée en garde à vue puisse bénéficier de l’assistance d’un avocat dès le début de la mesure et pendant ses interrogatoires ;

Attendu que, si c’est à tort que, pour écarter la demande d’annulation des auditions de Mme Z ... et de M. X ..., la chambre de l’instruction énonce qu’elles n’étaient pas le support de leur mise en examen, l’arrêt n’encourt pas pour autant la censure dès lors qu’en l’absence, à la date des mesures critiquées, de jurisprudence établie ayant déduit de l’article 6, § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme le droit pour la personne gardée à vue d’être assistée par un avocat lors de ses auditions et l’obligation de lui notifier le droit de garder le silence, l’exigence de prévisibilité de la loi et l’objectif de bonne administration de la justice font obstacle à ce que les auditions réalisées à cette date, sans que la personne gardée à vue ait été assistée d’un avocat pendant leur déroulement ou sans qu’elle se soit vue notifier le droit de se taire, soient annulées pour ces motifs ; qu’il résulte, toutefois, des stipulations de l’article précité de ladite Convention que les déclarations incriminantes faites lors de ces auditions ne peuvent, sans que soit portée une atteinte irrémédiable aux droits de la défense, fonder une décision de renvoi devant la juridiction de jugement ou une déclaration de culpabilité (...) »

EN DROIT

SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 §§ 1 et 3 c) DE LA CONVENTION

28. Le requérant allègue une violation de la Convention, en ce que sa condamnation pénale fut fondée sur des aveux faits au cours de sa garde à vue, à l’occasion de laquelle il n’a bénéficié ni de la notification de son droit de garder le silence ni de l’assistance effective d’un avocat. Il invoque l’article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention, ainsi libellé :

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...)

3. Tout accusé a droit notamment à :

(...)

c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ;

(...) »

29. Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.

1. Sur la recevabilité
1. Le Gouvernement

30. Le gouvernement défendeur soutient qu’une personne mise en examen dispose de deux voies de recours pour contester la régularité de sa garde à vue : d’une part, en cours d’instruction, en soumettant les demandes de nullité à la chambre de l’instruction ; d’autre part, au stade du jugement, en demandant l’annulation d’une condamnation fondée sur des déclarations faites au cours d’une garde à vue sans l’assistance d’un avocat ou sans notification du droit de se taire, puisque la Cour de cassation juge que les juridictions du fond ne peuvent fonder une décision de condamnation ni exclusivement ni même essentiellement sur de telles déclarations.

31. Il considère qu’en l’espèce le requérant aurait dû soulever la nullité de sa garde à vue en cours d’instruction, que faute de l’avoir fait le tribunal correctionnel a rejeté cette exception de nullité et que, partant, il n’a pas épuisé les voies de recours internes. Cependant, le Gouvernement précise ne pas contester le fait qu’un tel recours devant la chambre de l’instruction de Papeete avait très peu de chances d’être accueilli favorablement : en effet, la notification du droit au silence et à l’assistance d’un avocat pendant la garde à vue n’étaient pas encore consacrés en droit français.

32. Il constate que le requérant, en soulevant la nullité de sa garde à vue devant les juges du fond, a emprunté la seconde voie de recours qui, quant à elle, était effective compte tenu du contrôle exercé par la Cour de cassation sur les motifs de condamnation.

33. Par conséquent, le Gouvernement s’en remet à la Cour s’agissant de la recevabilité de la requête.

2. Le requérant

34. Le requérant estime que l’exception de non-épuisement des voies de recours internes ne peut être retenue, dès lors que l’autorité compétente a examiné la substance de son recours. En l’espèce, c’est ce qu’a fait la Cour de cassation en jugeant que ses déclarations durant la garde à vue n’avaient été utilisées ni exclusivement ni même essentiellement pour le condamner. En outre, comme le Gouvernement le reconnaît lui-même, le recours devant les juridictions d’instructions n’avait aucun caractère effectif. Il estime dès lors qu’il n’y avait aucune chance pour que l’ordre juridique interne puisse le rétablir dans ses droits et que sa requête est recevable.

3. Appréciation de la Cour

35. La Cour rappelle qu’aux termes de l’article 35 § 1 de la Convention, elle ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes, qui doivent être à la fois relatives aux violations incriminées, disponibles et adéquates. Elle rappelle également qu’il incombe au Gouvernement excipant du non-épuisement de convaincre la Cour que le recours était effectif et disponible tant en théorie qu’en pratique à l’époque des faits, c’est-à-dire qu’il était accessible, était susceptible d’offrir au requérant le redressement de ses griefs et présentait des perspectives raisonnables de succès (voir, parmi beaucoup d’autres, Selmouni c. France [GC], no 25803/94, § 76, CEDH 1999‑V, Sejdovic c. Italie [GC], no 56581/00, § 46, CEDH 2006-II, Gherghina c. Roumanie [GC] (déc.), no 42219/07, § 85, 9 juillet 2015, et Molla Sali c. Grèce [GC], no 20452/14, § 89, 19 décembre 2018). Une fois cela démontré, c’est au requérant qu’il revient d’établir que le recours évoqué par le Gouvernement a en fait été employé ou bien, pour une raison quelconque, n’était ni adéquat ni effectif compte tenu des faits de la cause ou encore que certaines circonstances particulières le dispensaient de cette obligation (Akdivar et autres c. Turquie, 16 septembre 1996, § 68, Recueil des arrêts et décisions 1996‑IV, Prencipe c. Monaco, no 43376/06, § 93, 16 juillet 2009, et Molla Sali, précité).

36. En l’espèce, la Cour relève d’emblée que le Gouvernement, après avoir notamment indiqué que le recours devant la chambre de l’instruction avait très peu de chances d’être accueilli favorablement, s’en remet finalement à son appréciation (paragraphes 31-33 ci-dessus).

37. Elle constate ensuite que le requérant a soulevé la nullité de la garde à vue devant le juge du fond. Le Gouvernement le reconnaît, tout en confirmant qu’il s’agissait d’une autre voie de recours ouverte au requérant, compte tenu de la jurisprudence de la Cour de cassation (paragraphes 30 et 32 ci‑dessus). Cela étant, la Cour relève qu’à l’époque des faits, la jurisprudence de cette dernière n’exigeait pas encore qu’une condamnation ne soit fondée « ni exclusivement ni même essentiellement » sur les déclarations faites au cours d’une garde à vue sans l’assistance effective d’un avocat et sans notification du droit de se taire. Ces critères d’appréciation du fondement de la condamnation par les juges du fond ne sont apparus qu’en 2011, après l’entrée en vigueur de la loi no 2011-392 du 14 avril 2011 (paragraphe 27 ci-dessus).

38. Ainsi, en réalité, jusqu’à la réforme législative et l’entrée en vigueur de la loi du 14 avril 2011, la Cour note que la loi française ne prévoyait ni la notification du droit de garder le silence ni l’assistance d’un avocat aux interrogatoires, et ce dès le premier interrogatoire. Après la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010 (paragraphe 23 ci-dessus), la jurisprudence de la Cour de cassation a connu une première évolution avec les arrêts du 19 octobre 2010, dans lesquels la chambre criminelle a jugé que les dispositions du CPP relatives à la garde à vue ne satisfaisaient pas aux exigences de l’article 6 de la Convention (paragraphe 24 ci-dessus). La Cour relève cependant que, malgré ce constat d’inconventionnalité, la chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé que les juges ne pouvaient en tenir compte dans les dossiers dont ils étaient saisis, renvoyant l’application des exigences conventionnelles à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi devant intervenir à la suite de la décision du Conseil constitutionnel. Par conséquent, à cette date, le fait d’invoquer la nullité de la garde à vue pour défaut d’assistance d’un avocat ou absence de notification du droit de se taire, deux exigences alors ignorées du droit français applicable, ne présentait aucune chance de succès.

39. En revanche, avant l’entrée en vigueur, le 1er juin 2011, de la loi du 14 avril 2011, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation avait, par quatre arrêt du 15 avril 2011 motivés en termes très clairs, à la fois constaté la violation de la Convention en raison du défaut d’assistance d’un avocat et imposé aux juges d’en tirer immédiatement les conséquences dans les affaires pendantes, sans avoir à attendre l’aboutissement de la réforme législative (paragraphe 26 ci-dessus).

40. Par conséquent, la Cour considère que le recours pour se plaindre d’une atteinte aux exigences conventionnelles, en raison de l’absence d’assistance d’un avocat pendant les interrogatoires en garde à vue et de notification du droit de garder le silence, n’a été effectif qu’à partir des arrêts de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation en date du 15 avril 2011, soit bien après les faits de l’espèce.

41. Il s’ensuit que l’exception soulevée par le Gouvernement doit être rejetée.

42. Par ailleurs, la Cour constate que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité. Elle la déclare donc recevable.

2. Sur le fond

1. Thèses des parties

a) Le requérant

43. Le requérant rappelle qu’il n’a pas bénéficié de l’information relative au droit au silence ni de l’assistance d’un avocat à ses côtés pendant les interrogatoires au cours de sa garde à vue. Si la Cour de cassation a jugé que la cour d’appel ne s’était fondée ni exclusivement ni même essentiellement sur ses déclarations recueillies durant la garde à vue, a contrario la cour d’appel s’est tout de même fondée sur ses déclarations qui ont vicié les droits de la défense dès l’origine. Il ressort des procès-verbaux de garde à vue qu’il a reconnu des faits, contribuant ainsi à sa propre incrimination. Il ne pouvait plus, par la suite, revenir sur ses déclarations, sauf à se contredire et à se décrédibiliser. Il souligne que l’absence de notification du droit de se taire et ne pas s’auto-incriminer rendait d’autant plus nécessaire la présence d’un avocat à ses côtés.

b) Le Gouvernement

44. Le Gouvernement ne conteste pas, d’une part, que le requérant a été placé en garde à vue sans que lui ait été notifié son droit au silence et, d’autre part, qu’il n’a pas bénéficié de l’assistance effective d’un avocat pendant ses interrogatoires de garde à vue. Il relève que le requérant a cependant pu s’entretenir avec un avocat dès le début de cette mesure et lors de sa prolongation. Il estime que le droit français présentait d’autres garanties procédurales : le requérant aurait pu faire prévenir un proche, ce qu’il n’a pas fait, il a été examiné par un médecin et sa garde à vue s’est déroulée sous le contrôle du procureur de la République. Il considère en outre que le requérant a pu contester la valeur probante des pièces de la procédure devant les juridictions du fond, qui n’auraient pas tenu compte de ses déclarations pour le condamner. L’arrêt de la cour d’appel ne se réfère pas à ses déclarations recueillies en garde à vue, tandis que sa culpabilité repose sur ses déclarations, en présence de son avocat, devant le juge d’instruction et la juridiction de jugement, sur des documents bancaires et comptables, ainsi que sur des éléments tirés de la plainte avec constitution de partie civile.

2. Appréciation de la Cour

a) Principes généraux

45. La Cour renvoie aux principes généraux maintes fois réaffirmés par elle (Salduz c. Turquie [GC], no 36391/02, §§ 56 et 61-62, CEDH 2008, Ibrahim et autres c. Royaume-Uni [GC], nos 50541/08, 50571/08, 50573/08 et 40351/09, 13 septembre 2016, et Simeonovi c. Bulgarie [GC], no 21980/04, 12 mai 2017 (extraits)), et rappelés récemment dans l’affaire Beuze c. Belgique ([GC], no 71409/10, §§ 119 et s., 9 novembre 2018).

46. Elle souligne en particulier que, quelle que soit la restriction concernée, même si cette dernière découle directement de la loi applicable, elle procède à un examen en deux étapes : d’une part, en vérifiant tout d’abord l’existence ou non de raisons impérieuses, puis, d’autre part, en examinant l’équité du procès dans son ensemble. Par ailleurs, si l’absence de raisons impérieuses ne suffit pas à entraîner une violation de l’article 6, elle entraîne un contrôle très strict de la Cour, dès lors qu’une telle absence pèse lourdement dans la balance lorsqu’il s’agit d’apprécier globalement l’équité du procès, ce qui peut faire pencher la balance en faveur d’un constat de violation (Beuze, précité, § 145). Tel est d’autant plus le cas lorsqu’il y a cumul du défaut d’accès à un avocat et du défaut de notification des droits, en particulier du droit de garder le silence : le gouvernement, à qui il incombe d’expliquer de façon convaincante pourquoi, à titre exceptionnel et au vu des circonstances particulières du cas d’espèce, la restriction à l’accès à un avocat n’a pas porté une atteinte irrémédiable à l’équité globale du procès, pourra alors plus difficilement prouver que le procès a été équitable.

47. Elle rappelle également qu’un certain nombre de facteurs, non limitatifs, doivent être pris en compte s’il y a lieu (Beuze, précité, § 150).

48. Par ailleurs, dans l’arrêt Beuze (précitée), la Cour a précisé que la désignation d’un conseil doit impérativement s’accompagner des deux exigences minimales suivantes : d’une part, le suspect doit pouvoir entrer en contact avec son avocat dès sa privation de liberté, ce qui implique qu’il puisse consulter son avocat préalablement à un interrogatoire, voire en l’absence d’un interrogatoire et que l’avocat puisse s’entretenir avec lui en privé et en recevoir des instructions confidentielles (Simeonovi, précité, § 111, et Beuze, précité, § 133) ; d’autre part, le suspect doit également bénéficier de la présence physique de son avocat durant les auditions initiales menées par la police et durant les interrogatoires ultérieurs menés au cours de la procédure antérieure à la phase de jugement, cette présence devant permettre à l’avocat de fournir une assistance effective et concrète, notamment pour éviter les atteintes aux droits de la défense, et non seulement abstraite (ibidem, § 134).

49. Enfin, s’agissant des déclarations du suspect, elle rappelle que le droit de ne pas s’incriminer soi‑même ne se limite pas aux aveux au sens strict ou aux remarques le mettant directement en cause : il suffit, pour qu’il y ait auto‑incrimination, que ses déclarations soient susceptibles d’affecter substantiellement sa position de celui-ci, à l’instar de déclarations circonstanciées qui orientent la conduite des auditions et interrogatoires, qui affectent la position du suspect ou sa crédibilité (Beuze, précité, §§ 178 et 179).

b) Application au cas d’espèce

50. La Cour note tout d’abord que si le requérant a pu s’entretenir avec un avocat durant sa garde à vue, la loi l’y autorisant pour une durée de trente minutes, et ce de nouveau lors de la prolongation de la mesure, il n’a bénéficié ni de l’assistance d’un avocat pendant les interrogatoires ni de la notification du droit au silence. Le Gouvernement le reconnaît.

51. Elle relève ensuite qu’il n’est pas contesté que les restrictions litigieuses résultaient de la loi française applicable au moment des faits. Or, la Cour rappelle que les restrictions à l’accès à un avocat pour des raisons impérieuses ne sont permises durant la phase préalable au procès que dans des cas exceptionnels, et qu’elles doivent être de nature temporaire et reposer sur une appréciation individuelle des circonstances particulières du cas d’espèce (Beuze, précité, § 161). Une appréciation individuelle de cette nature était clairement absente en l’espèce, la restriction ayant été de portée générale et obligatoire (ibidem). Quant aux arrêts de la Cour de cassation du 15 avril 2011 et à la loi no 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue, le requérant n’a pas pu en bénéficier durant sa garde à vue. En outre, le Gouvernement n’a pas établi l’existence de circonstances exceptionnelles qui auraient pu justifier les restrictions dont a fait l’objet le droit du requérant et il n’appartient pas à la Cour d’en chercher de son propre chef (Simeonovi, précité, § 130, et Beuze, précité, § 163). Aucune raison impérieuse ne justifiait donc en l’espèce les restrictions susmentionnées.

52. La Cour doit dès lors évaluer l’équité de la procédure en opérant un contrôle très strict et ce, à plus forte raison, dans le cas de restrictions d’origine législative ayant une portée générale et obligatoire. La charge de la preuve pèse ainsi sur le Gouvernement, qui doit démontrer de manière convaincante que le requérant a néanmoins bénéficié globalement d’un procès pénal équitable (Beuze, précité, § 165). Ainsi qu’il a été rappelé (paragraphe 46 ci-dessus), l’incapacité du Gouvernement à établir des raisons impérieuses pèse lourdement dans la balance et peut faire pencher la Cour dans le sens d’une violation de l’article 6 §§ 1 et 3 c).

53. Examinant, dans la mesure où ils sont pertinents en l’espèce, les différents facteurs découlant de sa jurisprudence tels qu’ils ressortent des arrêts Ibrahim et autres, Simeonovi et Beuze (précités, respectivement §§ 274, 120 et 150), la Cour note en premier lieu l’absence tant de vulnérabilité particulière du requérant que de coercition exercée sur lui durant la garde à vue. Elle estime ensuite que des considérations d’intérêt public justifiaient la poursuite du requérant, celui-ci étant poursuivi pour des faits d’abus de biens sociaux.

54. En outre, la Cour constate que le requérant, assisté cette fois d’un avocat, dès l’instruction, a pu faire valoir ses arguments devant les juridictions du fond, notamment pour discuter des différents éléments de preuve, en première instance comme en appel, dans le cadre du recours qui lui était ouvert et qu’il a pu exercer, puis devant la Cour de cassation, qui était saisie de son pourvoi.

55. Elle relève cependant que l’exception de nullité soulevée par le requérant, sur le fondement de l’article 6 de la Convention, en raison du défaut d’assistance d’un avocat durant sa garde à vue, a été rejetée par le tribunal de première instance et la cour d’appel de Papeete pour cause de forclusion (paragraphes 13 et 16 ci-dessus). En l’espèce, le Gouvernement indique lui-même qu’un tel recours devant la chambre de l’instruction avait très peu de chances d’être accueilli favorablement et que le requérant bénéficiait en principe d’un second recours, devant les juges du fond (paragraphes 30-32 ci-dessus). Or, des dispositions légales susceptibles d’être invoquées par le Gouvernement et prévoyant in abstracto certaines garanties qui auraient pu assurer, à elles seules, l’équité globale de la procédure, ne suffisent pas : la Cour doit examiner si l’application de ces dispositions légales au cas d’espèce a eu concrètement un effet compensatoire rendant la procédure équitable dans son ensemble (Beuze, précité, § 161), en particulier si les juridictions internes ont procédé à l’analyse nécessaire de l’incidence de l’absence d’un avocat à un moment crucial de la procédure (ibidem, §§ 174 et 176). Un tel examen n’a pas été explicitement réalisé par les juges nationaux en l’espèce.

56. Cependant, s’agissant du droit du requérant de ne pas s’incriminer lui‑même et de l’utilisation des différents éléments de preuve du dossier par les juges du fond, la Cour constate que si, au cours de sa garde à vue, le requérant avait reconnu une partie des faits (paragraphe 7 ci-dessus), le jugement de première instance et l’arrêt de la cour d’appel de Papeete ne font aucune référence à ces déclarations, et ce alors même que leurs décisions sont longuement motivées. Elle note en effet que le tribunal s’est fondé sur les seules déclarations faites par le requérant devant le juge d’instruction alors qu’il était assisté d’un avocat, et sur les faits qu’il a reconnus devant lui au cours des débats sur le fond (paragraphe 13 ci‑dessus). Quant à la cour d’appel, elle n’a pas non plus mentionné les déclarations faites par le requérant au cours de la garde à vue, mais elle s’est largement référée aux déclarations circonstanciées du commissaire aux comptes, à l’origine de la procédure avec son signalement circonstancié au procureur de la République qui était un élément important de l’accusation, de l’expert-comptable de la société, du représentant des créanciers (dans le cadre du redressement judiciaire de l’entreprise) et de l’ancien dirigeant de la société qui a finalement été désigné comme nouveau représentant légal de celle-ci, en remplacement du requérant, durant la procédure de redressement judiciaire. Elle s’est en outre fondée sur les résultats de l’instruction, ainsi que sur les déclarations du requérant devant le tribunal de première instance, qui ressortaient des notes d’audience, et ce en relevant toute une série de faits délictueux attestés par des documents comptables et l’examen des relevés de comptes, caractéristiques de l’infraction d’abus de biens sociaux (paragraphe 17 ci‑dessus).

57. Or, la Cour rappelle qu’il ressort clairement de sa jurisprudence que les restrictions au droit d’accès à un avocat, même systématiques, au droit de ne pas témoigner contre soi-même et au droit à être informé de la possibilité de garder le silence ne peuvent pas entraîner ab initio la violation de la Convention mais donnent lieu à un examen en deux étapes. La première consiste à vérifier l’existence de raisons impérieuses de restreindre ces droits : même dans l’hypothèse où celles-ci feraient défaut, il ne saurait y avoir de constat de violation automatique de la Convention, la Cour devant, lors d’une seconde étape, effectuer un contrôle de l’équité de la procédure dans son ensemble (Ibrahim et autres, précité, § 262, 269 et 273, et Beuze, précité, § 141). Parmi les facteurs susceptibles d’établir que la procédure a été équitable dans son ensemble, figure « l’utilisation faite des preuves, et en particulier le point de savoir si elles sont une partie intégrante ou importante des pièces à charge sur lesquelles s’est fondée la condamnation, ainsi que la force des autres éléments du dossier » (Ibrahim et autres, précité, § 274, Simeonovi, précité, § 120, et Beuze, précité, § 150). Dans certaines hypothèses et, surtout, dans le cadre de l’examen au cas par cas auquel la Cour se livre, ce qui implique nécessairement une appréciation susceptible de varier en fonction des circonstances particulières de chaque affaire, ce facteur peut s’avérer crucial. Aux yeux de la Cour, tel est le cas en l’espèce. Elle vient en effet de constater que les juridictions du fond se sont fondées sur des éléments extérieurs aux déclarations faites par le requérant au cours de la garde à vue, à savoir sur les éléments établis par l’instruction, pendant laquelle le requérant était assisté d’un avocat, sur les débats devant le juge de première instance, ou encore sur les témoignages particulièrement précis et circonstanciés de tiers en lien direct avec son activité, ainsi que sur l’examen des documents comptables et bancaires (paragraphe 56 ci‑dessus).

58. Ainsi, bien que les juges internes n’aient pas explicitement apprécié les conséquences de l’absence de l’assistance d’un avocat et de notification du droit de garder le silence lors de la garde à vue pour les droits de la défense du requérant, la Cour constate qu’ils ont néanmoins veillé à se fonder sur d’autres éléments que les propos tenus par le requérant au cours de la garde à vue et que les déclarations faites à ce stade ont été ignorées durant le procès au fond, pour finalement n’occuper aucune place dans la motivation des juges du fond : compte tenu de l’existence d’autres preuves considérées comme étant décisives, qui ont été discutées contradictoirement dans le cadre de la procédure, les déclarations litigieuses faites en garde à vue ne constituaient à l’évidence pas une partie intégrante et importante des preuves sur lesquelles reposait la condamnation du requérant (voir, a contrario, Ibrahim et autres, précité, § 309, Rodionov c. Russie, no 9106/09, § 168, 11 décembre 2016, et Beuze, précité, § 193).

59. Dans ces conditions, la Cour estime qu’il est en l’espèce indifférent que les autres garanties procédurales évoquées par le Gouvernement, à savoir le fait que le requérant aurait pu faire prévenir un proche, qu’il ait été examiné par un médecin et que sa garde à vue se soit déroulée sous le contrôle du procureur de la République (paragraphe 44 ci-dessus), ne soient, malgré leur importance, pas de nature à compenser l’absence d’assistance d’un avocat et le défaut de notification du droit de garder le silence durant la garde à vue.

60. Compte tenu de ce qui précède et dans le cadre du contrôle auquel elle doit procéder en l’absence de raisons impérieuses, la Cour estime que la procédure pénale menée à l’égard du requérant, considérée dans son ensemble, a permis, dans les circonstances de l’espèce, de remédier aux lacunes procédurales survenues durant la garde à vue. La Cour estime important de souligner, comme elle l’a fait dans d’autres affaires relatives à l’article 6 § 1 de la Convention dans lesquelles un examen de l’équité globale de la procédure était en cause, qu’elle ne doit pas s’ériger en juge de quatrième instance (Beuze, précité, § 193). Lors de l’examen de l’équité globale de la procédure tel que celui exigé par l’article 6 § 1, elle est toutefois appelée à examiner soigneusement le déroulement de la procédure au niveau interne, un contrôle très strict s’imposant lorsque la restriction au droit d’accès à un avocat ne repose sur aucune raison impérieuse. En l’espèce, c’est la conjonction des différents facteurs précités et non chacun d’eux pris isolément qui la conduit à considérer que la procédure a été équitable dans son ensemble. La Cour souligne à ce titre que la motivation des décisions des juges du fond, qui n’est ni stéréotypée ni laconique, mais au contraire circonstanciée, lui permet d’assurer le contrôle européen qui lui est confié (cf., mutatis mutandis, X. c. Lettonie [GC], no 27853/09, § 107, CEDH 2013).

61. Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Rejette l’exception du Gouvernement ;
2. Déclare la requête recevable ;
3. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 11 juillet 2019, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Milan BlaškoAngelika Nußberger
Greffier adjointPrésidente


Synthèse
Formation : Cour (cinquiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-194298
Date de la décision : 11/07/2019
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Non-violation de l'article 6+6-3-c - Droit à un procès équitable (Article 6 - Procédure pénale;Article 6-1 - Procès équitable) (Article 6 - Droit à un procès équitable;Article 6-3-c - Se défendre avec l'assistance d'un défenseur)

Parties
Demandeurs : BLOISE
Défendeurs : FRANCE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : GONDOUIN A.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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