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08/02/2018 | CEDH | N°001-180657

CEDH | CEDH, AFFAIRE BEN FAIZA c. FRANCE, 2018, 001-180657


CINQUIÈME SECTION

AFFAIRE BEN FAIZA c. FRANCE

(Requête no 31446/12)

ARRÊT

STRASBOURG

8 février 2018

DÉFINITIF

08/05/2018

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Ben Faiza c. France,

La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :

Angelika Nußberger, présidente,
André Potocki,
Yonko Grozev,
Mārtiņš Mits,
Gabriele Kucsko-Sta

dlmayer,
Lәtif Hüseynov,
Lado Chanturia, juges,
et de Claudia Westerdiek, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 16 jan...

CINQUIÈME SECTION

AFFAIRE BEN FAIZA c. FRANCE

(Requête no 31446/12)

ARRÊT

STRASBOURG

8 février 2018

DÉFINITIF

08/05/2018

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Ben Faiza c. France,

La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :

Angelika Nußberger, présidente,
André Potocki,
Yonko Grozev,
Mārtiņš Mits,
Gabriele Kucsko-Stadlmayer,
Lәtif Hüseynov,
Lado Chanturia, juges,
et de Claudia Westerdiek, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 16 janvier 2018,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 31446/12) dirigée contre la République française et dont un ressortissant de cet État, M. Mohamed Ben Faiza (« le requérant »), a saisi la Cour le 22 mai 2012 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant a été représenté par Me H. Farge, avocate au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. F. Alabrune, directeur des affaires juridiques du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.

3. Le requérant allègue que la mise en place d’un dispositif de géolocalisation sur son véhicule, ainsi que la réquisition judiciaire adressée à un opérateur de téléphonie pour obtenir des renseignements permettant de connaître ses déplacements, ont porté atteinte à son droit au respect de sa vie privée tel que prévu par l’article 8 de la Convention.

4. Le 3 février 2015, les griefs concernant l’article 8 de la Convention ont été communiqués au Gouvernement et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus conformément à l’article 54 § 3 du règlement de la Cour.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Le requérant est né en 1982 et se trouve sous contrôle judiciaire.

6. À la suite d’un renseignement anonyme parvenu en mai 2009, dénonçant un trafic de stupéfiants de grande ampleur à la Courneuve et mettant en cause les frères Ben Faiza, la brigade des stupéfiants de Seine‑Saint-Denis mit en place des surveillances.

7. Le 24 juillet 2009, les officiers de police judiciaire délivrèrent, sur autorisation du procureur de la République, conformément à l’article 77-1-1 du code de procédure pénale (ci-après « CPP », voir droit interne pertinent) une réquisition judiciaire à un opérateur de téléphonie afin d’identifier les appels entrants et sortants sur quatre lignes téléphoniques, ainsi que les cellules (zones couvertes par les antennes-relais de téléphonie mobile) activées par ces lignes.

8. Par deux ordonnances des 6 août et 20 août 2009, le juge des libertés et de la détention, sur réquisitions du ministère public, autorisa l’interception des correspondances téléphoniques sur la ligne utilisée par un frère du requérant, jusqu’au 4 septembre 2009.

9. Le 4 septembre 2009, le procureur de la République ouvrit une information judiciaire contre personnes non dénommées des chefs d’importation de stupéfiants, association de malfaiteurs et blanchiment.

10. Le 7 septembre 2009, le juge d’instruction délivra une commission rogatoire, ainsi que plusieurs commissions rogatoires techniques, pour mettre sous surveillance diverses lignes téléphoniques utilisées par le requérant et ses frères. Le 18 septembre 2009, le juge d’instruction autorisa l’écoute de la ligne utilisée par le requérant. Les conversations mirent en évidence que ce dernier et ses frères dirigeaient les opérations concernant les infractions visées.

11. Les surveillances effectuées dans les semaines qui suivirent permirent aux enquêteurs de constater que les frères Ben Faiza, ainsi que d’autres personnes impliquées dans le trafic, se rendaient à bord d’un véhicule dans le parking souterrain d’un immeuble à Aubervilliers, d’où ils ressortaient ensuite à bord d’un autre véhicule Renault Laguna. Le 10 mai 2010, les services de police obtinrent du juge d’instruction l’autorisation verbale d’apposer un dispositif technique de localisation de ce véhicule Laguna. Le 11 mai 2010, les occupants de la voiture passèrent une dizaine de minutes dans les sous-sols du parking, puis quittèrent les lieux sans que les enquêteurs aient pu assister à leurs agissements dans le parking. Au vu de ces éléments, un dispositif de captation d’images dans les parties communes du parking souterrain fut sollicité par le juge d’instruction, afin de pouvoir corroborer les informations obtenues et les surveillances effectuées sur le terrain, et de préciser le mode opératoire, le lieu de stockage, ainsi que le rôle des protagonistes liés au trafic. Dans un rapport du 17 mai 2010, les enquêteurs indiquèrent au juge d’instruction que cette mesure révélait que des faits d’importation de stupéfiants étaient susceptibles d’être commis ou seraient susceptibles de l’être. Ils rapportèrent également que les conversations des frères Ben Faiza sur la ligne dédiée à leur fournisseur aux Pays-Bas étaient très explicites, leur permettant d’anticiper les déplacements et de localiser le lieu de stationnement des véhicules utilisés pour l’acheminement de la drogue.

12. Par une commission rogatoire du 18 mai 2010, après avoir recueilli l’avis favorable du parquet, le juge d’instruction prescrivit l’installation d’un dispositif de captation d’images et de sons dans le parking souterrain pour une durée de deux mois.

13. Les interceptions des conversations téléphoniques avec le fournisseur néerlandais firent apparaître qu’une importation importante de stupéfiants était intervenue le 1er juin 2010. Les enquêteurs sollicitèrent du juge d’instruction l’autorisation de mise en place d’un dispositif technique de captation sonore et de localisation du véhicule Renault Laguna.

14. Par une commission rogatoire du 3 juin 2010, le juge d’instruction, après avoir recueilli l’avis favorable du parquet, ordonna la mise en place d’un dispositif technique ayant pour objet de capter, fixer, transmettre et enregistrer les conversations des personnes utilisant le véhicule Renault Laguna et, sur le fondement de l’article 81 du CPP (voir droit interne pertinent), la mise en place, pour une durée d’un mois, d’un dispositif de géolocalisation de ce véhicule par GPS (Global Positioning System).

15. L’exploitation des données issues de ces mesures permit aux enquêteurs de savoir que ce véhicule s’était déplacé le 9 juin 2010 aux Pays‑Bas pour importer des produits stupéfiants. L’arrestation du requérant et de ses complices fut alors décidée. Le 14 juin 2010, ils furent placés en garde à vue et mis en examen des chefs d’acquisition, détention, transport et offre ou cession de stupéfiants en bande organisée et d’importation de stupéfiants.

16. Le 9 décembre 2010, le requérant et ses coaccusés saisirent la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris d’une requête tendant à faire constater la nullité de la procédure en raison, notamment, des conditions dans lesquelles les opérateurs de téléphonie avaient été requis de communiquer la liste des appels entrants et sortants, mais également de procéder à l’identification de cellules déclenchées par ces lignes, ainsi que du dispositif de surveillance par géolocalisation mis en place. Sur le premier point, ils demandèrent l’annulation de la réquisition judiciaire du 24 juillet 2009 (voir paragraphe 7 ci-dessus), soutenant qu’il s’agissait d’une mesure attentatoire à leur vie privée et au secret de leurs correspondances. Selon eux, il ne s’agissait pas d’une simple mesure technique et, dès lors, elle ne pouvait être ordonnée par le procureur, ce dernier n’étant pas une autorité judiciaire au sens que la Cour européenne des droits de l’Homme donne à cette notion dans sa jurisprudence. Sur le second point, relatif aux mesures de géolocalisation par GPS, ils sollicitèrent notamment l’annulation de l’autorisation du juge d’instruction du 10 mai 2010, l’apposition du dispositif de surveillance par GPS le 26 mai 2010, ainsi que les opérations subséquentes : soulevant trois moyens tirés respectivement de la violation de l’article 8 de la Convention, de l’absence d’autorisation donnée aux policiers de pénétrer dans le garage où se trouvait la voiture sur laquelle avait été placée la balise et, enfin, de la mise en œuvre hors du territoire national de la géolocalisation effectuée au moyen de la balise litigieuse, ils firent valoir que la surveillance à distance des déplacements de personnes par géolocalisation satellitaire ou moyen embarqué d’appui tactique (GPS) n’était prévue par aucune disposition de droit interne.

17. Par un arrêt du 6 mai 2011, la cour d’appel rejeta une partie des demandes de nullité. Concernant la réquisition judiciaire du 24 juillet 2009, elle jugea que l’arrêt Moulin c. France du 23 novembre 2010 ne remettait pas en cause les attributions du magistrat du parquet prévues par l’article 77‑1-1 du CPP. Elle considéra qu’en l’espèce, cette réquisition ne portait que sur l’identification des titulaires de quatre lignes téléphoniques, ainsi que sur la liste des appels entrants et sortants sur trois d’entre elles ; que ces opérations ne constituaient que de simples mesures techniques relevant de cet article et n’étaient pas des interceptions de correspondance, seules susceptibles de porter atteinte à la vie privée et au secret des correspondances ; qu’ainsi l’autorisation du juge des libertés et de la détention n’était pas nécessaire.

18. S’agissant de la surveillance à distance du déplacement d’un véhicule par un dispositif de géolocalisation par satellite (GPS), la cour d’appel admit qu’elle n’était pas expressément prévue par le CPP, tout en estimant que le recours à ce type de surveillance était justifié par l’article 81 de ce code permettant au juge d’instruction de procéder à tous les actes d’information qu’il juge utile à la manifestation de la vérité. Elle rappela que, en l’espèce, la mise en place du dispositif de surveillance par GPS du véhicule Renault Laguna avait été autorisée le 3 juin 2010 par une ordonnance motivée du juge d’instruction, pour une durée limitée d’un mois, que cette surveillance avait été ordonnée dans le cadre de l’information ouverte contre X du chef d’importation de produits stupéfiants, l’existence d’un vaste trafic de ces produits ayant été constatée dans une cité de la Courneuve ; qu’elle avait été réalisée sous le contrôle du juge et qu’un procès-verbal de transcription de cette surveillance avait été versé au dossier et pouvait être contradictoirement discuté par les intéressés. Elle considéra que la surveillance de ces derniers, telle qu’elle avait été effectuée, sous le contrôle d’un juge constituait une garantie suffisante contre l’arbitraire, était proportionnée au but poursuivi s’agissant d’un important trafic de stupéfiants en bande organisée portant gravement atteinte à l’ordre public et à la santé publique et était nécessaire au sens de l’article 8 de la Convention.

19. En revanche, concernant l’autorisation du juge d’instruction du 10 mai 2010 pour la mise en place d’un dispositif de surveillance par GPS et l’apposition de ce système le 26 mai 2010 (voir paragraphe 11 ci-dessus), la cour d’appel prononça leur nullité ainsi que celle des opérations subséquentes. Elle considéra que si le juge d’instruction avait autorisé le 10 mai 2010, la mise en place d’un dispositif de surveillance par GPS du véhicule Renault Laguna immatriculé 902 FAT 77 stationné dans le parking d’une copropriété à Aubervilliers, il ne résultait pas des pièces de la procédure qu’il avait autorisé les enquêteurs à pénétrer dans ce parking, lequel, faisant partie des parties communes de la copropriété, constituait un lieu privé. Elle jugea qu’il en était de même pour l’apposition du dispositif de géolocalisation du 26 mai 2010. En conséquence, la cour d’appel annula les opérations de surveillance effectuées en vertu de l’autorisation du 10 mai 2010 et les opérations subséquentes.

20. Le requérant et ses coaccusés formèrent un pourvoi en cassation. Dans leur mémoire ampliatif, ils firent valoir que les mesures prises pour obtenir des opérateurs de téléphonie la liste des appels entrants et sortants de lignes téléphoniques et celles résultant de la mise en place du dispositif de géolocalisation par satellite (GPS) étaient illégales et contraires à l’article 8 de la Convention. Ils soulignèrent que la remise de cette liste sur le fondement de l’article 77-1-1 du CPP était attentatoire à leur droit au respect de leur vie privée et de leur liberté d’aller et venir, allant au-delà du cadre légal utilisé, et qu’elle ne pouvait être recueillie par l’officier de police judiciaire sur la seule autorisation du ministère public, sans l’accord ou l’autorisation du juge des libertés et de la détention. Ils soutinrent également que l’utilisation d’un procédé de géolocalisation ne pouvait être fondée que sur un texte spécial, et non sur la seule disposition générale que constitue l’article 81 du CPP, qui avait déjà été considéré par la Cour européenne des droits de l’homme comme une base légale insuffisante pour des écoutes téléphoniques dans son arrêt Kruslin c. France (24 avril 1990, série A no 176‑A) ou pour des sonorisations dans un domicile dans l’arrêt Vetter c. France (no 59842/00, 31 mai 2005).

21. Par un arrêt du 22 novembre 2011, la Cour de cassation, se prononçant pour la première fois sur la compatibilité de la géolocalisation avec l’article 8 de la Convention, écarta le moyen à cet égard, après avoir auparavant rejeté le moyen relatif à l’illégalité de la réquisition judiciaire. Sur ce dernier point, elle considéra que la cour d’appel de Paris avait fait une exacte application de l’article 77-1-1 du code de procédure pénale et du texte conventionnel invoqué, dès lors que la remise de documents au sens du premier de ces textes s’entendait également de la communication, sans recourir à un moyen coercitif, de documents issus d’un système informatique ou d’un traitement de données nominatives, tels ceux détenus par un opérateur de téléphonie. La Cour de cassation précisa qu’une telle mesure n’entrait pas dans le champ d’application de l’article 5 § 3 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au contrôle de la privation de liberté.

22. S’agissant de l’apposition sur un véhicule automobile d’un dispositif technique, dit de « géolocalisation », la Cour de cassation releva que les juges d’appel avaient caractérisé la prévisibilité et l’accessibilité de la loi, ainsi que la proportionnalité de l’ingérence dans le droit au respect de la vie privée des prévenus. Elle jugea, en conséquence, que la cour d’appel de Paris avait fait une exacte application de la Convention.

23. Postérieurement à cet arrêt, le 22 octobre 2013, dans le cadre de procédures étrangères à la présente affaire, la chambre criminelle de la Cour de cassation rendit deux arrêts portant sur la géolocalisation, qui conduisirent à l’élaboration d’un projet de loi sur cette question, définitivement adopté par le législateur le 24 février 2014 (voir « droit interne pertinent », paragraphes 38-40).

24. Le 14 décembre 2012, le tribunal correctionnel condamna le requérant à une peine de douze ans d’emprisonnement et 100 000 euros (EUR) d’amende.

25. Le 17 octobre 2013, la cour d’appel de Paris constata que l’ordonnance par laquelle le juge d’instruction avait renvoyé le requérant devant la juridiction de jugement, n’était pas conforme aux dispositions du code de procédure pénale car elle avait été prise avant l’expiration du délai imparti aux prévenus pour faire valoir leurs observations et renvoya la procédure au ministère public pour lui permettre de saisir à nouveau le juge d’instruction afin de régulariser la procédure. La cour d’appel annula le jugement du tribunal correctionnel du 14 décembre 2012 et ordonna la remise en liberté de trois prévenus, dont le requérant.

26. Le 23 avril 2014, saisi pour régularisation, le juge d’instruction rendit une nouvelle ordonnance, à la fois de requalification, de non-lieu partiel et de renvoi devant le tribunal correctionnel. Le requérant et deux de ses frères interjetèrent appel de cette ordonnance afin de faire valoir que les faits renvoyés constituaient en réalité des crimes relevant de la compétence exclusive de la cour d’assises.

27. Par une ordonnance du 16 mai 2014, le président de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris déclara leurs appels non admis au motif que l’ordonnance contestée ne figurait pas parmi les ordonnances susceptibles de faire l’objet d’un appel en vertu de l’article 186 du code de procédure pénale.

28. À la suite du pourvoi du requérant et de ses frères, la Cour de cassation, dans un arrêt du 1er octobre 2014, considéra que le président de la chambre de l’instruction avait excédé ses pouvoirs, annula l’ordonnance du 16 mai 2014, constata que la chambre de l’instruction se trouvait saisie de l’appel et ordonna le renvoi de la procédure devant cette juridiction autrement composée.

29. Le 11 mai 2015, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris annula l’ordonnance du juge d’instruction du 23 avril 2014, au motif que les faits revêtaient une qualification criminelle, les faits d’importation de stupéfiants ayant été commis en bande organisée. En conséquence, la chambre de l’instruction ordonna un supplément d’information aux fins d’expertises psychologique et psychiatrique du requérant (actes obligatoires en matière criminelle).

30. À la date des observations des parties, la procédure pénale était toujours pendante.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

A. Code de procédure pénale

1. La réquisition des détenteurs de documents utiles

31. Les lois no 2003-239 du 18 mars 2003 et no 2004-204 du 9 mars 2004 ont fortement accru les pouvoirs des autorités d’enquête en introduisant, dans le code de procédure pénale, des textes permettant notamment aux enquêteurs d’exiger des établissements, organismes, personnes et administrations, pour les besoins de l’enquête, la délivrance de documents en leur possession, sans que puisse leur être opposé le secret professionnel. Dans le cadre de l’enquête préliminaire, l’article 77-1-1 du CPP, ainsi libellé, encadre ce pouvoir :

Article 77-1-1 (à l’époque des faits)

« Le procureur de la République ou, sur autorisation de celui-ci, l’officier de police judiciaire, peut, par tout moyen, requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des documents intéressant l’enquête, y compris ceux issus d’un système informatique ou d’un traitement de données nominatives, de lui remettre ces documents, notamment sous forme numérique, sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l’obligation au secret professionnel. Lorsque les réquisitions concernent des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-3, la remise des documents ne peut intervenir qu’avec leur accord.

En cas d’absence de réponse de la personne aux réquisitions, les dispositions du second alinéa de l’article 60-1 sont applicables. »

32. Les personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-3, et pour lesquelles la remise des documents est soumise à leur accord, sont les avocats, les entreprises de presse ou de communication audiovisuelle, les médecins, les notaires, les avoués ou les huissiers. La loi du 3 juin 2016 a élargi le champ d’application de cette protection au président de la commission du secret de la défense nationale, ainsi qu’aux personnes exerçant des fonctions juridictionnelles.

33. Le fait de refuser de répondre à une réquisition sans motif légitime est passible d’une amende :

Article 60-1 al 2

« (...)

À l’exception des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-3, le fait de s’abstenir de répondre dans les meilleurs délais à cette réquisition est puni d’une amende de 3 750 euros. »

2. Les pouvoirs d’investigation du juge d’instruction

34. Les pouvoirs d’investigation du juge d’instruction sont définis de manière générale par l’article 81 du CPP, dont les dispositions pertinentes se lisent ainsi :

Article 81

« Le juge d’instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes d’information qu’il juge utiles à la manifestation de la vérité. Il instruit à charge et à décharge.

(...)

Si le juge d’instruction est dans l’impossibilité de procéder lui-même à tous les actes d’instruction, il peut donner commission rogatoire aux officiers de police judiciaire afin de leur faire exécuter tous les actes d’information nécessaires dans les conditions et sous les réserves prévues aux articles 151 et 152.

Le juge d’instruction doit vérifier les éléments d’information ainsi recueillis. »

B. Jurisprudence de la Cour de cassation

1. Jurisprudence de la Cour de cassation sur les réquisitions judiciaires prévues par l’article 77-1-1 du CPP

35. Il ressort des arrêts de la Cour de cassation que les dispositions de l’article 77-1-1 du CPP sont applicables aux réquisitions adressées à des opérateurs de téléphonie mobile. S’agissant de réquisitions effectuées par les policiers, dans le cadre d’une enquête préliminaire, auprès d’un opérateur de téléphonie mobile, pour réclamer des documents, notamment la liste des appels entrants et sortants d’une ligne téléphonique, sans autorisation du procureur de la République, la Cour de cassation a précisé que cette autorisation est d’ordre public (Cass. Crim., 1er septembre 2005, no 05‑84.061) et que son absence est constitutive d’une nullité.

36. De même, la Cour de cassation a censuré un arrêt qui avait jugé que l’autorisation du procureur de la République n’est pas prescrite lorsqu’un officier de police judiciaire requiert les opérateurs de téléphonie de lui indiquer si une personne est titulaire d’un abonnement et dans l’affirmative de lui communiquer ses coordonnées (Cass. crim., 6 déc. 2005, no 05‑85.076).

37. Dans un arrêt du 2 novembre 2016 (Cass. crim, no 16-82.376), elle a confirmé que l’article 77-1-1 du CPP constitue la base légale permettant une géolocalisation en temps différé par l’obtention, auprès d’un opérateur de téléphonie, d’un listing des bornes déclenchées par un téléphone portable. Elle s’est exprimée comme suit :

« Attendu qu’en l’état de ces énonciations, et dès lors que les opérations critiquées ont consisté non pas en une géolocalisation en temps réel pour suivi dynamique d’un mis en cause, seule envisagée par les dispositions des articles 230-32 et suivants précités, mais en une géolocalisation en temps différé pour reconstitution ultérieure de son parcours, régulièrement exécutée sur le fondement de l’article 77-1-1 du code de procédure pénale, la chambre de l’instruction a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions légales et conventionnelles invoquées. »

2. Jurisprudence de la Cour de cassation sur la géolocalisation en temps réel

38. Par deux arrêts du 22 octobre 2013 (Cas. crim., no13-81.949 et no 13‑81945), la Cour de cassation a jugé qu’une mesure de géolocalisation en temps réel d’un téléphone portable, « constitue une ingérence dans la vie privée dont la garantie nécessite qu’elle soit exécutée sous le contrôle d’un juge ». En application de cet attendu de principe, elle a validé les opérations de géolocalisation en temps réel lorsqu’elles sont réalisées sous le contrôle d’un juge d’instruction en application de l’article 81 du CPP. En revanche, elle a censuré les opérations de géolocalisation réalisées dans le cadre d’une enquête préliminaire diligentée par le procureur de la République, fondant sa motivation sur l’article 8 de la Convention.

C. Loi no 2014-372 du 28 mars 2014

39. La loi no 2014-372 du 28 mars 2014 relative à la géolocalisation a complété le titre IV (dispositions communes) du livre 1er du CPP (De la conduite de la politique pénale, de l’exercice de l’action publique et de l’instruction) par un chapitre V intitulé « De la géolocalisation ». Avant son adoption, un communiqué de presse en Conseil des Ministres du 23 décembre 2013 a indiqué ce qui suit :

« La garde des sceaux, ministre de la Justice, a présenté un projet de loi relatif à la géolocalisation. Ce texte vise à mettre le droit français en conformité avec les exigences posées par la Cour européenne des droits de l’homme dans son arrêt Uzun c. Allemagne du 2 septembre 2010 ainsi que la Cour de cassation dans ses arrêts du 22 octobre 2013. La géolocalisation englobe toutes les techniques permettant de localiser en continu un téléphone portable ou un objet comme un véhicule, sur lequel une balise a préalablement été posée. Mesure d’enquête indispensable à la répression de certaines formes de délinquance ou de criminalité, elle n’en porte pas moins une atteinte à la vie privée qui justifie qu’elle soit strictement encadrée par la loi. Le projet de loi vise à donner un fondement législatif strict à des pratiques qui, jusqu’alors, en étaient dépourvu, et reposaient sur des dispositions très générales du code de procédure pénale. »

40. Les articles 230-32 et suivants du CPP régissent le recours « (...) à tout moyen technique destiné à la localisation en temps réel, sur l’ensemble du territoire national, d’une personne, à l’insu de celle-ci, d’un véhicule ou de tout autre objet, sans le consentement de son propriétaire ou de son possesseur (...) ».

41. La circulaire du 1er avril 2014 précise que la loi offre un cadre juridique renouvelé (articles 230-32 à 230-44 du CPP) aux opérations de géolocalisation réalisées en temps réel, lesquelles ont pour objet de suivre à tout moment les déplacements d’un objet et le cas échéant, de la personne qui le détient. En pratique, deux techniques de géolocalisation en temps réel sont mises en œuvre lors d’une procédure pénale : le suivi dynamique d’un terminal de télécommunication ou l’utilisation d’un dispositif dédié de géolocalisation (une balise) placé sur un moyen de transport ou tout autre objet. Selon la circulaire, les articles 230-32 à 230-44 du CPP ne sont pas applicables aux opérations de géolocalisation qui permettent a posteriori, à savoir par la communication de données conservées par les opérateurs de télécommunication (date et heure de l’appel, borne déclenchée par le téléphone), ou par toute personne ou tout organisme public ou privé, de retracer les déplacements d’un objet ou d’un individu. Ces opérations continuent en effet de relever des articles 60-1, 60-2, 77-1-1 et 77-1-2 du CPP relatifs aux réquisitions judiciaires.

42. La Cour de cassation a récemment confirmé (paragraphe 37 ci‑dessus) que la géolocalisation en temps réel relève des dispositions des articles 230-32 et suivants du CPP, alors que la géolocalisation en temps différé, avec la reconstitution ultérieure d’un parcours, trouve son fondement légal dans l’article 77-1-1 du code de procédure pénale.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

43. Le requérant allègue que tant la mise en place d’un dispositif de géolocalisation sur son véhicule que la réquisition à un opérateur de téléphonie par les officiers de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République, ont porté atteinte à son droit au respect de sa vie privée. Il invoque l’article 8 de la Convention, libellé comme suit :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

44. Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.

A. Sur la recevabilité

45. Le Gouvernement conteste la recevabilité de la requête en ce qui concerne l’une des deux mesures de géolocalisation mises en place. Il soutient que le requérant a perdu sa qualité de victime, dès lors que la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a annulé la première autorisation donnée verbalement par le juge d’instruction le 10 mai 2010, dans la mesure où les enquêteurs n’avaient pas été autorisés à pénétrer dans le parking privé.

46. Le requérant soutient que sa requête est recevable. Il précise que ce n’est pas l’autorisation donnée le 10 mai 2010 par le juge d’instruction pour la mise en place d’un dispositif de surveillance qui a été annulée, mais que ce sont les actes intervenus postérieurement à l’entrée dans le parking, les policiers n’ayant pas été régulièrement autorisés à y pénétrer. Il fait valoir qu’il a été surveillé par géolocalisation pendant la durée de cette mesure même si, procéduralement il n’y a pas eu d’exploitation possible des résultats obtenus.

47. La Cour observe que le requérant a saisi la cour d’appel dans le cadre d’une « requête en annulation de pièces » au cours de la phase d’instruction. Elle constate que sa demande avait dès lors pour seule finalité d’obtenir l’annulation de cette mesure d’investigation, afin d’écarter les indices susceptibles d’établir sa culpabilité qu’elle avait permis de rassembler, et non de faire reconnaître le principe d’une violation de l’article 8 de la Convention en raison de l’atteinte que la pose de balise autorisée le 10 mai 2010 aurait portée à sa vie privée. À cette fin, le requérant a soumis à la cour d’appel trois moyens tirés respectivement de la violation de l’article 8 de la Convention, de l’absence d’autorisation donnée aux policiers de pénétrer dans le garage où se trouvait la voiture sur laquelle avait été placée la balise et, enfin, de la mise en œuvre hors du territoire national de la géolocalisation effectuée au moyen de la balise litigieuse (paragraphe 16 ci-dessus). Or, la Cour considère que les juges internes, dès lors qu’ils se sont fondés sur l’un de ces trois moyens pour donner satisfaction au requérant en prononçant l’annulation recherchée par lui, pouvaient se dispenser d’examiner les autres moyens devenus surabondants. Ainsi, dans les circonstances de l’espèce, la Cour estime que, si les autorités nationales n’ont donc pas eu à se prononcer sur la violation alléguée de l’article 8 de la Convention, elles ont, en revanche, pleinement réparé le préjudice tel qu’allégué par le requérant, faisant droit à sa requête en annulation de pièces. En effet, la Cour constate que l’autorisation du juge d’instruction du 10 mai 2010, l’apposition du dispositif de surveillance par GPS le 26 mai 2010, ainsi que les opérations subséquentes ont toutes été effectivement annulées par la cour d’appel de Paris (paragraphe 19 ci-dessus). En conséquence, au moment où le requérant a saisi la Cour sur la base de l’article 34 de la Convention, il ne pouvait plus prétendre avoir la qualité de victime. Partant, la requête est irrecevable concernant la première mesure de géolocalisation en date du 10 mai 2010.

48. Constatant que la requête, pour le surplus relatif à la deuxième mesure de géolocalisation en date du 3 juin 2010 et à la réquisition judiciaire adressée à un opérateur de téléphonie mobile, n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.

B. Sur le fond

1. Sur la géolocalisation par l’apposition d’un récepteur GPS sur le véhicule du requérant

a) Thèses des parties

i. Le requérant

49. Le requérant considère que l’utilisation d’un dispositif de géolocalisation en temps réel constitue une ingérence dans sa vie privée, d’autant plus grave qu’elle s’est doublée d’écoutes téléphoniques et de captation d’images, le soumettant ainsi à une « surveillance totale ». Il estime que cette ingérence n’avait aucune base légale en droit interne et que l’article 81 du CPP ne répondait pas aux critères de « prévisibilité » et « d’accessibilité » de la loi, tels que définis par la jurisprudence de la Cour. Il soutient qu’à la différence du droit allemand en cause dans l’arrêt Uzun c. Allemagne, (no 35623/05, CEDH 2010 (extraits)), aucun texte de droit interne ne permettait de prévoir la possibilité d’être surveillé par un GPS mis en place sur un véhicule à l’insu de son utilisateur et qu’aucune protection contre les abus de pouvoir et l’arbitraire n’était prévue.

ii. Le Gouvernement

50. Le Gouvernement ne conteste pas que la mise en place d’un dispositif de géolocalisation sur le véhicule Renault Laguna, combiné à des écoutes téléphoniques, constitue une ingérence dans la vie privée du requérant. Cependant, il estime que cette ingérence était prévue par la loi, poursuivait un but légitime et était nécessaire dans une société démocratique.

51. Il précise que si, à la date de l’arrêt rendu par la Cour de cassation, aucune disposition du CPP ne prévoyait expressément la possibilité de recourir à la géolocalisation grâce à une balise GPS, cette technique d’investigation n’en était pas moins possible sur le fondement de l’article 81 du CPP. Le Gouvernement relève en outre que l’apposition de la balise GPS n’a été autorisée par le juge d’instruction, magistrat du siège dont le statut assure l’indépendance, que pour une durée d’un mois. Il souligne également que cette surveillance a été ordonnée après que d’autres mesures d’observations eurent été mises en œuvre (surveillance visuelle par des policiers, pose de dispositifs de captation d’images, interceptions téléphoniques). Il fait valoir que l’ordonnance était particulièrement motivée, après avis du parquet, et que l’ensemble des opérations ont été actées dans un procès-verbal et qu’elles ont été effectuées sous le contrôle continu et régulier du juge. Le Gouvernement souligne que les juridictions pénales ont pu contrôler la légalité d’une telle mesure de surveillance dans le cadre de la procédure diligentée contre le requérant, ainsi que sa proportionnalité.

52. Enfin, le Gouvernement rappelle que le dispositif de géolocalisation par GPS avait pour objectifs la prévention des infractions pénales, la sécurité nationale et la sureté publique, objectifs visés par l’article 8 § 2 de la Convention.

b) Appréciation de la Cour

i. Sur l’existence d’une ingérence dans la vie privée

53. La Cour observe que la géolocalisation en temps réel constitue une technique spéciale d’enquête qui permet de suivre en direct les déplacements d’une personne ou d’un objet. Il existe deux méthodes pour y procéder : d’une part, le suivi dynamique d’un terminal de télécommunication, avec l’exploitation de la technologie propre d’un téléphone, d’une tablette ou d’un véhicule équipé d’un système GPS ; d’autre part, un dispositif matériel directement installé sur un moyen de transport ou un autre objet, à l’instar d’une balise. La Cour rappelle qu’il y a lieu de distinguer, de par sa nature même, la surveillance par géolocalisation d’autres méthodes de surveillance par des moyens visuels ou acoustiques qui, en règle générale, sont davantage susceptibles de porter atteinte au droit d’une personne au respect de sa vie privée, en ce qu’elles révèlent plus d’informations sur la conduite, les opinions ou les sentiments de la personne qui en fait l’objet (Uzun c. Allemagne, no 35623/05, § 52, CEDH 2010 (extraits)). Il n’en demeure pas moins que la Cour a déjà jugé que la surveillance d’une personne par GPS, ainsi que le traitement et l’utilisation des données ainsi obtenues, s’analysent en une ingérence dans la vie privée de cette personne, telle que protégée par l’article 8 § 1 (Uzun, précité, §§ 49-53).

54. En l’espèce, la Cour observe que la mise en place d’un dispositif de géolocalisation du véhicule utilisé par le requérant et l’exploitation des données issues de cette mesure ont permis aux enquêteurs de connaître, en temps réel, les déplacements du requérant et de savoir qu’il s’était rendu aux Pays-Bas, puis de procéder à son arrestation. De plus, elle note que cette mesure de géolocalisation était associée à la mise en place d’un dispositif technique permettant de capter, fixer, transmettre et enregistrer les conversations des personnes se trouvant dans ce véhicule, soumettant ainsi le requérant à un dispositif de surveillance particulièrement étroite.

55. Ainsi, la Cour considère que la géolocalisation par l’apposition d’un récepteur GPS sur le véhicule du requérant, ainsi que le traitement et l’utilisation des données obtenues s’analysent en une ingérence dans la vie privée de l’intéressé, telle que protégée par l’article 8 § 1 de la Convention.

ii. L’ingérence était-elle prévue par la loi ?

56. La Cour considère que les mots « prévues par la loi », au sens de l’article 8 § 2, impliquent d’abord que la mesure incriminée ait une base légale en droit interne. Pour juger de l’existence d’une telle « base légale », il y a lieu de prendre en compte non seulement les textes législatifs pertinents, mais aussi la jurisprudence (voir, notamment, Kruslin c. France, 24 avril 1990, § 29, série A no 176‑A, Huvig c. France, 24 avril 1990, § 28, série A no 176‑B, et Wisse c. France, no 71611/01, §§ 32-33, 20 décembre 2005).

57. Elle rappelle en outre que, dans l’arrêt Uzun (précité, § 64), elle a jugé que l’ingérence dans le droit au respect de la vie privée du requérant, résultant de sa surveillance par GPS, avait une base dans la législation allemande, à savoir l’article 100 c 1.1 b) du code de procédure pénale qui disposait ce qui suit :

« Il est possible, à l’insu de l’intéressé, (...) de recourir à d’autres moyens techniques spéciaux destinés à la surveillance aux fins d’enquêter sur les faits de la cause ou de localiser l’auteur d’une infraction lorsque l’enquête concerne une infraction extrêmement grave, et lorsque d’autres moyens d’enquête sur les faits de l’affaire ou de localisation de l’auteur de l’infraction ont moins de chance d’aboutir ou sont plus difficiles à mettre en œuvre (...) »

58. Or, à la différence de cette disposition du droit allemand, l’article 81 du CPP, appliqué en l’espèce, fait simplement référence à une notion de portée très générale, à savoir des « actes d’information qu’il juge utiles à la manifestation de la vérité ». Par ailleurs, la Cour rappelle qu’elle a déjà jugé, dans le cadre d’affaires relatives à des écoutes téléphoniques, que l’article 81 du CPP, même lu en combinaison avec d’autres dispositions du CPP, n’offrait pas la « prévisibilité » exigée par l’article 8 de la Convention (Kruslin, précité, §§ 34-36, et Huvig, précité, §§ 33-34). Le fait que la surveillance de déplacements par GPS constitue une ingérence moins intrusive dans la vie privée que l’interception de conversations téléphoniques (Uzun, précité, § 66), n’est pas, en soi, de nature à remettre en cause ce constat, et ce d’autant plus qu’elle s’est ajoutée à d’autres mesures d’observation (Uzun, précité, § 79). De plus, la Cour relève que l’imprécision de la loi française au moment des faits ne peut être compensée par la jurisprudence des juridictions internes, l’arrêt de la Cour de cassation, rendu en l’espèce le 22 novembre 2011, étant le premier à se prononcer sur la légalité de la géolocalisation au cours d’une information judiciaire (paragraphe 21 ci-dessus).

59. En tout état de cause, la Cour estime, à supposer que l’article 81 du CPP ait pu constituer à lui seul une base légale à la géolocalisation, que celle-ci aurait également dû satisfaire aux critères de prévisibilité et de l’existence de garanties adéquates et suffisantes contre le risque d’abus inhérent à tout système de surveillance secrète (cf. Uzun, précité §§ 60-63 et 67-73). Or, sur ce point, la Cour observe que de telles garanties ne ressortent ni des termes de l’article 81 du CPP ni de la jurisprudence interne.

60. Ces éléments suffisent à la Cour pour considérer que dans le domaine des mesures de géolocalisation, le droit français, écrit et non écrit, n’indiquait pas, au moment des faits d’espèce, avec assez de clarté l’étendue et les modalités d’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités dans le domaine considéré. Elle conclut que le requérant n’a pas joui du degré minimal de protection voulu par la prééminence du droit dans une société démocratique et qu’il y a donc eu violation de l’article 8 de de la Convention, sans qu’il soit besoin de trancher les autres conditions posées par l’article 8, à savoir que l’ingérence doit viser un but légitime et être nécessaire, dans une société démocratique.

61. Enfin, la Cour prend note que, postérieurement à la présente espèce, par une loi du 28 mars 2014, la France s’est dotée d’un dispositif législatif pour encadrer le recours à la géolocalisation et renforcer la protection du droit au respect de la vie privée. Elle relève qu’au cours de la présentation de ce projet de loi, le Gouvernement a reconnu l’absence de base légale de cette pratique par le passé et indiqué que ce projet visait précisément à donner « un fondement législatif strict à des pratiques qui, jusqu’alors, en étaient dépourvu, et reposaient sur des dispositions très générales du code de procédure pénale » (paragraphe 39 ci-dessus).

2. Sur la réquisition judiciaire à un opérateur de téléphonie mobile

a) Thèses des parties

i. Le requérant

62. Le requérant rappelle que la réquisition judiciaire du 24 juillet 2009 a permis le recueil non seulement de la liste des appels entrants et sortants de trois lignes de téléphones portables, mais également la localisation des cellules déclenchées par ces lignes téléphoniques et, par voie de conséquence, le suivi de ses déplacements. Il estime que, même si la reconstitution de ses déplacements s’est faite a posteriori, et non pas en direct comme avec la géolocalisation dynamique, le fait de recueillir ces informations auprès de l’opérateur constitue une ingérence dans sa vie privée.

63. Par ailleurs, pour le requérant, la collecte des numéros entrants et sortants, autrement dit, des contacts personnels avec qui une personne est en relation et échange des correspondances, sans le consentement de cette personne, est une intrusion ou une ingérence dans sa vie privée.

64. Il soutient que cette réquisition auprès de l’opérateur téléphonique n’était prévue ni par l’article 77-1 du CPP, qui vise les constations ou examens techniques, ni par l’article 77-1-1 du CPP, qui ne vise que la communication de documents. Il conclut que cette mesure n’avait pas de base légale et n’était pas nécessaire.

ii. Le Gouvernement

65. Le Gouvernement considère que la communication de la liste des appels entrants et sortants et l’identification des cellules déclenchées par les trois lignes téléphoniques se distinguent des opérations de géolocalisation dynamique en temps réel, en ce qu’elles ne correspondent qu’à l’obtention de données déjà détenues par les opérateurs de communications électroniques. Il estime que ces mesures techniques de remise de documents ne présentent aucun caractère coercitif, ne sont en aucune façon intrusives et ne portent pas atteinte au droit du requérant au respect de sa vie privée et de sa correspondance. Il précise, à titre subsidiaire, que cette mesure était à la fois prévue par la loi, à savoir l’article 77-1-1 du CPP, et nécessaire.

b) Appréciation de la Cour

i. Sur l’existence d’une ingérence dans la vie privée

66. La Cour rappelle que l’exploitation d’informations concernant la date et la durée des appels téléphoniques, mais aussi les numéros composés, peut poser problème au regard de l’article 8, ces éléments faisant « partie intégrante des communications téléphoniques » (Malone c. Royaume-Uni, 2 août 1984, § 84, série A no 82), même si elle se distingue par nature de l’interception des communications (P.G. et J.H. c. Royaume-Uni, no 44787/98, § 42, CEDH 2001‑IX). En tout état de cause, la collecte et la conservation, à l’insu de l’intéressé, de données à caractère personnel se rapportant à l’usage du téléphone, constituent une ingérence dans l’exercice du droit de l’intéressé au respect de sa vie privée et de sa correspondance, au sens de l’article 8 (Copland c. Royaume-Uni, no 62617/00, § 44, CEDH 2007‑I), à l’instar de l’utilisation dans un procès pénal d’une liste d’appels téléphoniques passés par l’accusé (Heglas c. République tchèque, no 5935/02, § 61, 1er mars 2007, et Previti c. Italie, no 45291/06, § 303, 8 décembre 2009).

67. La Cour observe que la réquisition du 24 juillet 2009 a permis aux enquêteurs de se voir remettre, par la société de téléphonie concernée, les documents comportant la liste des appels reçus et émis par trois lignes de téléphones portables. Elle a également permis de retracer les déplacements ou la localisation du requérant, grâce à la communication par l’opérateur des données relatives aux bornes ou cellules déclenchées par ces lignes téléphoniques. Certes cette localisation n’est intervenue qu’a posteriori. Il n’en demeure pas moins que ces facturations détaillées de lignes téléphoniques et des bornes déclenchées par ces appels téléphoniques contiennent incontestablement des données personnelles relevant de la vie privée du requérant et touchent également au secret de ses correspondances.

68. Partant, la Cour considère que la réquisition judiciaire, en vertu de laquelle ces documents ont été communiqués aux enquêteurs et exploités, a constitué une ingérence d’une autorité publique dans le droit de l’intéressé au respect de sa vie privée.

ii. L’ingérence était-elle prévue par la loi ?

69. La Cour a déjà rappelé ce qu’implique l’expression « prévue par la loi », selon sa jurisprudence constante (paragraphes 56 et 59 ci-dessus). Elle observe que la réquisition du 24 juillet 2009 a été délivrée, dans le cadre de l’enquête préliminaire, par un officier de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République, sur le fondement de l’article 77‑1-1 du code de procédure pénale (paragraphes 31-33 ci-dessus).

70. La question se pose dès lors de savoir si, comme le fait valoir le requérant, cette réquisition allait au-delà de la simple remise de documents. La juridiction interne a répondu par la négative, considérant que l’article 77‑1-1 s’étendait à la mesure litigieuse (paragraphe 21 ci-dessus). La Cour relève que ce texte, introduit par les lois des 18 mars 2003 et 9 mars 2004, permet au procureur ou aux enquêteurs, sur l’autorisation du premier, d’exiger des établissements, organismes, personnes, institutions et administrations, pour les besoins de l’enquête, la délivrance de documents en leur possession. Ces documents peuvent être issus d’un système informatique ou d’un traitement de données nominatives. Le principe est que les personnes requises sur le fondement de ce texte sont tenues de s’exécuter sous peine d’amende.

71. En l’espèce, la mesure en cause avait pour objet d’obtenir la communication de documents retraçant des données (appels émis et reçus, cellules déclenchées) déjà enregistrées par le système informatique de l’opérateur de téléphonie mobile. Aux yeux de la Cour, cette demande entrait dans le champ d’application de l’article 77-1-1 du CPP et était prévue par la loi.

72. Concernant la qualité de la loi, et plus spécialement sa prévisibilité, il ne saurait être fait reproche à la loi de ne pas dresser une liste exhaustive de l’ensemble des documents susceptibles d’être requis lors d’une enquête, compte tenu du caractère général inhérent à toute règle normative. La Cour relève, par ailleurs, qu’il ressort cette fois de la jurisprudence de la Cour de cassation (paragraphes 35-37 ci-dessus) que l’article 77-1-1 du CPP est couramment utilisé pour requérir auprès des opérateurs téléphoniques des données personnelles ne touchant pas au contenu des communications.

73. En outre, la Cour constate que cette loi prévoit également des garanties contre l’arbitraire. D’une part, dans le cadre d’une enquête préliminaire, les réquisitions prises par un officier de police judiciaire sur le fondement de l’article 77-1-1 sont soumises à l’autorisation préalable d’un magistrat du parquet. La Cour note d’ailleurs qu’il ne peut être dérogé à cette obligation sous peine de nullité de l’acte (paragraphes 35-36 ci‑dessus). D’autre part, de telles réquisitions judiciaires sont susceptibles d’un contrôle juridictionnel. Dans la procédure pénale ultérieure menée contre la personne concernée, les juridictions pénales peuvent contrôler la légalité d’une telle mesure et, si celle-ci est jugée illégale, elles ont la faculté d’exclure du procès les éléments ainsi obtenus. Un tel contrôle a d’ailleurs été effectué en l’espèce (paragraphes 17 et 20-21 ci-dessus).

74. La Cour observe néanmoins que les garanties prévues par l’article 77‑1-1 du CPP sont moins substantielles que celles désormais prévues par la loi du 28 mars 2014 relative à la géolocalisation, le législateur français, suivi par la jurisprudence, ayant expressément exclu du champ d’application de la loi du 28 mars 2014 les mesures ne constituant pas des opérations de géolocalisation réalisées en temps réel (paragraphes 37 à 42 ci‑dessus). À cet égard, la Cour considère qu’il est pertinent de distinguer les méthodes d’investigations permettant de géolocaliser une personne a posteriori de celles qui permettent de la géolocaliser en temps réel, ces dernières étant davantage susceptibles de porter atteinte au droit d’une personne au respect de sa vie privée. En effet, la communication de la liste des cellules déclenchées par une ligne téléphonique permet certes de connaître, a posteriori, le positionnement géographique passé de l’utilisateur de cette ligne. Mais il s’agit de la transmission à l’autorité judiciaire de données existantes et conservées par un organisme public ou privé et non de la mise en place d’un dispositif de surveillance, consistant à repérer spécifiquement les déplacements qu’une personne est en train de réaliser, par le biais d’un suivi dynamique d’une ligne téléphonique ou au moyen de la pose d’une balise sur un véhicule.

75. Ainsi, aux yeux de la Cour, le cadre législatif pertinent autorisait et encadrait la réquisition judiciaire du 24 juillet 2009. Le requérant n’a pas manqué d’indications suffisantes pour lui permettre de savoir dans quelles circonstances et sous quelles conditions les autorités publiques étaient habilitées à avoir recours à une telle mesure.

76. Eu égard à ce qui précède, la Cour conclut que la mesure en question était prévue par la loi.

iii. L’ingérence poursuivait-elle un but légitime et était-elle nécessaire dans une société démocratique ?

77. La Cour observe que la réquisition adressée à l’opérateur de téléphonie mobile visait à permettre la manifestation de la vérité dans le cadre d’une procédure pénale relative à des faits d’importation de stupéfiants en bande organisée, d’association de malfaiteurs et de blanchiment. Cette mesure tendait donc à la défense de l’ordre, à la prévention des infractions pénales ainsi qu’à la protection de la santé publique et poursuivait ainsi des buts légitimes.

78. Sur le point de savoir si la communication de la liste des appels entrants et sortants de trois lignes téléphoniques et de la liste des cellules qu’elles ont déclenchées était « nécessaire dans une société démocratique », la Cour rappelle que la notion de nécessité implique que l’ingérence corresponde à un besoin social impérieux et, en particulier, qu’elle soit proportionnée au but légitime poursuivi (Uzun, précité, §§ 78-79).

79. Or, en l’espèce, ces réquisitions étaient nécessaires pour démanteler un trafic de stupéfiants de grande ampleur, mettant en cause de nombreux individus, agissant de manière cachée et illicite, et en lien avec des réseaux étrangers. Par ailleurs, les informations obtenues par le biais de ces réquisitions ont été obtenues et utilisées dans le cadre d’une enquête et d’un procès pénal au cours duquel, ainsi que la Cour l’a déjà relevé (paragraphe 73 ci-dessus), le requérant a bénéficié d’un « contrôle effectif » tel que voulu par la prééminence du droit et apte à limiter l’ingérence litigieuse à ce qui était « nécessaire dans une société démocratique ».

80. Ces éléments suffisent à la Cour pour conclure que la réquisition judiciaire à un opérateur de téléphonie mobile n’a pas violé l’article 8 de la Convention.

II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

81. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

82. Le requérant réclame 40 000 euros (EUR) au titre du préjudice matériel et moral qu’il estime avoir subi.

83. Le Gouvernement est d’avis que ce préjudice est estimé de façon forfaitaire, arbitraire et disproportionnée, et qu’aucun justificatif n’est produit au soutien de cette demande. Il estime que le constat d’un manquement aux exigences de l’article 8 de la Convention constituerait une satisfaction équitable suffisante.

84. La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. Elle considère que, dans les circonstances de la cause, le constat d’un manquement aux exigences de l’article 8 fournit au requérant une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral subi.

B. Frais et dépens

85. Le requérant demande également 10 000 EUR pour les frais et dépens engagés, soit la somme de 5 216 EUR correspondant aux frais et dépens engagés devant les juridictions internes et celle de 4 784 EUR pour ceux engagés devant la Cour.

86. Le Gouvernement propose la somme de 4 784 EUR, considérant que seuls ces frais et dépens sont établis dans leur réalité par le requérant.

87. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, le requérant ne produit qu’une seule facture correspondant aux frais d’honoraires qu’il a réglés dans le cadre de la procédure devant la Cour. Dans cette situation, compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour rejette la demande relative aux frais et dépens de la procédure nationale. Un seul des griefs soulevés ayant conduit au constat d’une violation, elle estime raisonnable la somme de 3 500 EUR pour la procédure devant la Cour et l’accorde au requérant.

C. Intérêts moratoires

88. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés de l’article 8 et relatifs à la mesure de géolocalisation du 3 juin 2010 et à la réquisition judiciaire du 24 juillet 2009, et irrecevable pour le surplus ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention s’agissant de la mesure de géolocalisation du 3 juin 2010 par apposition d’un récepteur GPS sur le véhicule du requérant ;

3. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention s’agissant de la réquisition judiciaire adressée à un opérateur de téléphonie mobile le 24 juillet 2009 ;

4. Dit que le constat d’une violation fournit en soi une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral subi par le requérant ;

5. Dit

a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, la somme suivante, au taux applicable à la date du règlement :

- 3 500 EUR (trois mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû par le requérant à titre d’impôt, pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

6. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 8 février 2018, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Claudia WesterdiekAngelika Nußberger
GreffièrePrésidente


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