La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/02/2014 | CEDH | N°001-141173

CEDH | CEDH, AFFAIRE AVOTIŅŠ c. LETTONIE, 2014, 001-141173


QUATRIÈME SECTION

AFFAIRE AVOTIŅŠ c. LETTONIE

(Requête no 17502/07)

ARRÊT

STRASBOURG

25 février 2014

CETTE AFFAIRE A ÉTÉ RENVOYÉE DEVANT LA GRANDE CHAMBRE, QUI A RENDU SON ARRÊT LE 23/05/2016

Cet arrêt peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Avotiņš c. Lettonie,

La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :

Päivi Hirvelä, présidente,
Ineta Ziemele,
George Nicolaou,
Ledi Bianku,
Zdravka Kalaydjieva,
Vin

cent A. De Gaetano,
Krzysztof Wojtyczek, juges,
et de Françoise Elens-Passos, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les ...

QUATRIÈME SECTION

AFFAIRE AVOTIŅŠ c. LETTONIE

(Requête no 17502/07)

ARRÊT

STRASBOURG

25 février 2014

CETTE AFFAIRE A ÉTÉ RENVOYÉE DEVANT LA GRANDE CHAMBRE, QUI A RENDU SON ARRÊT LE 23/05/2016

Cet arrêt peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Avotiņš c. Lettonie,

La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :

Päivi Hirvelä, présidente,
Ineta Ziemele,
George Nicolaou,
Ledi Bianku,
Zdravka Kalaydjieva,
Vincent A. De Gaetano,
Krzysztof Wojtyczek, juges,
et de Françoise Elens-Passos, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 3 septembre 2013, 14 et 28 janvier 2014,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 17502/07) initialement dirigée contre la République de Chypre et la République de Lettonie et dont un ressortissant letton, M. Pēteris Avotiņš (« le requérant »), a saisi la Cour le 20 février 2007 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant a été représenté par Me J. Eglītis, avocat à Riga. Le gouvernement letton (« le Gouvernement ») était représenté initialement par son agente, Mme I. Reine, puis par son agente actuelle, Mme K. Līce.

3. Le requérant alléguait en particulier qu’une juridiction chypriote l’avait condamné au paiement d’une dette contractuelle sans le citer correctement et sans assurer l’exercice de ses droits de la défense. Il se plaignait également qu’en ordonnant l’exécution de cet arrêt en Lettonie, le tribunal letton compétent avait enfreint son droit à un procès équitable, garanti par l’article 6 § 1 de la Convention.

4. Par une décision partielle du 30 mars 2010, la Cour (troisième section) a déclaré la requête irrecevable pour autant qu’elle était dirigée contre Chypre, et ce, pour non-respect du délai de six mois (article 35 § 1 de la Convention). Dans la mesure où la requête concernait la Lettonie, la Cour décida de communiquer au Gouvernement le grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention, et de déclarer la requête irrecevable pour le surplus. Par la suite, tant le requérant que le Gouvernement ont déposé des observations écrites sur la recevabilité et le fond de l’affaire (article 54 § 2 b) du règlement).

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

A. Procédure devant le tribunal de district de Limassol

5. Le 4 mai 1999, le requérant et F.H.Ltd., une société commerciale de droit chypriote, signèrent un acte notarié de reconnaissance de dette (acknowledgment of debt deed). Par cet acte, le requérant déclarait emprunter 100 000 dollars américains (USD) à F.H.Ltd. et s’engageait à rembourser ce montant, augmenté d’intérêts, avant le 30 juin de la même année. L’acte contenait aussi des clauses de choix de loi et de for, selon lesquelles il devait être régi « à tous les égards » par la loi chypriote, et la compétence non exclusive pour connaître de tous les litiges résultant de cet acte était accordée aux tribunaux chypriotes.

6. En 2003, F.H.Ltd. assigna le requérant devant le tribunal de district de Limassol (Επαρχιακό Δικαστήριο Λεμεσού, Chypre), déclarant qu’il n’avait pas remboursé la dette susmentionnée, et demandant sa condamnation au paiement de la dette et des intérêts.

7. Par une ordonnance du 27 juin 2003, le tribunal de district somma le requérant à comparaître devant elle. Puisque le requérant ne résidait pas à Chypre, le 11 septembre 2003, F.H.Ltd. saisit le même tribunal d’une requête ex parte, lui demandant d’arrêter une nouvelle ordonnance qui permettrait de citer le requérant en dehors de Chypre et de fixer le délai de sa comparution à trente jours à compter de la délivrance de la citation. À cet égard, l’avocat de la société demanderesse fournit un affidavit (déclaration écrite sous serment) déclarant que le lieu de résidence habituelle du défendeur se trouvait rue G., à Riga, et qu’il pouvait effectivement être cité à cette adresse. Pour sa part, le requérant soutient qu’il ne pouvait objectivement pas recevoir la citation à l’adresse en question, car il s’agissait tout simplement de l’adresse où il avait signé le contrat de prêt et l’acte de reconnaissance de sa dette en 1999, et non de son domicile personnel ou professionnel.

8. Le 7 octobre 2003, le tribunal de district de Limassol ordonna la citation du requérant à l’adresse susmentionnée. Il le somma à comparaître ou à se manifester dans les trente jours suivant la réception de la citation, faute de quoi toutes les annonces concernant l’affaire seraient dorénavant affichées sur le panneau d’annonces du tribunal. Il ressort d’un affidavit fourni par une employée du cabinet d’avocats qui représentait F.H.Ltd., que, conformément à l’ordonnance du tribunal, la citation fut envoyée à l’adresse située rue G., à Riga, le 16 novembre 2003, sous pli recommandé. De même, il en ressort que le cabinet a reçu un bordereau postal attestant la réception de ce courrier par le requérant le 18 novembre 2003 (la fête nationale lettonne, donc un jour férié en Lettonie). Le requérant affirme qu’il n’a jamais reçu la citation.

9. Le requérant n’ayant pas comparu, le tribunal de district de Limassol, statuant en son absence le 24 mai 2004, le condamna à payer à la demanderesse 100 000 USD, ou une somme équivalente en livres chypriotes (CYP), plus les intérêts de dix pour cent du montant susmentionné par an, à compter du 30 juin 1999 et jusqu’au règlement de la dette. Le requérant fut également condamné aux frais et dépens, dont le montant brut s’élevait à 699,50 CYP, plus les intérêts de huit pour cent par an de cette somme. Aux termes du jugement, dont le texte fut mis au net le 3 juin 2004, le requérant avait été dûment informé de la tenue de l’audience mais n’avait pas comparu. Le jugement lui-même ne contenait aucune mention quant à son caractère définitif et aux voies de recours disponibles à son encontre.

B. Procédure en reconnaissance et en exécution devant les juridictions lettonnes

10. Le 22 février 2005, F.H.Ltd. saisit le tribunal de première instance de l’arrondissement de Latgale de la ville de Riga (Rīgas pilsētas Latgales priekšpilsētas tiesa, Lettonie) d’une demande de reconnaissance et d’exécution du jugement du 24 mai 2004. Dans sa demande, la société demanderesse requit également l’application d’une mesure conservatoire. Elle indiqua que le requérant était propriétaire de biens immobiliers sis à Garkalne (district de Riga), qui, d’après le registre foncier, étaient déjà grevés d’une hypothèque au profit d’une banque ; par conséquent, par peur que l’intéressé ne cherchât à se soustraire à l’exécution du jugement, elle demanda au tribunal d’appliquer à ces biens une hypothèque conservatoire et de l’inscrire au livre foncier. Enfin, elle demanda de condamner le requérant aux dépens. Dans sa demande, F.H.Ltd. mentionna, en tant que lieu de résidence du requérant, une adresse située à Riga, rue Č., mais différente de celle qui avait été précédemment communiquée au tribunal chypriote.

11. Le 28 avril 2005, le tribunal de l’arrondissement de Latgale suspendit l’examen de la demande de F.H.Ltd., tout en indiquant une série de défauts de contenu de cette demande que la société demanderesse devait corriger dans le délai d’un mois. En particulier, il constata que la demanderesse avait omis d’expliquer d’où provenait l’adresse située rue Č., alors que le domicile présumé du requérant qui avait jusqu’alors figuré dans l’affaire était situé rue G.

12. Le 26 mai 2005, F.H.Ltd. déposa un acte rectificatif dans lequel elle expliqua, entre autres, que, d’après les données fournies par le registre des résidents (Iedzīvotāju reģistrs), l’adresse située rue Č. était le domicile officiellement déclaré du requérant. Quant à l’autre adresse, située rue G., les représentants de la société demanderesse avaient présumé qu’il s’agissait de la résidence de fait du requérant.

13. Par une ordonnance du 31 mai 2005, le tribunal de l’arrondissement de Latgale jugea l’acte rectificatif déposé par F.H.Ltd. insuffisant pour réparer tous les défauts de sa demande, refusa de l’examiner et la renvoya à la demanderesse. Celle-ci forma un recours devant la cour régionale de Riga (Rīgas apgabaltiesa) qui, le 23 janvier 2006, annula l’ordonnance entreprise, renvoya l’affaire devant le tribunal de l’arrondissement et lui enjoignit d’examiner la demande de reconnaissance et d’exécution telle que rectifiée par l’acte du 26 mai 2005.

14. Par une ordonnance du 27 février 2006, arrêtée en l’absence des parties, le tribunal de l’arrondissement de Latgale fit droit à la demande de F.H.Ltd. dans son intégralité. Elle ordonna la reconnaissance et l’exécution du jugement du tribunal de district de Limassol du 24 mai 2004, ainsi que l’inscription, au livre foncier de la commune de Garkalne, d’une hypothèque conservatoire grevant les biens du requérant situés dans cette commune. En outre, le requérant fut condamné aux dépens.

15. Ce ne fut que le 16 juin 2006 que le requérant apprit – par hasard, selon lui – l’existence tant du jugement du tribunal chypriote du 24 mai 2004 que de l’ordonnance du tribunal letton du 27 février 2006. Il ne tenta pas de contester le jugement chypriote devant les instances chypriotes. En revanche, il saisit la cour régionale de Riga d’un recours dit complémentaire (blakus sūdzība) contre l’ordonnance susmentionnée, tout en demandant au tribunal de l’arrondissement de Latgale de proroger le délai de ce recours. À cet égard, le requérant fit remarquer qu’aucune pièce du dossier n’attestait le fait qu’il aurait été cité à l’audience du 27 février 2006 ou que l’ordonnance arrêtée ce jour-là lui aurait été communiquée ; dès lors, le délai de trente jours fixé par la loi sur la procédure civile devait commencer à courir à partir du 16 juin 2006, date à laquelle il avait pris connaissance de l’ordonnance litigieuse.

16. Par une ordonnance du 13 juillet 2006, le tribunal de l’arrondissement de Latgale accueillit la demande du requérant et prorogea le délai de recours. Il releva notamment :

« (...) Il ressort de l’ordonnance du tribunal du 27 février 2006 que la question de reconnaissance et d’exécution du jugement étranger a été tranchée en l’absence des parties, sur la base des documents fournis par la demanderesse, [F.H.Ltd.]. En même temps, l’ordonnance indique que le requérant peut l’attaquer par voie d’un recours dans un délai de trente jours à compter de la date de réception de la copie [de ladite ordonnance], comme le veut l’article 641 § 2 de la loi sur la procédure civile.

Le tribunal estime fondées les circonstances indiquées par le requérant, P. Avotiņš, à savoir le fait qu’il n’a reçu l’ordonnance (...) du 27 février 2006 que le 16 juin 2006, ce fait étant attesté par la mention dans la liste de consultations [attachée au dossier], ainsi que par le fait que l’ordonnance, notifiée [au requérant] par le tribunal, a été retournée le 10 avril 2006 (...). Il ressort des pièces annexées au recours que le requérant n’habite plus à l’adresse déclarée rue [Č.] depuis le 1er mai 2004 ; cela confirme (...) les explications de son représentant à l’audience, selon lesquelles le requérant n’habite plus à l’adresse susmentionnée.

Dès lors, il y a lieu de conclure que le délai de trente jours (...) court à partir de la date où le requérant a reçu l’ordonnance en question (...).

En même temps, le tribunal estime mal fondé l’avis de la représentante de [F.H.Ltd.], selon lequel le requérant serait lui-même responsable pour ne pas avoir reçu la correspondance, car il n’aurait pas promptement déclaré son domicile, et qu’il n’y aurait donc pas lieu de proroger le délai [de recours]. En effet, le fait de ne pas avoir rempli les exigences de la loi relatives à l’enregistrement du domicile n’est pas suffisant pour justifier les conséquences qui pourraient se produire si le tribunal venait à refuser au requérant l’exercice des droits fondamentaux garantis par l’État en matière d’accès aux tribunaux et de protection judiciaire, y compris le droit de faire appel d’une décision. (...) »

17. Dans son mémoire de recours adressé à la cour régionale de Riga, le requérant fit valoir que la reconnaissance et l’exécution du jugement chypriote en Lettonie enfreignaient le règlement no 44/2001 du Conseil de l’Union européenne du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (dit le « Règlement de Bruxelles I », ci-après le « Règlement »), ainsi que les dispositions pertinentes de la loi lettonne sur la procédure civile. À cet égard, il souleva deux moyens.

18. En premier lieu, le requérant rappela qu’aux termes de l’article 34, point 2, du Règlement (correspondant en substance à l’article 637 § 2, point 3, de la loi lettonne sur la procédure civile), une décision provenant d’un autre État membre ne peut pas être reconnue si l’acte introductif d’instance n’a pas été notifié au défendeur défaillant en temps utile et de telle manière qu’il puisse se défendre. Or, selon lui, ces dispositions avaient été violées dans son affaire. Le requérant soutint que tant les avocats chypriotes ayant représenté la société demanderesse devant le tribunal de district de Limassol que les avocats lettons qui la représentaient devant les juridictions lettonnes connaissaient très bien son adresse professionnelle à Riga. À cet égard, il fit valoir qu’il avait eu des contacts professionnels avec les avocats chypriotes et que ceux-ci l’avaient appelé au téléphone et lui avaient envoyé des télécopies à son bureau ; quant aux avocats lettons, il les avait personnellement rencontrés. Dès lors, ni les uns ni les autres ne pouvaient ignorer son adresse professionnelle. En outre, le requérant aurait pu être cité à son adresse privée à Garkalne, car il y avait un domicile officiellement déclaré conformément à la loi, et les biens immobiliers qu’il y possédait étaient inscrits à son nom au registre foncier que les avocats auraient pu consulter. Toutefois, au lieu de le citer à l’une de ces adresses, connues ou accessibles, les avocats avaient communiqué aux tribunaux une adresse où il ne pouvait objectivement pas être cité.

19. En deuxième lieu, le requérant rappela qu’aux termes des articles 38 § 1 du Règlement et 637 § 2, point 2, de la loi sur la procédure civile, une décision doit être exécutoire dans l’État d’origine pour l’être dans l’État requis. Or, en l’espèce, ces exigences avaient été méconnues à triple titre. Premièrement, la partie demanderesse n’avait soumis au tribunal letton que le texte du jugement du tribunal chypriote, mais non un certificat requis par l’annexe V du Règlement. À cet égard, le requérant reconnut que l’article 55 § 1 du Règlement autorisait, dans certains cas, la juridiction requise à dispenser la partie demanderesse de son obligation de produire le certificat ; cependant, en l’occurrence, le tribunal de l’arrondissement de Latgale avait omis d’expliquer si et pour quelle raison elle estimait que la demanderesse pouvait être dispensée de cette obligation. Deuxièmement, le jugement chypriote lui-même ne comportait aucune mention de son entrée en vigueur et des voies éventuelles de recours. Troisièmement, pour être exécuté conformément au Règlement, un jugement doit être exécutoire dans le pays émetteur ; toutefois, aucune pièce produite par la société demanderesse n’attestait que le jugement du 24 mai 2004 serait exécutoire à Chypre. Dans ces circonstances, le requérant conclut que ce jugement ne pouvait en aucun cas être reconnu et exécuté en Lettonie.

20. Par un arrêt du 2 octobre 2006, la cour régionale estima fondés les moyens soulevés par le requérant, infirma l’ordonnance entreprise et rejeta la demande de reconnaissance et d’exécution du jugement chypriote.

21. F.H.Ltd. attaqua cet arrêt par voie d’un recours devant le sénat de la Cour suprême, qui l’examina à l’audience du 31 janvier 2007. Au début de l’audience, la partie demanderesse soumit au sénat copies de plusieurs documents et notamment le certificat prévu à l’article 54 et à l’annexe V du Règlement, portant la date du 18 janvier 2007 et signé par un juge temporaire du tribunal de district de Limassol. Selon ce certificat, l’acte introductif d’instance avait été signifié au requérant le 27 novembre 2003. Quant au champ final du certificat, destiné à recueillir le nom de la personne contre laquelle la décision judiciaire est exécutoire, il avait été laissé vide. Invité à s’exprimer sur ces pièces, l’avocat du requérant soutint qu’elles étaient manifestement insuffisantes pour rendre le jugement exécutoire.

22. Par un arrêt définitif du 31 janvier 2007, le sénat cassa et annula l’arrêt de la cour régionale du 2 octobre 2006 et fit droit à la demande de F.H.Ltd. Il ordonna la reconnaissance et l’exécution du jugement chypriote, ainsi que l’inscription au livre foncier d’une hypothèque conservatoire au regard des biens immobiliers du requérant se trouvant à Garkalne. Les passages pertinents de cet arrêt se lisent ainsi :

« (...) Il ressort des pièces du dossier que le jugement du tribunal de Limassol est devenu définitif. Cela est confirmé par les explications des deux parties à l’audience de la cour régionale du 2 octobre 2006, d’après lesquelles ce jugement n’a pas fait l’objet d’un appel, ainsi que par le certificat délivré le 18 janvier 2007 (...). [Le requérant] n’ayant pas fait appel du jugement, les arguments de son avocat selon lesquels [il] ne se serait pas vu dûment notifier l’examen de l’affaire par un tribunal étranger, n’ont aucune importance.

Eu égard à ce qui précède, le sénat reconnaît que le jugement du tribunal de Limassol (Chypre) du 24 mai 2004 doit être reconnu et exécuté dans l’État letton.

L’article 36 du règlement prévoit que la décision étrangère ne peut en aucun cas faire l’objet d’une révision au fond ; et, conformément à l’article 644 § 1 de la loi sur la procédure civile, une fois reconnue, elle est exécutée selon les modalités prévues par la même loi. (...) »

23. Sur la base de l’arrêt du sénat, le 14 février 2007, le tribunal de l’arrondissement de Latgale délivra un titre exécutoire (izpildu raksts). Le requérant se conforma aussitôt à ses termes et versa à l’huissier de justice engagé par la société demanderesse une somme totale de 90 244,62 LVL (soit environ 129 000 euros (EUR)), dont 84 366,04 LVL pour la dette principale et 5 878,58 LVL au titre des frais d’exécution. Il demanda alors la levée de l’hypothèque conservatoire grevant ses biens situés à Garkalne. Par deux ordonnances du 24 janvier 2008, le juge des livres fonciers (Zemesgrāmatu nodaļas tiesnesis) refusa de faire droit à cette demande. Le requérant forma alors un pourvoi devant le sénat de la Cour suprême qui, par une ordonnance du 14 mai 2008, leva l’hypothèque.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE PERTINENTS

A. Les éléments pertinents du droit de l’Union européenne

1. Règlement no 44/2001

24. Le règlement (CE) no 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (le « Règlement de Bruxelles I ») est entré en vigueur le 1er mars 2002, remplaçant la Convention de Bruxelles concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale du 27 septembre 1968. Il lie tous les États membres de l’Union européenne sauf le Danemark. Les seizième à dix-huitième considérants de ce règlement énoncent:

« (16) La confiance réciproque dans la justice au sein de la Communauté justifie que les décisions rendues dans un État membre soient reconnues de plein droit, sans qu’il soit nécessaire, sauf en cas de contestation, de recourir à aucune procédure.

(17) Cette même confiance réciproque justifie que la procédure visant à rendre exécutoire, dans un État membre, une décision rendue dans un autre État membre soit efficace et rapide. À cette fin, la déclaration relative à la force exécutoire d’une décision devrait être délivrée de manière quasi automatique, après un simple contrôle formel des documents fournis, sans qu’il soit possible pour la juridiction de soulever d’office un des motifs de non-exécution prévus par le présent règlement.

(18) Le respect des droits de la défense impose toutefois que le défendeur puisse, le cas échéant, former un recours, examiné de façon contradictoire, contre la déclaration constatant la force exécutoire, s’il considère qu’un des motifs de non-exécution est établi. Une faculté de recours doit également être reconnue au requérant si la déclaration constatant la force exécutoire a été refusée. »

25. Les articles pertinents de ce texte se lisent ainsi :

Article 33

« 1. Les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres, sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure.

2. En cas de contestation, toute partie intéressée qui invoque la reconnaissance à titre principal peut faire constater, selon les procédures prévues aux sections 2 et 3 du présent chapitre, que la décision doit être reconnue.

(...) »

Article 34

« Une décision n’est pas reconnue si:

(...)

2) l’acte introductif d’instance ou un acte équivalent n’a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant en temps utile et de telle manière qu’il puisse se défendre, à moins qu’il n’ait pas exercé de recours à l’encontre de la décision alors qu’il était en mesure de le faire;

(...) »

Article 35

« 1. De même, les décisions ne sont pas reconnues si les dispositions des sections 3, 4 et 6 du chapitre II ont été méconnues, ainsi que dans le cas prévu à l’article 72.

2. Lors de l’appréciation des compétences mentionnées au paragraphe précédent, l’autorité requise est liée par les constatations de fait sur lesquelles la juridiction de l’État membre d’origine a fondé sa compétence.

3. Sans préjudice des dispositions du paragraphe 1, il ne peut être procédé au contrôle de la compétence des juridictions de l’État membre d’origine. (...) »

Article 36

« En aucun cas, la décision étrangère ne peut faire l’objet d’une révision au fond. »

Article 38 § 1

« Les décisions rendues dans un État membre et qui y sont exécutoires sont mises à exécution dans un autre État membre après y avoir été déclarées exécutoires sur requête de toute partie intéressée. »

Article 54

« La juridiction ou l’autorité compétente d’un État membre dans lequel une décision a été rendue délivre, à la requête de toute partie intéressée, un certificat en utilisant le formulaire dont le modèle figure à l’annexe V du présent règlement. »

2. Jurisprudence pertinente de la Cour de justice des Communautés européennes (de l’Union européenne)

26. Dans l’affaire Klomps c. Michel (affaire 166/80, arrêt du 16 juin 1981, Rec.p. 1593), la Cour de justice a précisé l’étendue des garanties de l’article 27, point 2, de la Convention de Bruxelles (correspondant à l’article 34, point 2, du Règlement de Bruxelles I). Elle a jugé que cette disposition restait applicable dans une situation où le défendeur avait fait opposition contre un jugement rendu par défaut et où la juridiction compétente du pays d’origine avait déclaré l’opposition irrecevable au motif que le délai pour faire opposition était expiré. En outre, même lorsqu’un tribunal de l’État d’origine avait décidé, à la suite d’une procédure contradictoire séparée, que la signification ou la notification était régulière, la disposition précitée exigeait que le juge requis examinât, néanmoins, la question de savoir si cette signification ou notification avait été faite en temps utile pour que le défendeur pût se défendre.

27. Dans l’arrêt ASML Netherlands BV c. Semiconductor Industry Services GmbH (SEMIS)(affaire C-283/05, arrêt du 14 décembre 2006, Rec.p. I-12041), la Cour de justice a jugé que « l’article 34, point 2, du règlement no 44/2001 doit être interprété en ce sens qu’un défendeur ne saurait être «en mesure» d’exercer un recours contre une décision rendue par défaut à son encontre que s’il a eu effectivement connaissance du contenu de celle-ci, par voie de signification ou de notification effectuée en temps utile pour lui permettre de se défendre devant le juge de l’État d’origine. »

28. Dans l’affaire Apostolides c. Orams (affaire C-420/07, arrêt du 28 avril 2009), la Cour de justice a déclaré :

« 73. (...) [I]l ressort des seizième à dix-huitième considérants du règlement no 44/2001 que le système de recours qu’il prévoit à l’encontre de la reconnaissance ou de l’exécution d’une décision vise à établir un juste équilibre entre, d’une part, la confiance réciproque dans la justice au sein de l’Union, qui justifie que les décisions rendues dans un État membre soient, en principe, reconnues et déclarées exécutoires de plein droit dans un autre État membre, et, d’autre part, le respect des droits de la défense, qui impose que le défendeur puisse, le cas échéant, former un recours, examiné de façon contradictoire, contre la déclaration constatant la force exécutoire, s’il considère que l’un des motifs de non-exécution est établi.

74. La Cour a eu l’occasion, dans son arrêt du 14 décembre 2006, ASML (C‑283/05, Rec. p. I‑12041), de souligner les différences entre l’article 34, point 2, du règlement no 44/2001 et l’article 27, point 2, de la convention du 27 septembre 1968, concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (...).

75. Ledit article 34, point 2, à la différence dudit article 27, point 2, requiert non pas nécessairement la régularité de la signification ou de la notification de l’acte introductif d’instance, mais plutôt le respect effectif des droits de la défense (...).

76. En effet, aux termes des articles 34, point 2, et 45, paragraphe 1, du règlement no 44/2001, la reconnaissance ou l’exécution d’une décision rendue par défaut doit être refusée, en cas de recours, si l’acte introductif d’instance ou un acte équivalent n’a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant en temps utile et de telle manière qu’il puisse se défendre, à moins que ce dernier n’ait pas exercé de recours à l’encontre de cette décision devant les juridictions de l’État membre d’origine alors qu’il était en mesure de le faire.

77. Il ressort du libellé desdites dispositions qu’une décision rendue par défaut sur la base d’un acte introductif d’instance non signifié au défendeur défaillant en temps utile et de telle manière qu’il puisse se défendre doit être reconnue si ce dernier n’a pas pris l’initiative d’introduire un recours contre ce jugement, alors qu’il était en mesure de le faire.

(...)

80. Au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la (...) question [préjudicielle] que la reconnaissance ou l’exécution d’une décision prononcée par défaut ne peuvent pas être refusées au titre de l’article 34, point 2, du règlement no 44/2001 lorsque le défendeur a pu exercer un recours contre la décision rendue par défaut et que ce recours lui a permis de faire valoir que l’acte introductif d’instance ou l’acte équivalent ne lui avait pas été signifié ou notifié en temps utile et de telle manière qu’il puisse se défendre. »

29. Enfin, dans l’affaire Trade Agency Ltd c. Seramico Investments Ltd (affaire C-619/10, arrêt du 6 septembre 2012), la Cour de justice (devenue Cour de justice de l’Union européenne suite à l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009), a déclaré que « l’article 34, point 2, du règlement no 44/2001(...) doit être interprété en ce sens que, lorsque le défendeur forme un recours contre la déclaration constatant la force exécutoire d’une décision rendue par défaut dans l’État membre d’origine et accompagnée du certificat, en faisant valoir qu’il n’avait pas reçu notification de l’acte introductif d’instance, le juge de l’État membre requis, saisi dudit recours, est compétent pour vérifier la concordance entre les informations figurant dans ledit certificat et les preuves. »

B. Le droit interne pertinent

30. À l’époque des faits, les articles pertinents de la loi lettonne sur la procédure civile (Civilprocesa likums) étaient ainsi libellés :

Article 637 § 2

« Une décision étrangère n’est pas reconnue que s’il existe l’une des raisons suivantes de non-reconnaissance :

(...)

2) la décision étrangère n’est pas devenue exécutoire conformément à la loi ;

3) le défendeur n’a pas pu défendre ses droits, notamment lorsque le défendeur défaillant n’a pas été dûment et promptement cité à comparaître devant le tribunal, à moins que ce défendeur n’ait pas exercé de recours à l’encontre de cette décision alors qu’il était en mesure de le faire;

(...) »

Article 644

« 1o Après avoir été reconnue, une décision étrangère qui est exécutoire dans l’État où elle a été prise, est exécutée conformément à la présente loi.

2o S’agissant des modalités d’exécution d’un jugement prévues par le règlement du Conseil no 44/2001 (...), les dispositions du [présent] chapitre (...) relatives à la reconnaissance des décisions des juridictions étrangères, s’appliquent dans la mesure où [le règlement] le permet. »

EN DROIT

SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

31. Le requérant estime qu’en accordant l’exequatur au jugement du tribunal de district de Limassol (Chypre), entaché d’un vice évident car rendu au mépris de son droit à la défense, les juridictions lettonnes ont enfreint l’article 6 § 1 de la Convention relatif au droit à un procès équitable. Dans la mesure où il est pertinent en l’espèce, l’article 6 § 1 dispose :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

A. Sur la recevabilité

32. Le Gouvernement soutient que le requérant n’a subi aucun préjudice important, et que sa requête doit dès lors être déclarée irrecevable en application de l’article 35 § 3 b) de la Convention. Selon le Gouvernement, le requérant n’a contesté ni l’existence de sa dette contractuelle envers la société F.H.Ltd., ni son défaut de l’acquitter. Par conséquent, quel que soit l’arrêt de la Cour, il n’affecterait en rien la validité de cette dette. En outre, le requérant n’a pas expliqué quels auraient été les arguments, les moyens et les éléments de preuve qu’il aurait voulu mais n’aurait pas pu soulever devant le juge du fond ; dès lors, il n’est pas fondé à soutenir que la procédure devant le sénat de la Cour suprême a méconnu ses intérêts légitimes. Enfin, le Gouvernement estime que l’examen de la présente affaire n’apporterait aucun élément nouveau puisque la Cour a déjà eu l’occasion de se prononcer en détail sur des questions en substance identiques à celles soulevées par le requérant.

33. Par ailleurs, le Gouvernement fait également valoir que le requérant aurait pu contester les dispositions du code de procédure civile appliquées par les tribunaux dans son affaire par voie d’un recours constitutionnel (konstitucionālā sūdzība) devant la Cour constitutionnelle (Satversmes tiesa).

34. Le requérant se limite à nier l’assertion du Gouvernement selon laquelle il aurait reconnu le bien-fondé de la dette litigieuse ; au contraire, il insiste qu’il l’avait réglée depuis longtemps.

35. La Cour rappelle qu’une requête peut être rejetée par application du critère de recevabilité prévu par l’article 35 § 3 b) de la Convention amendée par le Protocole no 14, entré en vigueur le 1er juin 2010, et dont les dispositions pertinentes en l’espèce se lisent comme suit :

« 3. La Cour déclare irrecevable toute requête individuelle introduite en application de l’article 34, lorsqu’elle estime : (...)

b) que le requérant n’a subi aucun préjudice important, sauf si le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles exige un examen de la requête au fond et à condition de ne rejeter pour ce motif aucune affaire qui n’a pas été dûment examinée par un tribunal interne »

36. S’agissant du « préjudice important », la Cour observe d’emblée que l’affaire porte sur le recouvrement d’un montant total équivalant à environ 129 000 EUR (paragraphe 23 ci-dessus), qui, en soi, est tout sauf modique (voir, à titre de comparaison, Sancho Cruz et 14 autres affaires « Réforme agraire » c. Portugal, nos 8851/07, 8854/07, 8856/07, 8865/07, 10142/07, 10144/07, 24622/07, 32733/07, 32744/07, 41645/07, 19150/08, 22885/08, 22887/08, 26612/08 et 202/09, §§ 33-35, 18 janvier 2011). Quant à l’assertion du Gouvernement selon laquelle le requérant aurait implicitement reconnu la validité de la dette exigée par F.H.Ltd., la Cour note qu’elle ne se trouve corroborée par aucun élément du dossier et que le requérant lui-même la conteste. En effet, son grief consiste à dire que les juridictions lettonnes ont ordonné l’exécution d’un jugement rendu par un tribunal chypriote sans qu’il eût été correctement cité à comparaître pour se défendre devant ce dernier. Dès lors, la Cour ne voit pas comment, à ce stade, on pourrait reprocher au requérant de ne pas avoir contesté la dette litigieuse sur le fond au niveau interne, alors qu’il se plaint, justement, de ne pas avoir pu le faire (voir, mutatis mutandis, Joos c. Suisse, no 43245/07, § 19, 15 novembre 2012, et a contrario, Shefer c. Russie (déc.), no 45175/04, §§ 24-25, 13 mars 2012). Par conséquent, elle estime que la première condition de l’article 35 § 3 b) de la Convention, à savoir l’absence de préjudice important pour le requérant, n’a pas été remplie.

37. Par ailleurs, quant au point de savoir si le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles exige d’examiner la requête au fond, la Cour relève que celle-ci porte sur une question importante tant au plan national qu’au plan européen, à savoir le respect des exigences de l’article 6 § 1 de la Convention dans le cadre de l’application du Règlement de Bruxelles I par les États contractants qui sont en même temps membres de l’Union européenne.

38. Pour autant que le Gouvernement reproche au requérant de ne pas avoir contesté les dispositions pertinentes du code de procédure civile devant la Cour constitutionnelle, cette thèse peut être comprise comme une exception d’irrecevabilité tirée du non-épuisement des voies de recours internes au sens de l’article 35 § 1 de la Convention. À cet égard, la Cour a déjà jugé qu’en Lettonie, le recours constitutionnel individuel s’analysait en une voie de recours à épuiser lorsque le grief en question portait sur une disposition législative ou règlementaire que le requérant considérait, en tant que telle, comme étant contraire à la Convention (Grišankova et Grišankovs c. Lettonie (déc.), no 36117/02, CEDH 2003‑II). En revanche, ce recours n’est pas effectif lorsque la violation alléguée résulte d’une interprétation ou d’une application prétendument erronée d’une disposition interne dont la constitutionnalité ou la conventionalité n’est pas en soi contestée (Liepājnieks c. Lettonie (déc.), no 37586/06, § 73, 2 novembre 2010, et Savičs c. Lettonie, no 17892/03, §§ 113-114, 27 novembre 2012). Or, en l’espèce, le requérant n’a jamais soutenu devant la Cour que les articles du code de procédure civile appliqués dans son affaire aient été en soi contraires à l’article 6 § 1 ou à une autre disposition de la Convention.

39. Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut qu’il y a lieu de rejeter les exceptions du Gouvernement. Elle relève que le grief du requérant n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Aussi, le déclare-t-elle recevable.

B. Sur le fond

1. Arguments des parties

a) Le Gouvernement

40. Le Gouvernement commence par réitérer son argument déjà soulevé sur le terrain de la recevabilité de la requête, à savoir que le requérant n’a jamais contesté l’existence de sa dette contractuelle. Ne l’ayant pas payée dans le délai fixé par l’acte de reconnaissance de dette, il aurait pu et dû prévoir qu’une procédure en recouvrement serait engagée contre lui devant le tribunal chypriote compétent, et que le jugement de ce dernier serait soumis à la procédure en reconnaissance et en exécution devant les juridictions lettonnes.

41. Le Gouvernement considère que la procédure devant le sénat de la Cour suprême, ayant abouti à l’arrêt du 31 janvier 2007, a été équitable. En particulier, le sénat a correctement appliqué les dispositions pertinentes du Règlement et de la loi lettonne sur la procédure civile. Comme le veut l’article 36 du Règlement, le sénat n’a pas touché au fond du jugement chypriote. Certes, l’article 34, point 2, du Règlement et l’article 637 § 2, point 3, de la loi sur la procédure civile empêchent la reconnaissance d’une décision étrangère si le défendeur défaillant n’a pas été dûment et promptement cité à comparaître devant le juge du fond. Toutefois, cette exception est soumise à une condition : « à moins qu’il n’ait pas exercé de recours à l’encontre de la décision alors qu’il était en mesure de le faire ». Or, puisque le requérant n’a pas fait appel du jugement du tribunal de district de Limassol du 24 mai 2004 et que rien ne l’empêchait de le faire, l’exception susmentionnée ne s’appliquait pas. Le Gouvernement se déclare incompétent pour exposer ou commenter l’état du droit interne chypriote ; toutefois, il présume que le jugement litigieux devait certainement être susceptible de recours à Chypre (en sollicitant, le cas échéant, la prorogation du délai expiré). Qui plus est, selon le Gouvernement, puisque le requérant avait accepté les clauses de choix de loi et de for qui soumettaient l’acte de reconnaissance de dette à la loi et aux juridictions chypriotes, il faut présumer qu’il connaissait très bien les dispositions respectives du droit chypriote. À cet égard, le Gouvernement fournit le procès-verbal de l’audience de la cour régionale de Riga du 2 octobre 2006, dont il ressort que l’avocat du requérant a, à deux reprises, affirmé que son client n’avait pas fait appel du jugement chypriote.

42. Le Gouvernement rappelle ensuite qu’à l’audience du sénat du 31 janvier 2007 la partie demanderesse avait fourni le certificat visé aux articles 54 et 55 et à l’annexe V du Règlement, dûment certifié et attestant la force exécutoire du jugement chypriote. Dans ces circonstances, le sénat de la Cour suprême n’avait aucune raison de refuser l’exécution de ce jugement. Pour le reste, le Gouvernement soutient que la procédure en reconnaissance et en exécution, et notamment la procédure devant le sénat, a été équitable et a respecté l’égalité des parties.

b) Le requérant

43. Le requérant conteste la thèse du Gouvernement selon laquelle il aurait reconnu le bien-fondé de la dette litigieuse ; en tout état de cause, pour lui, cette question manque de pertinence. En l’espèce, le sénat de la Cour suprême a ordonné l’exécution du jugement du tribunal de district de Limassol du 24 mai 2004 malgré le fait qu’il n’avait pas été correctement cité et n’avait pas pu se défendre devant le juge du fond. Cela a emporté violation de l’article 34, point 2, du Règlement, de l’article 637 § 2, point 3, de la loi sur la procédure civile, et de l’article 6 § 1 de la Convention. Dans la mesure où le Gouvernement lui reproche de ne pas avoir formé de recours contre le jugement litigieux, le requérant rappelle qu’il a appris l’existence de ce jugement le 16 juin 2006, soit plus de deux ans après son prononcé, et que ce jugement lui-même ne contenait aucune indication des voies et des délais de recours disponibles. Au demeurant, le Gouvernement lui-même n’a cité aucune voie de recours concrète s’ouvrant en droit chypriote contre le jugement en cause.

44. Le requérant allègue également certaines irrégularités dans le déroulement de la procédure en reconnaissance et en exécution devant les tribunaux lettons : ainsi, par exemple, le sénat de la Cour suprême n’a pas correctement appliqué les dispositions pertinentes de la loi sur la procédure civile selon lesquelles l’examen d’un recours complémentaire doit être régi par les règles propres à la procédure d’appel, et non à celle de cassation ; les pièces fournies par la partie demanderesse à l’audience du sénat n’avaient pas été dûment certifiées, etc.

2. Appréciation de la Cour

45. La Cour rappelle qu’en matière de contestation dont l’issue est déterminante pour des droits de caractère civil, l’article 6 § 1 de la Convention s’applique à l’exécution des jugements étrangers passés en force de chose jugée (Sholokhov c. Arménie et Moldova, no 40358/05, § 66, 31 juillet 2012, et McDonald c. France (déc.), no 18648/04, 29 avril 2008). Or, nul ne conteste que le jugement du tribunal de district de Limassol du 24 mai 2004, condamnant le requérant au paiement d’une dette contractuelle, ainsi que des intérêts et des frais et dépens y afférents, avait pour objet la substance d’une obligation « de caractère civil » dans le chef de l’intéressé. L’article 6 § 1 trouve donc à s’appliquer en l’espèce.

46. La Cour note ensuite que le jugement sur le fond du 24 mai 2004 a été rendu par un tribunal chypriote, et que les juridictions lettonnes ont ordonné son exécution sur le territoire letton. Cependant, le grief contre Chypre ayant été déclaré irrecevable pour tardiveté (voir la décision partielle du 3 mars 2010), la requête est, au stade actuel de la procédure, dirigée uniquement contre la Lettonie. Dans ces circonstances, la Cour n’est pas compétente ratione personae pour se prononcer sur le respect des exigences de l’article 6 § 1 par le tribunal de district de Limassol. En revanche, il lui appartient de dire si, en donnant l’exequatur au jugement chypriote, les juges lettons ont agi conformément à ladite disposition (voir, mutatis mutandis, Pellegrini c. Italie, no 30882/96, §§ 40-41, 2001‑VIII).

47. En l’occurrence, le requérant allègue le non-respect, par le sénat de la Cour suprême, de l’article 34, point 2, du Règlement, et de la disposition correspondante de la loi sur la procédure civile. À cet égard, la Cour tient à rappeler qu’en vertu de l’article 19 de la Convention, elle est seulement compétente pour assurer le respect des droits et libertés garantis par la Convention elle-même et par ses Protocoles. Elle n’est donc pas compétente pour se prononcer formellement sur le respect du droit interne, d’autres traités internationaux et du droit de l’Union européenne (voir, par exemple, S.J. c. Luxembourg, no 34471/04, § 52, 4 mars 2008). En particulier, la tâche d’interpréter et d’appliquer les dispositions du Règlement incombe, premièrement, à la Cour de justice de l’Union européenne qui se prononce dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, et deuxièmement, aux juges nationaux en leur qualité de juges de l’Union, c’est-à-dire lorsqu’ils mettent en œuvre l’interprétation donnée par la Cour de justice. Quant à la compétence de la Cour européenne des droits de l’homme, elle se limite au contrôle du respect des exigences de l’article 6 § 1 de la Convention dans les circonstances de l’espèce. Par ailleurs, la Cour a jugé que la protection des droits fondamentaux accordée par l’Union européenne était en principe équivalente à celle assurée par la Convention (Bosphorus Hava Yolları Turizm ve Ticaret Anonim Şirketi c. Irlande [GC], no 45036/98, §§ 160-165, CEDH 2005‑VI).

48. La Cour rappelle ensuite qu’un élément important de la notion de « procès équitable », au sens de cette disposition, est le principe de l’égalité des armes, qui exige un « juste équilibre » entre les parties : chacune doit se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son ou ses adversaires (voir, par exemple, Gorraiz Lizarraga et autres c. Espagne, no 62543/00, § 56, CEDH 2004‑III). Ces principes visant l’ensemble du droit procédural des États contractants, ils s’appliquent également dans ce domaine particulier qu’est la signification et la notification des actes judiciaires aux parties (Miholapa c. Lettonie, no 61655/00, § 23, 31 mai 2007, et Övüş c. Turquie, no 42981/04, § 47, 13 octobre 2009). En revanche, l’article 6 § 1 de la Convention ne peut pas être interprété comme prescrivant une forme particulière de signification ou de notification (Orams c. Chypre (déc.), no 27841/07, 10 juin 2010).

49. La Cour relève que, selon le préambule du Règlement de Bruxelles I, ce texte se fonde sur le principe de « confiance réciproque dans la justice » au sein de l’Union, ce qui implique que « la déclaration relative à la force exécutoire d’une décision devrait être délivrée de manière quasi automatique, après un simple contrôle formel des documents fournis, sans qu’il soit possible pour la juridiction de soulever d’office un des motifs de non-exécution prévus par le présent règlement » (paragraphe 24 ci-dessus). À cet égard, la Cour rappelle que l’exécution par l’État de ses obligations juridiques découlant de son adhésion à l’Union européenne relève de l’intérêt général (Bosphorus Hava Yolları Turizm ve Ticaret Anonim Şirketi précité, §§ 150-151, et Michaud c. France, no 12323/11, § 100, CEDH 2012) ; le sénat de la Cour suprême lettonne se devait donc d’assurer la reconnaissance et l’exécution rapide et effective du jugement chypriote en Lettonie.

50. Devant les juridictions lettonnes, le requérant soutenait que la citation de comparaître devant le tribunal de district de Limassol et la demande de la société F.H.Ltd. ne lui avaient pas été correctement communiquées en temps utile, de sorte qu’il n’avait pas pu se défendre ; par conséquent, selon lui, la reconnaissance de ce jugement devait être refusée sur la base de l’article 34, point 2, du Règlement. Dans son arrêt du 31 janvier 2007, le sénat de la Cour suprême a écarté tous ses moyens – et, donc, l’application de l’article 34, point 2, du Règlement – en déclarant que, le requérant « n’ayant pas fait appel du jugement, les arguments de son avocat selon lesquels [il] ne se serait pas vu dûment notifier l’examen de l’affaire par un tribunal étranger, n’ont aucune importance ». Cela correspond en substance à l’interprétation donnée à la disposition susmentionnée par la Cour de justice des Communautés européennes dans l’arrêt Apostolides c. Orams, aux termes duquel « la reconnaissance ou l’exécution d’une décision prononcée par défaut ne peuvent pas être refusées au titre de l’article 34, point 2, du règlement no 44/2001 lorsque le défendeur a pu exercer un recours contre la décision rendue par défaut et que ce recours lui a permis de faire valoir que l’acte introductif d’instance ou l’acte équivalent ne lui avait pas été signifié ou notifié en temps utile et de telle manière qu’il puisse se défendre » (paragraphe 28 ci-dessus).

51. Or, il y a lieu de constater qu’effectivement, le requérant n’a même pas tenté d’exercer un recours quelconque contre le jugement du 24 mai 2004 du tribunal de district de Limassol. Les raisons qu’il avance pour justifier cette omission ne convainquent pas la Cour. En effet, il ressort des faits de l’affaire que le requérant, lui-même consultant en investissement, a emprunté une somme d’argent à une société chypriote ; qu’il a signé un acte de reconnaissance de dette régi par la loi chypriote et contenant une clause de choix de for en faveur des tribunaux chypriotes. Puisqu’il a assumé cette responsabilité contractuelle de son plein gré, on pouvait aussi attendre de lui qu’il prît connaissance – s’entourant au besoin de conseils éclairés – des conséquences juridiques d’un éventuel non-paiement de sa dette, y compris des modalités de la procédure devant les juridictions chypriotes. Le fait que le jugement litigieux ne comportât aucune mention des voies de recours, n’est pas non plus décisif en l’espèce, le requérant étant libre de s’enquérir lui-même, ou par le biais d’un avocat, des recours disponibles à Chypre, après avoir pris connaissance du jugement litigieux. Dans ces conditions, la Cour estime que le requérant a, de son propre fait, perdu l’opportunité de plaider la méconnaissance du droit chypriote, et que c’est à lui qu’il incombait d’apporter la preuve de la non-existence ou de l’inefficacité d’éventuels recours, – ce qu’il n’a fait ni devant le sénat de la Cour suprême lettonne ni par ailleurs devant la Cour européenne des droits de l’homme.

52. Eu égard à toutes les circonstances particulières de l’affaire, en particulier l’intérêt qu’avaient les juridictions lettonnes d’assurer l’exécution des obligations juridiques découlant du statut de membre de l’Union européenne, la Cour considère qu’en écartant les moyens du requérant par une simple référence au fait qu’il n’avait pas fait appel du jugement du tribunal de district de Limassol, le sénat de la Cour suprême de Lettonie a tenu suffisamment compte des droits de l’intéressé au titre de l’article 6 § 1 de la Convention.

53. Enfin, pour ce qui est du reste des allégations du requérant sous l’angle de l’article 6 § 1, et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n’a relevé aucune apparence de violation des droits garantis par cette disposition.

54. Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1 dans la présente affaire.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

1. Rejette, à l’unanimité, les exceptions d’irrecevabilité soulevées par le Gouvernement ;

2. Déclare, à l’unanimité, le restant de la requête recevable ;

3. Dit, par quatre voix contre trois, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 25 février 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Françoise Elens-PassosPäivi Hirvelä
GreffièrePrésidente

Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion séparée des juges Ziemele, Bianku et De Gaetano.

P.H.
F.E.P.

OPINION DISSIDENTE COMMUNE AUX JUGES ZIEMELE, BIANKU ET DE GAETANO

1. À notre grand regret, nous ne pouvons souscrire à l’opinion de la majorité dans cette affaire. Nous considérons que la question soulevée ici est d’une grande importance. Elle concerne notamment l’application des garanties de l’article 6 que font les juridictions internes d’un État membre de l’UE lorsqu’elles sont appelées à exécuter une décision de justice rendue dans un autre État membre de l’Union et ainsi à appliquer le règlement (CE) no 44/2001 du Conseil (Bruxelles I).

2. Il y a lieu de souligner que le requérant a fait des déclarations importantes devant les juridictions internes, arguant qu’il n’avait pas été dûment informé de la procédure judiciaire menée à Chypre et qu’il n’avait donc pas pu exercer son droit de présenter des arguments pour sa défense dans cette procédure (paragraphes 18 et 19 de l’arrêt). Le tribunal régional a d’ailleurs fait droit à ces arguments et rejeté la demande d’exécution de l’arrêt chypriote. La Cour suprême a en revanche annulé l’arrêt du tribunal régional et accordé l’exécution demandée. Nous trouvons particulièrement problématique le fait que la seule raison avancée par la haute juridiction pour refuser de tenir compte des allégations du requérant consistant à dire qu’il n’avait pas été dûment informé de l’arrêt chypriote ait été de dire que ces arguments « n’[avaient] aucune importance » (paragraphe 22).

3. Il est vrai que notre Cour n’est pas une juridiction de quatrième instance. Elle a toujours rappelé qu’elle ne jouit que d’une compétence limitée pour le contrôle du respect du droit interne, et que c’est au premier chef aux autorités nationales qu’il appartient d’interpréter et d’appliquer leurs lois (Mkrtchyan c. Arménie, no 6562/03, § 43, 11 janvier 2007). Cependant, la majorité n’a pas considéré en l’espèce qu’il s’agissait d’une affaire de quatrième instance. Elle a fondé sa conclusion de non-violation de l’article 6 sur deux motifs. Premièrement, elle a dit, en s’appuyant sur la jurisprudence Bosphorus, que le niveau de protection des droits fondamentaux dans l’UE était équivalent à celui imposé par la Convention (paragraphe 47), et que le respect des obligations découlant de l’appartenance de l’État à l’Union était une question d’intérêt général (paragraphe 49). Deuxièmement, elle a considéré que le requérant aurait dû savoir qu’il devait rembourser ses dettes et donc ne pas être surpris d’être poursuivi par son créancier devant les juridictions chypriotes (paragraphe 51).

4. Les motifs avancés par la majorité nous posent problème pour trois raisons. Premièrement, on peut estimer ou non que le requérant était de bonne foi. Ce n’est pas là, cependant, une question qu’il appartient à la Cour d’examiner, et encore moins une question qui devrait constituer l’une des motivations essentielles de ses conclusions. Ce point relève de l’appréciation des juridictions internes. Deuxièmement, les règlements de l’UE sont directement applicables dans les États membres de l’Union, ce qui veut dire que les autorités nationales devraient appliquer les dispositions pertinentes en tenant compte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Or, d’une part, le règlement de Bruxelles prévoit des exceptions à l’exécution automatique des décisions de justice, notamment en son article 34, point 2, et, d’autre part, la Cour de justice a dit que lorsque le défendeur soutenait, en invoquant l’article 34, point 2, qu’il n’avait pas été dûment averti de la procédure, le juge de l’État d’accueil était compétent pour examiner les éléments du dossier (voir le paragraphe 29, ainsi que le paragraphe 26). En d’autres termes, le droit positif de l’UE ne prévoit pas une automaticité aveugle en ce qui concerne l’exécution des arrêts. Troisièmement, nous observons qu’en vertu de la jurisprudence constante de la Cour, l’article 6 § 1 de la Convention consacre le « droit à un tribunal », dont le droit d’accès, à savoir le droit de saisir le tribunal en matière civile, ne constitue qu’un aspect. Un élément de la notion plus large de « procès équitable », au sens de cette disposition, est le principe de l’égalité des armes, qui exige un « juste équilibre » entre les parties : chacune doit se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son ou ses adversaires (voir, par exemple, Gorraiz Lizarraga et autres c. Espagne, no 62543/00, § 56, CEDH 2004‑III). Ces principes visant l’ensemble du droit procédural des États contractants, ils s’appliquent également dans ce domaine particulier qu’est la signification et la notification des actes judiciaires aux parties (Miholapa c. Lettonie, no 61655/00, § 23, 31 mai 2007). Contrairement à la majorité, nous considérons que la réponse apportée par la Cour suprême de Lettonie aux déclarations du requérant selon lesquelles il n’avait pas été dûment averti de la décision des juridictions chypriotes n’a pas du tout été suffisante pour répondre aux exigences de l’article 6, en particulier compte tenu du droit de l’UE applicable.

5. La réponse consistant à dire que les arguments du requérant étaient sans importance, alors qu’ils concernaient l’essence même de la question soumise aux juridictions lettonnes, est manifestement contraire aux garanties de l’article 6. Les juridictions internes auraient dû elles-mêmes examiner l’exception invoquée et donner des raisons expliquant pourquoi, par exemple, elle ne pouvait pas être retenue au regard des faits de la cause. Il y avait peut-être de bonnes raisons d’écarter cette exception, mais nous ne savons pas quelles étaient ces raisons, et il ne nous appartient pas de les apporter. Le fait demeure que la majorité s’est écartée de la jurisprudence de la Cour. De plus, nous ne sommes pas sûrs qu’en approuvant implicitement la manière dont la Cour suprême lettonne a appliqué le droit de l’UE, on respecte réellement ce droit. Si la Cour n’est pas compétente pour interpréter le droit de l’UE, nous considérons qu’elle ne doit pas non plus approuver implicitement des pratiques internes qui vont peut-être à l’encontre de ce droit. C’est là une situation nouvelle pour la Cour, qui mérite une réflexion bien plus poussée.


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award