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16/12/2022 | FRANCE | N°22BX01209

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 16 décembre 2022, 22BX01209


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 février 2022, notifié le jour-même, par lequel la préfète de la Gironde lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2200852-2200853-2200880 du 17 février 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

:

Par une requête enregistrée le 27 avril 2022, M. B..., représenté par Me Debril, demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 février 2022, notifié le jour-même, par lequel la préfète de la Gironde lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2200852-2200853-2200880 du 17 février 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 avril 2022, M. B..., représenté par Me Debril, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2200852-2200853-2200880 du tribunal administratif de Bordeaux du 17 février 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 février 2022 par lequel la préfète de la Gironde lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans, ainsi que la décision du 12 février 2022 par laquelle la préfète de la Gironde l'a assigné à résidence ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- il n'est pas justifié de la compétence de l'auteur de la décision ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ; il a exécuté l'obligation de quitter le territoire ; toutefois, il n'est pas célibataire et sans charge de famille en France ; il est en couple depuis un an et demi avec Mme D... de nationalité française ; il justifie avoir tenté à de multiples reprises de prolonger la validité de son visa ; l'arrêté intervient alors qu'aucune poursuite ne semble avoir été diligentée suite à la garde à vue dont il a fait l'objet ;

- l'article 6 §2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de l'absence de délai de départ volontaire :

- les articles L. 612-2 et 3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnus ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :

- il n'est pas justifié de la compétence de l'auteur de la décision ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée et révèle un défaut d'examen particulier de sa situation ; la préfète n'a à aucun moment évoqué la durée de sa présence en France ; il n'avait jamais fait l'objet d'une mesure d'éloignement et ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- la décision est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de l'assignation à résidence :

- il n'est pas justifié de la compétence de l'auteur de la décision ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ; il ne vise pas précisément un des

cas limitativement prévus par l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il n'a pas reçu les informations prévues aux articles L. 732-7 et R. 732-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu.

La requête a été communiquée le 29 juillet 2022 à la préfète de la Gironde.

Par ordonnance du 29 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 29 septembre 2022 à 12h00.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les observations de Me Debril, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité argentine, déclare être entré en France le 14 février 2020 sous couvert de son passeport et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français. Par arrêté du 12 février 2022, la préfète de la Gironde lui a notifié une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par un arrêté du même jour, la préfète de la Gironde a assigné l'intéressé à résidence pour une durée de 45 jours. M. B... relève appel du jugement n° 2200852-2200853-2200880 du 17 février 2022 par lequel le magistrat désigné par le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination, lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et l'assignant à résidence.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la compétence de l'auteur des arrêtés du 12 février 2022 :

2. Il ressort des pièces du dossier que les arrêtés en litige ont été signés par Mme A..., directrice de cabinet de la préfecture de la Gironde. Par un arrêté du 5 mai 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 47-2020-163 du 14 décembre 2020, la préfète de la Gironde a donné à Mme A..., délégation de signature aux fins de signer, notamment, toutes décisions d'éloignement et décisions accessoires s'y rapportant pris en application des livres II, IV à VIII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les décisions d'assignation à résidence. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des arrêtés attaqués manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré du défaut de motivation de la décision contestée par adoption de motifs retenus à bon droit par le premier juge.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

5. M. B..., qui déclare être arrivé en France le 14 février 2020 invoque l'existence d'une relation sentimentale avec une ressortissante française, qui aurait débuté au mois de février 2021. Il ressort des pièces du dossier qu'ils partagent la même adresse depuis le 31 janvier 2022. Toutefois, au jour de la décision, M. B... ne connaissait sa compagne que depuis un an et n'établit l'existence d'un concubinage que de quelques jours seulement. Alors même qu'il produit des attestations de proches, témoignant de la réalité de la relation affective nouée avec sa compagne française, M. B... n'établit ni même n'allègue être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente ans. Par ailleurs, M. B..., qui a été interpellé le 11 février 2022 pour recel de bien provenant d'un vol et placé en garde à vue par les services de police, était à la charge de sa compagne et ne disposait d'aucun emploi. Dans ces conditions, sans que le requérant puisse utilement se prévaloir de la circonstance qu'il aurait conduit des démarches pour prolonger la durée de son visa de court séjour pendant la période de confinement due à la pandémie de Covid-19, eu égard à la durée et aux conditions de séjour de M. B... en France, la décision litigieuse, dont la légalité s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale eu égard aux buts qu'elle poursuit. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle doivent être écartés.

6. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ".

7. M. B... ne saurait utilement soutenir que la mesure d'éloignement contestée, qui ne constitue pas une sanction ayant le caractère de punition, mais une mesure de police administrative, méconnaitrait le principe de la présomption d'innocence. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté comme inopérant.

En ce qui concerne la légalité de la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

8. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : /1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ;/2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; /3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. " et aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) /2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...)/4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; (...) ".

9. M. B... reprend en appel le moyen invoqué en première instance, tiré de la méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 612-2 et 3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Alors même que M. B... fait valoir qu'il a exécuté la mesure d'éloignement, il y a lieu, d'écarter le moyen par adoption des motifs retenus par le premier juge.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

10. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de la décision fixant le pays de renvoi du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

11. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. /Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". L'article L. 612-10 du même code dispose que : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. /Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

12. Il ressort de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

13. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

14. En premier lieu, pour fixer le principe et la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à l'encontre de M. B... le 12 février 2022, la préfète de la Gironde, qui a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire, mentionne que l'intéressé se maintient irrégulièrement sur le territoire français depuis une date indéterminée et n'a jamais fait l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'il est sans ressources légales et a été interpellé par les services de police pour recel de bien provenant d'un vol et qu'il ne justifie pas de l'intensité et de l'ancienneté de ses liens en France. En outre, la décision en cause vise les articles L. 612-6 et 10 précités du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont il est fait application. Il en résulte que la décision de la préfète reprend les considérations de droit et de fait qui la fondent. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision en cause doit être écarté.

15. En deuxième lieu, la préfète de la Gironde n'a pas entaché la décision contestée d'un défaut d'examen sérieux de la situation personnelle du requérant. Ce moyen doit ainsi être écarté.

16. En troisième lieu, le requérant n'établit pas l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français. Dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision soulevé à l'encontre de la décision lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans doit être écarté.

17. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

18. En cinquième lieu, M. B... a fait l'objet d'une mesure d'éloignement pour laquelle aucun délai de départ volontaire n'a été accordé. Il entre ainsi dans les cas prévus au L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour lesquels le préfet doit assortir son obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf s'il existe des circonstances humanitaires de nature à justifier qu'une telle interdiction ne soit pas décidée. Si l'intéressé se prévaut de sa relation sentimentale avec une ressortissante française et de la circonstance qu'il a cherché à régulariser sa situation administrative au regard de son droit au séjour pendant la période de pandémie Covid-19, ces circonstances ne peuvent pas être regardées comme justifiant d'une circonstance humanitaire pour les motifs précédemment exposés. C'est, dès lors, sans commettre d'erreur d'appréciation que la préfète de la Gironde a prononcé à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français.

19. Toutefois, compte tenu des éléments cités au point 5 relatifs à la situation familiale de M. B... et alors qu'il est constant que l'intéressé n'a fait l'objet d'aucune précédente mesure d'éloignement et qu'il n'est pas relevé par la préfète de la Gironde, qui n'a pas produit de mémoire en défense, que sa présence sur le territoire français constituerait une menace pour l'ordre public, le requérant est fondé à soutenir qu'en fixant à trois ans, soit la durée maximale prévue par les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées, l'interdiction de retour prononcée à son encontre, la préfète de la Gironde a entaché cette décision d'une erreur d'appréciation. Par suite, M. B... est fondé à demander l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.

En ce qui concerne la légalité de l'assignation à résidence :

20. D'une part, aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : /1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 732-1 du même code : " Les décisions d'assignation à résidence, y compris de renouvellement, sont motivées. ".

21. D'autre part, aux termes de l'article L. 732-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Il est remis aux étrangers assignés à résidence en application de l'article L. 731-1 une information sur les modalités d'exercice de leurs droits, les obligations qui leur incombent et, le cas échéant, la possibilité de bénéficier d'une aide au retour. (...) ". L'article R. 732-5 du même code dispose que l'étranger auquel est notifiée une assignation à résidence en application de l'article L. 731-1, est informé de ses droits et obligations par la remise d'un formulaire à l'occasion de la notification de la décision par l'autorité administrative ou, au plus tard, lors de sa première présentation aux services de police ou aux unités de gendarmerie.

22. En premier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés du défaut de motivation de la décision contestée et de la méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 732-7 et R. 732-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

23. En second lieu, il ressort des termes de la décision litigieuse que M. B... est assigné à résidence dans le département de la Gironde, où se trouve son domicile. La décision n'a donc ni pour objet, ni pour effet de séparer l'intéressé de sa compagne. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

24. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans. Il est également fondé, par voie de conséquence, à demander l'annulation de cette décision.

Sur les frais liés à l'instance :

25. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. B... présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux du 17 février 2022 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans prononcée à son encontre.

Article 2 : La décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans édictée à l'encontre de M. B... le 12 février 2022 est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera communiquée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022.

La rapporteure,

Bénédicte C...La présidente,

Evelyne BalzamoLa greffière,

Caroline Brunier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01209


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01209
Date de la décision : 16/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : DEBRIL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-12-16;22bx01209 ?
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