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17/03/2015 | CEDH | N°001-153261

CEDH | CEDH, AFFAIRE PAULA CONSTANTINESCU c. ROUMANIE, 2015, 001-153261


TROISIÈME SECTION

AFFAIRE PAULA CONSTANTINESCU c. ROUMANIE

(Requête no 28976/03)

ARRÊT

(Satisfaction équitable)

STRASBOURG

17 mars 2015

DÉFINITIF

14/09/2015

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Paula Constantinescu c. Roumanie,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Josep Casadevall, président,
Luis López Guerra,
Drag

oljub Popović,
Kristina Pardalos,
Johannes Silvis,
Valeriu Griţco,
Iulia Antoanella Motoc, juges,
et de Stephen Phillips, greffier de section,

...

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE PAULA CONSTANTINESCU c. ROUMANIE

(Requête no 28976/03)

ARRÊT

(Satisfaction équitable)

STRASBOURG

17 mars 2015

DÉFINITIF

14/09/2015

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Paula Constantinescu c. Roumanie,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Josep Casadevall, président,
Luis López Guerra,
Dragoljub Popović,
Kristina Pardalos,
Johannes Silvis,
Valeriu Griţco,
Iulia Antoanella Motoc, juges,
et de Stephen Phillips, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 17 février 2015,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 28976/03) dirigée contre la Roumanie et dont une ressortissante de cet État, Mme Paula Constantinescu (« la requérante »), a saisi la Cour le 25 août 2003 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Par un arrêt du 23 juin 2009 (« l’arrêt au principal »), la Cour a jugé qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1 en raison du fait que l’État, par le biais de ses organes spécialisés, n’a pas déployé tous les efforts nécessaires afin de faire exécuter l’arrêt ordonnant au conseil général à restituer à l’intéressée un bien immobilier, composé d’un bâtiment à trois niveaux, soit rez-de-chaussée, étage et mansarde, ainsi que le terrain afférent (Paula Constantinescu c. Roumanie, no 28976/03, §§ 55‑56, 23 juin 2009).

3. En s’appuyant sur l’article 41 de la Convention, la requérante réclamait la restitution de l’étage et de la mansarde, ainsi que du terrain afférent dudit bien, et avait présenté une expertise du 6 août 2008 selon laquelle la valeur marchande de la partie du bien dont l’intéressée n’a pas été mise en possession était de 1 502 761 euros (EUR). Elle réclamait également une réparation du préjudice moral et le remboursement des frais et dépens.

4. La question de l’application de l’article 41 de la Convention en ce qui concernait le préjudice matériel et moral ne se trouvant pas en état, la Cour l’a réservée et a invité les parties à lui soumettre par écrit, dans le délai de trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention, leurs observations sur ladite question et notamment à lui donner connaissance de tout accord auquel elles pourraient aboutir (ibidem, § 62 et point 3 du dispositif de l’arrêt au principal).

5. Par une lettre du 23 juillet 2013, la Cour a invité les parties à soumettre leurs éventuels commentaires et propositions actualisés. Tant la requérante que le Gouvernement ont déposé des observations.

6. Par une lettre du 26 février 2014, M. Petrică Liviu Pera, le fils et l’héritier de la requérante, représenté par Me Ana Maria Casandra, avocate a Bucarest, a porté à la connaissance de la Cour le décès de la requérante, survenu le 18 octobre 2013, et son intention de poursuivre la procédure devant la Cour. Pour des raisons d’ordre pratique, le présent arrêt continuera d’appeler Mme Paula Constantinescu « la requérante », bien qu’il faille aujourd’hui attribuer cette qualité à son héritier (voir Dalban c. Roumanie [GC], no 28114/95, § 1, CEDH 1999‑VI).

7. Par une lettre du 10 mai 2014, l’héritier de la requérante a demandé à la Cour d’ajourner l’examen de la question concernant l’article 41 jusqu’au prononcé d’un arrêt définitif dans une nouvelle procédure interne visant l’annulation du contrat de vente du bien litigieux, procédure pendante en première instance. Compte tenu du stade de la procédure interne en cause et de l’ajournement de la question concernant l’article 41 depuis 2009, la Chambre décide qu’il n’y a plus lieu d’ajourner l’examen de cette question, qui se trouve en état.

EN DROIT

8. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

9. Dans son courrier du 10 mai 2014, l’héritier de la requérante réclame, à titre principal, la restitution de l’ensemble du bâtiment (soit une partie de 75,81 m2 du rez-de-chaussée, l’étage de 241,44 m2 et la mansarde de 77,90 m2), ainsi que du terrain afférent qu’il estime avoir une superficie de 166,02 m2. À titre subsidiaire, il demande l’octroi d’un montant de 681 700 EUR, correspondant à la valeur marchande du bien calculée dans un rapport d’expert établi en mai 2014. À titre de dommage moral, l’héritier de la requérante réclame un montant de 6 000 EUR.

10. Dans ses observations actualisées, le Gouvernement invite la Cour à rejeter la demande de satisfaction équitable formulée par la requérante. Il estime que la requérante devait épuiser les nouvelles voies de recours introduites par la loi no 165/2013. Il souligne également que l’octroi d’un éventuel montant à titre de satisfaction équitable pourrait viser exclusivement la partie du bien qui ne se trouve pas dans la possession de la requérante, à savoir, l’étage, la mansarde et le terrain. En tout état de cause, il soutient que la valeur du bien devrait être calculée selon les critères fixés par le tableau d’estimation des prix de l’immobilier réalisé par la chambre des notaires, instrument prévu par la loi no 165/2013 pour l’évaluation des immeubles visés par les lois de restitution. Il soumet à cet effet un document établi en septembre 2013 par l’Autorité Nationale pour la Restitution des Propriétés indiquant que la valeur de la partie du bien non-restituée à la requérante, composée de l’étage et de la mansarde d’une superficie de 77,90 m2, est de 52 740 EUR et la valeur du terrain affèrent, d’une superficie de 111,95 m2, est de 92 694,60 EUR.

11. La Cour observe que les versions des parties diffèrent en ce qui concerne la superficie du terrain et celle de l’étage et de la mansarde. Eu égard aux informations en sa possession et se rapportant au tableau d’estimation des prix de l’immobilier réalisé par la chambre des notaires pour l’année 2014, la Cour estime la valeur du terrain à 90 000 EUR environ et la valeur de l’étage et de la mansarde à 120 000 EUR environ. Quant au rez-de-chaussée, la Cour a déjà constaté dans l’arrêt au principal que le 11 mars 2008, l’huissier a effectivement mis la requérante en possession de cette partie du bâtiment.

12. Quant à l’observation du Gouvernement au sujet du nouveau remède à épuiser selon la loi no 165/2013, la Cour ne peut pas accepter, à ce stade de la procédure, l’argument du non-épuisement des nouvelles voies de recours internes pour l’octroi d’une indemnisation, alors qu’elle s’est déjà prononcée sur le fond de l’affaire (Xenides-Arestis c. Turquie (satisfaction équitable), no 46347/99, § 37, 7 décembre 2006).

13. La Cour rappelle qu’un arrêt constatant une violation entraîne pour l’État défendeur l’obligation de mettre un terme à la violation et d’en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 32, CEDH 2000-XI). En l’espèce, elle rappelle avoir conclu à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1 en raison du fait que l’État, par le biais de ses organes spécialisés, n’a pas déployé tous les efforts nécessaires afin de faire exécuter l’arrêt ordonnant au conseil général à restituer à l’intéressée un bien immobilier, composé d’un bâtiment à trois niveaux, soit rez-de-chaussée, étage et mansarde, ainsi que le terrain afférent.

14. La Cour considère que la requérante en cause a subi un préjudice matériel en relation directe avec la violation de l’article 6 § 1 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention.

15. Pour déterminer le préjudice éprouvé du fait de la privation de propriété subie, la Cour tient compte des circonstances de chaque espèce et jouit d’une certaine marge d’appréciation (voir, par exemple, Agrokompleks c. Ukraine (satisfaction équitable), no 23465/03, §§ 81-84, 25 juillet 2013).

16. En l’espèce, la Cour estime qu’il y a lieu d’allouer à la requérante une somme en rapport direct avec la valeur actuelle du bien (Loizidou c. Turquie (article 50), 29 juillet 1998, § 31, Recueil des arrêts et décisions 1998‑IV ; voir Străin et autres c. Roumanie, no 57001/00, § 81, CEDH 2005‑VII).

17. Eu égard aux informations en sa possession, la Cour considère qu’il y a lieu d’allouer à la requérante la somme de 210 000 EUR pour dommage matériel.

18. Elle estime de surcroît que la requérante a subi un préjudice moral du fait notamment de la frustration provoquée par l’impossibilité de voir exécuter le jugement rendu en sa faveur dans son intégralité, et que ce préjudice n’est pas suffisamment compensé par un constat de violation. Dans ces circonstances, eu égard à l’ensemble des éléments en sa possession et statuant en équité, comme le veut l’article 41 de la Convention, la Cour alloue à la requérante la somme de 4 700 EUR au titre du préjudice moral.

B. Frais et dépens

19. L’héritier de la requérante n’a pas soumis de demande actualisée à ce titre.

C. Intérêts moratoires

20. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Dit

a) que l’État défendeur doit verser à l’héritier de la requérante, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement :

i) 210 000 EUR (deux cent dix mille euros) pour dommage matériel, et

ii) 4 700 EUR (quatre mille sept cents euros) pour dommage moral ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

2. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 17 mars 2015, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Stephen PhillipsJosep Casadevall
GreffierPrésident


Synthèse
Formation : Cour (troisiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-153261
Date de la décision : 17/03/2015
Type d'affaire : satisfaction équitable
Type de recours : Dommage matériel et préjudice moral - réparation (Article 41 - Préjudice moral;Dommage matériel;Satisfaction équitable)

Parties
Demandeurs : PAULA CONSTANTINESCU
Défendeurs : ROUMANIE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : CASANDRA A.-M.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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