Sur l'exception d'irrecevabilité de l'action de la Régie à l'encontre de Grave, par suite de l'extinction alléguée de l'action publique en ce qui le concerne :
Attendu qu'en application de l'article 58 de la loi du 22 juillet 1947, les Chambres réunies de la Cour de Cassation sont saisies par un arrêt de renvoi lorsque après cassation d'un premier arrêt ou jugement rendu en dernier ressort, le deuxième arrêt ou jugement rendu dans la même affaire, entre les mêmes parties, procédant en la même qualité, est attaqué par les mêmes moyens que le premier ;
Attendu que l'exception d'irrecevabilité susvisée a été soulevée devant les Chambres réunies postérieurement à l'arrêt de renvoi de la chambre criminelle, sans avoir été invoquée devant celle-ci ; que les Chambres réunies sont dès lors incompétentes pour en connaître ;
Sur l'exception tirée du décès de Boetto, survenu depuis l'arrêt de renvoi de la chambre criminelle :
Attendu qu'il résulte d'un acte de décès de la commune de Sète que l'un des défendeurs au pourvoi, Boetto, Charles-Jérôme, est décédé le 7 septembre 1960 ;
Attendu qu'il n'échet en conséquence de statuer sur le pourvoi, en ce qui concerne les amendes fiscales requises contre lui ; qu'en effet, si les amendes fiscales sont des peines de nature spéciale, elles n'ont cependant pas exclusivement le caractère d'indemnité et de réparation civile, et que l'action, sous ce rapport, s'éteint par le décès du prévenu, alors qu'on ne trouve, dans les lois relatives aux contributions indirectes, aucune dérogation expresse au principe édicté par l'article 6 du Code de procédure pénale ;
Attendu toutefois que la condamnation au payement des quintuples droits de consommation requise aussi contre Boetto a pour objet d'assurer la réparation des fraudes fiscales commises au préjudice du Trésor ; qu'enfin la confiscation de l'objet de la fraude est prononcée, abstraction faite du propriétaire saisi en contravention ; que cette pénalité qui n'a rien de personnel affecte la boisson trouvée en délit et doit la suivre, en quelques mains qu'elle se trouve ;
Qu'ainsi il échet de statuer même à l'égard de Boetto, nonobstant le décès de ce prévenu, en ce qui concerne le payement des droits de consommation et les confiscations requises par la Régie ;
Et sur le moyen unique :
Vu les articles 67 du Code d'instruction criminelle, 312, 401, 404 du Code général des impôts et 7 de la loi du 20 avril 1810 ;
Attendu que si un procès-verbal dressé par les agents de l'Administration des Contributions indirectes est le titre initial, nécessaire, des poursuites exercées par la Régie à raison d'une contravention fiscale, il cesse d'en être ainsi lorsque la juridiction correctionnelle est saisie par le Ministère public de la connaissance d'un fait comportant à la fois une sanction pénale qui ne peut être requise que par lui et des amendes fiscales ; que la Régie, en agissant par voie d'intervention sur cette poursuite, profite des preuves administrées par le Ministère public pour établir l'existence du délit et est dispensée de produire un procès-verbal le constatant ;
Attendu qu'après avoir constaté que sur la poursuite du Ministère public, Dejean et autres avaient été reconnus coupables de falsification de vin par adjonction d'un produit non autorisé qui le dénaturait, l'arrêt attaqué a déclaré l'Administration des Contributions indirectes irrecevable en son intervention, faute de procès-verbal préalable, aux motifs que la vente et la mise en vente du vin falsifié tout comme la falsification d'un vin, constituaient des faits distincts tant matériellement que juridiquement du défaut de déclaration préalable qui était à la base des poursuites de la Régie ;
Or, attendu que toute manipulation non autorisée d'un vin a comme conséquence de l'exclure de l'application du régime fiscal des vins et constitue la fabrication d'une diluation alcoolique ;
Qu'ainsi les faits relevés par le Ministère public constituant en même temps le délit de droit commun de falsification et la fabrication d'une dilution alcoolique sans déclaration, infraction fiscale, la Régie est recevable à intervenir par simples conclusions dans la poursuite exercée par le Ministère public devant la juridiction correctionnelle ;
PAR CES MOTIFS :
Déclare les Chambres réunies INCOMPTENTEES pour connaître de l'exception d'irrecevabilité soulevée par de Grave ;
Déclare l'action de l'Administration éteinte à l'encontre de Boetto par le décès de celui-ci, en ce qui concerne seulement les amendes fiscales requises contre lui ;
CASSE ET ANNULE en toutes ses autres dispositions l'arrêt rendu entre les parties, le 29 avril 1959, par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, et, pour être statué à nouveau, conformément à la loi, renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Nîmes.