Vu la connexité joignant les pourvois ; Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur les faits ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué, de celles du jugement dont il a adopté les motifs non contraires et des procès-verbaux, bases des poursuites, qu'au cours des campagnes 1972-1973, 1973-1974 et 1974-1975, les sociétés coopératives agricoles " L'Union du Loir et Cher " et " La Franciade ", collecteurs agréés, ont reçu diverses quantités de blé et de céréales secondaires qui leur avaient été livrées sous couvert de titres de mouvement mentionnant faussement comme expéditeurs de ces marchandises certains de leurs adhérents, les nommés X..., Y..., Z... et A... ; qu'il a été établi qu'en réalité, le véritable vendeur et expéditeur était B... qui, bien que n'ayant pas la qualité de collecteur agréé, s'était procuré ces céréales par des moyens illicites et qui, pour les revendre aux coopératives, s'était assuré le concours des cultivateurs susnommés, lesquels avaient accepté d'établir les laissez-passer à leur nom ;
En cet état ;
Sur le moyen additionnel de cassation, pris de la violation des articles 1800 et 1801 du Code général des impôts, des articles 734 à 737 du Code de procédure pénale, ensemble violation des articles 485, 591 et 593 du même Code ;
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a assorti du sursis l'ensemble des peines fiscales prononcées contre les prévenus X..., Y..., Z... et A... sans autre restriction que celle relative à la somme servant de base à la pénalité du quintuple droit et sans constater que les intéressés remplissaient les conditions prévues par la loi ;
" alors, précisémment, que l'article 1801 du Code général des impôts subordonne l'application de cette mesure de clémence à l'absence de condamnation antérieure du prévenu ou même, simplement, de procès-verbal suivi de transaction ;
" et alors que ni la confiscation, en raison de son caractère réel, ni l'amende dans la mesure où, sanctionnant les infractions ayant porté sur le blé, elle n'est pas calculée sur la base de droits fraudés ou compromis, ne pouvaient être comprises dans le sursis " ;
Attendu que les arrêts attaqués, confirmant la décision des premiers juges, ont condamné X..., Y..., Z... et A..., pour établissements de titres de mouvement inapplicables, aux confiscations et amendes fiscales édictées par l'article 31 du décret de codification du 23 novembre 1937, puis après avoir constaté que les prévenus n'avaient jamais fait l'objet de poursuites, ont décidé qu'il serait sursis à l'exécution de ces peines pour la partie excédant les sommes servant de base au calcul des pénalités du quintuple droit " ;
Attendu qu'en l'état de cette disposition dont il résulte sans incertitude que sont exclues du bénéfice du sursis toutes les confiscations prononcées ainsi que les amendes du double du prix du blé qui ont sanctionné les infractions portant sur cette céréale, le moyen, qui, par ailleurs, reproche vainement aux arrêts attaqués d'avoir accordé le bénéfice du sursis aux prévenus, sans avoir constaté qu'ils n'avaient fait l'objet précédemment d'aucun procès-verbal suivi de condamnation ou de transaction alors que les conclusions de l'administration poursuivante ne faisaient elles-mêmes aucunement état de l'existence de tels précédents, manque par le fait sur lequel il prétend se fonder et doit être rejeté ;
Sur le moyen de cassation, pris de la violation des articles 22 et 31 du décret de codification du 23 novembre 1937, 16 de la loi du 5 juillet 1941 sur l'organisation du marché des céréales secondaires, 51-111 de l'ordonnance n° 58-1372 du 29 décembre 1958, ensemble violation des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale,
" en ce que l'arrêt attaqué, tout en condamnant les expéditeurs réels ou apparents des céréales incriminées, a renvoyé les coopératives " La Franciade " et " L'Union " des fins de la poursuite fiscale pour réception des mêmes céréales sous le couvert de titres de mouvement inapplicables,
" aux motifs que ces deux coopératives étaient démunies de tous moyens pour vérifier si les livraisons que leur faisaient leurs adhérents au moyen de titres de mouvement présentant l'apparence de la régularité étaient frauduleuses ; que le caractère apparent de sincérité de ces titres était " invincible ",
" alors que l'enlèvement, le transport et la réception de céréales sous le couvert de titres de mouvement inapplicables constituent une seule et même infraction à la charge de l'expéditeur, du transporteur, ainsi que du destinataire, dès lors qu'il a pris possession de la marchandise ; que cette infraction, purement matérielle, caractérisée par la participation des prévenus à un fait unique, et justifiant la responsabilité solidaire de l'expéditeur, du transporteur et du destinataire, ne peut être excusée qu'en cas de force majeure, laquelle, ne pouvant être déduite de la seule régularité apparente du titre, n'était, en l'espèce, pas établie ; "
Vu lesdits articles ;
Attendu que l'expédition, le transport et la réception de céréales sous couvert de titres de mouvement inapplicables constituent une seule et même infraction qui engage solidairement la responsabilité de tous ceux qui, indépendamment de leur bonne ou mauvaise foi, y ont participé matériellement à moins qu'ils ne puissent se prévaloir du fait justificatif de force majeure, laquelle ne peut résulter que d'un événement imprévisible et insurmontable ;
Attendu que pour relaxer les sociétés " Union coopérative du Loir-et-Cher " et " La Franciade " des fins de la poursuite exercées contre elles du chef de réceptions de céréales sous couvert de titres de mouvement inapplicables, les juges du fond, après avoir justement rappelé que les titres de mouvement, sans lesquels les céréales ne peuvent circuler, doivent permettre, d'une part, aux agents de l'administration d'exercer à tout moment les vérifications dont ils ont la charge et, d'autre part, aux collecteurs agréés de vérifier les caractéristiques de la livraison, notamment quant à l'identité des producteurs, se bornent ensuite à énoncer que ces collecteurs agréés ne peuvent encourir aucune responsabilité lorsqu'ils reçoivent des céréales accompagnées de laissez-passer établis par leurs adhérents et présentant toute apparence de régularité ; qu'en l'espèce, les deux coopératives en cause étaient démunies de tous moyens pour vérifier si les livraisons que leur faisaient leurs adhérents, au moyen de titres présentant l'apparence de la régularité, étaient entachées de fraude ; que le caractère apparent de sincérité de ces titres - qui, d'ailleurs, ne constituaient qu'une infime proportion de ceux qui sont présentés, chaque année, à ces coopératives, - était invincible ;
Mais attendu que par ces énonciations, d'ailleurs contradictoires entre elles, en ce que d'une part, elles reconnaissent les obligations de vérifications qui incombent aux collecteurs agréés alors que, d'autre part, elles attribuent un caractère invincible de sincérité à des titres présentant une simple apparence de régularité, les juges du fond qui, en réalité, n'ont fondé leur décision de relaxe que sur les difficultés que pouvait présenter pour les coopératives la vérification des titres sans qu'il résulte de leurs constatations que ces difficultés, même considérables, aient constitué l'événement imprévisible et insurmontable pouvant seul caractériser la force majeure, n'ont pas donné une base légale à leur décision ;
Que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
Casse et annule l'arrêt précité de la Cour d'appel d'Orléans du 8 janvier 1979 mais seulement en celles de ses dispositions ayant prononcé la relaxe des sociétés " Union coopérative du Loir-et-Cher " et " La Franciade ", toutes autres dispositions dudit arrêt ainsi que celles de l'arrêt de la même Cour d'appel du 5 mars 1979 condamnant A... étant expressément maintenues, et pour être statué à nouveau conformément à la loi, dans les limites de la cassation prononcée, renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en Chambre du Conseil ;
Ordonne l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la Cour d'appel d'Orléans, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt du 8 janvier 1979 partiellement annulé.