Sur la déchéance du pourvoi, soulevée par la défense :
Attendu que l'Etat français soutient que le pourvoi de M. X... encourt la déchéance dès lors qu'il n'a pas été suivi d'un mémoire contenant un moyen de cassation dans le délai de 3 mois, applicable aux instances auxquelles le service des Domaines est partie ;
Mais attendu qu'aucune disposition spéciale ne dispensant les parties du ministère d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, dans les instances intéressant les biens domaniaux ou toute autre instance, à laquelle le service des Domaines est partie, la déchéance du pourvoi n'est pas encourue ;
Sur les deux moyens, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 4 avril 1995), statuant sur renvoi après cassation, que, suivant un acte du 15 février 1968, l'Etat français a vendu un terrain à la commune de Vaux-sur-Mer ; que M. X..., invoquant sa qualité de propriétaire d'une partie du terrain, a assigné, le 5 mai 1986, la commune en revendication de celle-ci, puis a assigné en intervention forcée le directeur des services fiscaux de la Charente-Maritime, et conclu à l'annulation de la vente ; que la commune et les services fiscaux ont invoqué la prescription acquisitive ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande, alors, selon le moyen, 1o que le bien-fondé de l'action en revendication immobilière emporte nécessairement reconnaissance du droit de propriété exclusif du revendiquant, ce qui suffit à lui permettre d'obtenir la restitution de son bien, sans qu'aient vocation à jouer les règles relatives à la publicité foncière et à l'opposabilité des titres émanant d'un même auteur ; qu'en retenant, pour dénier toute efficacité à la revendication de M. X..., sur le terrain dont il était devenu propriétaire par l'effet d'une donation que lui avait consentie sa mère, que la vente de la même parcelle par l'Etat à la municipalité, lui était opposable dès lors qu'elle avait été régulièrement publiée et qu'il n'en contestait pas la validité, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 30 du décret du 4 janvier 1955 et, par refus d'application, l'article 544 du Code civil ; 2o qu'en outre, à l'action en revendication de M. X... ayant pour base son titre de propriété, la municipalité avait opposé une exception fondée uniquement sur la prescription acquisitive trentenaire, en sorte que les juges du fond étaient saisis d'un différend entre le titulaire d'un titre et un tiers invoquant des faits de possession ; qu'en opposant l'acte de vente conclu entre les deux personnes publiques, cela pour refuser de déduire les conséquences légales de la preuve par M. X... de son droit de propriété, quoi qu'elle n'eût point à résoudre un conflit entre deux titres provenant d'un auteur commun, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; 3o que l'acquisition d'une parcelle de terre par prescription suppose l'accomplissement, dès l'origine, d'actes matériels de détention ou de jouissance manifestant l'exercice d'une possession réelle, laquelle ne peut résulter de la seule conclusion d'actes juridiques ; qu'en affirmant que, depuis l'année 1948, l'Etat puis la municipalité avaient possédé le terrain litigieux en se comportant comme ses propriétaires successifs, sur l'unique foi d'un arrêté d'amodiation au profit d'un occupant, des énonciations figurant dans le contrat administratif de cession de la propriété à la commune, ainsi que d'un permis de construire accordé à un nouvel occupant, sans relever l'existence d'actes matériels de possession exécutés, dès l'origine, par les personnes publiques elles-mêmes, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 2228 et 2229 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs adoptés, que, par un arrêté du 23 septembre 1948, l'Etat avait autorisé l'occupation du terrain par un tiers en vertu d'un contrat d'amodiation pour une durée de 18 ans, que ce faisant il s'était comporté comme propriétaire du terrain et en avait disposé en cette qualité, percevant une redevance annuelle pendant de très nombreuses années, sans jamais être troublé dans sa possession et qu'ensuite la commune de Vaux-sur-Mer avait acquis le terrain, par un acte du 15 février 1968, après une enquête publique courant 1967, la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée sur l'opposabilité de l'acte de vente, a légalement justifié sa décision, en retenant souverainement que l'Etat et son ayant-droit justifiaient d'une possession continue, paisible et publique, non équivoque en qualité de propriétaires successifs depuis 1948, soit depuis plus de 30 ans à la date de l'assignation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.