La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/07/1996 | FRANCE | N°95-13424

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 09 juillet 1996, 95-13424


Attendu que, par l'arrêt attaqué (Paris, 31 mars 1995), la cour d'appel, saisie de l'appel formé par M. X... contre un jugement qui, sur le fondement de l'article 178 de la loi du 25 janvier 1985, avait prononcé sa liquidation judiciaire, a confirmé cette décision et rejeté la demande de l'appelant tendant à faire juger que l'incapacité d'exercer une fonction publique élective, prévue par l'article 194 de la loi du 25 janvier 1985, n'est plus applicable ;

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir statué ainsi

qu'il a fait, alors, selon le pourvoi, d'une part, que les lois des 22 j...

Attendu que, par l'arrêt attaqué (Paris, 31 mars 1995), la cour d'appel, saisie de l'appel formé par M. X... contre un jugement qui, sur le fondement de l'article 178 de la loi du 25 janvier 1985, avait prononcé sa liquidation judiciaire, a confirmé cette décision et rejeté la demande de l'appelant tendant à faire juger que l'incapacité d'exercer une fonction publique élective, prévue par l'article 194 de la loi du 25 janvier 1985, n'est plus applicable ;

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir statué ainsi qu'il a fait, alors, selon le pourvoi, d'une part, que les lois des 22 juillet et 16 décembre 1992 portant réforme du Code pénal ont mis fin à toute privation des droits civiques susceptible de résulter de plein droit comme peine accessoire d'une condamnation pénale ; que le législateur, qui a ainsi manifesté sa volonté de mettre fin à toute peine accessoire de cet ordre en toute matière, a nécessairement entendu abroger l'article 194 de la loi du 25 janvier 1985 ; que la cour d'appel, en refusant d'en écarter l'application, a violé l'article L. 132-21 du nouveau Code pénal et l'article 159 de la loi du 16 décembre 1992 ; alors, d'autre part, que la sanction de l'inéligibilité résultant de l'article 194 de la loi du 25 janvier 1985 revêt, par son automaticité, un caractère contraire à la notion de procès équitable dont l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantit le respect ; qu'en refusant d'écarter son application en l'espèce la cour d'appel a méconnu ledit article 6, ensemble l'article 55 de la Constitution ; alors, en outre, que l'article 194 de la loi du 25 janvier 1985 ne distingue pas entre mandats électifs nationaux et mandats électifs européens ; que cette sanction automatique, sans équivalent dans les Etats membres de l'Union européenne, méconnaît tant en elle-même qu'au regard des modalités de sa mise en oeuvre le principe d'indépendance du Parlement européen ; qu'ainsi la cour d'appel a méconnu l'article 5 du Traité de l'Union européenne et l'article 2 du règlement intérieur du Parlement européen pris en application de l'article 142 dudit Traité ; et alors, enfin et subsidiairement, que la cour d'appel qui ne relève pas que les institutions communautaires ont été tenues informées par l'Etat français de la procédure suivie contre M. X... et des conséquences susceptibles d'en résulter quant à l'exercice de son mandat européen a privé sa décision de base légale au regard de l'article 5 du Traité de l'Union européenne ;

Mais attendu, d'une part, que l'article 132-21, alinéa 1er, du nouveau Code pénal prévoit que l'interdiction de tout ou partie des droits civiques, civils et de famille ne peut, nonobstant toute disposition contraire, résulter de plein droit d'une condamnation pénale ; que l'article L. 5 du Code électoral, dans sa rédaction issue de l'article 159 de la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992, applicable en la cause, interdit l'inscription sur les listes électorales des majeurs sous tutelle ; qu'ainsi, aucune de ces dispositions n'a entraîné l'abrogation de l'article 194 de la loi du 25 janvier 1985 qui édicte, en cas de liquidation judiciaire prononcée à l'égard d'une personne physique, l'incapacité pour celle-ci d'exercer une fonction publique élective ;

Attendu, d'autre part, que l'incapacité que la loi attache au prononcé de la liquidation judiciaire d'une personne physique et qui prend effet de plein droit à compter de la notification qui en est faite à celle-ci ne contrevient pas aux dispositions de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'intéressé bénéficie de la garantie prévue par ce texte du fait de la procédure ayant abouti au prononcé de la liquidation judiciaire et dont il n'est pas soutenu qu'elle ne répondrait pas aux exigences du procès équitable ;

Attendu, en outre, que l'acte du 20 septembre 1976 portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct dispose, dans son article 7, paragraphe 2, que, jusqu'à l'entrée en vigueur d'une procédure électorale uniforme, la procédure électorale est régie, dans chaque Etat membre, par les dispositions nationales ; que l'article 11 du même acte exclut la compétence du Parlement européen pour statuer sur les contestations soulevées sur la base des dispositions nationales auxquelles l'acte renvoie ; que l'article 12, paragraphe 2, prévoit que lorsque la vacance d'un siège de représentant résulte de l'application des dispositions nationales en vigueur dans chaque Etat membre, celui-ci informe l'assemblée qui en prend acte ; qu'ainsi, l'incapacité d'exercer une fonction publique élective, prévue par l'article 194 de la loi du 25 janvier 1985, n'est pas contraire aux textes invoqués par la troisième branche ;

Attendu, enfin, que la cour d'appel n'avait pas à effectuer la constatation dont fait état la quatrième branche dès lors que la vacance du siège, qui donne naissance à l'obligation d'information prévue à l'article 12, paragraphe 2, de l'acte du 20 septembre 1976, précité, se produit postérieurement à la décision de liquidation judiciaire et nécessite l'accomplissement de formalités qui échappent à la compétence du juge ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 95-13424
Date de la décision : 09/07/1996
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 25 janvier 1985) - Redressement et liquidation judiciaires - Faillite personnelle et autres mesures d'interdiction - Fonction élective - Incapacité - Abrogation par le nouveau Code pénal ou le Code électoral (non).

1° Ni l'article 132-21, alinéa 1er, du nouveau Code pénal qui prévoit que l'interdiction de tout ou partie des droits civiques, civils et de famille ne peut, nonobstant toute disposition contraire, résulter de plein droit d'une condamnation pénale, ni l'article L. 5 du Code électoral, dans sa rédaction issue de l'article 159 de la loi du 16 décembre 1992, qui interdit l'inscription sur les listes électorales des majeurs sous tutelle n'a entraîné l'abrogation de l'article 194 de la loi du 25 janvier 1985 qui édicte, en cas de liquidation judiciaire prononcée à l'égard d'une personne physique, l'incapacité pour celle-ci d'exercer une fonction publique élective.

2° ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 25 janvier 1985) - Redressement et liquidation judiciaires - Faillite personnelle et autres mesures d'interdiction - Fonction élective - Incapacité - Convention européenne des droits de l'homme - Article 6 - 1 - Compatibilité.

2° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Interprétation - Article 6 - 1 - Redressement et liquidation judiciaires - Faillite personnelle et autres mesures d'interdiction - Fonction élective - Incapacité.

2° L'incapacité que la loi attache de plein droit au prononcé de la liquidation judiciaire d'une personne physique ne contrevient pas aux dispositions de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que l'intéressé a bénéficié de la garantie prévue par ce texte du fait de la procédure ayant abouti au prononcé de la liquidation judiciaire.

3° ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 25 janvier 1985) - Redressement et liquidation judiciaires - Faillite personnelle et autres mesures d'interdiction - Fonction élective - Incapacité - Articles 5 du traité de l'Union européenne et 2 du règlement du Parlement européen - Compatibilité.

3° L'incapacité d'exercer une fonction publique élective, prévue à l'article 194 de la loi du 25 janvier 1985, n'est pas contraire au principe de l'indépendance du Parlement européen, dont l'intéressé est membre, dès lors que la procédure électorale est régie, dans chaque Etat membre, par les dispositions nationales.

4° ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 25 janvier 1985) - Redressement et liquidation judiciaires - Faillite personnelle et autres mesures d'interdiction - Fonction élective - Incapacité - Obligation d'informer les institutions communautaires - Constatations nécessaires (non).

4° La juridiction qui prononce la liquidation judiciaire d'une personne physique, laquelle entraînera postérieurement la vacance de son siège de représentant au Parlement européen, n'a pas à constater l'accomplissement de l'obligation d'information des institutions communautaires par l'Etat membre concerné.


Références :

1° :
1° :
2° :
3° :
Code pénal 132-21 al. 1 nouveau
Code électoral L5
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art.6.1
Loi 85-98 du 25 janvier 1985 art. 194
Loi 92-1336 du 16 décembre 1992 art. 159

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 31 mars 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 09 jui. 1996, pourvoi n°95-13424, Bull. civ. 1996 IV N° 207 p. 178
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1996 IV N° 207 p. 178

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. de Gouttes.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Pasturel.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, la SCP Ancel et Couturier-Heller, MM. Blanc, Foussard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:95.13424
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award