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07/07/1998 | FRANCE | N°96-15724

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 07 juillet 1998, 96-15724


Statuant tant sur le pourvoi incident relevé par les sociétés Carribean Liners (Caribtainer) limited, Anglian Shipping limited et Charles Taylor and Co limited que sur le pourvoi principal formé par le groupement d'intérêt économique Concorde et M. X..., ès qualités de liquidateur de la procédure collective de la société Natisa France ; met, sur sa demande, hors de cause la société Silvertrans, à l'encontre de laquelle n'est formulé aucun des griefs des pourvois ;

Donne acte au groupement d'intérêt économique Concorde et à M. X... de ce qu'ils se sont partiellement d

ésistés de leur pourvoi en tant que formé à l'encontre des sociétés Pheni...

Statuant tant sur le pourvoi incident relevé par les sociétés Carribean Liners (Caribtainer) limited, Anglian Shipping limited et Charles Taylor and Co limited que sur le pourvoi principal formé par le groupement d'intérêt économique Concorde et M. X..., ès qualités de liquidateur de la procédure collective de la société Natisa France ; met, sur sa demande, hors de cause la société Silvertrans, à l'encontre de laquelle n'est formulé aucun des griefs des pourvois ;

Donne acte au groupement d'intérêt économique Concorde et à M. X... de ce qu'ils se sont partiellement désistés de leur pourvoi en tant que formé à l'encontre des sociétés Phenix Rosies et Guadeloupéenne de transport maritime ;

Donne acte à la compagnie Generali de France de ce qu'elle reprend l'instance aux lieu et place du groupement d'intérêt économique Concorde ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Les Grands Moulins des Antilles (société Les Grands Moulins) ayant acheté, suivant les modalités de la vente CAF, plusieurs silos à grains à la société Groupement d'études et de réalisations industrielles et commerciales et à la société Stolz Sequipag (les vendeurs), ceux-ci ont confié à la société Natisa France (société Natisa), agissant en qualité de commissionnaire, l'organisation du transport des matériels ; que, pour la partie maritime du déplacement, la société Natisa, depuis mise en liquidation judiciaire, s'est adressée aux sociétés Carribean Liners (Caribtainer) limited et Anglian Shipping limited (les transporteurs maritimes) qui ont émis le 27 décembre 1989, en Belgique, un connaissement à leur en-tête ; que les silos ont été chargés à Anvers en pièces détachées dans 6 conteneurs dépourvus de toit qui ont été mis sur le pont du navire " Atlantic Island " ; qu'au cours du voyage entre les ports d'Anvers et de Pointe-à-Pitre, via celui du Havre, le navire a essuyé une forte tempête au cours de laquelle des paquets de mer ont pénétré dans les conteneurs à travers la bâche les recouvrant, provoquant l'oxydation des parties métalliques de certains silos ; que la cour d'appel a condamné les vendeurs à réparer le préjudice ainsi causé à la société Les Grands Moulins, à concurrence du coût intégral de la réparation des silos endommagés, les transporteurs maritimes et la société Natisa étant tenus de les garantir de ces condamnations ;

Sur le troisième moyen, pris en ses huit branches, du pourvoi incident, en tant qu'il est formé par les transporteurs maritimes, qui est préalable :

Attendu que les transporteurs maritimes reprochent à l'arrêt d'avoir, à l'appui de leur condamnation à garantie, retenu leur responsabilité dans la survenance du dommage ; alors, selon le pourvoi, premièrement, que l'exonération de responsabilité, prévue par l'article 4-2 c) de la convention de Bruxelles du 25 août 1924, applicable à la cause, lorsque des pertes ou dommages résultent de périls, dangers ou accidents de la mer, n'est pas subordonnée à la preuve que ces circonstances aient le caractère imprévisible de la force majeure ; qu'en subordonnant le caractère exonératoire de l'événement invoqué à son imprévisibilité, la cour d'appel a violé l'article 4-2 c) de la Convention ; alors, deuxièmement, que la stipulation du connaissement excluant dans tous les cas l'obligation pour le transporteur d'informer le chargeur d'un chargement en pontée était dépourvue de toute ambiguïté ; qu'en affirmant qu'elle prévoyait une obligation d'information a posteriori lorsque le transport présente des risques exceptionnels, la cour d'appel a dénaturé l'article 18 B du connaissement et violé l'article 1134 du Code civil ; alors, troisièmement, qu'il ne résulte nullement des constatations de l'arrêt que le transporteur ait su que le voyage comportait des risques exceptionnels ; que la cour d'appel a, au surplus, privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; alors, quatrièmement, que, dans la mesure où la cour d'appel aurait entendu se prononcer sur la validité de la stipulation invoquée par le transporteur et retenir que celui-ci ne pouvait être conventionnellement affranchi de l'obligation de prévenir a posteriori le chargeur d'un chargement en pontée, elle aurait violé l'article 1er c) de la convention de Bruxelles ; alors, cinquièmement, que, dans la même conception de l'arrêt, la cour d'appel, en négligeant de s'interroger, comme elle y était invitée, sur l'adaptation du navire au transport de conteneurs en pontée, aurait entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de la même disposition ; alors, sixièmement, toujours dans la même conception de l'arrêt et en admettant que la question de la régularité du transport en pontée et de la validité de la clause en question du connaissement soit régie par le droit français, la cour d'appel aurait violé l'article 22 de la loi n° 66-420 du 18 juin 196 et, à tout le moins, entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de cette disposition ; alors, septièmement, qu'en admettant que la mise en pontée fût fautive, la cour d'appel devait en toute hypothèse s'interroger sur le rôle causal de l'événement de mer invoqué dans la production du dommage pour déterminer si la responsabilité du transporteur ne devait pas au moins être partiellement écartée ; que l'arrêt est entaché d'un défaut de base légale au regard de l'article 4-2 c) de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 ; et alors, enfin, que la présence d'une clause parmi d'autres n'exclut en rien son acceptation ; que le motif supposé adopté sur ce point par l'arrêt méconnaît l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que la clause imprimée au dos du connaissement, aux termes de laquelle, selon les constatations de l'arrêt, le transporteur maritime a la faculté de charger les conteneurs qui lui sont remis au transport soit en cale, soit en pontée, sans avoir à aviser le chargeur de la décision du capitaine, ne permet pas, lors de la création du connaissement, de connaître l'option qui sera finalement choisie et dispense même le transporteur, en cas de mise en pontée, de recueillir postérieurement l'autorisation de son cocontractant sur ce mode de chargement, faute que celui-ci en soit informé ; que, dès lors, elle ne pouvait tenir lieu, en l'espèce, de la déclaration de mise sur le pont de la marchandise, celle-ci fût-elle placée en conteneurs sur un navire muni d'installations appropriées, qui est seule prévue à l'article 1er c) de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement ; qu'il en résulte que la pontée litigieuse était irrégulière au regard de ce traité, entraînant par là même l'application exclusive de celui-ci à la cause, et rendant inopérantes les critiques fondées sur la loi française, inapplicable, ou sur la clause précitée ;

Attendu, en second lieu, que s'il est exact que les périls, dangers ou accidents de la mer, mentionnés à l'article 4-2 c) de la convention de Bruxelles précitée exonèrent le transporteur maritime de la responsabilité qu'il encourt pour pertes ou avaries aux marchandises transportées, quand bien même la fortune de mer ne serait pas constitutive d'un cas de force majeure, aucune exonération pour ce motif n'est possible, fût-ce partiellement, lorsque les marchandises ont été arrimées irrégulièrement sur le pont et qu'il est démontré le lien de causalité entre cette faute et le préjudice subi ; qu'ayant relevé que les transporteurs maritimes avaient commis une faute en ne plaçant pas les conteneurs litigieux en cale et que sans cette faute les dommages ne se seraient pas produits, malgré la tempête, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de retenir la responsabilité entière des transporteurs ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi principal : (sans intérêt) ;

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal, et sur le quatrième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident, en tant qu'il est formé par les transporteurs maritimes, qui sont rédigés en termes semblables : (sans intérêt) ;

Formé par la société Charles Taylor and Co limited :

Et sur le deuxième moyen du pourvoi incident en tant qu'il est ;

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que l'arrêt a condamné la société Charles Taylor and Co limited (société Taylor), en qualité d'assureur des transporteurs maritimes, à garantir les vendeurs et la société Natisa des condamnations les concernant ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre par aucun motif aux conclusions de la société Taylor, qui faisait valoir que les statuts du club de protection " Standard Protection and Indemnity Club " dont elle était gérant, et aux termes desquels seul l'armateur membre du club peut, après exécution de sa condamnation, réclamer à celui-ci remboursement de ce qu'il a versé, faisaient obstacle, conformément à la loi anglaise applicable, à l'exercice à son encontre, non de l'action directe réservée à la victime du dommage ou à ses subrogés, mais d'appels en garantie formés par des coauteurs de celui-ci, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement dans ses dispositions concernant la société Charles Taylor and Co limited et en ce qu'il a refusé aux sociétés Carribean Liners (Caribtainer) limited et Anglian Shipping limited, ainsi qu'à la société Natisa France, représentée par le liquidateur de sa procédure collective, le bénéfice de toute limitation de responsabilité, l'arrêt rendu le 18 mars 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 96-15724
Date de la décision : 07/07/1998
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° TRANSPORTS MARITIMES - Marchandises - Transport international - Convention de Bruxelles du 25 août 1924 - Domaine d'application - Transport en pontée - Clause générale d'autorisation.

1° Un transport en pontée n'est régulier au regard de l'article 1er c) de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement que s'il existe une déclaration de mise sur le pont et la clause du connaissement suivant laquelle le transporteur maritime a la faculté de charger les conteneurs qui lui sont remis au transport soit en cale, soit en pontée, sans avoir à aviser le chargeur de la décision du capitaine ne peut en tenir lieu.

2° TRANSPORTS MARITIMES - Marchandises - Transport international - Convention de Bruxelles du 25 août 1924 - Responsabilité du transporteur - Exonération - Dangers et périls de mer - Marchandise arrimée irrégulièrement sur le pont (non).

2° Si les périls, dangers ou accidents de la mer, mentionnés à l'article 4-2 c) de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement exonèrent le transporteur maritime de la responsabilité qu'il encourt pour pertes ou avaries aux marchandises transportées, quand bien même la fortune de mer ne serait pas constitutive d'un cas de force majeure, aucune exonération pour ce motif n'est possible, fût-ce partiellement, lorsque les marchandises ont été arrimées irrégulièrement sur le pont et qu'il est démontré le lien de causalité entre cette faute et le préjudice subi.

3° CASSATION - Moyen - Défaut de réponse à conclusions - Applications diverses - Réponse nécessaire - Assurance maritime - Club de protection - Statuts - Obstacle aux appels en garantie.

3° Exigeaient une réponse les conclusions d'un club de protection entre armateurs faisant valoir que les statuts de celui-ci, aux termes desquels seul l'armateur membre du club peut, après exécution de sa condamnation, lui réclamer remboursement de ce qu'il a versé, faisaient obstacle, conformément à la loi anglaise applicable, à l'exercice à son encontre, non de l'action directe réservée à la victime du dommage ou à ses subrogés, mais d'appels en garantie formés par des coauteurs de celui-ci.


Références :

1° :
2° :
Convention de Bruxelles du 25 août 1924 art. 1 c
Convention de Bruxelles du 25 août 1924 art. 4-2 c

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre, 18 mars 1996

A RAPPROCHER : Chambre commerciale, 1992-12-19, Bulletin 1992, IV, n° 387, p. 272 (cassation) ; Chambre civile 1, 1997-01-21, Bulletin 1997, I, n° 24 (2), p. 14 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 07 jui. 1998, pourvoi n°96-15724, Bull. civ. 1998 IV N° 222 p. 183
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1998 IV N° 222 p. 183

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Jobard.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Rémery.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Le Bret et Laugier, la SCP Delaporte et Briard, MM. Guinard, Le Prado.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.15724
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