REJET du pourvoi formé par :
- X... Joseph,
contre un arrêt de la Cour d'appel de Douai, Chambre correctionnelle, en date du 10 juillet 1985 qui, pour complicité de fraudes fiscales, l'a condamné à 10 mois d'emprisonnement avec sursis, et 5 000 francs d'amende, et qui, à la demande de l'administration des Impôts, partie civile, a dit qu'il serait solidairement tenu avec Y... Michel, auteur des délits de fraudes fiscales, au paiement, au titre de l'exercice 1976, des impôts et taxes éludés par ce dernier, ainsi qu'aux pénalités fiscales y afférentes.
LA COUR,
Vu les mémoires produits tant en demande qu'en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé et pris de la violation de l'article 485 du Code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit X... coupable d'avoir par aide et assistance été complice des fraudes commises par Y... en ce qui concerne l'impôt sur le revenu au titre de 1976, et en ce qui concerne la TVA due en 1976, en répression avoir condamné X... à 10 mois d'emprisonnement avec sursis et 5 000 francs d'amende, et de l'avoir dit tenu solidairement avec Y... au paiement des impôts et taxes fraudés, cette solidarité étant limitée au paiement de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1976 et à celui des pénalités y afférentes ;
" alors que la Cour ne pouvait, sans violer les dispositions de l'article 485 du Code de procédure pénale, omettre d'énoncer dans le dispositif de l'arrêt les textes fondant la complicité de Y... et les textes fondant les différentes peines auxquelles il était condamné (violation de l'article 485 du Code de procédure pénale) " ;
Attendu que si regrettable que soit l'omission, au regard des prescriptions de l'article 485 du Code de procédure pénale, de viser dans le dispositif de l'arrêt les textes répressifs et fiscaux appliqués au condamné, celle-ci ne saurait donner lieu à cassation, dès lors que, comme en l'espèce, l'ordonnance de renvoi, le jugement du tribunal correctionnel et les conclusions de la partie civile mentionnent expressément que les délits imputés à X... Joseph et les peines encourues par lui étaient prévues par les articles 59 et 60 du Code pénal, 1741, 1742 et 1745 du Code général des impôts ;
Que par suite aucune incertitude n'existant quant aux textes de loi dont il a été fait application au prévenu pour les infractions retenues contre lui, ainsi qu'aux peines et pénalités qui lui ont été infligées, aucune nullité ne saurait, au sens de l'article 802 du Code de procédure pénale, découler de cette omission purement matérielle ;
Que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé et pris de la violation des articles 59 et 60 du Code pénal ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable d'avoir, par aide et assistance, été complice des fraudes commises par Y... en ce qui concerne l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 1976 et en ce qui concerne la TVA due en 1976 et de l'avoir condamné à 10 mois d'emprisonnement avec sursis et 5 000 francs d'amende, et au paiement solidaire des impôts fraudés en 1976 ;
" aux motifs que " X..., professionnel de la banque, ne pouvait ignorer la finalité de ces agissements, dont la succursale et donc également lui indirectement, tirait profit, et dont l'irrégularité était patente : compte utilisé de manière anormale (pas de relevés adressés au client, pas de carnet de chèques, à côté d'un compte ouvert et utilisé normalement, pas de déclaration à l'administration fiscale) et ce dans un but de fraude fiscale évident et d'ailleurs indiqué dès l'origine. Il convient d'ailleurs de noter qu'il s'agissait d'un seul compte de passage particulier de l'agence ; X... en fournissant ainsi sciemment à Y... un moyen de fraude, s'est donc bien rendu complice du délit de fraude fiscale commis par celui-ci, tant l'élément matériel que l'élément intentionnel (conscience de commettre un délit) étant nettement caractérisé " ;
" alors que la Cour, en constatant seulement l'utilisation anormale du " compte de passage " ouvert auprès de la banque dont X... était le chef d'agence, n'a pas relevé l'existence d'un acte matériel positif de complicité, violant par là même les dispositions des articles 59 et 60 du Code pénal " ;
Attendu que pour confirmer le jugement du tribunal correctionnel en ce qu'il avait retenu le principe de la culpabilité de l'auteur principal des fraudes fiscales, Michel Y... et celle de son complice pour ces fraudes, Joseph X..., les juges énoncent que selon les déclarations concordantes des deux prévenus, Y... était venu demander à son banquier le moyen de ne pas faire figurer la totalité de ses recettes au compte bancaire qui était le sien au Crédit agricole et que X..., qui était le responsable de cette agence bancaire, sachant que son client cherchait, par ce moyen, à dissimuler une partie de ses recettes au fisc, lui avait conseillé l'ouverture d'un " compte de passage " dans le même établissement ; que ce nouveau compte avait permis à Y... de disposer d'une trésorerie occulte qu'il avait utilisée à des achats et ventes sans factures, ce que X..., professionnel de banque, n'avait pu ignorer malgré ses dires, d'autant que ce type de compte dont aucun autre client de l'agence n'avait bénéficié, n'avait fait l'objet d'aucun relevé adressé à Y..., et n'avait pas été assorti de la délivrance d'un quelconque chéquier permettant à son titulaire de modifier le montant de son actif par voie de retraits à son nom ou d'effets émis à l'ordre de tiers ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la Cour d'appel a justifié l'ensemble des éléments constitutifs tant matériel qu'intentionnel du délit de complicité de fraudes fiscales dont X... a été déclaré coupable et donné une base légale à sa décision ;
Que le moyen qui tente de remettre en cause devant la Cour de Cassation les éléments de preuves soumis au débat contradictoire ne saurait par suite être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé et pris de la violation des articles 59 et 60 du Code pénal, des articles 1741 et 1743 du Code général des impôts ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable d'avoir, par aide et assistance, été complice des fraudes commises par Y... en ce qui concerne l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 1976 et en ce qui concerne la TVA due en 1976 et de l'avoir condamné à 10 mois d'emprisonnement avec sursis et 5 000 francs d'amende, et à payer solidairement les impôts fraudés ;
" aux motifs que " les agissements de X... ont permis à Y... la réalisation de ces deux délits. En tant que complice, il ne peut invoquer que la prescription opposable par l'auteur principal. En l'espèce, les dernières opérations sur le compte de passage ont eu lieu en octobre 1976. Il en ressort que ce dernier a utilisé pour commettre des dissimulations de recettes pour l'année 1976 dont les déclarations ne s'effectuaient que courant 1977. C'est donc à tort que X... estime que le délai de prescription a débuté le 1er janvier 1977 alors qu'en fait il ne débutait que fin 1977. Or, la saisine de la commission des infractions fiscales a eu lieu le 23 décembre 1980, soit donc dans le délai de 3 ans fixé par l'article L. 230 du Livre des procédures fiscales " ;
" alors que, d'une part, les faits retenus par la Cour comme prétendument constitutifs d'un acte de complicité de la part de X... ne pouvaient s'imputer qu'au seul délit réprimé par l'article 1743 du Code général des impôts (omission de passation d'écriture) et non pas au délit réprimé par l'article 1741 du même Code (sanction frauduleuse à l'établissement et au paiement des impôts), les deux délits étant distincts ;
" alors que, d'autre part, les faits de complicité reprochés à X..., qui ne pouvait être déclaré complice que du délit d'omission de passation d'écritures (article 1743 du Code général des Impôts), ne pouvaient se situer qu'antérieurement au 31 décembre 1976, date à laquelle était close la comptabilité de l'année 1976 de Y... (violation de l'article L. 230 du Code des procédures fiscales) " ;
Attendu que pour rejeter l'argumentation de X... qui soutenait que de toute façon, le délit de complicité de fraudes fiscales qui lui était imputé était prescrit au prétexte que s'agissant de recettes encaissées par Y... en 1976 et non déclarées par lui à l'administration des Impôts, la commission des infractions fiscales n'avait été saisie pour avis que le 23 décembre 1980, l'arrêt attaqué mentionne qu'en qualité de complice, X... ne pouvait invoquer que la prescription dont aurait pu bénéficier l'auteur principal, mais que ce dernier ayant effectué encore en octobre 1976 des opérations sur ledit compte de passage, lesquelles opérations, bien que soumises à l'impôt au titre de l'exercice 1977, n'avaient pas été déclarées par le contribuable, les faits de fraudes fiscales dont Y... avait à répondre, et par là, ceux de complicité imputés à X..., n'étaient pas atteints par la prescription prévue par l'article L. 230 du Livre des procédures fiscales, lorsque la commission des infractions fiscales en avait été saisie par la direction des impôts ;
Qu'en statuant ainsi, et alors que les juges du fond n'ont pas dit le prévenu coupable de complicité du délit prévu par l'article 1743 du Code général des impôts, la Cour d'appel a donné une base légale à sa décision ;
Que, dès lors, en ses diverses branches, le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.