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11/03/2020 | FRANCE | N°17/02728

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 11 mars 2020, 17/02728


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 11 MARS 2020



N° RG 17/02728 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RSKW



AFFAIRE :



[W] [J]





C/

SARL SERVIER INTERNATIONAL

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Avril 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : E

N° RG : 14/00163



Cop

ies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



SCP BBO



Me Christophe DEBRAY







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE ONZE MARS DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant da...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 MARS 2020

N° RG 17/02728 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RSKW

AFFAIRE :

[W] [J]

C/

SARL SERVIER INTERNATIONAL

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Avril 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : E

N° RG : 14/00163

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

SCP BBO

Me Christophe DEBRAY

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE MARS DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [W] [J]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 3]

de nationalité Française

White Cliffs -

Enterprise [Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentant : Me Fabien BARBUDAUX-LE FEUVRE de la SCP BBO, Constitué/Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R057

APPELANT

****************

SARL SERVIER INTERNATIONAL

N° SIRET : 321 357 865

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Adeline LARVARON de la SELARL LUSIS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0081 - Représentant : Me Christophe DEBRAY, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627

Société SERVIER CARIBBEAN LIMITED

N° SIRET : 212 38

« Stafford House »

Suite n° : 1 and 2

[Adresse 4],

[Adresse 4]

Représentant : Me Adeline LARVARON de la SELARL LUSIS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0081 - Représentant : Me Christophe DEBRAY, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Janvier 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Laure BOUBAS, conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Luc LEBLANC, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Marie-Laure BOUBAS, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER,

FAITS ET PROCÉDURE :

Fondé en 1954, le laboratoire Servier est devenu le premier groupe pharmaceutique français. Parmi les sociétés du groupe établies en France, la Société Servier International emploie environ 350 collaborateurs.

Aux termes d'un contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er avril 1997, Monsieur [W] [J] a été engagé par la société Servier International en qualité d'adjoint opérationnel.

Les relations de travail étaient soumises à la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique.

Le 15 juin 1999, par avenant, Monsieur [J] a été affecté en qualité d'adjoint opérationnel au sein de la société Servier West Indies Ltd, désormais dénommée la société Servier Caribbean Limited.

Pendant quatorze ans, Monsieur [W] [J] a été amené à assumer les fonctions de directeur général de cette filiale locale, qui a employé une trentaine de salariés.

Par un courriel du 8 octobre 2013, Monsieur [J] a été convoqué le 16 octobre suivant par Monsieur [N] [H], son supérieur hiérarchique direct et responsable de la zone « Amérique Latine » au sein de la société Servier International, à un rendez-vous ayant pour objet le bilan de l'exercice passé, les objectifs 2013/2014 et un entretien annuel d'évaluation (EAD). Au cours de ce rendez-vous, Monsieur [H] et Monsieur [B], des ressources humaines de la société Servier International, ont annoncé à Monsieur [W] [J] le terme de son affectation à la Barbade, au plus tard le 14 février 2014.

Lors de cet entretien, Monsieur [W] [J] s'est vu remettre un avenant, prévoyant notamment :

son retour au 14 février 2014 au plus tard ;

une proposition de reclassement au sein de la société Servier International sur un poste de « directeur de Projet Business Developpement » accompagné d'une nouvelle définition de sa rémunération brute mensuelle et d'une prise en charge destinée à l'indemniser de ses frais liés à son retour (logement, prime d'installation, prime de mobilité), les autres modalités de son contrat de travail du 3 mars 1997 restant inchangées ;

une annexe décrivant très brièvement les fonctions de « directeur de Projet Business Developpement ».

Il a été précisé que Monsieur [J] disposait d'un délai de quatre semaines pour se positionner sur cette offre de reclassement, soit jusqu'au 13 novembre 2013, à défaut de quoi il était réputé l'avoir refusée.

Monsieur [J] estime avoir été contraint d'accepter la mutation proposée.

En janvier 2014, Monsieur [H] lui a transmis plusieurs directives et lui a formulé des reproches, notamment sur la question de la communication quant à son départ auprès de ses collaborateurs et sur la passation des dossiers.

Monsieur [J] a adressé successivement deux courriers à son responsable, les 6 et 10 janvier 2014, afin de dénoncer le fait que son employeur :

l'avait professionnellement fragilisé en ne lui ayant proposé aucune formation, en n'ayant organisé aucune évaluation de ses compétences et en ne lui ayant proposé aucune évolution professionnelle durant plus de 14 ans,

l'avait brutalement évincé de ses fonctions dans des conditions particulièrement humiliantes,

lui avait proposé un poste de reclassement totalement incompatible avec l'importance de ses fonctions,

n'avait cessé de lui faire des reproches au cours des derniers mois pour mieux l'inciter à quitter son poste,

n'avait pas hésité à lui supprimer de manière unilatérale son bonus 2012/2013, après l'avoir empêché d'atteindre chaque année ses objectifs.

Monsieur [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre le 14 janvier 2014, en résiliation judiciaire de son contrat de travail pour les raisons énoncées ci-dessus et en paiement de diverses sommes.

Il a été dispensé d'activité avec maintien de sa rémunération à compter du 20 février 2014.

Par courrier du 10 mars 2014, il a pris acte de la rupture de la son contrat de travail aux torts de ses employeurs, informant néanmoins ses employeurs qu'il se tenait à leur disposition.

Le 25 mars 2014, la société Servier Caribbean Limited a rompu le contrat de travail de droit local, estimant que Monsieur [J] avait fait preuve de carence dans son travail au cours des derniers mois.

Par jugement du 27 avril 2017, auquel il convient de se reporter pour l'exposé des faits, prétentions et moyens soutenus devant eux, les premiers juges ont :

- mis hors de cause la société Servier Caribbean Ltd.

- débouté Monsieur [W] [J] de l'ensemble de ses demandes.

- débouté la société Servier International de ses demandes reconventionnelles.

Monsieur [J] a relevé appel du jugement le 24 mai 2017.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 10 octobre 2018, Monsieur [W] [J] demande à la cour d'appel de :

- déclarer son appel recevable et bien fondé ;

Y Faisant droit,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a débouté la société Servier International de ses demandes reconventionnelles ;

- l'infirmer pour le surplus notamment en ce qu'il a débouté Monsieur [W] [J] de l'ensemble de ses demandes ;

Statuant à nouveau,

Demandes au titre de l'exécution du contrat de travail :

A titre principal, de :

- dire et juger que faute pour la société Servier International d'avoir fixé à Monsieur [W] [J] les objectifs desquels dépendait l'attribution de ses bonus annuels en début d'exercice, il est bien fondé à réclamer l'intégralité de ses primes sur objectifs à 100 % ;

- dire et juger qu'en ayant fixé tardivement à Monsieur [W] [J] des objectifs totalement irréalisables car déconnectés du marché et de la situation économique, il a été privé d'une partie de sa rémunération de sorte qu'il est bien fondé à réclamer l'intégralité de ses primes sur objectifs à 100 % ;

- condamner en conséquence la société Servier International à payer à Monsieur [W] [J] les sommes de :

10.250 euros à titre de rappel de Bonus 2013/2014 ;

1.025 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur Bonus 2013/2014 ;

20.500 euros à titre de rappel de Bonus 2012/2013 ;

2.050 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur Bonus ;

14.600 euros à titre de rappel de Bonus 2011/2012 ;

1.460 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur Bonus ;

13.600 euros à titre de rappel de Bonus 2010/2011 ;

1.360 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur Bonus ;

17.300 euros à titre de rappel de Bonus 2009/2010 ;

1.730 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur Bonus ;

18.525 euros à titre de rappel de Bonus 2008/2009 ;

1.852 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur Bonus ;

Le tout avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes du 14 janvier 2014 ;

A titre subsidiaire, de :

- dire et juger que la société Servier International a, en tout état de cause, manqué à son obligation de bonne foi et au principe de loyauté régissant le contrat de travail dans la fixation de ses objectifs ;

- condamner la société Servier International à payer à Monsieur [W] [J] la somme de 104.250 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

En tout état de cause, de :

- condamner la société Servier International et la société Servier Caribbean Ltd à payer à Monsieur [W] [J] conjointement et solidairement la somme de 5.831 euros à titre de rappel de salaire au titre de l'indemnité d'expatriation et les congés payés y afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes ;

Demandes au titre de la rupture du contrat de travail :

- dire et juger que Monsieur [W] [J] était fondé à prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts et griefs des sociétés Servier International et Servier Caribbean Ltd ;

- requalifier par conséquent la prise d'acte de rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

- condamner la société Servier International et la société Servier Caribbean Ltd à payer à Monsieur [W] [J] conjointement et solidairement les sommes de :

46.277,43 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis de 3 mois ;

4.627,74 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis 1/10ème ;

141.266,43 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

400.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Le tout avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

Autres demandes, de :

- condamner la société Servier International à remettre dans les 15 jours de la notification du jugement à intervenir :

une attestation Pôle emploi conforme à la décision à intervenir ;

un bulletin de paie conforme à la décision à intervenir ;

Le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter de la notification de la décision ;

- condamner la société Servier International et la société Servier Caribbean Ltd à payer à Monsieur [W] [J] conjointement et solidairement la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Servier International et la société Servier Caribbean Ltd aux entiers dépens.

En réplique, aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 1er octobre 2019, la société Servier International et la société Servier Caribbean Limited demandent à la cour :

A titre principal, de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 27 avril 2017 en ce qu'il a mis hors de cause la société Servier Caribbean Ltd ;

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 27 avril 2017 en ce qu'il a débouté Monsieur [W] [J] de l'ensemble de ses demandes, à savoir :

sa demande de requalification de sa prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse;

ses demandes de rappels de bonus et d'indemnités compensatrices de congés payés y afférents ;

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 27 avril 2017 en ce qu'il a débouté la société Servier International de :

sa demande de condamnation au versement de la somme de 27.836,25 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la non-exécution du préavis ;

sa demande de condamnation que versement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

En conséquence, de :

- débouter Monsieur [W] [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions en ce compris sa demande de rappel de salaire au titre de l'indemnité d'expatriation et de congés payés y afférents ;

- le condamner à verser à la société Servier International la somme de 27.836,25 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la non-exécution du préavis ;

- le condamner à verser à la société Servier International la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner aux éventuels dépens, dont distraction au profit de Maître Debray, avocat conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- le condamner aux entiers dépens de l'instance ;

A titre subsidiaire, de : si la Cour devait considérer par extraordinaire qu'un rappel de salaire était dû à Monsieur [W] [J] :

- limiter le rappel de salaire uniquement pour les exercices 2010/2011, 2011/2012 et 2012/2013, au regard de la prescription.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 novembre 2019.

L'affaire a été plaidée le 17 janvier 2020 et mise en délibéré au 11 mars 2020.

MOTIFS :

Les demandes des parties tendant à voir « dire et juger » ou « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne donneront pas lieu à mention dans le dispositif.

Sur le co-emploi:

Force est de constater que si Monsieur [J] sollicite la condamnation solidaire des sociétés Servier International et Servier Carribbean Limited pour une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, au titre du co-emploi, il n'argumente pas sur ce point dans ses conclusions d'appel et ne fait valoir aucun élément de ce chef; il sera en conséquence débouté et le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

Sur la prise d'acte:

Aux termes des dispositions de l'article L.1231-1 du Code du travail, le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative du salarié.

En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse , si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Le manquement invoqué par le salarié doit être d'une gravité telle qu'il rend impossible la poursuite du contrat de travail.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur. Si un doute persiste, il profite à l'employeur.

La prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à l'employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail en sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire introduite auparavant. Tel est le cas en l'espèce.

Il appartient au juge de se prononcer sur la seule prise d'acte en examinant l'ensemble des manquements de l'employeur invoqués par le salarié tant à l'appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet qu'à l'appui de la prise d'acte.

En substance, Monsieur [J] reproche à son ancien employeur:

-l'absence de formation lui permettant une évolution de carrière,

-le non-versement de la part de sa rémunération variable au titre des derniers exercices d'activité,

-une exécution déloyale du contrat de travail qui s'est déclinée sous plusieurs aspects.

1) Sur l'absence de formation et d'évaluation permettant une évolution de carrière:

Aux termes de l'alinéa premier de l'article L. 6321-1 du code du travail: « L'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations ».

Monsieur [J] fait valoir que son ancien employeur a gravement manqué à ses obligations en ne lui assurant pas de formation durant l'ensemble de sa carrière. Il ajoute qu'il n'a pas bénéficié d'entretien annuel d'évaluation, pas plus que d'un entretien au titre de la seconde partie de carrière, au mépris des dispositions conventionnelles puis légales à compter de 2014, ce qui lui a inévitablement causé un préjudice, ces entretiens étant les seuls à même de lui permettre de faire un bilan avec son employeur de ses compétences, et de ses perspectives d'évolution de carrière.

La société conclut au rejet de cette argumentation. En revanche, la société relève que la loi n'impose aucun entretien d'évaluation, et que c'est seulement depuis la loi n°2014-288 du 5 mars 2014 qui a réécrit l'article L.6315-1 du Code du travail que l'entretien professionnel, qui ne se confond pas avec l'entretien annuel d'évaluation, est devenu obligatoire. Les sociétés avaient deux ans pour le mettre en oeuvre. Or, la société Servier International rappelle que Monsieur [J] a quitté la société suite à sa prise d'acte le 10 mars 2014, qu'il n'a donc pu bénéficier de ce dispositif, tout comme il n'a pu bénéficier du dispositif EAD (Entretien Annuel de Développement) que la société a mis en place à compter d'octobre 2013, suite à une information des salariés en avril 2013; Monsieur [J] ayant quitté la société avant d'avoir bénéficié de cet entretien.

En outre, la société fait valoir que Monsieur [J] a bénéficié de l'adaptation de ses compétences aux fonctions qu'il exerçait en participant à de très nombreux séminaires et réunions; elle relève qu'il n'a jamais sollicité l'utilisation de ses heures acquises au titre du DIF. Dans tous les cas, elle indique qu'elle a respecté les dispositions légales et conventionnelles en vigueur, que son ancien salarié avait les compétences requises pour exercer les fonctions qui lui étaient confiées à La Barbade; qu'aucun des griefs invoqués de ces chefs n'est caractérisé.

S'agissant de l'absence de formation, Monsieur [J] se plaint d'une absence de formation ayant nui à son évolution de carrière.

Il convient de relever que l'absence de formation n'a pas empêché Monsieur [J] de travailler de manière continue pour la société pendant 14 ans. De même, s'il est acquis que l'employeur doit veiller à l'adaptation de son salarié à ses fonctions, le salarié a également tout loisir, au vu des dispositifs légaux et conventionnels mis en place, pour solliciter également des formations, et ce d'autant plus lorsque le salarié concerné exerce des responsabilités au niveau de la direction de l'entreprise qui l'emploie.

Il résulte des pièces produites que Monsieur [J] s'est toujours maintenu à un niveau de compétence très satisfaisant comme le démontre la longévité de sa carrière au sein de la société Servier International, la satisfaction de son employeur, à tout le moins jusqu'à l'année 2013, et la satisfaction du salarié lui-même qui ne souhaitait pas quitter ses fonctions, ayant établi sa vie sur place comme il l'indique lui-même dans ses écritures.

En l'espèce, si ce grief apparaît constitué, la société étant dans l'impossibilité de démontrer qu'elle a respecté les dispositifs légaux et conventionnels en matière de formation, force est de constater que ce manquement ne présente pas le caractère de gravité suffisant pour empêcher la poursuite de la relation contractuelle.

Sur l'absence d'entretien d'évaluation et d'entretien de seconde partie de carrière, il convient de relever que s'agissant de l'absence d'entretien d'évaluation, ce qui ne constituait pas une obligation pour l'employeur sur l'ensemble de la relation de travail, que ce grief a perduré dans le temps sans entraver la continuité de la relation contractuelle. Au surplus, au regard des responsabilités exercées par Monsieur [J], il avait toute capacité pour solliciter de tels entretiens.

Enfin, de manière contradictoire, le salarié fait valoir qu'il n'a pu bénéficier de ces entretiens et que cela a eu nécessairement un impact négatif sur son évolution de carrière, alors que dans le même temps, il fait valoir que son affectation à La Barbade avait pour lui un caractère définitif, et qu'il ne souhaitait pas changer de poste.

Si ces deux griefs apparaissent constitués, la société ne démontrant pas qu'elle se soit conformée aux dispositions conventionnelles et légales sur ces deux points; ils ne revêtent cependant pas le caractère de gravité nécessaire pour justifier une prise d'acte dès lors qu'ils n'ont pas empêché la poursuite de la relation contractuelle pendant de longues années.

2) Sur la rémunération variable:

Monsieur [J] fait valoir que son employeur a été défaillant quant à la fixation des objectifs et au paiement de sa rémunération variable.

Ainsi, il rappelle que si les objectifs d'un salarié conditionnant la partie variable de sa rémunération peuvent être définis par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, ils doivent être fixés de manière réalistes et doivent être réalisables. En cas de litige, c'est à l'employeur de démontrer que si les objectifs n'ont pas été atteints, c'est de la faute du salarié.

Dans tous les cas, les objectifs doivent être portés à la connaissance du salarié en début d'exercice, sauf si des circonstances particulières rendent impossible la fixation de ces objectifs à cette date, ce que le juge doit contrôler, à défaut de quoi la rémunération variable doit être payée intégralement.

Monsieur [J] demande à la cour d'écarter la prescription soulevée par la société Servier International pour les années antérieures à 2010, en ce qu'il explique bénéficier de la prescription de cinq ans prévue au titre des dispositions transitoires de la loi de juin 2013, la prescription de cette action salariale étant en cours au moment de la parution de cette loi. Ainsi, il estime pouvoir bénéficier d'un rappel sur bonus à compter de l'exercice 2008/2009, le salarié ayant saisi le Conseil de prudhommes le 14 janvier 2014.

Monsieur [J] expose que son employeur lui fixait systématiquement ses objectifs avec plusieurs mois de retard, que ces derniers étaient irréalistes au regard de la situation économique et du marché mais que néanmoins ses supérieurs faisaient peser une pression toujours plus forte pour les atteindre. Il produit en ce sens divers courriels de ses supérieurs hiérarchiques, ainsi que les lettres d'intéressement fixant ses objectifs.

Outre la reconnaissance par la cour de la gravité de ce manquement pouvant justifier d'une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, Monsieur [J] sollicite un rappel de bonus pour les exercices 2008/2009 à 2013/2014.

La société Servier International soulève la prescription des demandes formées avant le 13 janvier 2011 en raison de l'application du délai de prescription de 3 ans en vigueur depuis la loi de juin 2013.

La société Servier International fait valoir que son ancien salarié ne peut prétendre à un quelconque bonus, qu'il a été rempli dans ses droits lorsque les objectifs ont été atteints, ce qui n'étaient pas toujours le cas.

Ainsi, concernant l'exercice 2012/2013, la société indique que Monsieur [J] n'a pas atteint ses objectifs, raison pour laquelle il n'a pas bénéficié de l'intégralité de sa part de rémunération variable à objectifs atteints. Elle produit des courriels adressés par Monsieur [H] lui reprochant des carences dans la réalisation de ses objectifs sur cette période, carences qui justifieront par la suite le licenciement de Monsieur [J] par la société Servier Caribbean Limited.

Il résulte des tableaux communiqués par les deux parties que les objectifs qui étaient fixés à Monsieur [J] étaient similaires d'années en années; qu'aucune prime n'était due si les résultats étaient inférieurs à 90% des objectifs; qu'en tant que directeur opérationnel de la filiale, Monsieur [J] connaissait parfaitement les objectifs qu'il devait atteindre tout comme ses équipes; qu'il ne peut en conséquence se retrancher derrière une communication tardive à laquelle il a lui même participé tout au long de la relation contractuelle pour justifier de sa prise d'acte.

En l'espèce, il ne s'agit pas d'un manquement suffisamment grave pour Monsieur [J] car cette situation s'est prolongée pendant 5 ans sans que cela n'entrave la poursuite de la relation contractuelle. Dès lors, ce grief ne peut servir de fondement à la prise d'acte.

Par ailleurs, le salarié ne démontre pas ne pas avoir bénéficié de la part de rémunération variable à laquelle il avait droit et pour laquelle il n'aurait pas été rémunéré. Ce grief ne saurait prospérer.

3) Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

L'article L. 1222-1 du Code du travail dispose: « le contrat de travail est exécuté de bonne foi ».

Monsieur [J] fait valoir que la société Servier International a manqué notamment à son obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi en ne respectant pas les dispositions conventionnelles applicables dans le cadre du terme d'un contrat d'expatrié, dans les conditions du retour, ainsi que le prévoient les articles L. 1231-5 al. 1 du Code du travail, mais également au mépris des dispositions résultant des articles 21 et 31-2 de la convention collective applicable en ce que la société a méconnu les délais obligatoires dans le cas d'une réaffectation, tout comme elle n'a pas respecté son obligation d'information quant à un éventuel refus du salarié de se voir réaffecter.

Monsieur [J] ajoute qu'il doit bénéficier des dispositions conventionnelles dans leur version originaire de 1996, version qui a été étendue à l'ensemble des entreprises, et qui s'impose en conséquence à la société Servier International, peu important dès lors qu'elle ne soit plus adhérente au LEEM.

Il fait également valoir que les conditions du retour brutal sur le territoire national qui lui ont été imposées par la société Servier International ont porté atteinte de manière disproportionnée à sa vie privée et familiale, sa famille étant établie à La Barbade depuis 14 ans.

Il rappelle que la mise en 'uvre d'une mobilité, y compris en application d'une clause contractuelle spécifique, ne doit pas porter une atteinte disproportionnée au droit du salarié à une vie personnelle et familiale, que tel a été le cas dans sa situation.

Ainsi, il explique que deux de ses trois enfants sont nés sur place, que sa femme originaire d'Argentine avait trouvé un emploi stable à La Barbade en tant que médecin psychiatre, que ses enfants alors âgés de 16,14 et 11 ans étaient scolarisés sur place, dans un système propre à La Barbade sans correspondance avec le système scolaire français, qu'au surplus, la société qui lui imposait un retour en France ne proposait aucun accompagnement pour permettre à son épouse de trouver un travail sur le territoire métropolitain, et ce alors qu'elle disposait de diplômes non reconnus en France.

Monsieur [J] reproche également à son ancien employeur de lui avoir imposé ce départ sans invoquer aucune raison liée à l'intérêt de l'entreprise et ce alors qu'il avait contribué au développement du chiffre d'affaires tout au long de son affectation à La Barbade.

Monsieur [J] ajoute que les conditions de son départ sont intervenues de manière vexatoire, ainsi alors que son employeur lui avait laissé 4 semaines pour répondre à sa proposition de retour formulée lors de l'entretien du 8 octobre 2013, pour un terme du contrat de détachement fixé unilatéralement par l'employeur au 14 février 2014; dès le 14 novembre 2013, la société Servier International, lui avait annoncé son remplacement par un dénommé Monsieur [M].

Il en déduit que ce manquement à l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail justifie la prise d'acte.

La société conclut au rejet de ce grief. Elle fait valoir d'une part que les dispositions conventionnelles invoquées par son ancien salarié ne lui sont pas applicables car elle a démissionné de l'instance patronale (le LEEM) les appliquant en 2011. Elle ajoute que l'article 21 de la CCN ne vise que « le changement de résidence en France métropolitaine pour les nécessités de l'entreprise » alors que Monsieur [J] travaillait à La Barbade.

S'agissant des dispositions de l'article 32-1 de la CCN, elle considère qu'elles ne lui sont pas applicables car elle n'était plus adhérente du LEEM depuis 2011, et qu'au surplus ces dispositions visent l'information du salarié dans le cas du refus d'une éventuelle modification du contrat de travail lié à une réaffectation et de la possibilité de l'employeur de le licencier alors que Monsieur [J] bénéficiait de dispositions particulières prévues par l'article 3 de son avenant mettant en place son détachement auprès de Servier Caribbean Limited. Elle en déduit que c'est la clause de mobilité prévue dans le contrat qui doit s'appliquer.

Elle fait valoir qu'elle a respecté les obligations découlant de l'article L.1235-1 du code du travail notamment en lui proposant à son retour en France un poste adapté à ses compétences et à ses responsabilités.

Elle conteste dans ce cadre avoir porté atteinte à la vie privée et familiale de son ancien salarié.

Sur les dispositions conventionnelles applicables, il convient de relever que si la société Servier International n'est effectivement plus adhérente du LEEM depuis 2011, elle reste néanmoins liée par les dispositions qui ont été étendues à l'ensemble des sociétés du secteur. En conséquence, c'est à bon droit que Monsieur [J] revendique l'application des dispositions conventionnelles dès lors qu'elles sont plus favorables que celles prévues à son contrat de travail ou à l'avenant l'ayant affecté à la société Servier Caribbean Limited. Le principe de faveur doit s'appliquer en l'espèce.

L'article 21 de la convention collective applicable au litige, dans sa version de 1996 étendue en 1997, vise le « Changement de résidence en France métropolitaine nécessité par les besoins de l'entreprise »; ces dispositions n'opèrent pas de distinction en fonction de la résidence originaire du salarié, contrairement à l'interprétation qu'en donne la société Servier International.

Ce texte prévoit les dispositions suivantes:

« 1- Les entreprises tiendront compte de la situation de famille et de santé des intéressés dans les décisions visant un changement de résidence nécessité par les besoins du service.

2- La modification du contrat qui concerne le lieu ou le cadre géographique de travail convenu et impose un changement de résidence devra être notifiée, par écrit, au salarié.

Cette notification fait courir simultanément deux délais :

- un délai de 6 semaines pendant lequel le salarié devra accepter ou refuser la modification notifiée. Durant ce délai, l'intéressé accompagné d'un membre de sa famille a la possibilité d'effectuer au lieu de l'affectation envisagée un voyage dont les frais seront à la charge de l'employeur après accord entre ce dernier et l'intéressé.

En cas de refus du salarié, la rupture du contrat de travail sera considérée comme étant le fait de l'employeur ;

- un délai de 12 semaines avant l'expiration duquel la mise en 'uvre du changement d'affectation ne pourra avoir lieu qu'avec l'accord du salarié.

3- ['] L'employeur s'efforcera de faciliter le relogement du salarié dans le nouveau lieu de résidence [']. De même, il aidera le conjoint du salarié à retrouver un emploi, dans la mesure du possible ['] ».

Force est de constater que la société Servier n'a pas respecté ces dispositions, Monsieur [J] n'a pas bénéficié du délai de réflexion de 6 semaines, il n'a pas fait l'objet d'une notification écrite, la société ne justifie pas avoir engagé des démarches d'accompagnement tant pour le logement que pour l'emploi du conjoint.

Sur l'article 31-1 de la CCN, les mêmes remarques doivent être faites quant à la version de 1996 étendue en 1997 qui s'applique à toutes les sociétés de la branche, dont la société Servier International. Dans cette version applicable au litige, il est prévu:

« toute modification apportée à un des éléments de la lettre d'embauchage ou du contrat de travail ['] fera l'objet d'une notification écrite préalable explicitant la nature de la modification. Le salarié faisant l'objet d'une telle notification disposera d'un délai d'un mois à compter de la réception de la notification pour faire connaître sa réponse. À défaut de réponse dans le délai d'un mois, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée ; cette modification fera alors l'objet d'un avenant au contrat de travail. Dans le cas de refus du salarié d'accepter cette modification, et s'il est suivi d'un licenciement par l'employeur, la rupture sera considérée comme étant du fait de l'employeur et réglée comme telle ».

Force est de constater au regard des pièces produites que la société n'a pas non plus informé Monsieur [J] dans ce cadre que son refus de réaffectation serait imputable à l'employeur et non à sa personne. La société revendique à tort l'application de l'article 3 de l'avenant au contrat de Monsieur [J] qui est moins favorable que les dispositions conventionnelles. En application du principe de faveur, ces dernières doivent s'appliquer.

S'agissant de l'atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale invoquée par Monsieur [J], la société fait valoir que son salarié savait qu'il était affecté à La Barbade dans le cadre d'un contrat d'expatrié, qui n'avait pas vocation à perdurer sur l'ensemble de la carrière de l'intéressé.

Il résulte des pièces produites par la société, que si cette situation même si elle s'est avérée de longue durée, n'était pas exceptionnelle au sein de la société Servier International qui communique en ce sens des éléments concernant un salarié se trouvant dans une situation similaire et qui a été réaffecté dans une autre mission au terme de son contrat d'expatriation.

Au regard des remarques de Monsieur [J] et de ses interrogations quant au poste qui lui a été proposé pour sa réaffectation, la société justifie par un courriel daté du 13 décembre 2013, lui avoir proposé de prendre en charge l'hébergement et la scolarisation de ses enfants jusqu'à la fin de l'année scolaire 2014 afin de leur permettre de trouver une solution stable.

Sur les conditions vexatoires invoqués par le salarié concernant l'annonce de son départ, la société justifie au travers de plusieurs courriels échangés entre Monsieur [H], responsable de la zone, et Monsieur [J], des démarches engagées auprès des collaborateurs de Monsieur [J] afin de les informer du changement d'affectation de ce dernier, de la nécessité de les prévenir en raison d'un arrêt maladie suivi des congés de Monsieur [J], ce qui a entraîné son absence de fin novembre 2013 à début janvier 2014.

Dans ces conditions, il n'est pas établi que le départ de Monsieur [J] se soit effectué dans des conditions vexatoires, la société devant veiller à la stabilité de l'équipe de collaborateurs en place et à la bonne passation des dossiers.

Lorsque le juge examine les différents manquements invoqués par un salarié à l'encontre de son employeur dans le cadre d'une prise d'acte, il doit envisager la gravité des manquements invoqués mais également vérifier si la situation n'a pas été régularisé.

Si en l'espèce, il est établi que la société Servier Internationl n'a pas respecté les dispositions conventionnelles dans le cadre de l'information de son salarié, du délai de réflexion nécessaire, ainsi que des conséquences de son refus; force est de constater par la suite, entre janvier, février et mars 2014, qu'elle lui a proposé de procéder à d'autres recherches de reclassement, qu'à l'issue de sa prise d'acte, elle lui a encore fait des propositions, certes non précises, mais elle s'engageait à faire d'autres recherches, elle a proposé à Monsieur [J] deux entretiens, le 10 mars 2014 et un autre en avril, auxquels l'intéressé n'a pas souhaité répondre.

Il apparaît dès lors que si la société a commis des erreurs dans le traitement de la situation de Monsieur [J], au moins dans les premiers temps de la décision de procéder à son reclassement, il convient de relever que par la suite elle a tenté à de nombreuses reprises de corriger ses erreurs et d'apporter une solution aux demandes de Monsieur [J], ce que ce dernier a refusé.

Il convient en conséquence de dire que ce grief ne saurait être retenu au soutien de la prise d'acte formulée par Monsieur [J].

4) Sur les reproches injustifiés:

Monsieur [J] indique que son employeur a eu un comportement déloyal en n'ayant de cesse, sur les derniers mois de la relation contractuelle, de lui faire des reproches injustifiés, auxquels il a répondu point par point en les contestant.

Il produit l'attestation de Madame [P], assistante administrative de Monsieur [J], selon laquelle les 4 derniers mois de travail effectif de ce dernier ont été émaillés de reproches sans fondement, et de ce qu'il était l'objet d'une grande pression. Monsieur [J] produit également des justificatifs du chiffre d'affaires réaliss par la filiale lesquels démontrent qu'entre son arrivée en 1999 où le CA était de 3,5 millions d'euros, il était passé à 12 millions d'euros en septembre 2013. Il en conclut que les reproches formulés par son employeur sont injustifiés, et que ce comportement ajoute à l'attitude déloyale de la société Servier International à son égard.

La société conclut au rejet de cet argumentaire. Elle fait valoir que les reproches formulés par Monsieur [H] à Monsieur [J] était parfaitement justifiés et relevaient de l'exercice normal du pouvoir de direction de l'employeur. Elle ajoute que la plupart des griefs formulés sont anciens et ne peuvent donc venir au soutien d'une prise d'acte.

Il résulte des pièces produites et notamment des courriels produits par les deux parties que les reproches tels qu'invoqués par le salarié sont en réalité des remarques, qui peuvent apparaître fermes, mais qui relèvent du pouvoir de direction de l'employeur dès lors qu'il s'agit d'améliorer les actions commerciales en place dans un secteur très concurrentiel, sans qu'aucun terme déplacé ne soit utilisé.

Ce grief ne peut venir au soutien de la prise d'acte.

5) Sur la dispense d'activité rémunérée:

Monsieur [J] fait valoir que là encore, son ancien employeur a eu un comportement déloyal en le dispensant d'activité, tout en le rémunérant, à compter du 20 février 2014, alors que l'employeur a l'obligation de fournir un travail à son salarié.

Il explique n'avoir plus reçu aucune nouvelle de la société à compter du 14 février 2014, date à laquelle on l'a informé de sa dispense d'activité avec prise d'effet au 20 février, ce qui l'a conduit notamment à prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur, le 10 mars 2014.

La société conclut au rejet de cet argumentaire, faisant valoir que la dispense d'activité rémunérée n'était que temporaire, qu'elle était liée au terme du contrat de travail avec la société Servier Caribbean Limited et à la recherche d'un poste de reclassement de Monsieur [J], en adéquation avec ses compétences et ses responsabilités.

Il résulte de pièces produites et notamment des courriers et courriels adressés par la société à son salarié à compter du 14 février 2014, qu'un entretien était prévu le 10 mars entre les parties pour évoquer les possibilités de reclassement, qu'il a été décidé de différer le rapatriement de Monsieur [J] initialement prévu le 17 février 2014 au 10 mars.

Dès lors, au regard de la situation particulière de Monsieur [J] quant au terme de son contrat local avec Servier Carribean Limited, de son nécessaire rapatriement lié au terme de ce contrat, et des recherches relatives à son poste de reclassement, le grief invoqué par Monsieur [J] quant à la non fourniture de travail ne saurait prospérer.

Ce grief ne saurait être retenu au soutien de la prise d'acte.

6) Sur le non-respect des dispositions conventionnelles et légales relatives à l'obligation de reclassement du salarié au retour de son détachement au sein d'une filiale à l'étranger :

L'article L. 1231-5 al. 1 du Code du travail dispose: « lorsqu'un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d'une filiale étrangère et qu'un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions en son sein ».

Les dispositions conventionnelles résultant de l'alinéa 1 er de l'article 9 de l'accord collectif du 22 octobre 1984 prévoient que « dans sa politique d'expatriation, l'entreprise devra tenir compte des perspectives de réinsertion ultérieure des intéressés dans l'un de ses établissements de métropole afin de pouvoir les affecter, dès leur retour, à des emplois aussi compatibles que possible avec l'importance de leurs fonctions ».

Monsieur [J] en déduit qu'en lui proposant au titre du reclassement le poste de « Directeur de Projet Business Développement », la société a manqué à ses obligations, ce poste étant de bien moindre responsabilité que celui qu'il occupait à La Barbade. Il ajoute que la proposition de reclassement formulée au salarié au terme d'un contrat d'expatriation, doit être claire et précise, ce qui n'était pas le cas selon lui.

Ainsi, il expose qu'en tant que Directeur général de la filiale basée à La Barbade, il encadrait une trentaine de personnes, qu'il occupait des missions transversales notamment en aidant les Directeurs filiales des Caraïbes, du Vénézuela ou encore du Mexique à développer leurs marchés, qu'il avait en charge personnellement le développement sur l'ensemble de la zone Amérique Latine de médicaments comme le Daflon 500 ou encore le STABLON; que dès lors, le contenu de son poste était nettement plus important, avec un champ d'action et de responsabilités étendu, contrairement au poste qui lui a été proposé au reclassement, lors de son retour en France métropolitaine.

Il ajoute que la proposition qui lui a été faite était pour le moins floue ce qui l'a conduit à solliciter son employeur à 5 reprises pour obtenir des précisions qu'il n'a pas toujours eues.

La société fait valoir qu'elle a parfaitement respecté les obligations qui découlent de l'article L. 1231-5 al. 1 du Code du travail contrairement aux dires de son ancien salarié. Ainsi, elle précise lui avoir fait une offre de reclassement correspondant à ses compétences en lui proposant le poste de Directeur de Projet Business Développement, au sein de la Direction de Zone Amérique Latine, à compter du 17 février 2014 impliquant selon elle un niveau hiérarchique équivalent. Cette proposition s'accompagnait d'une fiche de poste. Monsieur [J] devait se positionner avant le 10 février 2014, à défaut, son silence serait assimilé à un refus.

La société explique avoir recherché un autre poste et avoir demandé à son ancien salarié de revoir sa décision de prise d'acte ce que ce dernier a refusé.

La société ajoute que Monsieur [J] avait parfaitement connaissance, conformément à son contrat de travail, qu'il n'était pas détaché de manière définitive à La Barbade, et que la durée d'expatriation ne saurait emporter ce caractère définitif. Elle précise qu'elle a formulé cette proposition de reclassement en amont, pour anticiper le licenciement du salarié par la filiale locale. Elle produit plusieurs documents parmi lesquels les fiches de poste de Monsieur [J], celle du poste occupé à La Barbade, celle du poste proposé au reclassement, ainsi que des éléments de comparaison quant à la rémunération.

Au regard des pièces produites par les parties, contrairement aux dires du salarié, il apparaît que ces deux postes sont équivalents, tant en termes de fonctions, de classification que de rémunération. Il en résulte que ce grief invoqué à l'appui de la prise d'acte ne peut valablement être retenu.

* * *

Par conséquent, au vu des éléments produits par Monsieur [J], ne relevant pas d'un manquement imputable à la société Servier International, la prise d'acte de Monsieur [J] produit les effets d'une démission. Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

En revanche, il convient de débouter la société Servier International de sa demande reconventionnelle formée au titre du préavis non exécuté par Monsieur [J]. En effet, au moment de la prise d'acte du 10 mars 2014, Monsieur [J] était dispensé de toute activité mais était néanmoins rémunéré, et ce depuis le 20 février 2014. Il a indiqué dans son courriel de prise d'acte, se tenir à disposition de la société, avant de se raviser quelques semaines plus tard, sans qu'à aucun moment la société n'ait fait appel à ses services. En conséquence, la société ne saurait prétendre à une quelconque indemnisation de ce chef dès lors qu'elle n'a pas sollicité son salarié pour qu'il assure un travail de manière effective. Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

Sur l'indemnité d'expatriation et les congés payés afférents:

Monsieur [J] sollicite un rappel sur indemnité d'expatriation à hauteur de 5.831 euros ainsi que les congés payés afférents. Il fait valoir que son ancien employeur a, de manière unilatérale modifié sa rémunération en réduisant cette indemnité en août 2013 et jusqu'au terme de son contrat. Elle oppose à la société son interprétation de la clause visée à l'article n°10 de l'avenant contractuel du 15 juin 1999, aux termes duquel il est stipulé que « l'indemnité de détachement ['] pourra être modifiée et le cas échéant réduite voire supprimée lorsque la durée continue d'établissement dans ce pays excédera 5 ans », en précisant que même dans ce cadre, la société avait l'obligation de recueillir l'accord de son salarié, ce qu'elle n'a pas fait.

La société conclut au rejet de cette demande et à la confirmation de la décision attaquée en ce qu'elle n'a fait qu'appliquer les dispositions contractuelles, qu'il s'agissait d'une prime, et que le retrait de cette prime relevait uniquement du pouvoir de l'employeur dès lors que le contrat prévoyait même la possibilité d'une suppression à compter de 5 ans d'expatriation.

Force est de constater à la lecture de l'avenant signé par Monsieur [J] qu'il avait valablement donné son accord à ce dispositif, dont l'attribution et le montant relevait du seul pouvoir d'appréciation de l'employeur dès lors qu'il ne s'agit pas d'un élément de rémunération à proprement parler mais d'une prime soumise à un aléa. Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires:

Il convient d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté la société Servier International de sa demande reconventionnelle formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable que la société Servier International supporte l'intégralité de ses frais irrépétibles. En conséquence, Monsieur [J] sera condamné à lui verser la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Monsieur [J], partie perdante, sera condamné aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société Servier International de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant de nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,

Condamne Monsieur [W] [J] à payer à la société Servier International la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d'appel;

Condamne Monsieur [W] [J] aux dépens de la procédure de 1ère instance et d'appel.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Luc LEBLANC, président et par Madame POIRIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 17/02728
Date de la décision : 11/03/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°17/02728 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-03-11;17.02728 ?
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