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19/06/2019 | FRANCE | N°16/03966

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 19 juin 2019, 16/03966


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



17e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 19 JUIN 2019



N° RG 16/03966



AFFAIRE :



SAS TAYLOR NELSON SOFRES



C/



[E] [B]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Juillet 2016 par le Conseil de Prud'hommes de Boulogne Billancourt

N° Section : Activités diverses

N° RG : 14/02095



Copies exécutoires et c

ertifiées conformes délivrées à :



SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES



Me Christel ROSSE





Expédition numérique délivrée à :



POLE EMPLOI







le : 19 Juin 2019





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX NEUF JUIN DEUX MI...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 JUIN 2019

N° RG 16/03966

AFFAIRE :

SAS TAYLOR NELSON SOFRES

C/

[E] [B]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Juillet 2016 par le Conseil de Prud'hommes de Boulogne Billancourt

N° Section : Activités diverses

N° RG : 14/02095

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

Me Christel ROSSE

Expédition numérique délivrée à :

POLE EMPLOI

le : 19 Juin 2019

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF JUIN DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS TAYLOR NELSON SOFRES

N° SIRET : 414 49 6 3 15

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentants : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - et Me Mohamed CHERIF, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1911

APPELANTE

****************

Mademoiselle [E] [B]

née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Jean-Claude BERNARD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0921 - et Me Christel ROSSE, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 67

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2016/012097 du 28/11/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Avril 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Clotilde MAUGENDRE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Président,

Madame Evelyne SIRE-MARIN, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Corinne DELANNOY,

Par jugement du 1er juillet 2016, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, statuant en sa formation de départage, a :

- dit l'action de Mme [E] [B] recevable,

- prononcé la requalification des contrats à durée déterminée d'usage conclus depuis le 5 février 2004 entre Mme [B] et la société TNS Sofres en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet,

- dit que le licenciement économique est sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société TNS Sofres à verser à Mme [B] les sommes suivantes :

. 1 254,28 euros à titre d'indemnité de requalification,

. 29 828,47 euros à titre de rappel de salaire,

. 2 982,84 euros au titre des congés payés y afférents,

. 7 525 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

le tout avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la demande en ce qui concerne les créances salariales et à compter du jugement en ce qui concerne les indemnités,

- rappelé qu'en vertu des dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail, les sommes visées par l'article R.1454-14 sont exécutoires de plein droit dans la limite de neuf mois de salaire, calculés sur la base du salaire mensuel moyen,

- fixé cette moyenne à la somme de 1 254,28 euros,

- débouté Mme [B] de toutes ses autres demandes,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ou de toute autre demande plus ample ou contraire,

- condamné la société TNS Sofres à payer à Mme [B] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société TNS Sofres aux dépens.

Par déclaration adressée au greffe le 5 août 2016, la société Taylor Nelson Sofres a fait appel de ce jugement.

Par ordonnance du 25 janvier 2018, la clôture de la mise en état a été prononcée.

Par dernières conclusions remises au greffe le 11 mai 2017, la société Taylor Nelson Sofres demande à la cour de :

in limine litis,

sur l'exception de nullité pour vice de forme en l'absence de conciliation préalable,

- constater l'absence de conciliation préalable,

- renvoyer Mme [B] à mieux se pourvoir,

1) sur le recours au CDD d'usage,

- constater que les contrats à durée déterminée d'usage ont été conclus pour l'exécution de missions précises et temporaires,

- dire valable le recours au CDD d'usage compte tenu de l'activité par nature temporaire de leur emploi,

2) sur le formalisme des contrats,

- constater que les contrats comportent chacun la définition de leur motif « CDD d'usage » et un objet spécifique,

- dire que le formalisme du recours au contrat à durée déterminée a été pleinement respecté,

3) sur la demande de requalification à temps plein,

- constater la variabilité des périodes travaillées et le nombre d'heures de travail mensuel toujours largement inférieur à un temps plein (151,67 heures),

- constater que Mme [B] ne démontre pas s'être tenue à la disposition permanente de la société TNS Sofres, qu'elle ne travaillait pas à temps plein mais à temps partiel,

- débouter, en conséquence, Mme [B] de sa demande de :

. requalification en contrat à durée indéterminée à temps plein,

. indemnité de requalification,

en conséquence,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt le 1er juillet 2016,

- débouter Mme [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner Mme [B], en cas de requalification de la relation en CDI, au remboursement des indemnités de fin de contrat perçues au terme de chaque CDD.

Par dernières conclusions remises au greffe le 10 novembre 2017, Mme [E] [B] demande à la cour de :

- voir confirmer le jugement rendu le 1er juillet 2016 par le juge départiteur du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne :

. la prescription applicable aux rappels de salaire et le quantum alloué de ce chef,

. l'indemnité au titre de l'article L. 1235-16 du code du travail,

- vu l'article L. 1242-1 du code du travail, dire que les contrats à durée déterminés exécutés par Mme [B], tant en dehors du contrat CEIGA que dans le cadre de celui-ci, doivent être requalifiés en un seul contrat à durée indéterminée, les contrats en cause ayant eu pour objet et pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise,

- prononcer subsidiairement la nullité du contrat CEIGA,

- vu l'article L. 1245-2 du code du travail, condamner la société Taylor Nelson Sofres à lui payer la somme de :

. 1 254,28 euros à titre d'indemnité de requalification,

- vu les articles L. 3123-14 et L. 3123-33 du code du travail, dire que les contrats conclus avec la société TNS Sofres doivent être requalifiés en un contrat à temps plein,

- dire que la prescription applicable aux rappels de salaire et congés payés afférentes est quinquennale,

- condamner en conséquence la société Taylor Nelson Sofres à lui payer la somme de :

. 45 134,99 euros à titre de rappel de salaire,

. 4 513,49 euros au titre des congés payés afférents,

- condamner la société Taylor Nelson Sofres à lui payer la somme de :

. 7 525 euros sur le fondement de l'article L. 1235-16 du code du travail,

. 7 525 euros sur le fondement des articles L. 1235-3 et suivants du code du travail,

. 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les entiers dépens.

LA COUR,

Mme [E] [B] a conclu avec la société TNS Sofres, entreprise spécialisée dans les sondages et études de marché, plusieurs contrats à durée déterminée d'usage en qualité d'enquêteur vacataire, classification ETAM au coefficient 230, à compter du 1er octobre 2003, jusqu'à la signature le 12 juillet 2004, d'un contrat de chargée d'enquête intermittent à garantie annuelle dit 'CEIGA' sans modification de son coefficient.

Le 2 février 2005, Mme [B] a été engagée en qualité de chargée d'enquête intermittent à garantie annuelle à compter du 1er janvier 2005 sans modification de coefficient.

Après la signature du contrat CEIGA du 12 juillet 2004, Mme [B] a continué à être destinataire de contrats d'enquête, pour chaque mission attribuée, fixant, notamment, les jours travaillés, les horaires de travail et les tarifs horaires.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987.

Par requête du 7 juin 2013, enregistrée le 10 juin 2013, Mme [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt aux fins d'obtenir la requalification de contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

Par courrier du 6 janvier 2014, elle a été licenciée pour motif économique, dans les termes suivants :

' (...)

1. Le marché des études est lourdement touché à la fois par la crise économique et ses conséquences sur les marges de manoeuvre des entreprises mais aussi par la « digitalisation » du monde et son impact sur les modes de collecte, et la génération de données ( le « Big Data »).

(...)

2. Le marché des études ad hoc « custom » est fragilisé et la situation économique de TNS Sofres est détériorée.

(...)

3. Le marché subit une forte pression sur les prix et une concurrence agressive.

(...)

4. En conséquence, notre société souffre d'un très fort ralentissement de ses ventes dans de nombreux domaines, témoignant d'une menace avérée sur ses résultats et dès lors sur la compétitivité du secteur d'activité dont elle relève.

(...)

5. Nos résultats de l'activité téléphone se dégradent fortement, à fin 2013, la perte opérationnelle cumulée serait de 4.289.000 euros en cinq ans.

L'activité « téléphone » génère depuis 2009 et sans interruption des pertes récurrentes qui s'établissent, pour le seul exercice 2012 à 1.328.000 euros.

Ainsi, bien qu'étant de moins en moins nombreuses, ces interviews téléphoniques pèsent de plus en plus négativement dans les résultats de l'activité globale : chacune des heures vendues contribuant à la couverture des coûts fixes.

Nous constatons également que le niveau des demandes d'études « on line » ne permet pas de compenser la baisse des études « téléphone ».

L'évolution constatée du marché des études ad hoc et l'érosion des résultats qui en découlent, interdisent de maintenir plus longtemps le statut quo face aux efforts réalisés et décisions prises notamment par certains opérateurs français de plateformes téléphoniques et par d'autres instituts d'études de plus en plus nombreux qui ont pris la décision, soit de ne garder que des positions en province soit d'externaliser la totalité ou une partie de leurs positions.

Afin de sauvegarder la compétitivité de TNS SOFRES et du secteur d'activité du marché des études ad hoc au sein du groupe auquel elle appartient et afin d'éviter de creuser encore davantage le niveau des pertes sur l'activité « téléphone » au risque d'éroder plus largement encore les résultats économiques déjà fortement dégradés, la société TNS SOFRES a été contrainte de fermer le plateau téléphonique de [Localité 7].

C'est dans ce contexte que notre société a présenté un plan de fermeture de son plateau téléphonique accompagné d'un plan de sauvegarde de l'emploi visant à limiter le nombre de licenciements.

Vous occupez actuellement un poste d'enquêteur téléphone appartenant à la catégorie professionnelle « Enquêteurs Terrain ».

Cette catégorie est concernée par des suppressions de postes qui visent l'ensemble des postes d'enquêteurs affectés à la plate-forme téléphonique de [Localité 7] et, en application des critères d'ordre des licenciements, vous avez été identifiée comme susceptible d'être concernée par un licenciement pour motif économique.

Préalablement à une mesure de licenciement pour motif économique, nous avons initié une phase de reclassement interne.

(...) '

Sur l'exception de nullité pour vice de forme en l'absence de conciliation préalable :

La société Taylor Nelson Sofres soutient qu'en application de l'article L. 1411-1 du code du travail, la conciliation est un préalable obligatoire à toute procédure prud'homale, que le défaut de tentative de conciliation constitue une nullité d'ordre public qui vicie toute la procédure et que dès lors que le contrat de CEIGA est un contrat à durée indéterminée Mme [B] ne pouvait valablement saisir directement le bureau de jugement.

L'article L. 1245-2 du code du travail prévoit : 'Lorsque le conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d'un mois suivant sa saisine.'

En l'espèce, Mme [B], dans sa requête, a demandé expressément la requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

Dès lors que, contrairement à ce que soutient la société, la nature du contrat de CEIGA est sujette à discussion, en application de l'article L.1245-2 la saisine directe du bureau de jugement est fondée.

Il convient donc de rejeter la demande en nullité du jugement.

Sur la requalification de la relation contractuelle :

Sur la prescription :

La société, qui se prévaut de la prescription biennale issue de la loi du 14 juin 2013, allègue que le dernier contrat à durée déterminée d'usage de Mme [B] a pris fin en janvier 2005 et 'qu'elle n'est plus recevable à contester les contrat à durée déterminée d'usage conclus avec elle, mais uniquement la période où elle a travaillé sous un statut CEIGA'.

Mme [B] soutient que la prescription applicable est la prescription quinquennale résultant de la loi ancienne et sollicite des rappels de salaire à partir du 10 juin 2008.

Lorsque le salarié demande, comme en l'espèce, la requalification de contrats de mission successifs en contrat de travail à durée indéterminée, la prescription ne court qu'à compter du terme du dernier contrat.

En l'espèce, Mme [B] a saisi le conseil de prud'hommes par requête du 10 juin 2013 et les contrats d'enquête ont continué à se succéder.

Son action en requalification est donc recevable.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef en ce qu'il a dit l'action recevable.

Sur la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée :

Mme [B] expose que durant toute la relation contractuelle soumise au contrat de CEIGA elle a signé des dizaines de contrats d'enquête qui fixaient les jours travaillés, qu'une fois sa mission terminée elle devait téléphoner à la société pour être informée de l'éventuelle mission suivante, dont la date de commencement et la durée étaient fixées dans un nouveau contrat.

Elle fait valoir que non seulement les contrats à durée déterminée ne comportaient pas les mentions obligatoires mais qu'au surplus elle a toujours occupé le même poste pendant 11 années et a ainsi occupé un poste lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Elle ajoute que les missions confiées, la variation de leur durée et les horaires étaient totalement imprévisibles et qu'elle devait être totalement disponible.

La société Taylor Nelson Sofres réplique qu'elle réalise des enquêtes individualisées et doit donc attendre les commandes imprévisibles des clients avant, souvent dans l'urgence, de mobiliser des enquêteurs. Elle précise que pour répondre aux besoins spécifiques et temporaires de clients différents, elle a recours en priorité à des chargés d'enquête exclusifs (CEE) salariés bénéficiant d'un contrat à durée indéterminée classique ou à des CEIGA et, en dernier recours seulement, à des salariés en contrat à durée déterminée d'usage.

Elle affirme que le contrat de CEIGA est un contrat à durée indéterminée et que les contrats d'enquête successifs ne sont pas assimilables à des contrats à durée déterminée d'usage mais correspondent à des ordres de mission fixant les modalités de l'enquête.

Les contrats d'enquête CEIGA prévoient un nombre d'enquêtes permettant d'obtenir une rémunération brute minimum égale à un pourcentage de la rémunération brute perçue l'année précédente. Ils précisent également que les horaires seront variables.

Il n'est pas discuté qu'à partir du 12 juillet 2004, Mme [B] a signé, pour chaque mission, des 'contrat d'enquête- chargée d'enquête intermittent à garantie annuelle' qui fixaient l'objet de l'étude et le numéro du contrat, les jours travaillés, l'horaire de travail et le tarif horaire.

La société est mal fondée à se prévaloir des dispositions relatives au travail intermittent puisqu'en application de l'article L. 3123-33 le contrat de travail intermittent doit mentionner, notamment, les périodes de travail et qu'en l'espèce seule est prévue une garantie annuelle de travail.

Le contrat de CEIGA n'étant pas un contrat de travail à durée indéterminée régulier, à raison Mme [B] demande à la cour d'apprécier la régularité des 'contrat d'enquête- chargée d'enquête intermittent à garantie annuelle', lesquels fixant précisément les jours travaillés peuvent être qualifiés de contrats à durée déterminée.

En vertu des articles L. 1242-1, L. 1242-2 et L. 1242-12 du code du travail, un contrat à durée déterminée, quel que soit son motif, qui ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

En présence d'un contrat à durée déterminée d'usage, il appartient au juge de rechercher si, pour l'emploi considéré, il est effectivement d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée, et de vérifier si le recours à des contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi.

Il ne peut qu'être constaté que la réalisation d'enquêtes téléphoniques constitue l'activité de la société et que Mme [B], en qualité d'enquêteur, a bénéficié de contrats successifs couvrant la quasi totalité de la période travaillée.

Pour la période du 1er octobre 2003 au 12 juillet 2004 Mme [B] a bénéficié de contrats à durée déterminée d'usage en qualité d'enquêteur vacataire, contrats qu'aucune partie ne communique mais il n'est pas discuté qu'il s'agissait du même emploi que celui occupé ultérieurement.

La société ne démontre pas devoir faire face à des demandes imprévisibles nécessitant l'existence de poste temporaire.

Dès lors que Mme [B] occupait un emploi durable lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, la relation contractuelle sera requalifiée en contrat à durée indéterminée à compter du début de la relation contractuelle soit le 1er octobre 2003.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur la demande de rappel de salaire :

Mme [B] sollicite, sur la période non prescrite, le paiement d'un rappel de salaire correspondant à la différence entre ce qu'elle a perçu et ce qu'elle aurait dû percevoir si elle avait été rémunérée à temps complet. Elle se prévaut des dispositions légales sur le temps partiel et soutient qu'elle bénéficie donc d'une présomption de contrat de travail à temps plein et que c'est à l'employeur de prouver qu'il n'était pas contraint de rester à sa disposition permanente.

La société réplique que Mme [B] demande le paiement des périodes non travaillées entre plusieurs missions et que c'est donc à elle qu'il revient d'établir qu'elle est restée à sa disposition permanente.

Les instances introduites avant la promulgation de la loi du 14 juin 2013 étant régies par la loi ancienne, Mme [B] est donc recevable à solliciter un rappel de salaire à partir du 10 juin 2008.

L'analyse des contrats versés au débat montre que certains contrats précisaient que les horaires de référence des études réalisées auprès des professionnels étaient du lundi au vendredi de 9h30 à 17 h, que d'autres prévoyaient un horaire du lundi au vendredi de 17h à 21h et le samedi de 9h30 à 13h.

Ces contrats prévoyaient que les horaires pouvaient être modulables et leurs répartitions réaménagées et /ou augmentées et/ou diminuée en fonction des besoins de la société et des directives données par le responsable du plateau.

Cependant, dans sa demande Mme [B] ne distingue pas dans sa demande les périodes interstitielles et les périodes travaillées rémunérées selon elle à tort à temps partiel.

Il s'en déduit qu'en réalité elle sollicite le paiement des périodes interstitielles. Il lui revient donc d'établir qu'elle était à la disposition permanente de la société.

Le guide de l'enquêteur téléphonique, version août 2009, énonce que la charge de travail est variable, des périodes chargées alternant avec des périodes creuses, que certaines études peuvent être lancées dans l'urgence, ce qui requiert une bonne disponibilité et assez de souplesse pour s'adapter à ces variations d'activités.

Il ajoute que pour être affecté sur une étude nationale ou internationale il faut appeler le planning les lundi, mercredi et vendredi de 10h30 à 13h.

Il précise que tous les enquêteurs doivent appeler le planning quel que soit leur statut, que les vacataires qui ne contactent pas le planning pendant deux semaines sont radiés du fichier, que toute demande d'indisponibilité / d'absence des enquêteurs sous statut enquêteur vacataire, CEIGA ou CEE devra être adressée par écrit et sera soumise à acceptation.

Il indique que les enquêteurs sont en liaison avec un répondeur qui communiquera le jour et l'heure de démarrage de l'étude et que pour les études de journées la confirmation se fera la veille à partir de 17h et pour les études de soirées, le jour même à partir de 13h.

Cependant, l'employeur établit que Mme [B] lui a notifié à plusieurs reprises son indisponibilité et qu'elle a été en arrêt de travail du 21 décembre 2010 au 31 mars 2013, a ensuite bénéficié d'un mi-temps thérapeutique puis d'un FONGECIF.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mme [B] n'établit pas être restée à la disposition permanente de la société TNS Sofres.

Il convient donc, infirmant le jugement de ce chef, de la débouter de sa demande de rappel de salaire et de congés payés afférents.

Sur l'indemnité de requalification :

Lorsqu'il est fait droit à sa demande de requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, en application de l'article L. 1245-2 du code du travail il est accordé au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être inférieure au dernier salaire mensuel perçu avant la saisine de la juridiction si le salarié bénéficie d'une rémunération constante ou à la dernière moyenne de salaire mensuel lorsque la rémunération du salarié connaît des variations importantes.

Dès lors que le jugement est infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de rappel de salaire, il convient de retenir la moyenne des trois derniers mois travaillés soit 700 euros.

En conséquence, il sera alloué à Mme [B] à titre d'indemnité de requalification, la somme de 700 euros.

Sur la demande de remboursement des indemnités de fin de contrat :

En cas de requalification de la relation contractuelle, le remboursement de l'indemnité de fin de contrat instituée par l'article L. 1243-8 afin de compenser la précarité de la situation des salariés recrutés en contrat à durée déterminée n'est pas du à l'employeur.

Ajoutant au jugement, il convient donc de débouter la société de sa demande de ce chef.

Sur le licenciement économique :

L'article L. 1233-2 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif économique est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Suivant le premier alinéa de l'article L. 1233-3, dans sa version applicable à l'espèce, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Il résulte de ce texte qu'un licenciement économique doit être justifié par une cause économique ayant une conséquence sur l'emploi.

La réorganisation d'une entreprise, si elle n'est pas justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques, doit être indispensable à la sauvegarde de sa compétitivité ou de celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient.

Pour fonder valablement un licenciement, la menace qui pèse sur la compétitivité du secteur d'activité auquel appartient l'entreprise doit être établie.

Mme [B] conteste le motif de son licenciement en soutenant que la menace sur la compétitivité invoquée n'est pas démontrée. Elle s'appuie sur les résultats consolidés de l'année 2013 et sur le rapport du cabinet Boisseau, mandaté par le comité d'entreprise, qui conclut à l'absence de difficultés économiques sérieuses justifiant la fermeture du plateau téléphonique de [Localité 7], qui résulte d'un choix de gestion ayant consisté à concentrer les pertes sur cette structure au profit de la structure lyonnaise.

Elle ajoute que la société appartient au groupe WPP et que le rapport Boisseau conclut à une sectorisation artificielle de l'activité de TNS Sofres afin de justifier d'une menace sur sa compétitivité, alors que la branche Consumer Insight à laquelle la société appartient se porte bien.

Mme [B] soutient que la société a, par une affectation des charges structurelles entre les différentes plateformes, accentué les difficultés apparentes sur le site de [Localité 7].

Enfin, Mme [B] affirme que l'activité téléphone dégage une marge positive et que les difficultés rencontrées ne concernent en aucun cas l'activité des études de marché dont relève l'employeur.

La société appelante, qui se contente d'affirmer que le motif de licenciement ne porte pas sur 'des difficultés économiques' mais sur la nécessaire sauvegarde de la compétitivité de TNS Sofres et du secteur d'activité du marché des études ad hoc à laquelle elle appartient, ne soumet à la cour aucun moyen de droit ou de fait.

Elle se borne à communiquer le plan de sauvegarde de l'emploi et l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 16 septembre 2014 qui a rejeté la demande d'annulation du jugement du 22 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise avait annulé la décision du 27 novembre 2013 du ministre du travail homologuant le document unilatéral de plan de sauvegarde de l'emploi.

Le cabinet Boisseau dans son rapport, sans être contredit, indique que la société Taylor Nelson Sofres appartient au groupe WPP qui est divisé en quatre branches d'activités :

- la publicité et la gestion des investissements médias,

- les relations publiques et relations presse,

- la stratégie et identité de marque, agences de communications spécialisées dans la santé notamment,

- les études de marché (branche appelée Kantar et Consumer Insight).

Il affirme aussi que la société Taylor Nelson Sofres appartient à la branche d'activité études de marché (Consumer Insight) qui se positionne au 2ème rang au niveau mondial derrière Nielsen en termes de chiffre d'affaires avec une progression nettement plus importante que celle de ses principaux concurrents entre 2008 et 2012.

Il soutient également que la rentabilité de TNS SOFRES est supérieure tant au secteur Etudes de marché/ Consumer Insight auquel la société est rattachée qu'au groupe WPP auquel elle appartient.

Il conclut ainsi :

'Les difficultés rencontrées comme la baisse du mode de recueil des données par téléphone ne concernent qu'une faible partie de l'activité de TNS SOFRES et en aucun cas l'ensemble du secteur d'activité dont elle relève, celui des études de marché, qu'elle a tenté de réduire à une de ses subdivisions sur une zone géographique limitée au territoire français.

Par ailleurs, la marge des études téléphoniques est toujours bénéficiaire et les rentabilités de la société TNS SOFRES ainsi que des filiales du groupe WPP opérant sur le même secteur d'activité restent très élevées.

Les difficultés de l'activité Etude de marché / Consumer Insight ne sont pas démontrées tout comme n'est pas prouvé l'intérêt de préserver la plateforme de la filiale au détriment de la plate-forme de [Localité 7]. La matérialité du partenariat avec l'Université de [Localité 6] et la véracité de la stabilité de son personnel n'ont pas été constatées.

Le manque de pertinence des documents transmis amène à se pose la question de la motivation du PSE.(..)'

En l'absence de toute argumentation contraire et d'éléments établissant que le secteur d'activité à prendre en compte pour apprécier la menace sur la compétitivité n'est pas celui du secteur Etudes de marché/Consumer Insight proposé par Mme [B], secteur dont il n'est pas démontré que la compétitivité est menacée, il convient, de dire que le motif économique du licenciement n'est pas établi.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse :

Mme [B] qui, à la date du licenciement, comptait au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés a droit, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa version applicable à l'espèce, à une indemnité qui ne saurait être inférieure aux salaires bruts perçus au cours des six derniers mois précédant son licenciement.

Au regard de son âge au moment du licenciement, 45 ans, de son ancienneté d'environ 10 ans dans l'entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée et de son aptitude à retrouver un emploi eu égard à son expérience professionnelle, de sa rémunération, il convient de lui allouer la somme de 4 200 euros.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a alloué la somme de 7 525 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En application des dispositions de l'article L. 1235-4 dans sa version applicable à l'espèce, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur, à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Sur la demande au titre de l'article L. 1235-16 du code du travail :

L'article L. 1235-16 du code du travail, dans sa version en vigueur du 1er juillet 2013 au 8 août 2015, prévoit :

'L'annulation de la décision de validation mentionnée à l'article L. 1233-57-2 ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-3 pour un motif autre que celui mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 1235-10 donne lieu sous réserve de l'accord des parties, à la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien des avantages acquis.

A défaut, le salarié a droit à une indemnité à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9.'

L'article L. 1235-10 dans sa version applicable à l'espèce prévoit qu'en cas d'annulation d'une décision de validation ou d'homologation en raison d'une absence ou d'une insuffisance de plan de sauvegarde, la procédure de licenciement est nulle.

La société se prévaut de ce que l'annulation de la décision d'homologation, qui résulte d'un défaut de motivation de la décision de la DIRRECTE, est fondée sur un motif de légalité externe et ne lui est pas imputable.

Elle affirme que Mme [B] ne peut pas prétendre à l'application des dispositions de l'article L. 1235-16 dont les dispositions sont intégrées dans une sous-section intitulée 'sanction des irrégularités'.

Dès lors que l'article L. 1235-16 vise expressément l'hypothèse dans laquelle la décision d'homologation est annulée pour une raison autre que l'absence ou l'insuffisance de plan de sauvegarde de l'emploi, peu important qu'il soit intégré dans une sous-section 'sanction des irrégularités' Mme [B] est bien fondée à en demander l'application.

Par arrêt du 16 septembre 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a confirmé l'annulation de la décision de la DIRRECTE en date du 27 novembre 2013 ayant homologué le plan de sauvegarde de l'emploi, en se fondant sur l'absence de motivation de cette décision.

Il convient donc, infirmant le jugement de ce chef, de faire droit à la demande de Mme [B] et de lui allouer de ce chef la somme de 4 200 euros correspondant à six mois de salaire.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Il est inéquitable de laisser à la charge de Mme [B] les frais par elle exposés en cause d'appel non compris dans les dépens à hauteur de 1 000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Rejette la demande de nullité du jugement,

Infirme partiellement le jugement,

Statuant à nouveau,

Condamne la société Taylor Nelson Sofres à payer à Mme [E] [B] les sommes suivantes :

. 700 euros à titre d'indemnité de requalification du contrat de travail,

. 4 200 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du jugement;

. 4 200 euros sur le fondement de l'article L. 1235-16 du code du travail,

cette somme avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne d'office le remboursement par l'employeur, à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de 6 mois d'indemnités,

Confirme pour le surplus le jugement,

Y ajoutant,

Déboute la société Taylor Nelson Sofres de sa demande de remboursement des indemnités de fin de contrat,

Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

Condamne la société Taylor Nelson Sofres à payer à Mme [B] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Condamne la société Taylor Nelson Sofres aux entiers dépens.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l'avis donné aux parties à l'issue des débats en application de l'article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Madame Clotilde Maugendre, présidente et Madame Corinne Delannoy, greffière.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 16/03966
Date de la décision : 19/06/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 17, arrêt n°16/03966 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-19;16.03966 ?
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