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30/10/2018 | FRANCE | N°17/05925

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 30 octobre 2018, 17/05925


COUR D'APPEL


DE


VERSAILLES





VM


Code nac : 30Z





12e chambre





ARRET N°





CONTRADICTOIRE





DU 30 OCTOBRE 2018





N° RG 17/05925 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RYEB





AFFAIRE :





SAS SPEEDY FRANCE








C/


SCI FDL 1














Décision déférée à la cour: Jugement rendu(e) le 09 Mars 2017 par le Tribunal de Gr

ande Instance de NANTERRE


N° Chambre : 8


N° Section :


N° RG : 14/11646





Expéditions exécutoires


Expéditions


Copies


délivrées le :


à :


Me Christophe X...


Me Oriane Y...











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE





AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





LE TRENTE OCTOBRE DEUX MILLE DIX HUIT,


La c...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

VM

Code nac : 30Z

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 30 OCTOBRE 2018

N° RG 17/05925 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RYEB

AFFAIRE :

SAS SPEEDY FRANCE

C/

SCI FDL 1

Décision déférée à la cour: Jugement rendu(e) le 09 Mars 2017 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 8

N° Section :

N° RG : 14/11646

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Christophe X...

Me Oriane Y...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE OCTOBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:

SAS SPEEDY FRANCE

[...]

Représentant : Me Christophe X..., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 17671 - Représentant : Me Bertrand TINGUELY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0182

APPELANTE

****************

SCI FDL 1

N° SIRET : 417 77 8 5 11

[...]

Représentant : Me Oriane Y... de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 - N° du dossier 20170935

Représentant : Me Gérard FASSINA de la SELARL SELARL GERARD FASSINA & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0587 - par Me A...

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 Septembre 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MULLER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Thérèse ANDRIEU, Présidente,

Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,

Mme Véronique MULLER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 16 avril 2007, la société FDL 1 a donné en location à la société Speedy France (ci-après Speedy) des locaux commerciaux d'une surface de 2.847 m2 situés [...] . Le contrat a pris effet au 15 janvier 2008, avec un loyer annuel de 220.000 euros. Les locaux sont loués à usage exclusif de centre de formation technique et commerciale, y compris réparations rapides sur des véhicules "école".

Par acte du 24 juin 2014, la société Speedy a fait assigner le bailleur aux fins de voir déclarer non-écrite la clause d'indexation du loyer, et d'obtenir restitution d'une somme de 139.807,96 euros au titre d'un trop-versé, outre 9.114,51 euros au titre d'un trop-perçu sur le dépôt de garantie, ainsi que des frais irrépétibles.

Par jugement du 9 mars 2017, le tribunal de grande instance de Nanterre a:

- débouté la société Speedy de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société Speedy à payer à la société FDL 1 la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu l'appel interjeté le 31 juillet 2017 par la société Speedy.

Vu les dernières conclusions notifiées le 30 août 2018 par lesquelles la société Speedy demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 9 mars 2017 ;

Statuant à nouveau :

- dire que la clause d'indexation stipulée au bail est contraire à l'article L.112-1 du code monétaire et financier et, partant, la déclarer non écrite ;

En conséquence,

- dire que le loyer en vigueur s'élève à la somme de 220.000 euros et le dépôt de garantie à la somme de 55.000 euros ;

- condamner la société FDL 1 au paiement de la somme de 339.731,76 euros, arrêtée au 30 septembre 2018 sauf à parfaire, au titre des loyers perçus au titre de la clause d'indexation, augmentée des intérêts au taux légal calculés à compter de l'assignation, et capitalisés conformément à l'article 1154 du code civil ;

- condamner la société FDL 1 au paiement de la somme de 10.209,82 euros, arrêtée au 30 septembre 2018 sauf à parfaire, au titre de l'excédent de dépôt de garantie actuellement en possession du bailleur, augmentée des intérêts :

o au taux des avances sur titre calculés à compter des deux années précédant la signification des conclusions, conformément à l'article L.145-40 du code de commerce ;

o au taux légal, calculés à compter de l'assignation et capitalisés conformément à l'article 1154 du Code civil ;

En toute hypothèse,

- condamner la société FDL 1 au paiement de la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter la société FDL 1 de l'ensemble de ses demandes, fins ou conclusions ;

- condamner la société FDL 1 aux entiers dépens de l'instance, dont distraction dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions notifiées le 31 août 2018 au terme desquelles la société FDL 1 demande à la cour de :

A titre principal :

- Dire que la clause la clause d'indexation prévue par le contrat de bail est valide, car l'article L 112-1 du code monétaire et financier ne s'applique pas à la première révision,

- Confirmer la décision dont appel,

- Débouter la société Speedy de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

A titre subsidiaire :

- Constater que concernant la période précédant la première révision et la période entre les indices utilisés pour cette première révision, il n'y a eu aucune distorsion ni effective, ni intentionnelle, entre la période de variation de l'indice et la durée écoulée entre la prise d'effet du bail et la première révision,

- Constater que suivant les termes de la clause litigieuse les périodes de révision à compter de la première révision et les indices pour chacune de ces révisions ont une durée d'un an.

- Dire que la clause d'indexation du loyer prévue par le contrat de bail commercial est valide.

- Débouter la société Speedy de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

- A titre infiniment subsidiaire :

- Dire qu'au 24 juin 2014 l'action de la société Speedy en restitution des sommes trop perçues au titre de la clause réputée non écrite était prescrite,

- Débouter la société Speedy de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- En tout état de cause :

- Condamner la société Speedy au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société Speedy aux entiers dépens.

Vu l'ordonnance de clôture du 6 septembre 2018.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement dont appel.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur la question de la validité de la clause d'indexation du loyer

Il résulte de l'article L. 112-1 du code monétaire et financier qu'est réputée non écrite toute clause d'un contrat à exécution successive, et notamment des baux et locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision.

En l'espèce, la clause d'indexation du bail est ainsi rédigée : " le loyer sera indexé automatiquement chaque année à la date anniversaire de prise d'effet du bail, en fonction des variations de l'indice du coût de la construction tel qu'il est publié trimestriellement par l'INSEE (base 4° trimestre 2006). Il sera indexé pour la première fois le 15 janvier 2009 par variation de l'indice INSEE du 4° trimestre 2006 par rapport à l'indice INSEE du 4° trimestre 2008 (...). Il est précisé que pour la première indexation du loyer, l'indice L1 est celui du 4° trimestre 2006 (soit 1406) et que la période d'indexation entre L2 (indice retenu pour l'indexation à effectuer) et L1 (indice retenu pour le calcul du loyer en cours) ne pourra être supérieure à un an, sauf pour la première indexation. De convention expresse entre les parties, il est stipulé que ladite clause d'indexation constitue une condition essentielle et déterminante du présent bail sans laquelle celui-ci n'aurait pas été conclu."

Le premier juge a estimé que cette clause était licite dans la mesure où seule la première indexation impliquait une période de variation de l'indice supérieure à la durée s'écoulant entre la date d'effet du bail et la première révision.

Le locataire critique cette décision et soutient que l'article L. 112-1 précité doit s'appliquer à toutes les indexations sans exception, faute de quoi ces dispositions d'ordre public seraient privées d'effet.

Le bailleur soutient au contraire, à titre principal, que l'article L. 112-1 précité ne s'applique pas à la première révision, dès lors qu'il ne vise que la durée s'écoulant "entre chaque révision". Il fait ainsi valoir que la durée s'écoulant entre la prise d'effet du bail et la première révision n'est pas concernée, en ce qu'elle ne se situe pas entre deux révisions. Il soutient à titre subsidiaire qu'il n'existe pas de distorsion effective dès lors qu'il n'a pas fait application de l'indice du 4° trimestre 2008 (comme prévu au contrat), mais de celui du 4° trimestre 2007, concluant dès lors que la clause d'indexation est licite.

L'article L. 112-1 du code monétaire et financier s'applique dès la première indexation. En effet, dans l'hypothèse inverse - si une distorsion (entre l'intervalle de variation indiciaire et celui séparant la prise d'effet du bail et la première révision) était possible - cela aboutirait à augmenter artificiellement le loyer au moment de la première indexation, ce qui se propagerait ensuite aux indexations ultérieures et priverait ainsi les dispositions précitées, au demeurant d'ordre public, de toute effectivité.

La clause litigieuse qui prévoit une indexation "pour la première fois le 15 janvier 2009 par variation de l'indice INSEE du 4° trimestre 2006 par rapport à l'indice INSEE du 4° trimestre 2008" crée une distorsion entre l'intervalle de variation indiciaire (2 ans) et celui séparant la prise d'effet du bail de la première révision (1 an), de sorte qu'elle n'est pas conforme à l'article L. 112-1 précité.

Le fait que le bailleur n'ait pas fait application de la clause litigieuse (pour les deux premières années) est sans incidence en l'espèce. L'illicéité intrinsèque de la clause, contraire à l'ordre public, ne peut être couverte par l'application que les parties en font.

Le jugement dont appel sera donc infirmé, la cour déclarant non écrite la clause d'indexation en ce qu'elle est contraire aux dispositions d'ordre public précitées. Par voie de conséquence, il convient de dire que le loyer en vigueur s'élève à la somme de 220.000 euros, et le dépôt de garantie à la somme de 55.000 euros.

- Sur les conséquences de l'illicéité de la clause d'indexation

Il résulte de l'article 2224 du code civil que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce, la société Speedy sollicite remboursement, dans la limite de la prescription quinquennale (soit 5 ans à rebours à compter de l'assignation), de tous les paiements indus faits en application de la clause d'indexation, soit la somme de 339.731,76 euros au titre des loyers indûs, outre 10.209,82 euros au titre de l'excédent du dépôt de garantie.

La société FDL 1 soutient que l'action en remboursement exercée par la société Speedy est totalement prescrite en ce que celle-ci avait connaissance des faits lui permettant d'exercer l'action - ou aurait dû en avoir connaissance - dès la conclusion du contrat en avril 2007, de sorte que cette action ne pouvait pas être exercée postérieurement à avril 2012.

En matière de créance à exécution successive, le point de départ de la prescription de l'action en répétition de l'indû se situe à la date de chaque paiement, le débiteur ne pouvant avoir connaissance du caractère indû avant même d'avoir effectué le règlement.

L'action en remboursement ayant été introduite le 24 juin 2014, la prescription quinquennale ne porte que sur les paiements effectués avant le 24 juin 2009, de sorte que la demande en restitution des sommes réglées après cette date est recevable.

La société Speedy produit aux débats un décompte des loyers réglés (y compris l'indexation illicite) et des loyers dûs (hors indexation illicite), qui n'est pas discuté par le bailleur et duquel il résulte un trop perçu par le bailleur à hauteur de la somme de 339.731,76 euros TTC, somme arrêtée au 30 septembre 2018. Il convient de faire droit à la demande en remboursement de cette somme, outre intérêts au taux légal à compter du 24 juin 2014, date de l'assignation, et capitalisation des intérêts.

Il convient également de faire droit à la demande de restitution de l'excédent du dépôt de garantie à hauteur de 10.209,82 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 24 juin 2014, date de l'assignation, et capitalisation des intérêts.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile:

Le jugement dont appel sera infirmé en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.

Il est équitable d'allouer à la société Speedy une indemnité de procédure de 4.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 9 mars 2017,

Et statuant à nouveau,

Déclare non écrite la clause d'indexation stipulée au bail du 16 avril 2007 consenti par la société FDL 1 à la société Speedy,

Dit que le loyer en vigueur s'élève à la somme de 220.000 euros, et le dépôt de garantie s'élève à la somme de 55.000 euros,

Condamne la société FDL 1 à rembourser à la société Speedy France la somme de 339.731,76 euros au titre des loyers trop-perçus, arrêtée au 30 septembre 2018,

Condamne la société FDL 1 à rembourser à la société Speedy France la somme de 10.209,82 euros au titre de l'excédent de dépôt de garantie, arrêté au 30 septembre 2018,

Dit que sommes porteront intérêts au taux légal à compter 24 juin 2014,

Dit que les intérêts dus pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts,

Condamne la société FDL 1 à verser à la société Speedy France la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société FDL 1 aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile.

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Madame Thérèse ANDRIEU, Présidente et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 17/05925
Date de la décision : 30/10/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 12, arrêt n°17/05925 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-30;17.05925 ?
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