COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 97Z
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 07 JUILLET 2015
R.G. N° 14/01438
AFFAIRE :
[S] [C]
C/
SELAFA FIDUCIAIRE NATIONALE JURIDIQUE ET FISCALE FIDUCIAL SOFIRAL
Copies exécutoires délivrées à :
SCP REYNAUD & LAFONT-GAUDRIOT
Me Guillaume BOULAN
Copies certifiées conformes délivrées à :
[S] [C]
SELAFA FIDUCIAIRE NATIONALE JURIDIQUE ET FISCALE FIDUCIAL SOFIRAL
Au Bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de VERSAILLES
Au Ministère Public
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT JUILLET DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [S] [C]
[Adresse 1]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Sophie PORCHEROT de la SCP REYNAUD & LAFONT-GAUDRIOT, avocat au barreau de VERSAILLES
APPELANTE
****************
SELAFA FIDUCIAIRE NATIONALE JURIDIQUE ET FISCALE FIDUCIAL SOFIRAL
[Adresse 2]
[Localité 2]
Comparante en la personne de [H] [U], directeur de région
Assistée de Me Guillaume BOULAN, avocat au barreau de NANTERRE
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Janvier 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine BEZIO, président, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine BÉZIO, président,
Madame Sylvie FÉTIZON, conseiller,
Madame Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,
FAITS ET PROCÉDURE
Vu la saisine par Mme [S] [C] du bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Versailles -aux fins de voir déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement que lui a notifié le 8 juin 2011 la SELAFA FIDUCIAL- et l'absence de décision du bâtonnier dans les quatre mois de sa saisine ;
Vu le recours exercé devant cette cour par Mme [C], le 7 décembre 2012, tendant à la condamnation de la société FIDUCIAIRE NATIONALE JURIDIQUE ET FISCALE, FIDUCIAL SOFIRAL, ci-après dénommée FIDUCIAL, au paiement de la somme de 30 150 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la somme de 4000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure ;
Vu la radiation de l'affaire le 21 janvier 2014, pour défaut de conclusions de Mme [C], et la réinscription au rôle en date du 18 mars 2014 ;
Vu les plaidoiries des parties à l'audience de la cour du 23 janvier 2015 où Mme [C] a sollicité l'allocation des sommes susvisées tandis que la société FIDUCIAL a conclu au débouté de Mme [C] et à sa condamnation au paiement de la somme de 4000 € au titre de ses frais irrépétibles ;
Vu la proposition, faite aux parties par la cour, à l'issue de leurs plaidoiries, de tenter de se rapprocher et de recourir à une mesure de médiation ;
Vu l'ordonnance de médiation en date du 2 février 2015 ;
Vu la lettre du médiateur, reçue au greffe le 15 avril 2015, informant la cour de l'échec de la médiation ;
Vu la prolongation du délibéré, fixé à la date de ce jour ;
SUR CE LA COUR
Considérant qu'il résulte des pièces et conclusions des parties que Mme [C] a été engagée par la société FIDUCIAL, le 7 novembre 2007 en qualité d'avocat salarié, à temps plein, responsable du bureau de la société situé au PECQ ; qu'elle a été, par la suite, affectée au bureau de [Localité 3] ; que la société FIDUCIAL qui emploie habituellement plus de dix salariés applique la convention collective nationale des avocats salariés ; qu'en dernier lieu, le salaire de Mme [C] était de 3350 € correspondant à un forfait annuel de 218 jours ;
Que le 9 décembre 2008 Mme [C] a écrit à sa hiérarchie pour l'informer des difficultés rencontrées dans le traitement des tâches administratives du bureau, du fait de l'absence de disponibilité de sa secrétaire( exerçant par ailleurs les fonctions d'élu au comité d'établissement, de délégué syndical et de conseiller prud'homme) ; que le 30 mars 2009 la société FIDUCIAL embauche une assistante juridique à 80 % ;
Que de septembre 2009 au 13 janvier 2010 Mme [C] est en congé de maternité puis reprend son activité dans le cadre d'un congé parental à temps partiel (4/5ème) jusqu'au 13 janvier 2011, puis à nouveau à temps complet à compter de cette date ;
Qu'en décembre 2010, l'assistante juridique récemment embauchée est arrêtée pour maladie puis maternité, jusqu'au 16 juin 2011 ;
Que le budget de l'exercice 2010-2011 est fixé lors d'un entretien qui a lieu ce 13 janvier 2011, avec le directeur régional de la société FIDUCIAL ; qu'après cet entretien Mme [C] fait part à son employeur du caractère excessif de ce budget, au regard de la conjoncture économique et de la situation du bureau, et confirme son point de vue dans un message électronique du 27 janvier suivant ;
Que par lettre du 26 janvier 2011 le directeur régional constate l'insuffisance des résultats réalisés par le bureau de [Localité 3] et invite Mme [C] 'à tout mettre en oeuvre pour redresser la barre' ; que Mme [C] conteste les termes de cette correspondance le 15 février 2011, en soulignant que le budget fixé est supérieur à celui discuté lors d'un précédent entretien en novembre 2010, et en rappelant la désorganisation du bureau ;
Que Mme [C] est par deux fois arrêtée par son médecin traitant du 17 au 22 février puis du 23 au 25 mars 2011 ;
Que le 5 mai, elle se voit prescrire un arrêt de travail jusqu'au 31 mai ;
Que le 12 mai 2011, la société FIDUCIAL lui remet en main propre une convocation à entretien préalable à son éventuel licenciement, fixé au 26 mai 2011 et, à l'issue de celui-ci, lui notifie, le 8 juin suivant -en la dispensant d'effectuer son préavis- son licenciement pour insuffisance professionnelle , -celle-ci résultant, selon la société, de l'effondrement de son chiffre d'affaires depuis plus d'un an et de son 'manque d'initiative et d'implication' ;
*
Considérant qu'en sa qualité de responsable du bureau de [Localité 3], Mme [C] devait, en sus de l'exercice de son activité d'avocat, gérer ce bureau en développant l'activité du secteur en fonction d'un budget fixé par la société FIDUCIAL, déterminant en particulier le chiffre d'affaires à réaliser ;
Qu'il n'est pas contesté que, pendant les trois premières années de son contrat avec la société FIDUCIAL, Mme [C] n'a fait l'objet d'aucun reproche ni même critique sur la façon dont elle s'acquittait de ses responsabilités alors que le bureau du PECQ lui avait été confié, précédemment à celui de [Localité 3] ;
Que les premières critiques adressées à Mme [C] datent de la visite, le 13 janvier 2011, du directeur régional, suivie d'une lettre de celui-ci à Mme [C], en date du 26 janvier, lui demandant de 'redresser la barre', après avoir pointé, au 30 septembre 2010 :
- un écart de facturation négatif de 45 % par rapport au budget fixé,
- un retard dans la facturation du bureau ;
Que le directeur régional concluait sa lettre en prévoyant un rendez-vous à la fin du mois de février 2011, dès la parution du 'tableau de bord' ;
Qu'il n'est cependant justifié d'aucune nouvelle visite ou lettre de reproche adressée par ce directeur à Mme [C] postérieurement au 28 février 2011 -le licenciement intervenant après convocation préalable du 12 mai, le 8 juin ;
Or considérant que l'insuffisance professionnelle procède, pour un salarié, de son incapacité personnelle à fournir le travail que l'employeur est en droit d'attendre de lui ; que l'insuffisance professionnelle, contrairement à l'insuffisance de résultat, ne peut donc résulter de la seule absence d'atteinte d'objectifs, précisément et préalablement assignés au salarié, et doit n' être imputable qu'au salarié, à l'exclusion de tout autre élément susceptible d'expliquer l'insuffisance invoquée par l'employeur à l'appui du licenciement ;
Et considérant qu'en l'espèce, les trois premières années passées par Mme [C] au sein de la société FIDUCIAL, exemptes de toute appréciation négative sur la salariée, n'ont révélé aucune faiblesse ou inadaptation de celle-ci dans l'exercice de ses fonctions de responsable de bureau ; qu'à suivre la société FIDUCIAL ce seraient les chiffres figurant sur les divers tableaux de bord qu'elle établit mensuellement, pour l'activité de ses bureaux locaux, qui auraient traduit cette insuffisance professionnelle, non apparue pendant 3 ans ;
Considérant qu'en outre, les reproches faits à Mme [C] dans la lettre de licenciement ont trait d'une part, strictement aux mauvais résultats comptables de son activité, la société FIDUCIAL estimant, comme le précise la lettre, que cette 'insuffisance de résultat est la conséquence directe d'une insuffisance professionnelle' et, d'autre part, à un 'manque d'initiative et d'implication de (sa) part' ;
Mais considérant, en premier lieu, que contrairement aux dires de la société FIDUCIAL, et comme rappelé ci-dessus, l'insuffisance de résultats imputée à Mme [C] ne peut, à elle seule, caractériser l'insuffisance professionnelle alléguée et ce d'autant, que sont survenues des circonstances étrangères aux capacités de Mme [C], -tenant à une désorganisation incontestable de son bureau, par suite d'absence de personnel- susceptibles d' expliquer les résultats reprochés à Mme [C] ;
Qu'en second lieu, l'autre grief caractérisant l'insuffisance professionnelle, sous couvert de 'manque d'initiative et d'implication'- se rapporte à des comportements, en réalité, fautifs -et en tout cas, présentés comme tels dans la lettre de licenciement - puisqu'il s'agit de critiques concernant certains 'oublis'ou des déplacements insuffisants chez les clients, 'malgré les réguliers rappels' en ce sens du directeur régional ;
Que ces faits, relevant d'une inobservation des instructions de l'employeur, ne sauraient fonder un licenciement pour insuffisance professionnelle ;
Qu'en dernier lieu, le seul reproche susceptible de justifier une insuffisance professionnelle, est relatif à la prétendue 'inertie' dont Mme [C] aurait fait preuve 'par rapport à la souffrance du bureau' ;
Que ce grief est cependant mal fondé puisque :
- d'une part, comme le rappel des faits en tête du présent arrêt en témoigne, Mme [C] n'a eu de cesse de solliciter de son employeur un renfort de personnel
- face aux absences successives voire cumulées de la secrétaire et de l'assistante juridique du bureau- alors qu'elle-même, après son congé de maternité, n'avait repris son activité le 13 janvier 2010, qu'à temps partiel,
- et d'autre part, lorsqu'elle évoquait la situation difficile du bureau avec son directeur régional, il lui était répondu par son interlocuteur que sa situation n'avait rien de critique, lui-même ayant eu dans son bureau deux collaboratrices en congé de maternité simultanément, sans que l'organisation de son bureau n'ait eu à en souffrir ;
Considérant que l'insuffisance professionnelle alléguée, n'est pas établie ; que le licenciement de Mme [C] s'avère donc dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Considérant qu'il sera alloué à Mme [C] l'indemnité de 30 150 € qu'elle réclame à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et dont le montant apparaît justifié au regard de l'ancienneté de l'appelante au sein de la société FIDUCIAL et des circonstances vexatoires d'un licenciement pour une prétendue insuffisance professionnelle ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il sera alloué à Mme [C] la somme de 4000 € qu'elle sollicite ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition et en dernier ressort,
DIT que le licenciement de Mme [C] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la société FIDUCIAIRE NATIONALE JURIDIQUE ET FISCALE, FIDUCIAL SOFIRAL à payer à Mme [C] la somme de 30 150 € avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, à titre d'indemnité sans cause réelle et sérieuse, et la somme de 4000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société FIDUCIAIRE NATIONALE JURIDIQUE ET FISCALE, FIDUCIAL SOFIRAL aux dépens.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT