COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 85D
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 12 MAI 2015
R.G. N° 14/03436
AFFAIRE :
SAS SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION DES EAUX ET THERMES D'ENGHIEN LES BAINS
C/
Syndicat FORCE OUVRIERE DU CASINO D'ENGHIEN
Syndicat L'UNION DEPARTEMENTALE CGT FO DU VAL D'OISE
FEDERATION DES EMPLOYES ET CADRES FORCE OUVRIERE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Juillet 2014 par le Tribunal de Grande Instance de Pontoise
N° RG : 11/08487
Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le :
à :
Me Raphaël BORDIER de la SELAFA CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE
Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE DOUZE MAI DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SAS SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION DES EAUX ET THERMES D'ENGHIEN LES BAINS
N° SIRET : 775 74 2 9 199
[Adresse 2]
[Localité 3]
Ayant pour avocat postulant et plaidant Me Raphaël BORDIER de la SELAFA CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE, avocat au barreau de NANTERRE
1ère APPELANTE
****************
Syndicat FORCE OUVRIERE DU CASINO D'ENGHIEN
[Adresse 3]
[Localité 2]
Ayant pour avocat postulant Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 20140278
Syndicat L'UNION DEPARTEMENTALE CGT FO DU VAL D'OISE
[Adresse 3]
[Localité 2]
Ayant pour avocat postulant Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 20140278
FEDERATION DES EMPLOYES ET CADRES FORCE OUVRIERE
[Adresse 1]
[Localité 1]
Ayant pour avocat postulant Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 20140278
2èmes APPELANTS
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Mars 2015 devant la cour composée de :
Madame Catherine BÉZIO, président
Madame Sylvie FÉTIZON, conseiller,
Madame Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE
FAITS ET PROCÉDURE,
Le 16 novembre 2011, les syndicats FORCE OUVRIERE du casino d'Enghien et l'Union Départementale CGT-FO du Val d'Oise ainsi que la Fédération des employés et cadres FORCE OUVRIERE ont fait assigner à jour fixe devant le tribunal de grande instance de Pontoise, la société d'exploitation des Eaux et Thermes d'Enghien (SEETE) aux fins de voir :
- enjoindre à la société SEETE de mettre en place dans les trois mois de la décision, sous astreinte de 3000 euros par jour de retard, une organisation des cycles de travail permettant à l'ensemble du personnel de table, quel que soit son rythme de travail, de bénéficier conformément à l'article 33-4 de la convention collective, d'un nombre de jours de repos identiques pour tous,
- condamner la société SEETE à payer aux syndicats la somme de 40 000 € à titre de dommages et intérêts,
et la somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal de grande instance de Pontoise a rendu un jugement contradictoire le 1er juillet 2014 qui a :
- débouté le syndicat FO du Casino d'Enghien, l'union Départementale CGT-FO du Val d'oise et la Fédération des employées et cadres Force OUVRIERE de leur demande relative au nombre de jours de congés et de repos,
- enjoint la société SEETE d'intégrer dans le versement de l'indemnité annuelle de congés payés, le prorata supplémentaire dû à raison des deux jours de fractionnement, au 1/10ème des sommes perçues au titre de l'indemnité de congés payés pour chacun des salariés concernés,
- condamné la société SEETE à payer aux demandeurs la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné la société SEETE à verser aux demandeurs la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société SEETE aux entiers dépens.
La société SEETE et les organisations syndicales ont interjeté appel de ce jugement.
Ces dernières ont constitué avocat mais n'ont pas conclu.
Dans ses écritures du 2 février 2015, signifiées aux trois organisations susvisées, la société SEETE demande à la cour :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré les syndicats recevables en leur action
à titre subsidiaire,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a enjointe d'intégrer dans le versement de l'indemnité annuelle de congés payés le prorata supplémentaire dû à raison des deux jours de fractionnement au 1/10ème des sommes perçues au titre de l'indemnité de congés payés pour chacun des salariés concernés,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer aux syndicats la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner les syndicats à lui verser la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens
SUR CE
Sur la recevabilité de l'action en justice des syndicats
La société SEETE soutient que les syndicats intimés sont irrecevables à agir en justice, ces derniers ne justifiant pas de la violation d'un accord dont ils seraient signataires.
La société SEETE prétend que les syndicats ne font que souligner l'existence d'un préjudice éventuel dont l'existence n'est pas prouvée. En outre, la demande afférente aux modalités de calcul de l'indemnité de congés payés ne concerne que les salariés et doit être, le cas échéant, formée dans le cadre d'un litige individuel.
En l'espèce, la demande fondée sur le calcul de l'indemnité des congés payés intéresse l'ensemble des salariés de la société SEETE ; cette question de principe relève donc de la compétence du juge du droit collectif au sein de l'entreprise et les syndicats, au regard de l'intérêt collectif qui est dès lors en jeu, sont recevables à agir.
De plus la demande générale, tendant à mettre en oeuvre ce principe, revêt à ce stade un caractère de principe, également; il ne s'agit donc pas d'une demande individuelle.
Dans ces conditions, comme l'a jugé à bon droit le tribunal, il y a lieu de déclarer recevable l'action en justice des syndicats, peu important que ceux-ci soient, ou non, signataires de l'accord d'entreprise en cause dans le litige.
Sur la demande relative au nombre de jours de congés payés
L'article L 3141-22 du code du travail dispose que le congé annuel ouvre droit à une indemnité égale à 10 % de la rémunération brute perçue par le salarié au cours de la période de référence.
L'article 25-3 de la convention collective nationale des casinos stipule quant à lui, pour les employés rémunérés au pourboire :
« Le salarié en congés payés cesse d'émarger à la répartition des pourboires ; dans ce cas, il perçoit pour la période de ses congés une indemnité à la charge de l'employeur correspondante à la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait travaillé.
Toutefois, un accord d'entreprise peut prévoir que le salarié continue d'émarger aux pourboires. Dans ce cas, il perçoit une indemnité de congés payés à la charge de l'employeur égale au 1/10 des sommes qu'il a perçues au titre de la répartition des pourboires pour la période de référence déterminée suivant les règles en vigueur dans l'entreprise, complétée du 1/10 des sommes qu'il a perçues au titre de l'indemnité de congés payés de l'année de référence précédente.
En fin de période ou d'exercice, le montant perçu à ce titre est comparé au 1/10 des salaires perçus sur la période de référence. Si cette dernière somme est plus favorable que celle découlant de la règle du maintien de la rémunération pendant l'absence pour congés payés, une régularisation est effectuée ».
Au sein du casino d'Enghien, un accord a été signé le 6 décembre 1996 qui prévoit précisément en son article 10-3 : « le personnel reste sur la masse des pourboires. En juin il est versé 1/10 ème des salaires perçus de juin à mai de l'année précédente ».
Les organisations syndicales précitées ont saisi le tribunal de grande instance afin de faire juger que les deux jours de congés supplémentaires, alloués aux salariés au titre du fractionnement, doivent être payés aux intéressés, en sus de l'application de la règle du dixième, alors que la société SEETE ne règle au titre des congés payés que la seule somme équivalant au 10 ème des salaires perçus pendant l'année de référence.
Dans le jugement entrepris le tribunal a fait droit à l'argumentation des demandeurs.
La société SEETE, sans contester véritablement le raisonnement de ses adversaires, fait valoir qu'elle s'acquitte d'une garantie de salaire qu'elle inclut dans l'assiette de congés payés, de même que « l' ensemble des rémunérations qu'elle verse au salarié toute l'année ».Elle soutient ainsi qu' en tout état de cause elle verse à son personnel une somme plus favorable que celle résultant de l'application des dispositions conventionnelles.
Comme l'ont retenu les premiers juges les dispositions d'ordre public de l'article L 3141-22 du code du travail auxquelles le tribunal se réfère, prévoient que « lorsque la durée du congé est différente de celle prévue à l'article L 3141-3 » (30 jours ouvrables ou 25 jours ouvrés) « l'indemnité est calculée selon les règles ci-dessus et proportionnellement à la durée du congé effectivement dû ».
Il s'ensuit que la règle du 10 ème n'est fondée que sur la base d'un congé annuel de 30 jours ouvrables (ou 25 jours ouvrés) et que tout congé pris au delà du 30 ème jour doit donner lieu à une indemnité supplémentaire, calculée au prorata - selon le nombre de jours supplémentaires - du montant de l'indemnité légale du 1/10 ème.
Pas plus devant la cour, qu'en première instance, la société SEETE n'établit avoir réglé les congés payés de fractionnement selon ces dispositions - peu important, par ailleurs qu'elle assure spontanément aux salariés une situation plus favorable en matière salariale, ces considérations demeurant étrangères au respect par la société de ses obligations en matière de congés payés.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a enjoint la société SEETE d'intégrer dans le versement de l'indemnité annuelle de congés payés le prorata supplémentaire des deux jours de fractionnement au 1/10 ème des sommes perçues au titre de l'indemnité de congés payés pour chacun des salariés concernés.
Sur la demande relative aux de jours de repos
Le tribunal a débouté les demandeurs du chef des prétentions relatives aux jours de repos. L'appel interjeté par les intéressés n'ayant pas été suivi de conclusions, le cour ne peut que confirmer de ce chef les dispositions attaquées.
Sur la demande de dommages et intérêts
La méconnaissance par la société SEETE des dispositions litigieuses concernant les congés payés porte atteinte à l'intérêt collectif que les organisations demanderesses ont pour charge de défendre ; la cour juge cependant excessif le montant de l'indemnité allouée de ce chef et une indemnité de 5000 euros apparaît suffisante pour réparer ce préjudice.
*
Dans les circonstances de l'espèce, l'appel de la société SEETE étant non fondé et celui des autres parties, non soutenu, chacune des parties conservera à sa charge ses frais irrépétibles et ceux qui n' y sont pas compris.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
STATUANT contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,
CONFIRME le jugement entrepris à l'exception des dispositions relatives aux dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau de ce chef,
CONDAMNE la société SEETE à verser au syndicat FORCE OUVRIERE du casino d'Enghien, à l'Union Départementale CGT-FO du Val d'Oise et à la Fédération des employés et cadres FORCE OUVRIERE la somme de 5000 € (CINQ MILLE EUROS) à titre de dommages et intérêts ;
Y ajoutant,
LAISSE à la charge de chaque partie ses dépens et les frais qui n'y sont pas compris.
Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,