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02/12/2014 | FRANCE | N°13/01388

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 02 décembre 2014, 13/01388


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES



Code nac : 80B



6e chambre



ARRET N°



DU 02 DECEMBRE 2014



R.G. N° 13/01388



AFFAIRE :



[Y] [Z]

C/

Société NORTEL NETWORKS

ET AUTRES



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Mars 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de VERSAILLES

Section : Encadrement

N° RG : 11/00211



Copies exécutoires délivrées à :



Me David METIN


r>SCP HADENGUE & ASSOCIES



SCP RAMBAUD MARTEL



SDE HERBERT SMITH FREEHILLS PARIS LLP



Copies certifiées conformes délivrées à :



[Y] [Z]



Me [T] [K] - Mandataire ad'hoc de la Société NORTEL NETWORKS



Me [F] [X] - Mandataire l...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80B

6e chambre

ARRET N°

DU 02 DECEMBRE 2014

R.G. N° 13/01388

AFFAIRE :

[Y] [Z]

C/

Société NORTEL NETWORKS

ET AUTRES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Mars 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de VERSAILLES

Section : Encadrement

N° RG : 11/00211

Copies exécutoires délivrées à :

Me David METIN

SCP HADENGUE & ASSOCIES

SCP RAMBAUD MARTEL

SDE HERBERT SMITH FREEHILLS PARIS LLP

Copies certifiées conformes délivrées à :

[Y] [Z]

Me [T] [K] - Mandataire ad'hoc de la Société NORTEL NETWORKS

Me [F] [X] - Mandataire liquidateur de la Société NORTEL NETWORKS

UNEDIC AGS CGEA IDF OUEST

Société ERNST AND YOUNG INCORPORATION

Société NORTEL NETWORKS CORPORATION

Société NORTEL NETWORKS LIMITED

Société ERNST AND YOUNG LLP

Société de droit anglais NORTEL NETWORKS UK LIMITED

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX DECEMBRE DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [Y] [Z]

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représenté par Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES

APPELANT

****************

Me [K] Franck - Mandataire ad'hoc de la Société NORTEL NETWORKS

[Adresse 2]

[Adresse 8]

[Localité 2]

Représenté par Me Aude VAN GAVER, avocat au barreau de PARIS

Me [X] Cosme - Mandataire liquidateur de la Société NORTEL NETWORKS

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représenté par Me Aude VAN GAVER, avocat au barreau de PARIS

UNEDIC AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 3]

[Localité 3]

Représentée par Me Séverine MAUSSION pour la SCP HADENGUE & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES

Société ERNST AND YOUNG INCORPORATION

[Adresse 4]

[Localité 6] (CANADA)

Non comparante - Non représentée

Société NORTEL NETWORKS CORPORATION

[Adresse 7]

[Localité 5] (CANADA)

Non comparante - Non représentée

Société NORTEL NETWORKS LIMITED

[Adresse 7]

[Localité 5] (CANADA)

Non comparante - Non représentée

Société ERNST AND YOUNG LLP

[Adresse 1]

ROYAUME-UNI

Représentée par Me Marie-Christine GUILLOT BOUHOURS de la SCP RAMBAUD MARTEL, avocat au barreau de PARIS

Société de droit anglais NORTEL NETWORKS UK LIMITED

[Adresse 10]

[Localité 4]

ROYAUME-UNI

Représentée par Me Sophie BREZIN de la SDE HERBERT SMITH FREEHILLS PARIS LLP, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 07 Octobre 2014, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine BÉZIO, président,

Madame Mariella LUXARDO, conseiller,

Madame Sylvie FÉTIZON, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE

****************

FAITS ET PROCÉDURE

Statuant sur l'appel formé par M. [Y] [Z] à l'encontre du jugement en date du 12 février 2013 par lequel le conseil de prud'hommes de Versailles, en sa formation de départage, s'est déclaré compétent pour connaître du litige dont il était saisi à la demande de M. [Z], a dit ce dernier non fondé en ses demandes et a déclaré sa décision commune aux sociétés attraites en la cause par M. [Z]', dont, son ancien employeur la société NORTEL NETWORKS SA (NNSA) représentée par son liquidateur judiciaire, Me [X] ;

Vu les conclusions écrites remises et soutenues par M. [Z] à l'audience du 7 octobre 2014, tendant à ce que la cour rejette l'exception d'incompétence soulevée en première instance, par la société ERNST & YOUNG INCORPORATION, maintenue en cause d'appel par la société ERNST & YOUNG LLP, et

condamne in solidum les sociétés NORTEL NETWORKS CORPORATION (NNC), NORTEL NETWORKS LIMITED (NNL) et NORTEL NETWORKS UK LIMITED (NNUK) à lui verser 250 000 € de dommages et intérêts et 2500 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre 35 € au titre de l'article 1635 bis Q du Code général des impôts

fixe au passif de la société NNSA, le montant de sa créance aux sommes suivantes :

- 230 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 13 192 € d' indemnité compensatrice de préavis

- 1319,20 € de congés payés afférents

- 13 200 € de dommages et intérêts pour présentation tardive de la convention de reclassement personnalisée (CRP)

- 2500 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre 35 € au titre de l'article 1635 bis Q du Code général des impôts

déclare l'arrêt à intervenir, opposable aux sociétés ERNST & YOUNG, ainsi qu'à Me [X], ès qualités de liquidateur de la société NNSA, à Me [K], mandataire ad hoc, et au Centre de Gestion et d'Etude AGS (ci-après l'AGS) d'Ile de France Ouest ;

Vu les écritures développées à la barre par la société NNUK, tendant à ce que la cour déclare les juridictions françaises incompétentes - au profit des juridictions anglaises -, subsidiairement, dise irrecevable la demande de condamnation formée à son encontre par M. [Z],

- pour la première fois, en cause d'appel,

- devant une juridiction incompétente matériellement puisque seul le tribunal de grande instance, et non, la juridiction prud'homale, aurait pu en connaître

- en violation des dispositions de la loi anglaise sur le «'Moratorium'»

la société NNUK sollicitant, en tout état de cause, le renvoi de l'affaire à une audience ultérieure afin de conclure au fond, dans le cas où la cour ne ferait pas droit à ses moyens de procédure ;

Vu les conclusions de la société ERNST &YOUNG LLP qui s'associe aux conclusions d'incompétence de la société NNUK et sollicite sa mise hors de cause'et, donc, l'infirmation du jugement entrepris - par lequel le conseil de prud'hommes lui a déclaré commun ce jugement - avec condamnation de M. [Z] au paiement de la somme de 2000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions de Me [X], ès qualités, qui sollicite la confirmation du jugement entrepris - estimant fondé le licenciement de M. [Z] - et l'allocation de la somme de 2500 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions écrites remises et soutenues par le Centre de Gestion et d'Etude AGS (ci-après l'AGS) d'Ile de France Ouest, tendant à obtenir sa mise hors de cause, le licenciement contesté étant fondé, selon elle, et à rappeler qu'en tout état de cause le plafond de sa garantie est d'ores et déjà atteint ;

Vu la non comparution à l'audience du 7 octobre 2014 des sociétés NORTEL NETWORKS CORPORATION, NORTEL NETWORKS LIMITED et ERNST & YOUNG INCORPORATION ;

SUR CE LA COUR

Sur les faits et la procédure

Considérant que les trois sociétés défaillantes susnommées ont été régulièrement convoquées à l'audience du 7 octobre 2014, par lettre recommandée du greffe dont l'avis de réception a été retourné, revêtu de leur signature ;

Que le présent arrêt sera donc réputé contradictoire ;

*

Considérant qu'il résulte des pièces et conclusions des parties que le groupe de sociétés NORTEL, a pour société mère, la société canadienne, NORTEL NETWORKS CORPORATION (NNC) '; qu'en 2008, ses dirigeants ont conclu à la nécessité de placer la grande majorité des entités le composant, sous la protection des lois applicables aux entreprises en difficultés, selon le pays où était établie chacune d'elles ;

Qu'ainsi, le 14 janvier 2009, la société NNC a fait l'objet d'une procédure relative aux créanciers en vertu de la loi canadienne tandis que, le même jour, la filiale anglaise, la société NNUK, a été placée par ordonnance de la Haute Cour de Justice anglaise, sous le régime juridique anglais de «'l'administration'», conformément aux dispositions du règlement de 1986';

Que dans cette ordonnance la Haute cour a désigné quatre « joint administrators'» ou co-syndics, nommément désignés': «'[C] [Q] [V], [C] [K] [J], [I] [Y] [P] et [O] [Y] [A] [B] [M] & Young LLP » ;

Que les parties s'accordent pour reconnaître -bien que les pièces produites ne l'établissent pas- que la même décision, a été rendue à la même date, pour 19 autres entités du groupe NORTEL, dont, la société NNSA, filiale française du groupe ;

Que, par requête du 19 mai 2009, les cosyndics précités et la société NNSA - dont le siège social était situé à [Adresse 9] (78) - ont demandé au tribunal de commerce de Versailles d'ouvrir une procédure secondaire d'insolvabilité concernant cette société, par application des dispositions de l'article 27 du règlement communautaire 1346/2000 relatif à l'insolvabilité, - en invoquant l'existence de la procédure d'insolvabilité principale ouverte le 14 janvier 2009, à l'encontre de la société NNUK ;

Que par jugement du 28 mai suivant, le tribunal de commerce de Versailles a accueilli cette requête, après avoir constaté l'ouverture d'une procédure principale d'insolvabilité en Angleterre et la qualité d'établissement, de la société française NNSA, au sens de l'article 27 précité ; qu'en vertu de ce texte, sans qu'il y ait donc lieu d'examiner l'insolvabilité de cette société, le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de NNSA'et a désigné Me [X] en qualité de mandataire liquidateur ainsi que Me [K], en qualité d'administrateur judiciaire chargé d'assister le débiteur pour tous les actes de gestion ;

Que la restructuration du groupe NORTEL est intervenue dans le cadre de procédures d'enchères mondiales permettant de réaliser des cessions par branches d'activités, les produits de ces cessions étant placés sur des comptes séquestres («'lock box'») appelés à être répartis selon un processus mondial et complexe, encore non entrepris à ce jour ;

Que les cessions intervenues ont donné lieu à des décisions judiciaires, ainsi, le 30 mars 2010, le tribunal de commerce de Versailles a ordonné la cession des actifs de la société NNSA au profit de la société KAPSCH CARRIERCOM FRANCE et'autorisé l'administrateur judiciaire à licencier les 67 salariés, - dont M. [Z] - employés sur les postes non repris par le cessionnaire - étant précisé qu'auparavant, avait été mise en 'uvre, en juillet 2009, une procédure de licenciement collectif pour motif économique, avec plan de sauvegarde de l'emploi'et une première autorisation de licencier du juge commissaire, en date du 21 juillet 2009, visant le licenciement de 465 salariés ;

Que le 28 avril 2010, Me [K], ès qualités, a notifié son licenciement pour motif économique à M. [Z], la lettre de licenciement contenant les éléments relatifs à la convention de reclassement personnalisée (CRP)'et la précision que si le salarié acceptait cette convention, le contrat de travail serait rompu le 21 mai suivant ; que M. [Z] a accepté le dispositif de la CRP mais a saisi le conseil de prud'hommes, le 2 mars 2011, à l'effet de voir déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse pour manquement de l'employeur à son obligation de reclassement -M. [Z] ayant également attrait à l'instance la société anglaise, NNUK, et deux sociétés canadiennes, dont NNC, la société mère du groupe NORTEL, ainsi que les sociétés anglaise et canadienne, ERNST & YOUNG LLP et ERNST & YOUNG INCORPORATION, afin de leur voir déclarer commun le jugement à intervenir ;

Que devant les premiers juges, parmi ces sociétés étrangères, seule, la société ERNST & YOUNG INCORPORATION a comparu, les autres étant absentes et non représentées ;

Que cette société a soulevé l'incompétence internationale des juridictions françaises (au profit des juridictions canadiennes) et, en tout état de cause, l'irrecevabilité de la demande formée à son égard, en l'absence d'intérêt à agir de M. [Z] à son encontre, dès lors qu'elle s'estimait étrangère au litige ;

Que dans le jugement présentement frappé d'appel, le conseil de prud'hommes s'est déclaré compétent pour connaître du litige, a déclaré sa décision, opposable aux défenderesses et a débouté M. [Z] de ses demandes dirigées contre Me [X] ès qualités ;

Que M. [Z] a interjeté appel de ce jugement ;

Qu'en cause d'appel, sont comparants Me [X] et Me [K], ès qualités, la société NNKU - défaillante en première instance - le CGEA et la société ERNST & YOUNG LLP, absente devant le conseil de prud'hommes mais pas la société ERNST & YOUNG INCORPORATION qui, elle, avait comparu devant les premiers juges ; que les sociétés NNC et NNL sont toujours défaillantes ;

°

Considérant que la société NNKU, défaillante, donc, devant le conseil de prud'hommes -soutenue par la société ERNST & YOUNG LLP, également non comparante devant les premiers juges - soulève l'incompétence internationale des juridictions judiciaires françaises pour statuer sur les demandes de M. [Z], dirigées contre elle ;

Qu'en tout état de cause, elle excipe de l'incompétence matérielle de la juridiction prud'homale, faisant valoir que si une juridiction française était compétente, ce ne peut être le conseil de prud'hommes, en l'absence de contrat de travail la liant à M. [Z] ;

Que, subsidiairement, la demande de condamnation formée à son égard par M. [Z], pour la première fois, en cause d'appel est irrecevable, en vertu des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile ;

Que très subsidiairement, cette prétention nouvelle doit être déclarée irrecevable en application des dispositions de la loi anglaise sur le «'moratorium'» de 1986, faute pour M. [Z] d'avoir respecté celles-ci, en requérant l'autorisation d'agir en justice des autorités anglaises compétentes ;

*

Sur la compétence territoriale des juridictions françaises

Considérant que la société NNUK et la société ERNST & YOUNG LLP soutiennent que la compétence judiciaire doit être déterminée, non pas, en fonction des dispositions du règlement européen 44 / 2001, invoquées par l'appelant, mais selon les dispositions du règlement européen 1346 / 2000'qui désignent comme juridictions compétentes, celles de « l'Etat membre sur le territoire duquel est situé le centre des principaux du débiteur », soit en l'espèce, pour elles, l'Angleterre ;

Que si elles ne contestent pas que le règlement 44 / 2001 régit bien la compétence judiciaire internationale en matière civile et commerciale, les intimées se prévalent des dispositions de l'article 1 de ce règlement qui exclut expressément de son champ d'application les « faillites, concordats et autres procédures analogues'»'; qu'en l'espèce, la demande de M. [Z] procède d'une action dérivant directement de la procédure d'insolvabilité et s'y insérant'; que, seules, les juridictions anglaises sont dès lors compétentes pour connaître des demandes de M. [Z] ;

Considérant, il est vrai, que l'article premier du chapitre 1 le Règlement 44  / 2001 exclut de son champ d'application «'les faillites, concordats, et autres procédures analogues » ;

Qu'en outre, l'article 3 du règlement 1346 / 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, sous le titre compétence internationale'», énonce'bien : «'les juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d'insolvabilité » ;

Mais considérant que la compétence judiciaire, ainsi arrêtée par le règlement, a trait essentiellement à l'ouverture de la procédure d'insolvabilité, comme le fait plaider M. [Z]'; que, d'ailleurs, le point 6 du préambule du règlement annonce' «' Conformément au principe de proportionnalité, le présent règlement devrait se limiter à des dispositions qui règlent la compétence pour l'ouverture de procédures d'insolvabilités et la prise de décisions qui dérivent directement de la procédure d'insolvabilité et qui s'y insèrent étroitement » ;

Or considérant que la demande de M. [Z] tend à voir réparer le préjudice que lui a causé la perte de son emploi en raison des fautes imputables, selon lui, à la société NNUK ; que si la société NNUK et la société ERNST & YOUNG LLP exposent qu'une semblable prétention procède directement de la procédure d'insolvabilité ouverte contre NNUK en Angleterre, elles ne démontrent pas ni n'allèguent que cette prétention tendrait à remettre en cause ou modifier le fonctionnement de cette procédure ;

Que l'action de M. [Z] constitue, dès lors, une action en responsabilité de droit commun, dépourvue, par son fondement et son objet, de lien avec la procédure d'insolvabilité anglaise dans laquelle elle ne s'insère pas'; qu'elle ne figure donc pas au nombre de celles visées par l'article 3 précité du Règlement 1346 / 2000 et relève des dispositions du Règlement 44/2001, plus précisément de l' article 5 de ce texte qui désigne la juridiction française, lieu où le fait dommageable invoqué par M. [Z] s'est produit' et de l'article 6 qui permet d'attraire la société NNUK devant le conseil de prud'hommes de Versailles - compétent à raison du siège social de NNSA- dès lors qu'un rapport étroit unit les demandes formée contre la société NNUK et Me [X], liquidateur de NNSA, toutes liées aux conditions de la rupture du contrat de travail de l'appelant ;

Que par application des dispositions de l'article 6, également, la société ERNST & YOUNG LLP, appelée en intervention forcée pour que le jugement, puis l'arrêt, lui soient déclarés opposables, n'est pas fondée à exciper de l'incompétence de la juridiction française ;

*

Sur la compétence matérielle de la juridiction prud'homale

Considérant que la société NNUK ajoute qu'à supposer les juridictions françaises compétentes, la juridiction prud'homale ne saurait connaître des demandes de M. [Z] dirigées à son encontre, dès lors qu'aucun contrat de travail ne les unit'; que, seul, le tribunal de grande instance, juridiction de droit commun, peut donc connaître des demandes de l'appelant ;

Mais considérant qu'ainsi qu'il vient d'être rappelé, l'article 6 précité du Règlement 44 / 2001 prévoit, dans son premier alinéa, que, s'il y a plusieurs défendeurs, l'un d'eux peut être attrait devant le tribunal du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps ;

Or considérant que M. [Z] soutient que la société NNUK est responsable des décisions ayant conduit à la perte de son emploi dont il demande réparation à Me [X], ès qualités de liquidateur de la société NNSA, son employeur en vertu du contrat signé avec celle-ci ;

Qu'ainsi, il existe incontestablement entre les actions dirigées contre la société NNUK et Me [X], ès qualités, un lien étroit, au sens de l'article 6 précité, justifiant que le conseil de prud'hommes, à l'origine, et, à présent la cour, soient compétents pour statuer sur l'action formée par M. [Z] à l'encontre de la société NNUK ;

Que la demande visant la société ERNST & YOUNG LLP, tendant à voir déclarer opposable à cette dernière, l'arrêt à intervenir, obéit aux mêmes règles de compétence, de sorte que la cour confirmera, en définitive, le jugement entrepris en ce que le conseil de prud'hommes a rejeté les exceptions d'incompétences qui lui étaient soumises et qui sont reprises devant la cour par la société NNUK défaillante en première instance ;

*

Sur les fins de non recevoir

Considérant que la société NNUK soutient qu'en application des dispositions de la loi anglaise «'Insolvency Act 1986'», applicable au litige, la demande de M. [Z] est irrecevable dès lors qu'en application des dispositions de cette loi, aucune poursuite ne peut être intentée à l'encontre de la société « insolvable », sans l'accord de l' « administrator » ou de la Cour ;

Considérant, il est vrai que l'article 4 du Règlement 1346 / 2000 prévoit que la loi applicable à la procédure d'insolvabilité et à ses effets est celle de l'Etat membre sur le territoire duquel la procédure est ouverte ;

Qu'en l'espèce, la procédure d'insolvabilité concernant la société NNUK a été ouverte en Angleterre, comme rappelé dans l'exposé des faits ci-dessus, de sorte que la loi anglaise est applicable aux effets de la procédure d'insolvabilité résultant de l'« Insolvency act 1986 » ; que, conformément à cette loi anglaise, les poursuites individuelles postérieures à l'ouverture de la procédure doivent donc être autorisées par l'« administrator » ou « la Cour » ;

Mais considérant qu'en vertu de l'article 10 du Règlement 1346 / 2000, «'les effets de la procédure d'insolvabilité sur un contrat de travail et sur le rapport de travail sont régis exclusivement par la loi de l'Etat membre applicable au contrat de travail'»'; que cet article institue une règle dérogatoire au principe posé dans l'article 4 précité qui institue le principe de l'application de la loi de l'« Etat d'ouverture'», «'sauf disposition contraire du présent règlement » ;

Que la notion de «'rapport de travail'», envisagée par le règlement est distincte de celle de «'contrat de travail'» et autorise M. [Z] à se prévaloir de l'article 10 dès lors que sa demande est fondée sur le comportement prêté à la société NNUK qui aurait eu une incidence directe sur la gestion de la société NNSA -avec laquelle il avait conclu son contrat de travail- et la perte de son emploi ;

Considérant, dès lors, qu'en vertu de l'article 10 du règlement, la loi française dont il n'est pas contesté qu'elle était applicable au contrat de travail liant M. [Z] à la société NNSA, doit régir le présent litige'; que la fin de non recevoir opposée par la société NNUK et tirée de l'application des dispositions de la loi anglaise, sera donc écartée ;

Considérant que la société NNUK fait également valoir que M. [Z] forme à son encontre une demande nouvelle en cause d'appel puisque, devant les premiers juges, les prétentions de l'intéressé visaient seulement à lui voir déclarer opposable, la décision à intervenir alors que, devant la cour, M. [Z] sollicite dorénavant sa condamnation au paiement de dommages et intérêts ; qu'elle revendique, en conséquence, le bénéfice des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile qui prohibe les demandes nouvelles en cause d'appel ;

Que M. [Z] répond que sa demande nouvelle est permise en raison du principe de l'unicité d'instance, applicable en matière prud'homale ; que les dispositions de l'article 564 du code de procédure civile ne trouvent dès lors pas à s'appliquer ;

Considérant que si la société NNUK, comme les autres sociétés étrangères, a pu être valablement attraite devant les juridictions françaises, ainsi qu'il vient d'être jugé, l'obligation pour ces sociétés de comparaître devant la juridiction française prud'homale, ne saurait emporter, de plein droit, l'application à leur égard des règles spécifiques de la procédure prud'homale ;

Qu'en effet, le principe de l'unicité d'instance, édicté par l'article R 1452-6 du code du travail, vise seulement « les demandes liées au contrat de travail (...) » ;

Considérant qu'au stade actuel de la procédure - M. [Z] et la société NNUK n'ayant plaidé que sur les moyens de procédure opposés à la demande de l'appelant - la cour ne dispose pas des éléments suffisants lui permettant d'apprécier si les prétentions de M. [Z] envers la société NNUK sont, ou non, liées à son contrat de travail au sens de ce texte'; que la cour examinera, en conséquence, le bien fondé de la fin de non recevoir formée par la société NNUK en vertu de l'article 564 du code de procédure civile, après avoir entendu les parties en leurs explications au fond', lors d'une prochaine audience ;

Considérant que les demandes de M. [Z] dirigées contre Me [X], ès qualités, méritent d'être jugées en même temps que celles concernant la société NNUK afin que la cour dispose d'une information complète et puisse, avec celle-ci, statuer sur l'ensemble des demandes ; que l'examen de ces demandes sera donc renvoyé comme dit ci-après au dispositif ;

Considérant qu'enfin et, de même, la cour sursoit à statuer sur la demande d'opposabilité, aux autres intimées, de l'arrêt à intervenir au fond jusqu'à ce qu'elle ait entendu les parties en leurs conclusions au fond'-étant observé que l'ordonnance précitée de la Haute Cour anglaise du 14 janvier 2009 a désigné, comme «'administrators'», «'[C] [Q] [V],[C] [K] [J], [I] [Y] [P] et [O] [Y] [A] [B] [M] & Young LLP » ;

Considérant que les moyens d'incompétence et d'irrecevabilité invoqués par la société NNUK étant tranchés comme dit précédemment, la cour ordonne en conséquence la réouverture des débats, comme dit ci-après au dispositif ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

STATUANT par arrêt réputé contradictoirement mis à la disposition des parties au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris en ce que le conseil de prud'hommes de Versailles s'est déclaré compétent ;

Y ajoutant,

DIT que la loi française est applicable au litige ;

REJETTE tous les moyens d'irrecevabilité soulevés par la société NNUK à l'exception de celui fondé sur les dispositions de l'article 564 du code de procédure civile ;

ORDONNE la réouverture des débats afin que la société NNUK et les autres parties fassent valoir leurs observations, au fond, sur les demandes de M. [Z] ;

En conséquence, SURSOIT à statuer sur la fin de non recevoir tirée de l'article 564 du code de procédure civile, sur la demande de mise hors de cause de la société ERNST & YOUNG CORPORATION et sur toutes autres demandes ;

RENVOIE la cause et les parties à l'audience de plaidoiries du :

mardi 14 avril 2015 à 11H00

en formation collégiale

salle d'audience n°3 porte H rez-de-chaussée droite ;

DIT que la notification du présent arrêt aux parties, vaudra convocation de comparaître à cette audience.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 13/01388
Date de la décision : 02/12/2014

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°13/01388 : Réouverture des débats


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-12-02;13.01388 ?
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