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16/09/2014 | FRANCE | N°13/02686

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 16 septembre 2014, 13/02686


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80B



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 16 SEPTEMBRE 2014



R.G. N° 13/02686



AFFAIRE :



[S] [C]



C/



SA SGD





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Mai 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : 13/00005





Copies exécutoires délivrées à :



SELARL PJP - PARIS



SELARL CAPSTAN LMS





Copies certifiées conformes délivrées à :



[S] [C]



SA SGD



le :



Copie Pôle Emploi



le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEIZE SEPTEMBRE DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80B

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 16 SEPTEMBRE 2014

R.G. N° 13/02686

AFFAIRE :

[S] [C]

C/

SA SGD

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Mai 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : 13/00005

Copies exécutoires délivrées à :

SELARL PJP - PARIS

SELARL CAPSTAN LMS

Copies certifiées conformes délivrées à :

[S] [C]

SA SGD

le :

Copie Pôle Emploi

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE SEPTEMBRE DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [S] [C]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Comparant

Assisté de Me Pieter-Jan PEETERS de la SELARL PJP - PARIS, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

SA SGD

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Anne MURGIER de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 03 Juin 2014, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine BÉZIO, président,

Madame Mariella LUXARDO, conseiller,

Madame Pascale LOUÉ WILLIAUME, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [C] a été engagé par la société SGD d'abord en contrat à durée déterminée comme chef de projet costing. Selon le salarié la relation contractuelle a débuté le 15 mars 2010. Selon la société SGD ce contrat a débuté le 1er avril 2010. Il s'est déroulé jusqu'au 30 juillet puis a été renouvelé jusqu'au 31 décembre 2010. Un second contrat à durée déterminée a été conclu du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2011 pour un poste de chef de projet stratégie et développement costing. A partir du 1er juillet 2011, Monsieur [C] a été engagé par la société SGD en contrat à durée indéterminée en qualité de directeur du plan stratégique et des analyses.

Il a été licencié le 30 octobre 2012 pour motif économique.

L'entreprise emploie au moins onze salariés. La convention collective applicable est celle des industries de fabrication mécanique du verre.

Le salaire mensuel brut moyen de base était de 15 126 euros.

Agé de 44 ans lors de la rupture, Monsieur [C] a perçu des allocations de chômage à partir du mois d'août 2013 et n'a pas retrouvé d'emploi.

Le 19 décembre 2012 Monsieur [C] a saisi le conseil de prud'hommes de NANTERRE aux fins de faire juger que la date d'embauche a été le 15 mars 2010, requalifier en contrat à durée indéterminée les contrats à durée déterminée et dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et faire condamner la société SGD à lui payer : une indemnité de requalification, un rappel de bonus 2010, plus les congés payés sur ceux de 2011et de 2012, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, subsidiairement pour non respect des critères d'ordre de licenciement, une indemnité pour travail dissimulé, outre la remise des documents sociaux et les intérêts légaux capitalisés. De son côté la société SGD qui s'opposait aux demandes a sollicité à titre reconventionnel sa condamnation à lui verser la somme de 4 325,14 euros en réparation du préjudice lié à la non restitution du véhicule de fonction.

Par jugement rendu le 31 mai 2013, le conseil de prud'hommes de NANTERRE a condamné la société SGD à lui verser un rappel de bonus pour 2010 de 16 875 euros avec exécution provisoire de droit et les intérêts légaux à partir du 10 janvier 2013 outre 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et a ordonné la restitution du véhicule de fonction et la condamnation de Monsieur [C] à verser à la société la somme de 1301,74 euros correspondant à deux loyers de mise à disposition dudit véhicule et a rejeté les autres demandes.

La cour est régulièrement saisie d'un appel principal formé par Monsieur [C] et d'un appel incident de la société SGD contre cette décision.

Monsieur [C] par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, demande à la cour de :

- infirmer le jugement y compris sur le montant du bonus 2010,

- condamner la société SGD à lui payer les sommes suivantes :

* indemnité pour travail dissimulé en raison de la dissimulation des quinze premiers jours de travail en mars 2010 : 90 756 euros,

* les congés payés sur une prime exceptionnelle d'avril 2010 de 5 769,50 euros qui a rémunéré en réalité les 15 jours de mars 2010 : 576 euros,

* indemnité de requalification en contrat à durée indéterminée des contrats à durée déterminée : 15 126 euros,

* rappel bonus 2010 : 22 500 euros et les congés payés y afférents : 2 250 euros, les congés payés sur le bonus 2011 : 2 708 euros,

* rappel de salaires d'heures supplémentaires : 44 456,11 euros et les congés payés afférents de 4 445,61 euros,

* dommages-intérêts pour repos compensateur : 12 048,59 euros,

* indemnité pour travail dissimulé s'agissant des heures supplémentaires : 90 756 euros, avec les intérêts légaux à compter de l'acte introductif d'instance et capitalisés,

* des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 226 889 euros,

* subsidiairement pour non respect des critères d'ordre de licenciement,

* des dommages-intérêts en compensation des dépenses engagées sur les options du véhicule de fonction : 7 160 euros,

- faire injonction à la société SGD de lui remettre une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et des bulletins de paie conformes,

- ordonner l'exécution provisoire,

- lui allouer 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la société SGD de ses demandes reconventionnelles.

La société SGD, par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, demande à la cour de :

- infirmer le jugement sur le rappel de bonus 2010 et l'indemnité allouée en application de l'article 700 du code de procédure civile et le confirmer sur le surplus,

- débouter Monsieur [C] de ses nouvelles demandes en appel,

- lui allouer 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience du 3 juin 2014.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de requalification

Pour soutenir que les deux contrats à durée déterminée doivent être requalifiés en contrat à durée indéterminée, Monsieur [C] considère tout d'abord que le premier de ces contrats à durée déterminée n'a pas été remis dans les délais légaux car l'embauche est intervenue selon lui le 15 mars et non pas le 1er avril 2010 comme mentionné sur le contrat qui lui a été seulement remis le 26 mars.

Pour s'pposer à ce moyen la société répond que le salarié a commencé le travail le 1er avril 2010 comme mentionné au contrat écrit qui lui a donc été remis dans les délais légaux. Elle considère en effet que les échanges de courriers électroniques produits par Monsieur [C] avec des salariés de SGD ne concernent que des prises de contact préalables à l'embauche durant lesquelles il est resté un simple observateur.

Monsieur [C] justifie toutefois par les courriers électroniques versés aux débats que durant les 15 derniers jours de mars 2010 il a non seulement continué de prendre contact avec des collaborateurs de la société mais a aussi commencé dès le 15 mars à fournir une prestation de travail sous la subordination de la société SGD.

C'est ainsi qu'il fait état le 15 mars d'un travail sur un document de présentation à fournir avant les réunions programmées, Monsieur [C] ayant répondu qu'il l'adressait le lendemain. Le 22 mars il justifie de la réception d'un courrier électronique contenant des documents qu'il 'doit revoir'. Il est fait état également d'un programme de visites des différents établissements le 17 mars et de réunions avec 6 Sigma et une collaboratrice les 19 et 22 mars, qui excèdent la seule prise de contact.

Monsieur [C] justifie également que la phase de contact avec des membres de la société SGD avait été largement antérieure au 15 mars puisqu'elle avait débuté dès le mois novembre 2009 jusqu'au 10 mars 2010 et ne s'était accompagnée alors d'aucun travail fourni par l'appelant.

Les notes prises par Monsieur [C] au cours des visites d'établissements et des réunions ajoutées aux courriers électroniques faisant référence à sa contribution à destination de SGD démontrent que son embauche a été effective à partir du 15 mars. Cette date d'embauche est corroborée par le versement avec la paie d'avril 2010, d'une prime exceptionnelle dont le montant correspond au centime d'euro près à un demi mois de salaire mensuel. Sur ce point la société SGD n'a pas contesté ce montant et n'a apporté aucune explication pour justifier autrement le versement d'une telle prime à un salarié qui venait de commencer un emploi.

Aux termes de l'article L 1242-13 du code du travail, le contrat de travail est transmis au salarié au plus tard sans les deux jours ouvrables suivant l'embauche. Et selon l'article L 1242-12 alinéa premier, le contrat à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut il est réputé conclu à durée indéterminée.

La remise tardive de ce contrat équivaut à une absence d'écrit qui emporte requalification en contrat à durée indéterminée en application de l'article précité.

Le contrat à durée déterminée n'a été conclu par écrit que le 26 mars 2010 date de sa remise. C'est pourquoi, en application des articles précités, Monsieur [C] est fondé à voir ordonner la requalification en contrat à durée indéterminée de toute la relation contractuelle à partir du 15 mars 2010. Sur le fondement de l'article L 1245-2 alinéa deux du code du travail il lui est alloué une indemnité de requalification d'un montant de 15 126 euros.

La prime qu'il a reçu à titre de salaire ouvre droit au paiement des congés payés afférents qui s'élèvent à 576 euros.

En revanche le caractère tardif de l'établissement des formalités relatives à l'embauche du salarié n'est pas suffisant pour caractériser la volonté de dissimulation d'emploi salarié et ouvrir droit à l'indemnité de travail dissimulé. Le jugement qui a débouté Monsieur [C] de cette demande sera par conséquent confirmé.

Sur les demandes de rappels de bonus 2010 et de congés payés sur les bonus 2011 et 2012

Le contrat de travail conclu le 26 mars 2010 énonce que des objectifs devaient lui être fixés par sa hiérarchie et qu'il percevrait une prime d'objectifs ou bonus dont le montant pourrait varier entre 0 et 20 % du salaire de base annuel au prorata de son temps de présence.

La société ne peut pas utilement soutenir qu'elle a versé la somme de 11 500 euros à titre de prime d'objectifs alors qu'elle n'en justifie pas puisque cette somme apparaît à titre de prime sur le bulletin de paie et qu'elle ne démontre pas avoir fixé des objectifs au salarié sur cette période.

L'employeur s'étant abstenu de fixer ces objectifs et de porter à la connaissance du salarié les éléments sur la base desquels il entendait conditionner le versement de ce salaire variable, il est tenu de verser l'intégralité de cette rémunération.

Monsieur [C] demande le paiement de ce bonus au prorata de son temps de présence c'est à dire à partir du 15 mars 2010. Le salaire variable sur une année entière se serait élevé à 30 000 euros puisqu'il représente 20 % de 150000 euros de salaire annuel. C'est pourquoi il est fait droit à la demande de l'appelant et le jugement qui a alloué la somme de 16 875 euros à ce titre sera réformé.

Monsieur [C] demande également les congés payés afférents sur les bonus qu'il a perçu en 2011 et sur celui de 2010. La société SGD répond que ce variable étant alloué globalement pour l'année y compris sur une période de congés payés il est exclu de l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés. Mais dès lors que ce bonus vient rémunérer l'activité déployée par le salarié pour atteindre les objectifs individuels fixés, il était nécessairement assis sur le salaire des périodes travaillées à l'exclusion de celles correspondant aux congés et entre dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés. Il est donc alloué à Monsieur [C] les sommes de 2 250 euros et de 2 708 euros à titre d'indemnité de congés payés sur les bonus de 2010 et de 2011. Le jugement qui a rejeté cette demande devra être infirmé.

Sur le forfait jours

Monsieur [C], citant les dispositions constitutionnelles et les principes généraux de l'Union Européenne relatifs à la protection de la sécurité et de la santé ainsi qu'au repos des travailleurs, demande de juger nulle la convention de forfait jours conclue en application des accords collectifs d'entreprise. Il soutient en effet que les dispositions conventionnelles ne comportent pas de mesures de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restaient raisonnables. De son côté la société SGD répond que l'accord d'entreprise fixe valablement les conditions de contrôle et de suivi de l'organisation du travail, de l'amplitude des journées de travail et de la charge de travail des salariés en forfait jours.

Vu l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-43 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige interprété à la lumière de l'article 17 paragraphes 1 et 4 de la Directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17 paragraphes 1 et 19 de la Directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne, le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.

Il résulte des articles cités ci-dessus des directives de l'Union Européenne que les États membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.

Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

En l'espèce, selon l'article 2 de l'avenant à l'accord d'entreprise relatif à la réduction du temps de travail, du 10 novembre 2008, les conditions de contrôle et de suivi de l'organisation du travail, de l'amplitude des journées d'activité et de la charge de travail des cadres au forfait jours sont décrites dans une annexe jointe à cet avenant.

L'article 3.1 de l'accord d'entreprise sur la réduction du temps de travail précise que les durées quotidiennes et hebdomadaires maximales de travail sont celles prévues par les textes législatifs et réglementaires en vigueur, qui sont respectivement de 10 heures et de 48 heures.

Pour assurer le suivi du temps de travail et de présence, l'accord d'entreprise prévoit un relevé déclaratif mensuel co-signé par le salarié et son N+1 et validé par le service RH. Ledit relevé déclaratif figurant dans l'annexe comporte seulement l'indication de la présence du salarié cadre matérialisée par une croix dans un tableau calendaire et en cas d'absence les initiales correspondant au motif de celle-ci (par exemple : congés payés, maladie). Il porte donc seulement sur le nombre de jours travaillés ou non chaque mois. Mais il n'existe pas de dispositif permettant de contrôler effectivement la durée maximale de travail en l'absence de toute mention dans l'accord collectif de l'obligation de déclarer la durée de travail tant quotidienne qu'hebdomadaire. Si l'annexe prévoit que le contrôle du repos journalier de 11 heures minimum s'effectue par l'indication du non respect de cette durée de temps de repos sur le relevé déclaratif, ce dispositif ne prévoit donc rien pour le contrôle effectif de l'amplitude de travail. Le relevé déclaratif mensuel comporte une zone de commentaires, mais aucune disposition conventionnelle ne prévoit que ces commentaires peuvent aussi porter sur la durée du temps de travail. En effet l'annexe prévoit seulement que cette zone de commentaire spécifique sert au cadre pour alerter sa hiérarchie en cas de difficulté s'agissant du suivi et du contrôle de la charge de travail. Enfin la vérification annuelle du nombre de jours travaillés pour chaque cadre par le service RH ainsi que la remise d'un écrit par le salarié pour tous les dépassements ne concernent que le plafond annuel des jours travaillés. C'est pourquoi ce dispositif conventionnel n'est pas de nature à garantir à tout le moins que l'amplitude de travail reste raisonnable et assure une bonne répartition dans le temps du travail de l'intéressé et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.

Par conséquent la convention de forfait doit être jugée nulle et privée d'effet.

Sur les heures supplémentaires, le repos compensateur et l'indemnité de travail dissimulé

Monsieur [C] en l'absence de convention de forfait valable peut solliciter le paiement des heures supplémentaires sous réserve que la preuve de ces heures soit faite.

L'article L 3171-4 du code du travail énonce qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. S'il résulte de ces dispositions que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

A l'appui de sa demande, Monsieur [C] produit les courriers électroniques émis depuis sa boîte électronique professionnelle et les enregistrements de fichiers professionnels sur son ordinateur avec la mention de l'heure de leur émission ou de leur enregistrement. La société SGD ne peut pas soutenir qu'il est impossible de tirer de conséquences de ces e-mails sur la durée du travail. En effet, elle ne remet pas en cause le mode d'enregistrement et les heures affichées sur les courriers électroniques. C'est pourquoi l'indication de ces horaires sur les outils professionnels permet d'établir que le salarié était au travail à ce moment-là et que ces heures de travail étaient nécessairement connues de l'employeur. Dans ces conditions le décompte opéré à partir de ces relevés d'heures est probant, la société ne rapportant pas de son côté la preuve des horaires effectivement réalisés par Monsieur [C].

Par conséquent il est fait droit aux demandes qui s'élèvent à la somme de 44 456,11 euros pour les heures supplémentaires au cours de la période 2010 à 2012 à 4 445,61 euros pour les congés payés afférents et à 12 048,59 euros de dommages-intérêts au titre du repos compensateur.

L'article L 8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé le fait pour l'employeur de se soustraire intentionnellement à l'obligation de l'accomplissement de la formalité de délivrance d'un bulletin de paie ou de mentionner sur le bulletin de salaire un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Il appartient au salarié d'apporter la preuve de l'intention de dissimulation. Le seul fait pour l'employeur d'avoir fait effectuer des heures supplémentaires non rémunérées ne caractérise pas l'élément intentionnel. Monsieur [C] sera donc débouté de sa demande.

Sur le licenciement

La validité du licenciement pour motif économique est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives à savoir l'existence d'un motif économique tel qu'énoncé à l'article L. 1233-3 du code du travail et le respect de l'obligation de reclassement visée à l'article L. 1233-4 suivant.

L'absence de l'une de ces conditions justifie à elle seule de juger que ce licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, à supposer que le licenciement de Monsieur [C] repose effectivement sur un motif économique, il ressort des pièces du dossier que la société SGD n'a pas rempli son obligation de reclassement pour les motifs suivants.

Selon l'article L 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Les offres de reclassement proposées au salarié doivent êtres écrites et précises.

C'est à juste titre que Monsieur [C] considère qu'il n'a reçu aucune offre de reclassement dès lors que l'envoi qui lui a été adressé d'une liste de postes 'ouverts au reclassement' ne répondait pas aux exigences légales puisqu'il ne s'agissait pas d'offres individualisées. Ces postes en effet ne relevaient pas pour certains d'entre eux de sa catégorie (assistant responsable de four en Chine).

L'appelant principal ne démontre pas que le poste de directeur commercial et marketing était disponible au moment de la notification de son licenciement puisque ce n'est que le 10 décembre 2012 que la salariée qui l'occupait a été nommée directeur PMO. Mais surtout au vu de son curriculum vitae, Monsieur [C] qui a occupé essentiellement des postes de consultant en stratégie et finance comme il l'indique dans son expérience, ne démontre pas avoir déjà occupé l'ensemble des missions dévolues à un directeur commercial et marketing. Le seul fait qu'il avait été amené à effectuer du marketing au cours de contrats de travail antérieurs ne suffit pas à prouver qu'il disposait de toutes les compétences et de l'expérience requises pour ce type de poste. La société SGD établit d'ailleurs qu'elle a recruté pour ce poste un salarié qui avait occupé depuis plusieurs années auparavant des emplois de directeur marketing.

En revanche, s'agissant du poste de directeur PMO, chargé du plan de transformation, il n'est pas contesté qu'il était disponible au moment de la notification du licenciement du salarié. La société SGD ne peut pas seulement tirer argument de ce que Monsieur [C] ne disposait pas d'une connaissance suffisante du groupe pour discuter le caractère équivalent de cet emploi. En effet, il ressort du CV de Monsieur [C] qu'il a été membre du comité de direction de la société SGD. De plus il justifie que parmi ses objectifs il avait celui de définir le plan de transformation. Et il prouve qu'il avait déjà effectué ce type de missions de 2003 à 2008, contrairement à la salariée directrice commerciale et marketing qui a été affectée sur ce poste.

C'est pourquoi en ne lui proposant pas ce poste la société SGD n'a pas rempli son obligation de reclassement.

Enfin, la société SGD ne peut pas valablement limiter l'étendue de cette obligation de reclassement, par rapport aux v'ux du salarié exprimés dans un questionnaire renseigné avant toute recherche des possibilités de reclassement et sans qu'il ait été préalablement informé d'offres concrètes. En effet, le formulaire que Monsieur [C] a rempli, dans lequel il a répondu avoir des restrictions sur les emplois susceptibles de lui être proposés en termes de niveau de rémunération et de nature d'emploi, n'avait été précédé d'aucune offre précise puisque le poste de directeur PMO ne lui a jamais été proposé.

Il découle de l'ensemble de ces éléments que la société SGD n'a donc pas satisfait à son obligation de reclassement. Par conséquent le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse.

En application des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail Monsieur [C] peut prétendre à une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant aux salaires des six mois en ce compris les heures supplémentaires de cette période.

Au-delà de sa situation de demandeur d'emploi il ne justifie pas de recherche effective d'emploi depuis la rupture et ne démontre donc pas de préjudice supplémentaire. C'est pourquoi la cour décide de lui allouer la somme de 101 749,21 euros d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande reconventionnelle

Pour s'opposer à la demande reconventionnelle Monsieur [C] considère que dès lors que le préavis avait été reporté en raison de la durée du congé de reclassement il pouvait légitimement conserver le véhicule de fonction jusqu'à l'expiration de ce préavis.

L'article L 1234-5 alinéa deux du code du travail rappelle que l'inexécution du préavis en cas de dispense par l'employeur n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration de celui-ci.

L'article L 1233-72 prévoit que le congé de reclassement est pris pendant le préavis que le salarié est dispensé d'exécuter. Lorsque la durée du congé de reclassement excède la durée du préavis le terme de ce dernier est reporté jusqu'à la fin du congé de congé de reclassement.

Et l'article R 1233-32 précise que pendant la période du congé de reclassement excédant la durée du préavis le salarié bénéficie d'une rémunération mensuelle à la charge de l'employeur.

De la combinaison de ces deux derniers articles il n'est pas prévu que durant la période du congé de reclassement excédant le préavis le salarié peut prétendre au maintien des avantages en nature. En effet durant cette période le préavis est suspendu et il est seulement prévu que le salarié perçoit à la charge de l'employeur une rémunération. Le maintien de l'avantage en nature n'est donc possible que pendant la période correspondant au préavis y compris lorsque le salarié a été dispensé de son exécution. Monsieur [C] ne pouvait donc pas conserver le véhicule de fonction au cours de la durée du congé de reclassement qui en l'espèce a excédé la durée du préavis.

Le jugement qui a alloué à la société une somme correspondant à deux mois du loyer prévu au contrat de location se rapportant au véhicule de fonction du salarié du véhicule sera par conséquent confirmé.

Sur la demande en remboursement

Monsieur [C] justifie avoir payé des options sur le véhicule de fonction. Il sera donc fait droit à sa demande en remboursement de la somme de 7160 euros avancée pour le compte de la société.

Les sommes à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande et les sommes à caractère indemnitaire, à compter de la décision qui les a prononcées.

Les intérêts légaux ci-dessus se capitaliseront dans les conditions de l'article 1154 du code civil.

Sur la remise de documents de fin de contrat

Il convient de faire droit à la demande de remise des documents de travail à savoir une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletins de paye récapitulatif conformes au présent arrêt.

Sur le remboursement des indemnités Pole Emploi

Les dispositions de l' article L. 1235-3 du code du travail sont dans le débat. Monsieur [C] qui avait plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, a perçu des indemnités de chômage de Pôle Emploi.

La cour a des éléments suffisants pour fixer à six mois le montant des indemnités versées à Monsieur [C] à rembourser par la société SGD en application de l'article L. 1235-4 du code du travail aux organismes concernés, parties au litige par l'effet de la loi.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de mettre à la charge de la société SGD, elle-même déboutée de ce chef, une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Monsieur [C] au titre de l'instance d'appel en plus de la somme allouée de ce chef par le conseil de prud'hommes.

L'arrêt étant rendu en dernier ressort il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

STATUANT contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions SAUF sur la demande reconventionnelle, l'indemnité allouée en application de l'article 700 du code de procédure civile, le rejet de l'indemnité pour travail dissimulé et en ce qu'il a fait droit en son principe au rappel de bonus 2010 ;

STATUANT à nouveau,

REQUALIFIE la relation contractuelle qui a débuté le 15 mars 2010 en contrat à durée indéterminée ;

CONDAMNE la société SGD à verser à Monsieur [C] les sommes suivantes :

- indemnité de requalification : 15 126 € (QUINZE MILLE CENT VINGT SIX EUROS) ;

- congés payés afférents à la somme de 5 769,50 euros : 576 € (CINQ CENT SOIXANTE SEIZE EUROS) ;

- rappel de salaire de bonus 2010 : 22 500 € (VINGT DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS) ;

- indemnité de congés payés sur le bonus de 2010 : 2 250 € (DEUX MILLE DEUX CENT CINQUANTE EUROS) ;

- indemnité de congés payés sur les bonus de 2011 : 2 708 € (DEUX MILLE SEPT CENT HUIT EUROS) ;

JUGE nulle et de nul effet la convention de forfait jours conclue en application des accords collectifs ;

CONDAMNE la société SGD à verser à Monsieur [C] les sommes suivantes :

- rappel d'heures supplémentaires au cours de la période 2010 à 2012 : 44 456,11 € (QUARANTE QUATRE MILLE QUATRE CENT CINQUANTE SIX EUROS ET ONZE CENTIMES) ;

- congés payés afférents : 4 445,61 € (QUATRE MILLE QUATRE CENT QUARANTE CINQ EUROS ET SOIXANTE ET UN CENTIMES) ;

- dommages-intérêts au titre du repos compensateur : 12 048,59 € (DOUZE MILLE QUARANTE HUIT EUROS ET CINQUANTE NEUF CENTIMES) ;

- dommages-intérêts en raison des dépenses engagées pour les options sur le véhicule de fonction : 7 160 € (SEPT MILLE CENT SOIXANTE EUROS) ;

JUGE que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et CONDAMNE la société SGD à verser à Monsieur [C] la somme de 101 749,21 € (CENT UN MILLE SEPT CENT QUARANTE NEUF EUROS ET VINGT ET UN CENTIMES) d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DIT que les sommes à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire, à compter de la décision qui les a prononcées ;

DIT que les intérêts légaux ci-dessus se capitaliseront dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;

ORDONNE à la société SGD de remettre à Monsieur [C] les documents de travail (un bulletin de paye récapitulatif, une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail)conformes au présent arrêt ;

ORDONNE à la société SGD, conformément à l'article L. 1235-4 du code du travail, le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômages perçues par Monsieur [C] dans la limite de six mois ;

ORDONNE la notification de l'arrêt à Pôle Emploi ;

DÉBOUTE la société SGD de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société SGD à payer à Monsieur [C] la somme de 2 000 € (DEUX MILLE EUROS) en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en appel ;

DÉBOUTE Monsieur [C] de ses autres demandes ;

CONDAMNE la société SGD aux dépens.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 13/02686
Date de la décision : 16/09/2014

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°13/02686 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-09-16;13.02686 ?
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