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02/09/2010 | FRANCE | N°09/01016

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5ème chambre, 02 septembre 2010, 09/01016


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

H.L./J.M.

5ème Chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 02 SEPTEMBRE 2010



R.G. N° 09/01016



AFFAIRE :



[N] [Y]





C/

S.A.R.L. D LINK FRANCE en la personne de son représentant légal









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Décembre 2008 par le Conseil de Prud'hommes de VERSAILLES

Section : Encadrement

N° RG : 07/01189



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Copies exécutoires délivrées à :



Me Michèle

[W]

Me Claudia SOGNO





Copies certifiées conformes délivrées à :



Olivier ARNAUD



S.A.R.L. D LINK FRANCE en la personne de son représentant légal



Pôle Emploi



le :

RÉPUBLIQUE FRA...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

H.L./J.M.

5ème Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 02 SEPTEMBRE 2010

R.G. N° 09/01016

AFFAIRE :

[N] [Y]

C/

S.A.R.L. D LINK FRANCE en la personne de son représentant légal

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Décembre 2008 par le Conseil de Prud'hommes de VERSAILLES

Section : Encadrement

N° RG : 07/01189

Copies exécutoires délivrées à :

Me Michèle

[W]

Me Claudia SOGNO

Copies certifiées conformes délivrées à :

Olivier ARNAUD

S.A.R.L. D LINK FRANCE en la personne de son représentant légal

Pôle Emploi

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [N] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Michèle MACQUET-LEHMANN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B 77

APPELANT

****************

S.A.R.L. D LINK FRANCE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié de droit au siège social sis :

[Adresse 6]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Claudia SOGNO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P199

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Mai 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Jeanne MININI, président chargé(e) d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :

Madame Jeanne MININI, président,

Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller,

Madame Isabelle OLLAT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Sabrina NIETRZEBA-CARLESSO,

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [N] [Y] a été embauché par la société D-Link France tout d'abord selon contrat de travail à durée déterminée en date du 17 juillet 2003 en qualité de responsable administratif et financier puis selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 16 janvier 2004 en qualité de directeur administratif et financier, position cadre, l'entreprise appliquant la convention collective des entreprises des commerces de gros. Sa rémunération était composée d'une partie fixe (4 529,92 euros en mai 2006 incluant l'avantage en nature) et d'une partie variable.

Au cours de l'année 2005 le groupe D-Link a décidé que la société française ne représenterait plus un territoire mais serait intégrée dans l'organisation sud-européenne. Dans le cadre de cette restructuration l'ancien gérant de la société D-Link France a donné sa démission et a été remplacé par MM. [B] et [A]. De même le supérieur hiérarchique de M. [N] [Y], M. [F], qui assurait depuis 1998 la gestion opérationnelle de la société D-Link France, a été contraint de quitter l'entreprise (licenciement suivi d'une transaction) en décembre 2005.

La société D-Link France a convoqué M. [N] [Y] à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé au 30 mai 2006. Puis, selon lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 6 juin 2006, la société D-Link France a notifié à M. [N] [Y] son licenciement lui reprochant une absence totale de collaboration, une réelle insuffisance professionnelle, voire une incompétence et la commission de fautes professionnelles tout à fait préjudiciables aux intérêts de l'entreprise, ces faits résultant d'un constat d'audit interne accompli depuis septembre 2005. La société D-Link France a dispensé M. [N] [Y] d'effectuer son préavis et a levé la clause de non concurrence.

Contestant le motif du licenciement, M. [N] [Y] a fait convoquer dès le 3 novembre 2006 la société D-Link France devant le conseil de prud'hommes de Versailles afin d'obtenir sa condamnation au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre des compléments de rémunération au titre des indemnités conventionnelles de rupture du contrat de travail.

Par jugement en date du 15 décembre 2008 le conseil de prud'hommes a débouté M. [N] [Y] de ses demandes et l'a condamné à verser à la société D-Link France la somme de 50 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [N] [Y] a régulièrement relevé appel de cette décision.

Vu les conclusions déposées et développées oralement à l'audience du 27 mai 2010 par lesquelles il a sollicité l'infirmation du jugement déféré et la condamnation de la société D-Link France au paiement des sommes de :

- 123 192 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 809,24 euros à titre de solde du préavis outre les congés payés afférents,

- 112,67 euros à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement,

ces sommes étant calculées à partir d'une rémunération moyenne de 5 133 euros et ces sommes devant porter intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction prud'homale,

- 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Après avoir rappelé que durant l'exécution de son contrat de travail il avait été placé sous la direction de M. [F] qui supervisait l'ensemble de ses actes et lui donnait les instructions nécessaires et avait travaillé avec le concours d'un cabinet d'expertise-comptable, M. [N] [Y] a précisé qu'à compter de la restructuration mise en place dès le milieu de l'année 2005 tous les organes dirigeants ainsi que le cabinet d'expertise-comptable ont été remplacés et que lui-même a été démis petit à petit de ses fonctions (notamment perte de la procuration bancaire- absence de convocation aux réunions des managers) la nouvelle équipe mise en place souhaitant fortement le voir quitter l'entreprise par voie de démission.

M. [N] [Y] conteste tous les griefs mentionnés dans la lettre de licenciement qui mettent en évidence qu'il n'avait plus aucune compétence dans aucun domaine alors qu'à aucun moment il n'a fait l'objet de critique sur la qualité du travail réalisé.

La société D-Link France a conclu à la confirmation du jugement et à la condamnation de M. [N] [Y] au paiement d'une indemnité complémentaire de 1 000 euros au titre des frais de procédure exposés. Elle fait valoir pour l'essentiel qu'à compter du mois de septembre 2005 et durant près de neuf mois, des membres de D-Link Europe se sont déplacés au sein de la société D-Link France pour obtenir les informations relatives au fonctionnement de cette société et principalement Mme [L], salariée de la société D-Link Europe, directrice administrative et financière du personnel et manager France, et M. [U], fiscaliste italien. Elle précise que c'est dans ce contexte que sont apparues les lacunes et carences professionnelles de M. [N] [Y] alors qu'il disposait, depuis son entrée dans l'entreprise, d'une totale autonomie, voire d'une trop grande indépendance. Elle indique enfin qu'au cours de l'examen très approfondi des problématiques de la société, il s'est avéré que M. [N] [Y] ne présentait ni la carrure indispensable pour assumer le poste de directeur administratif et financier ni les compétences souhaitées. N'ayant pu obtenir un changement dans le comportement de ce salarié, elle fait valoir qu'elle a été contrainte de procéder à la rupture de son contrat de travail.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience du 27 mai 2010.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Considérant selon l'article L.1232-6 alinéas 1 et 2 du code du travail (anciens articles L.122-14-1, alinéa 1 et L.122-14-2, alinéa 1) que 'lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur';

Considérant selon l'article L.1232-1 du même code (ancien article L.122-14-3, alinéa 1phrase 1) que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse; qu'ainsi les faits invoqués et les griefs articulés à l'encontre du salarié doivent être exacts et établis et suffisamment pertinents pour justifier le licenciement ;

Considérant enfin selon l'article L.1235-1 (ancien article L.122-14-3, alinéa 1 phrase 1 et alinéa 2) 'qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié' ;

Considérant au cas présent que la société D-Link France a notifié à M. [N] [Y] son licenciement en invoquant une absence totale de collaboration (avec les dirigeants et les salariés, avec rétention d'informations et irrespect des instructions), une réelle insuffisance professionnelle avec notamment une absence de politique du personnel, voire une incompétence et la commission de fautes professionnelles tout à fait préjudiciables aux intérêts de l'entreprise (avec énumération des fautes commises en matière d'accomplissement des formalités administratives,

de tenue des assemblées générales, de tenue des livres comptables, de gestion des contrats et de gestion du personnel), ces faits et fautes ayant été révélés par un audit interne réalisé entre septembre 2005 et mai 2006 ;

Considérant qu'il convient de relever que l'énumération tellement importante des défaillances imputées par la société D-Link France à M. [N] [Y] dans l'accomplissement des missions confiées conduit à poser effectivement la question de sa compétence professionnelle puisque tous les actes critiqués sont afférents à tous ses domaines d'intervention fixés lors de son entrée dans l'entreprise en juillet 2003 et ayant trait à la gestion globale du service administratif et financier, à la gestion administrative des ressources humaines, au contrôle administratif de l'entreprise par la mise en place de différentes procédures internes et à la responsabilité de la gestion des stocks de produits ; qu'il convient cependant de relever qu'aucune observation n'a été adressée à M. [N] [Y] ni de la part de son ancien supérieur hiérarchique ni de la part des nouveaux dirigeants après leur mise en place en fin d'année 2005;

Considérant qu'il convient également de rappeler que M. [N] [Y] n'était pas le dirigeant de la société D-Link France mais avait été placé dès son embauche et jusqu'à la fin de l'année 2005 sous l'autorité de M. [F], directeur général, lui-même agissant sous les ordres et instructions du gérant de l'entreprise (M. [I]); que de même une partie des fonctions liées à la tenue des comptes, à la matière juridique et fiscale et à la gestion de la paie avait été confiée par l'ancien dirigeant de la société D-Link France à un cabinet d'expertise-comptable;

Considérant que dans le cadre de la décision prise par le groupe D-Link à partir de l'année 2005 de placer désormais la société D-Link France dans l'organisation sud-européenne et plus particulièrement sous la subordination des membres de la société D-Link Europe et de la société D-Link Italie, d'importantes modifications ont été apportées non seulement en ce qui concerne l'organisation de l'entité française mais aussi et surtout en ce qui concerne son fonctionnement, les nouveaux dirigeants, après la réalisation d'un audit interne, ayant décidé de modifier profondément la gestion du personnel, la tenue des comptes et plus généralement la gestion administrative et financière de l'entreprise en s'attachant les compétences d'un nouveau cabinet d'expertise-comptable et en faisant intervenir directement Mme [L], directeur administratif et financier de la société D-Link Europe et M. [U], fiscaliste italien;

Considérant que dans un tel contexte, les anciennes méthodes de travail comme les anciennes directives données ne pouvaient être maintenues, d'autres objectifs et d'autres stratégies étant mises en place au cours de l'année 2006 ; que pour autant, les nouveaux dirigeants de la société D-Link France ne pouvaient reprocher à M. [N] [Y] d'avoir appliqué les anciennes directives concernant la gestion administrative et financière de l'entreprise ainsi que la gestion du personnel ; que de même si de nouvelles directives ont été données notamment lors de la réunion tenue à Milan en septembre 2005, pour autant la mise en place de celles-ci ne pouvait être réalisée immédiatement et à cet égard la société D-Link France ne démontre pas que M. [N] [Y] s'est soustrait à l'exécution des nouvelles instructions ou a volontairement retardé leur mise en oeuvre;

Considérant enfin qu'il résulte des documents produits aux débats que dans le cadre de la nouvelle direction de l'entreprise la société D-Link France a réduit les pouvoirs accordés à M. [N] [Y] notamment en ce qui concerne les relations avec les organismes bancaires (suppression des pouvoirs et procurations) et plus généralement a limité sa participation aux réunions avec les organes de direction au niveau européen (absence de transmissions des décisions prises au niveau du management);

Considérant en conclusion que la société D-Link France ne démontre pas que M. [N] [Y] s'est soustrait aux nouvelles instructions données après mise en place de la restructuration interne et a procédé à des rétentions d'informations alors que l'exécution par ce salarié avant la fin de l'année 2005 des anciennes directives ne peut donner lieu à sanction puisqu'il n'était pas le seul responsable des décisions prises et appliquées dans l'entreprise (l'ensemble des critiques portant sur des décisions prises par l'ancien directeur général et l'ancien cabinet d'expertise-comptable et validées par les anciens dirigeants de la société D-Link France);

Considérant en conséquence qu'il convient de dire que le licenciement de M. [N] [Y] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'ainsi le jugement déféré doit être infirmé;

Considérant qu'après avoir pris en considération la faible ancienneté de M. [N] [Y] dans l'entreprise et les difficultés rencontrées par lui pour retrouver un nouvel emploi, la cour condamne la société D-Link France à lui verser la somme de 32 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de la perte brutale et injustifiée de son emploi;

Considérant que les indemnités conventionnelles de rupture du contrat de travail doivent être calculées sur la moyenne annuelle des sommes versées à M. [N] [Y] dès lors que sa rémunération est composée d'une partie fixe payable chaque mois et d'une partie variable payable en avril et octobre de l'exercice écoulé ; qu'ainsi il convient de faire droit aux réclamations complémentaires présentées par M. [N] [Y] ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par décision contradictoire,

INFIRME le jugement rendu le 15 décembre 2008 par le conseil de prud'hommes de Versailles,

CONDAMNE la société D-Link France à verser à M. [N] [Y] les sommes de :

1 809,24 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis outre 180,92 euros au titre des congés payés afférents,

112,67 euros à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement,

ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 2006,

32 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre intérêts au taux légal à compter de ce jour,

3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

ORDONNE la remise par la société D-Link France à M. [N] [Y] d'un bulletin de paie et d'une attestation Pôle emploi conformes à la présente décision,

ORDONNE le remboursement par la société D-Link France des indemnités de chômage versées à M. [N] [Y] dans la limite de trois mois d'indemnités consécutives au licenciement,

ORDONNE la notification par les soins du Greffe de la présente décision à Pôle emploi TSA [Localité 2],

DÉBOUTE les parties de toutes autres demandes,

CONDAMNE la société D-Link France aux entiers dépens et aux frais d'exécution de la présente décision.

Arrêt prononcé publiquement par Madame Jeanne MININI, Président.

Arrêt signé par Madame Jeanne MININI, Président et Madame Sabrina NIETRZEBA-CARLESSO, Greffier présent lors du prononcé.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 09/01016
Date de la décision : 02/09/2010

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°09/01016 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-09-02;09.01016 ?
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