COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 20J
2ème chambre 2ème section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 31 MAI 2010
R.G. N° 09/04279
- 2 -
AFFAIRE :
[N] [J] [V] épouse [S]
C/
[A] [E] [S]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Avril 2009 par le J.A.F. du Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° Chambre : 3
CABINET 2
N° RG : 07/1432
Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le :
à :
- SCP FIEVET
- SCP JUPIN
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE TRENTE ET UN MAI DEUX MILLE DIX,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [N] [J] [V] épouse [S]
née le [Date naissance 4] 1968 à [Localité 12]
demeurant [Adresse 6]
[Localité 9]
représentée par la SCP FIEVET-LAFON, avoué - N° du dossier 290456
assistée de Me Anne ROBIN, avocat au barreau de PARIS
APPELANTE AU PRINCIPAL
INTIMEE INCIDEMMENT
****************
Monsieur [A] [E] [S]
né le [Date naissance 8] 1956 à [Localité 10]
demeurant [Adresse 5]
[Localité 9]
représenté par la SCP JUPIN & ALGRIN, avoué- N° du dossier 0025487
assisté de Me Elie S. KORCHIA, avocat au barreau de PARIS
INTIME AU PRINCIPAL
APPELANT INCIDEMMENT
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 8 Avril 2010 en chambre du conseil, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Dominique SERAN, Présidente chargé du rapport, en présence de Madame Clotilde MAUGENDRE, Conseiller.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Dominique SERAN, Présidente,
Madame Claire GOY-DESPLAN, Conseiller,
Madame Clotilde MAUGENDRE, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Claudette DAULTIER,
FAITS ET PROCÉDURE :
Monsieur [A] [S] et Madame [N] [V] se sont mariés le [Date mariage 1] 1991 devant l'officier d'état civil de la commune de [Localité 9], sous le régime de la séparation de biens, suivant contrat reçu le 7 février 1991 par Maître [X], notaire à [Localité 14].
Deux enfants sont issues de cette union :
-[W], née le [Date naissance 2] 1992,
-[L], née le [Date naissance 3] 1993.
M. [S] a déposé une requête en divorce.
Par ordonnance de non-conciliation en date du 5 juillet 2007, le juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de Nanterre a notamment :
-attribué au mari la jouissance du domicile conjugal, sis à [Adresse 5], bien en location,
-dit que Madame [V] devra quitter les lieux au plus tard le 5 octobre 2007, à peine d'expulsion,
-dit que la jouissance du bien sis à [Localité 11], loué par l'époux, sera partagée entre les époux en fonction des vacances passées avec les enfants jusqu'à la résiliation effective du bail,
-attribué à l'épouse une pension alimentaire de 2.850 euros au titre du devoir de secours,
-dit que l'époux devra assurer le règlement des impôts du couple jusqu'à la présente décision,
-ordonné un examen médico-psychologique,
-dit n'y avoir lieu à expertise financière sur la base de l'article 255-9° du code civil,
-dit que l'autorité parentale sera exercée en commun et fixé la résidence des enfants au domicile maternel,
-organisé le droit de visite et d'hébergement du père,
-fixé la contribution mensuelle du père à l'entretien et l'éducation des enfants à la somme de 2.150 euros par mois.
Par arrêt en date du 17 mars 2008, la Cour de céans, saisie par M. [S], a réformé l'ordonnance pour entériner l'accord intervenu devant elle entre les parties, s'agissant notamment des pensions alimentaires mises à la charge de Monsieur [S].
Par exploit en date du 22 février 2008, Mme [V] a fait assigner son conjoint en divorce sur le fondement de l'article 242 du code civil.
Par jugement en date du 30 avril 2009, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de NANTERRE, a notamment :
-prononcé le divorce des époux aux torts partagés,
-fixé à la somme 576.000 euros la prestation compensatoire due par l'époux,
-débouté les parties de leur demande respective de dommages-intérêts,
-dit que l'autorité parentale est exercée conjointement par les parents,
-fixé la résidence habituelle de [W] au domicile maternel et d'[L] au domicile paternel,
-organisé le droit de visite et d'hébergement de chacun des parents :
*les fins de semaines paires pour le père, les fins de semaines impaires pour la mère, du vendredi soir 18 h au dimanche 19 h,
*la première moitié des vacances scolaires les années paires, la seconde moitié les années impaires pour le père, et inversement pour la mère,
-condamné M. [S] au paiement de la somme mensuelle de 1.075 euros au titre de sa part contributive à l'entretien et l'éducation de [W],
-rejeté toute autre demande,
-fait masse des dépens et dit qu'ils seront partagés par moitié entre les parties.
Par déclaration au greffe en date du 15 mai 2009, Mme [V] a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions en date du 7 avril 2010, elle demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris et de :
-prononcer le divorce des époux aux torts exclusifs du mari,
-dire qu'à l'issue du divorce, elle reprendra l'usage de son nom de jeune fille,
-dire qu'il est justifié de condamner M. [S] au paiement d'une prestation compensatoire, eu égard aux critères des articles 270 et 271 du code civil,
-condamner M. [S] à lui payer :
* un capital de 2.000.000 d'euros en application des articles 274 et 275 du code civil,
*la somme de 8.000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement des articles 266 du code civil, 1079 alinéas 2 et 3 du Code de Procédure Civile,
-constater que l'autorité parentale est exercée conjointement par les parents sur [L] et [W],
-fixer la résidence habituelle de [W] et [L] au domicile de leur père,
-dire que les droits de visite et d'hébergement seront libres,
-condamner M. [S] au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article de 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions du 8 avril 2010, M. [S] formule un appel incident et demande à la Cour de :
-prononcer le divorce des époux aux torts exclusifs de l'épouse,
-à titre principal, débouter Mme [V] de sa demande de prestation compensatoire,
-à titre infiniment subsidiaire, dire que le montant de la prestation compensatoire devra être fixé à une somme maximale de 1 000 € par mois, sur une période de 96 mois, soit sur huit années,
-dire que les enfants [W] et [L] ont leur résidence habituelle fixée chez le père comme cela est déjà actuellement le cas, et fixer un droit de visite et d'hébergement classique au profit de la mère,
-lui donner acte de ce qu'il ne réclame pas de contribution à l'entretien et l'éducation de ses filles, mais qu'il demande à ce que soit précisé qu'il n'est redevable d'aucune pension alimentaire pour sa fille [L] qui demeure chez lui depuis le mois de décembre 2007, et pour sa fille [W], qui demeure aussi chez lui depuis le mois de décembre 2009,
-débouter Mme [V] de toutes ses autres demandes,
-condamner Mme [V] aux entiers dépens.
Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, la Cour renvoie à leurs écritures, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 avril 2010.
SUR CE :
Les dispositions non critiquées de la décision entreprise seront confirmées.
SUR LE DIVORCE :
Madame [V] reproche à son époux des violences verbales, physiques et morales. Elle fait état de ce que, jusqu'au dernier instant de la vie commune, elle a vécu dans un climat d'angoisse, de peur et même de terreur, son époux l'ayant toujours méprisée et rabaissée en toutes circonstances.
Elle affirme avoir été, dans l'intimité battue, giflée, projetée à terre et mise à la porte de son appartement.
Elle ajoute que ces violences n'ont pas épargné les enfants, victimes et témoins de scènes épouvantables.
Elle indique que son époux vit en concubinage, depuis de nombreux mois avec une nouvelle compagne, [F] [B].
Madame [V] ne conteste pas entretenir une relation adultère avec Monsieur [U], elle affirme toutefois qu'elle n'a jamais entretenu de relation secrète avec ce dernier.
Elle explique que toute communauté de vie affective ayant cessé entre les époux, elle a trouvé mais seulement après l'ordonnance de non-conciliation, force et réconfort en la personne d'[Y] [U] qui ne demeure pas avec elle, le couple ayant fait le choix de vivre de manière séparée.
Elle demande à la Cour de disqualifier, au vu de ces éléments, les faits retenus comme fautifs par le premier juge.
Monsieur [S] reproche au premier juge de ne pas avoir prononcé, compte tenu de l'attitude fautive de son épouse qui a entretenu des relations adultères et qui a construit un nouveau foyer alors qu'elle était dans les liens du mariage, le divorce des époux aux torts exclusifs de Madame [V].
Il demande à la Cour de considérer que les griefs énoncés à son encontre par son épouse ne sont pas établis.
Il affirme que les attestations qu'elle produit sont de pure complaisance et sont même inacceptables s'agissant de l'attestation du docteur [C], gynécologue de son épouse, soumis au secret professionnel et qui a entretenu à une certaine époque une relation intime avec elle.
Il reproche aussi à Madame [V] d'avoir entretenu une relation adultère alors qu'elle était dans les liens du mariage, d'avoir caché sa relation adultère à l'occasion de la phase de conciliation alors même qu'elle attendait un enfant de son amant, d'avoir continué à habiter à son domicile, puis d'avoir constitué avec ce dernier une nouvelle famille en donnant naissance à un second enfant.
Il fait état du caractère particulièrement choquant de cette situation alors qu'il affirme avoir tout fait pour permettre à son épouse de prendre un autre appartement dans de bonnes conditions et avoir même accepté de revoir à la hausse le quantum de la pension alimentaire.
Il fait enfin observer que les deux filles du couple, extrêmement perturbées par cette situation souhaitent désormais demeurer avec lui.
Les attestations [P]-[I] [H] et [I] [M]- [O] [R], concordantes et circonstanciées produites par Madame [V] établissent suffisamment, nonobstant les critiques de Monsieur [S] s'agissant notamment des attestations [I], que ce dernier a adopté durant la vie commune un comportement particulièrement violent et injurieux à l'égard de son épouse
Ainsi, le témoin [R] fait état de ce '...qu'il n'était pas rare voire récurrent d'entendre [A] s'exprimer envers sa femme dans un jargon de charretier. Je ne l'ai pour ainsi dire que toujours entendu parler de cette manière, par des paroles violentes et affligeantes qu'il proférait en public surtout lors de la présence de ses copains ...le témoin ajoutant ... je suis probablement une des seules personnes qui ai pu constater qu'[N] portait des bleus...' Madame [M] [I], ancienne nourrice des enfants, faisant quant à elle état '...des nombreuses scènes de violences, de cris, hurlements des menaces de [A] [S] sur son épouse, en effet celui-ci ne se gênait pas pour jeter sa femme sur le palier, à plusieurs reprises je l'ai trouvée au sol en larmes ne sachant pas où aller ayant peur....'.
Ces faits, survenus durant la vie commune, imputables à Monsieur [S] constituent une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune.
Il sera, confirmant la décision déférée, fait droit à la demande en divorce de Madame [V].
Il est établi et par ailleurs non contesté que Madame [V] a entretenu, alors qu'elle se trouvait dans les liens du mariage, et sans que le comportement fautif de son époux enlève à son comportement son caractère de gravité, une relation adultère suivie dont sont issus deux enfants.
Ces faits constituent une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune.
Il sera, confirmant le jugement déféré, fait droit à la demande en divorce de Monsieur [S].
Les demandes principale et reconventionnelle étant respectivement accueillies, le divorce sera, confirmant le jugement dont appel, prononcé aux torts partagés des époux.
SUR LA PRESTATION COMPENSATOIRE :
Madame [V], qui sollicite une prestation compensatoire sous forme du versement d'un capital de 2 000 000 €, reproche au premier juge de ne pas avoir tiré toutes les conséquences, d'une part de son constat de l'immense disparité dans les conditions de vie respectives des époux, et, d'autre part, de la déloyauté de son époux qui a dissimulé grossièrement la réalité de sa situation patrimoniale et l'importance de ses revenus.
Elle souligne l'attitude particulièrement indigne de ce dernier qui s'est efforcé d'obtenir que certains témoins ( Mme [P]) reviennent sur leurs propos, s'est abstenu de régler les pensions alimentaires afin de la mettre dans une situation financière épouvantable et a fait mine de ne pas disposer des moyens pour régler lesdites pensions.
Elle fait valoir qu'elle a consacré ses années de mariage à l'éducation de ses enfants, renonçant à toute activité professionnelle, qu'elle est désormais âgée de 41 ans, n'a jamais exercé d'activité professionnelle, n'a ni diplôme ni qualification.
Elle fait aussi valoir que le régime matrimonial adopté par les époux, celui de la séparation de biens la laisse, après vingt ans de mariage, sans aucun bien alors que [A] [S] est titulaire d'un patrimoine très important.
Reprochant à son époux son attitude dissimulatrice, elle soutient que celui-ci est à la tête d'un patrimoine extrêmement important, sa déclaration ISF 2008 révélant ainsi un patrimoine immobilier composé de dix biens immobiliers, valorisé à la somme de 2 929 332 €, somme identique portée sur la déclaration ISF 2009. Elle fait état du rapport d'expertise Hebert en date du 9 janvier 2007 qui a valorisé ce patrimoine à la somme de 4 160 000 €, document que le premier juge a , selon elle, à tort, écarté des débats au motif qu'il n'est pas contradictoire. Elle estime que ce rapport conserve sa valeur probante dès lors que M. [S] n'apporte aucun élément sérieux pour le contrarier.
Elle chiffre à la somme de 5 464 669 € le montant du patrimoine immobilier actuel de son époux.
Elle ajoute que ce dernier possède aussi un important patrimoine mobilier et dispose mensuellement de revenus qu'elle évalue à la somme de 21 882 €, correspondant à son salaire de gérant (6 262,50 €) de la société Etablissements Leobert [S] Frères Sarl, auquel il convient d'ajouter des revenus fonciers mensuels de 15 620 €.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, elle dresse l'état récapitulatif suivant de la situation patrimoniale et financière de son époux :
*évaluation du patrimoine familial : 2 716 967 € ;
*appartement [Adresse 5]: 920 000 € ;
*neuf propriétés visées dans la déclaration ISF 2009 : 1 827 720 € ;
*fonds placés, liquidités, biens meubles: 1 193 268 € ;
*25 % de la société Leobert évaluée a minima à 25 % des fonds propres: 614 473 € ;
*Total : 7 272 428 € ;
D'où un total général de 7 990 018 € en ajoutant les revenus annuels de M. [S] (262 590 €).
Madame [V] fait, enfin observer que son époux ne produit, malgré ses déclarations contraires, aucun élément récent, les derniers éléments fournis ne portant que sur l'année 2007.
Elle affirme que le document notarié produit par son époux n'est qu'une sorte de montage très largement lacunaire.
Monsieur [S] réplique que son épouse ne saurait prétendre au versement d'une prestation compensatoire dans la mesure où, d'une part elle vit au sein du foyer qu'elle a reconstitué avec Monsieur [U] et où, d'autre part, les circonstances de la rupture justifient qu'elle soit déboutée de sa demande.
Il fait, sur ce point notamment état du fait que les relations adultères que son épouse a entretenues au cours du mariage ont été autant d'épreuves qu'il a du surmonter.
Il ajoute que la dernière relation extra-conjugale de Madame [V] dépasse ses capacités de compréhension et de pardon, et rappelle que la révélation de l'accouchement imminent de son épouse alors qu'il venait d'accepter ses exigences financières a été un véritable électro-choc pour lui qui n'avait pas conscience qu'elle menait une double vie.
Il indique que le comportement irresponsable et irrespectueux de Madame [V] a affecté ses enfants, principalement [L].
Monsieur [S] demande à la Cour de considérer que son épouse a refait sa vie avec un homme plus fortuné que lui, dont elle refuse toutefois de communiquer les éléments de revenus partage avec celui ci différents biens immobiliers ainsi que l'intégralité de ses ressources et revenus et rappelle que la prestation compensatoire n'a pas pour but d'égaliser les patrimoines.
Il reproche à Madame [V] d'avoir produit au débat un faux document (pièce adverse 85 : estimation de l'agence immobilière Barnes à [Localité 9]) et d'avoir ainsi commis une tentative d'escroquerie au jugement : il précise qu'il a déposé une plainte pénale pour ces faits.
Monsieur [S] affirme ensuite que les chiffres avancés par son épouse sont totalement disproportionnés par rapport à la réalité .
Il indique que sa rémunération de gérant de la société Leobert, qui n'a pas varié depuis 10 ans, s'élève à la somme mensuelle de 6 262,50 €, que la somme de 4 160 000 € arrêtée par le cabinet Hebert est inexacte dans la mesure où ne sont pas pris en compte dans le calcul de ce patrimoine les 9 biens immobiliers achetés sous la loi Besson-Robien, à crédit sur une durée de 25 ans et que l'on ne peut déclarer dans le calcul de valorisation sans tenir compte des dettes très importantes qui restent dues au banques.
Il fait valoir aussi que Madame [V] ne peut contester le fait que la totalité des fonds qui lui appartiennent et qui ont été placés sur des comptes bloqués, ce qui représentait 1 453 000 € et désormais 1 270 000 €, sont constitués en grande partie de l'héritage de ses parents.
Il indique qu'il a fait établir un état circonstancié de son patrimoine par une étude notariale le 25 mars 2010 à laquelle il a confié l'intégralité des documents fiscaux et notariés concernant sa situation personnelle, état qui chiffre à la somme de 1 930 633 € le montant de son actif net, composé principalement de biens propres.
L'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives.
Cette prestation est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
La situation respective des époux au vu des pièces produites s'établit ainsi qu'il suit :
Monsieur [S], âgé de 54 ans, exerce la profession de gérant de société.
Il ne fait état d'aucune difficulté de santé particulière.
Il perçoit en sa qualité de gérant, un salaire mensuel moyen net de 6262,50 € et bénéficie de revenus fonciers à hauteur mensuellement de la somme de 15 620 € soit un revenu mensuel moyen net de 21 882 €.
Son patrimoine s'établit, au vu de l'état notarié produit, dont aucune des pièces produites par Madame [V] ne permet de considérer que, comme elle le soutient , il a été rédigé par un notaire ' bien peu scrupuleux et attentif aux règles essentielles.... qui aurait... reproduit naïvement pour ne pas dire autre chose une liste de biens avec leur valorisation telle que réservée par [A] [S] lui-même....' ainsi qu'il suit :
*appartement sis [Adresse 5] évalué à la somme de
530 000 € dans sa déclaration sur l'honneur en date du 26 mars 2010.
La valeur de 920 000 € estimée par Madame [V] suite à l'évaluation de la société Barnes ne sera pas retenue, dès lors que Monsieur [S] établit que cette estimation a été faite par téléphone sans que l'agence n'ait visité le bien sur les seules bases données par Madame [V] ( pièce 116).
*9 biens immobiliers acquis avec un crédit à 100 % entre 2002 et 2007 évalués à la somme de 1 828 420 € : le montant des emprunts souscrits pour l'acquisition de ces biens s'élève à la somme de 2 605 944 € ;
*un immeuble à usage d'hôtel et de librairie sis à [Adresse 13], recueilli de la succession de ses parents et partiellement acquis en 2002 , dont il est propriétaire à hauteur de moitié, évalué à la somme de 400 000 €, soit la somme de 200 000 € ;
*un immeuble à usage de local commercial [Adresse 7], acquis par la Sci Lagefy dont M. [S] est associé à hauteur de 50 % soit la valeur de 325 000 € ;
*un immeuble à usage de commerce de gros, sis à [Adresse 15] acquis en 1976-1978 par la Sci Charonne dont Monsieur [S] est associé à hauteur de 25 % ce qui correspond à la somme de 630 000 € ;
*un immeuble à usage de commerce de gros sis à [Adresse 16] dont Monsieur [S] a acquis des parts sociales à hauteur de 12,50 % ce qui correspond à la somme de 100 000 €.
*divers biens mobiliers pour une valeur de 1 233 150 € étant observé que dans cette somme, celle de 750 000 €, provient pour partie de donations faites par le père de Monsieur [S] des sommes qui lui ont été versées par le gouvernement allemand suite à sa déportation et pour partie des successions confondues de ses deux parents.
Soit un actif de 4 996 570 € dont il convient de déduire la somme de
3 065 937 € au titre du passif, ce qui dégage un actif net de 1 930 633 €.
Ses charges mensuelles sont celles de la vie courante : il doit être souligné que Monsieur [S] est désormais propriétaire de l'appartement qu'il a acquis en viager.
Ces charges peuvent être détaillées ainsi qu'il suit :
*impôt : 4 100 € ;
*charges [Localité 11] : 1 170 € ;
*assurances pour les divers véhicules : 297 € ;
*crédits scooter, voitures : 944 € ;
*autres crédits :2 413 €.
Monsieur [S] assume la charge quotidienne de ses deux filles âgées de 17 et 18 ans pour lesquelles il ne réclame pas de pension.
Madame [V], âgée de 41 ans, est sans emploi. Elle n'a jamais travaillé.
Elle fait état de ce qu'elle n'est pas oisive et a travaillé à temps partiel pour la société Camping caravaning en qualité de responsable commerciale en août et septembre 2009 : les bulletins de salaire produits établissent que cette activité lui a procuré un revenu mensuel de 178,87 € pour le mois d'août, ce qui correspond à dix jours de travail et la somme de 481,57 € pour le mois de septembre.
Il ne peut être considéré au vu de ces seuls éléments qu'elle recherche activement un emploi.
Ses charges sont celles de la vie courante : il ne peut être retenu qu'elle assume seule l'intégralité de celles-ci, dès lors qu'elle entretient une relation suivie avec le père de ses deux jeunes enfants, âgés de 22 mois et de 6 mois, dont elle ne communique pas les revenus mais qui bénéficie d'une situation financière confortable en sa qualité de pilote de ligne auprès de la compagnie Air France, avec lequel elle a manifestement fondé une famille.
Ces charges fixes peuvent être évaluées, au seul vu des pièces produites, notamment de sa déclaration sur l'honneur à la somme mensuelle de 1 860 €.
Elle s'acquitte d'un impôt mensuel de 187 €.
Madame [V] perçoit des prestations sociales qui s'élèvent mensuellement à la somme de 565,40 €.
Elle déclare, dans sa déclaration sur l'honneur, posséder une assurance-vie d'un montant de 35 000 € et 15 % de la Sci Neige et Co qu'elle détient avec son compagnon, Monsieur [U].
Les époux se sont mariés le [Date mariage 1] 1991.
Ils sont soumis au régime de la séparation de biens.
Deux enfants sont issus de cette union.
Il convient, au vu de l'ensemble de ces éléments, alors que la prestation compensatoire n'a pas pour objet d'égaliser les patrimoines et les revenus des époux mais de compenser la disparité dans les conditions de vie respectives que la rupture du lien conjugal crée à l'encontre de l'un d'eux, de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a dit que la rupture du lien conjugal crée au détriment de Madame [V] une disparité mais de l'infirmer, s'agissant du montant du capital qui lui a été alloué, qui sera fixé à la somme de 400 000 €.
SUR LA DEMANDE INDEMNITAIRE DE MADAME [V] :
Madame [V] sollicite, sur le fondement de l'article 266 du code civil, la somme de 8 000 € à titre de dommages et intérêts.
Elle indique que l'attitude gravement fautive de son époux, comme les conséquences d'une particulière gravité du prononcé du divorce, lui causent un préjudice important.
Elle sera débouté de sa demande, le divorce des époux étant prononcé à leurs torts partagés, l'article 266 du code civil ne s'appliquant qu'au bénéfice de l'époux innocent ou de l'époux défendeur à une demande de divorce pour altération du lien conjugal.
SUR LES ENFANTS :
Il convient de constater que les parties s'accordent désormais pour que l'enfant mineure [L] ait sa résidence fixée chez son père.
Il n'y a lieu dans ces conditions de faire droit à la demande d'audition des enfants, [W], majeure et [L].
Il sera aussi constaté que les parties s'accordent pour que Monsieur [S] prenne intégralement en charge ses deux filles et que Madame [V] bénéficie d'un libre droit de visite et d'hébergement.
Il sera précisé qu'à compter du jour où Monsieur [S] a effectivement pris en charge ses enfants, il doit être déchargé de la contribution initialement mise à sa charge.
SUR L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE :
Au vu de la nature familiale du litige, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles de procédure.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Reçoit l'appel des parties.
Constate que les parties ont renoncé à la demande d'audition des enfants.
Infirme le jugement en date du 30 avril 2009 du juge aux affaires du Tribunal de Grande Instance de Nanterre sur le montant de la prestation compensatoire et les mesures relatives aux enfants.
Statuant à nouveau dans cette limite :
Condamne Monsieur [S] à payer à Madame [V] à titre de prestation compensatoire un capital net de frais et droits de 400 000 €.
Fixe la résidence d'[L] chez son père.
Dit que Madame [V] bénéficiera, conformément à sa demande, d'un libre droit de visite et d'hébergement.
Constate que Monsieur [S] ne réclame pas de contribution de Madame [V] à l'entretien et à l'éducation des enfants.
Précise qu'à compter du jour où Monsieur [S] a effectivement pris en charge ses enfants, il doit être déchargé de la contribution alimentaire initialement mise à sa charge pour leur entretien et leur éducation.
Confirme pour le surplus le jugement entrepris.
Déboute Madame [V] de ses autres demandes.
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens d'appel.
prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Dominique SERAN, Président, et par Madame Claudette DAULTIER, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
LE GREFFIER LE PRESIDENT