La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/04/2009 | FRANCE | N°08/01264

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 02 avril 2009, 08/01264


Code nac : 39D
12e chambre section 1
ARRET CONTRADICTOIRE DU 02 AVRIL 2009
RG n° 08/01264
AFFAIRE :
SA LA FOIR'FOUILLE
C/
- Société CARRE BLANC DISTRIBUTION- SAS CARRE BLANC BOUTIQUES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Janvier 2008 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLESN° Chambre : 2N° RG : 2007F1907

Expéditions exécutoiresExpéditionsCopies délivrées à : - SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD- SCP JUPIN et ALGRIN

LE DEUX AVRIL DEUX MILLE NEUF,La cour d'appel de VERSAILLES a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



SA LA FOIR'FOUILLEayant son siège 155 avenue Clément-Ader 34170 CASTELNAU LE LEZ, agissant poursuites...

Code nac : 39D
12e chambre section 1
ARRET CONTRADICTOIRE DU 02 AVRIL 2009
RG n° 08/01264
AFFAIRE :
SA LA FOIR'FOUILLE
C/
- Société CARRE BLANC DISTRIBUTION- SAS CARRE BLANC BOUTIQUES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Janvier 2008 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLESN° Chambre : 2N° RG : 2007F1907

Expéditions exécutoiresExpéditionsCopies délivrées à : - SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD- SCP JUPIN et ALGRIN

LE DEUX AVRIL DEUX MILLE NEUF,La cour d'appel de VERSAILLES a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SA LA FOIR'FOUILLEayant son siège 155 avenue Clément-Ader 34170 CASTELNAU LE LEZ, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Concluant par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD, avoués - N° du dossier : 0844982Plaidant par Me Frédéric MALQUIER, collaborateur de Me Nathalie CELESTE, avocat au barreau de MONTPELLIER

APPELANTE

- Société CARRE BLANC DISTRIBUTIONayant son siège 12-14 Rond-Point des Champs-Elysées 75008 PARIS, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Concluant par la SCP JUPIN et ALGRIN, avoués - N° du dossier : 0024395Plaidant par Me Serge LEDERMAN, avocat au barreau de PARIS

- SAS CARRE BLANC BOUTIQUESayant son siège 12-14 Rond-Point des Champs-Elysées 75008 PARIS, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Concluant par la SCP JUPIN et ALGRIN, avoués - N° du dossier : 0024395Plaidant par Me Serge LEDERMAN, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Février 2009, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sylvie MANDEL, président, et Madame Marie-José VALANTIN, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sylvie MANDEL, président,Madame Marie-José VALANTIN, conseiller,Madame Dominique LONNE, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MAREVILLE,(en présence de Mademoiselle Aurélie PESSON, greffier stagiaire)Le 02 mars 2007, les sociétés CARRE BLANC DISTRIBUTION et CARRE BLANC BOUTIQUES ont assigné la société LA FOIR'FOUILLE devant le tribunal de commerce de VERSAILLES pour voir :

- valider la saisie contrefaçon réalisée le 1er février 2007 au siège social de la société LA FOIR'FOUILLE à Castelnau-le-Lez (34),
- juger que la société CARRE BLANC DISTRIBUTION est titulaire du droit d'auteur attaché aux dessins de motifs brodés originaux Girafe et Bahia,
- interdire à la société LA FOIR'FOUILLE de commercialiser et d'offrir au public des articles de linge de maison revêtus de motifs reproduisant ou imitant les dessins Girafe et Bahia sous astreinte,
- condamner la société LA FOIR'FOUILLE à payer :
* à la société CARRE BLANC DISTRIBUTION la somme de 130 000 € pour s'être rendue coupable d'actes de contrefaçon des dessins Girafe et Bahia ainsi que la somme de 50 000 € en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale distincts des actes de contrefaçon,
* à la société CARRE BLANC BOUTIQUES la somme de 50 000 € en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale commis par la société LA FOIR'FOUILLE,
* à chacune des sociétés demanderesses la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonner la publication du jugement dans cinq journaux et sur la page d'accueil du site internet de la société LA FOIR'FOUILLE pendant une période de trois mois,
Les sociétés CARRE BLANC DISTRIBUTION et CARRE BLANC BOUTIQUES ont exposé, comme elles le font devant la cour :
- que la société CARRE BLANC EXPANSION a été créée en 1981 pour exercer notamment une activité de création et de fabrication de linge de maison sous l'enseigne et la marque CARRE BLANC ; que la société CARRE BLANC DISTRIBUTION, créée en 1995, a fondé un réseau de franchise, comprenant 185 magasins qui divulguent et distribuent ses produits ; que la société CARRE BLANC BOUTIQUES gère les boutiques en propre à l'enseigne CARRE BLANC,
- que dans le cadre de ses activités, la société CARRE BLANC DISTRIBUTION crée et divulgue des dessins originaux destinés à orner ses gammes de produits ; qu'elle a ainsi créé deux motifs de broderies originaux :
. le dessin de broderie Girafe : représente des girafes stylisées en mouvement et sa création a été constatée par huissier le 12 février 2002 (pièce 4) ; le dessin a fait l'objet d'un dépôt à l'INPI le 19 juillet 2005 sous le n° 05/3585, il a été apposé sur différents supports : linge de lit, de plage, de toilette, supports commercialisés par la société CARRE BLANC DISTRIBUTION dès la collection printemps-été 2002 (pièce 5),
. le dessin de broderie Bahia : caractérisé par des représentations stylisées de poissons tropicaux aux couleurs vives ; il a fait l'objet d'un constat de création par huissier le 20 janvier 2004 et d'un dépôt à l'INPI le 03 mars 2004 sous le n° 04/1046 ; il a été apposé pour du linge de lit, de table, de toilette au titre de la collection CARRE BLANC printemps-été 2004,
- qu'au début du mois de janvier 2007, la société CARRE BLANC DISTRIBUTION a été informée de ce que les magasins à l'enseigne LA FOIR'FOUILLE offraient à la vente et vendaient des ensembles d'articles de bain reproduisant quasi-servilement les motifs originaux de broderie Girafe et Bahia,
- que la société CARRE BLANC DISTRIBUTION a fait établir deux constats d'huissier dans des établissements à l'enseigne LA FOIR'FOUILLE, le 5 janvier 2007 à Parigny-le-Coteau (42) et le 11 janvier 2007 à Mantes-la-Jolie (constat de l'achat de lots de linge de toilette revêtu de broderies imitant ou reproduisant servilement les motifs Girafe et Bahia),
- que sur autorisation du 29 janvier 2007 du président du tribunal de grande instance de Montpellier, une saisie contrefaçon a été opérée au siège social de la société LA FOIR'FOUILLE à Castelnau-le-Lez ; qu'il résultait des documents saisis que sur un ordre d'achat passé par la société LA FOIR'FOUILLE le 1er juin 2006, il avait été à tout le moins livré par une société indienne RIBA Textile, le 14 novembre 2006, à la société LA FOIR'FOUILLE à Tournai-Orcq en Belgique 25 456 objets contrefaisants (serviettes, draps de bains, gants, brodés).
Par jugement du 23 janvier 2008, le tribunal de commerce de VERSAILLES a :
- dit que les motifs Girafe et Bahia sont originaux et bénéficient de la protection du droit d'auteur,
- dit que la société LA FOIR'FOUILLE a commis des actes de contrefaçon au préjudice de la société CARRE BLANC DISTRIBUTION, titulaire des droits d'auteur attachés aux dessins de motifs brodés Girafe et Bahia,
- validé la saisie contrefaçon réalisée le 1er février 2007,
- condamné la société LA FOIR'FOUILLE à payer à la société CARRE BLANC DISTRIBUTION la somme de 90 000 € au titre de la contrefaçon,
- interdit à la société LA FOIR'FOUILLE de commercialiser et d'offrir au public des articles de linge de maison revêtus de motifs reproduisant ou imitant les dessins Girafe et Bahia sous astreinte de 1 500 € par infraction constatée à compter du lendemain de la signification du jugement,
- débouté les sociétés CARRE BLANC DISTRIBUTION et CARRE BLANC BOUTIQUES de leurs demandes au titre de la concurrence déloyale,
- rejeté les demandes de publication réclamées,
- condamné la société LA FOIR'FOUILLE à payer à chacune des sociétés CARRE BLANC DISTRIBUTION et CARRE BLANC BOUTIQUES la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la société LA FOIR'FOUILLE aux dépens.
Par déclaration du 19 février 2008, la société LA FOIR'FOUILLE a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions du 15 mai 2008, la société LA FOIR'FOUILLE demande à la cour de réformer le jugement entrepris sur le montant des dommages-intérêts alloués à la société CARRE BLANC DISTRIBUTION au titre des actes de contrefaçon et de réduire à plus juste mesure l'indemnisation du préjudice de la société CARRE BLANC DISTRIBUTION. Elle demande également sa réformation dans sa disposition la condamnant au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
En revanche, la société LA FOIR'FOUILLE conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté les sociétés intimées de leurs demandes fondées sur la concurrence déloyale.
Elle conclut :
- les dispositions relatives à la fixation des dommages-intérêts, issues de la loi du 29 octobre 2007 sur la lutte contre la contrefaçon ne sont pas applicables en l'espèce ; que la directive CE 2004/48 du 29 avril 2004 a été transposée en droit interne après l'introduction de la présente instance et la loi du 29 octobre 2007 n'est pas d'application rétroactive, - que la masse contrefaisante ne doit prendre en compte que les seuls produits vendus à l'exclusion de ceux demeurant en stock (5 153 articles) ; que dès notification de la saisie contrefaçon, elle a retiré les articles incriminés de la vente (6 898 articles) ; qu'elle n'a vendu que 13 007 articles sur 18 160 pièces réceptionnées le 14 novembre 2006,

- que la société CARRE BLANC DISTRIBUTION ne justifie pas de la baisse de son chiffre d'affaires pour être indemnisée de son manque à gagner résultant des actes de contrefaçon,

- que le préjudice ne peut donc être calculé que sur la base d'une perte de chance de percevoir un bénéfice ; qu'il doit être tenu compte du taux de probabilité de réalisation de cette chance,
- que la perte de chance maximale pour la société CARRE BLANC DISTRIBUTION peut être évaluée à 29 913 €, et la probabilité de perte de chance au maximum à 50 % des articles vendus, soit un préjudice maximum de 14 956,50 € (cf son calcul pages 8 et 9),
Sur la concurrence déloyale :
- que le risque de confusion est inhérent à la contrefaçon et ne saurait caractériser l'existence d'actes distincts de concurrence déloyale ; qu'il n'y a pas de faute distincte ; que la clientèle est fort différente ; que le seul fait de vendre un produit concurrent à un prix inférieur n'est pas constitutif de concurrence déloyale,
- que les sociétés intimées ne justifient pas des investissements, ni des frais de création et de promotion,
- que la société CARRE BLANC BOUTIQUES n'est pas fondée à demander réparation au titre de la contrefaçon,
- qu'il y a confusion entre les actes sur lesquels les sociétés CARRE BLANC demandent réparation au titre de la contrefaçon et au titre de la concurrence déloyale,
- que la société CARRE BLANC BOUTIQUES n'établit pas le préjudice de désorganisation.
Aux termes de leurs dernières conclusions du 14 octobre 2008, les sociétés CARRE BLANC DISTRIBUTION et CARRE BLANC BOUTIQUES, appelantes incidentes, demandent la confirmation du jugement entrepris sauf en ce que :
- la somme allouée à la société CARRE BLANC DISTRIBUTION au titre de la contrefaçon ne correspond pas à l'intégralité de son préjudice,
- les premiers juges ont à tort écarté l'existence des actes de concurrence déloyale pourtant commis par la société LA FOIR'FOUILLE au préjudice des sociétés intimées,
- le tribunal n'a pas fait droit aux mesures de publication demandées par elles.
Les sociétés intimées reprennent donc leurs demandes en paiement et leurs demandes de publication telles que déjà formulées devant le tribunal.Elles sollicitent en outre la somme de 10.000 € au titre des frais exposés non compris dans les dépens d'appel et la condamnation de la société LA FOIR'FOUILLE aux dépens d'appel.

Elles concluent que les nouvelles dispositions issues de la loi du 29 octobre 2007 sur la lutte contre la contrefaçon qui prévoient que "pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par le contrefacteur et le préjudice moral causé au titulaire des droits du fait de l'atteinte" sont d'application immédiate ; qu'en toute hypothèse, elles ne sont que la transposition en droit interne de la directive CE 2004/48 du 29 avril 2004 ; que cette directive, dont le délai de transposition a expiré le 29 avril 2006, est applicable à la présente instance introduite le 02 mars 2007.
S'agissant de l'évaluation de son préjudice résultant de la contrefaçon, la société CARRE BLANC DISTRIBUTION réclame donc :
1) au titre du gain manqué, correspondant aux bénéfices perdus sur les ventes manquées, à savoir les bénéfices qu'elle aurait elle-même réalisés, une somme de 80 000 €, qu'elle évalue au vu de la commande et de la livraison minimale de 25 458 objets contrefaisants révélés par la saisie contrefaçon, et en fonction de ses marges brutes suivant les types de produits (serviettes, draps de bain, gants ou draps de plage). Elle fait valoir que la société LA FOIR'FOUILLE ne justifie pas des quantités de produits litigieux achetées et effectivement vendues en sorte que son manque à gagner réel peut être estimé à 80 000 €.

La société CARRE BLANC DISTRIBUTION ajoute que les stocks doivent être intégrés dans la masse contrefaisante.

2) au titre de la perte subie en raison de la banalisation des dessins contrefaits et de leur dévalorisation aux yeux du public, d'autant plus sensible que les produits contrefaisants sont de qualité médiocre et commercialisés dans des magasins bas de gamme, la somme de 50 000 €.
Sur la concurrence déloyale, les sociétés CARRE BLANC DISTRIBUTION et CARRE BLANC BOUTIQUES font valoir :
- que leurs demandes étant fondées sur le droit d'auteur et en cette matière le risque de confusion étant indifférent dans l'appréciation de la contrefaçon, il en résulte qu'en l'espèce le risque de confusion entretenu par la société LA FOIR'FOUILLE avec l'activité de la société CARRE BLANC DISTRIBUTION et les produits qu'elle commercialise est bien un élément distinct de l'appréciation des actes de contrefaçon,
- que la société LA FOIR'FOUILLE a commis des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaires en offrant à la vente et en vendant à vil prix des ensembles en éponge pour le bain revêtus de broderies reproduisant à l'identique les dessins Girafe et Bahia dans les mêmes combinaisons de couleurs que les produits originaux de la marque CARRE BLANC,
- que le fait de reprendre les dessins Girafe et Bahia sur des produits identiques à ceux des sociétés intimées, dans les mêmes couleurs, a conduit le consommateur à penser que la société LA FOIR'FOUILLE était autorisée à reproduire ces dessins, et a créé dans son esprit un risque de confusion sur l'origine des produits,
- que les produits contrefaisants ont été commercialisés à des prix très nettement inférieurs (trois fois moins élevés, cf page 14), dans une qualité médiocre, par des ventes massives dans des magasins bas de gamme, ensemble d'éléments constitutif d'actes distincts de concurrence déloyale,
- qu'en utilisant deux dessins au succès commercial certain, la société LA FOIR'FOUILLE a profité indûment de la notoriété et des investissements de la société CARRE BLANC DISTRIBUTION.
La société CARRE BLANC BOUTIQUES précise qu'elle est fondée à obtenir réparation du préjudice de concurrence déloyale qui lui est propre. Elle fait valoir :
- que la vente par la société LA FOIR'FOUILLE, dans de nombreux magasins situés en France, de produits copiant les motifs de broderie appartenant à la société CARRE BLANC DISTRIBUTION à des prix inférieurs et dans des conditions dévalorisantes constituent des actes de concurrence déloyale distincts de la contrefaçon,
- que le risque de confusion provoqué par l'activité de la société LA FOIR'FOUILLE a eu pour conséquence la captation de sa clientèle qui a pu croire que les produits de la marque CARRE BLANC étaient l'objet de liquidations de fins de série ou que le surplus de stocks était écoulé par des circuits parallèles, ce qu'elle ne fait jamais,
- qu'il y a eu atteinte à son image de marque, compte tenu de la vente massive des articles litigieux dans un environnement dévalorisant, de leur qualité médiocre et de leur très faible prix,
- que les prix très inférieurs pratiqués par la société LA FOIR'FOUILLE n'ont été possibles qu'en économisant les frais de création et de promotion, caractérisant des actes de parasitisme.
Enfin les sociétés intimées concluent sur le montant du préjudice qu'elles réclament au titre de la concurrence déloyale (50 000 € pour chacune).

SUR CE

Sur le préjudice subi par la société CARRE BLANC DISTRIBUTION au titre de la contrefaçon :
Considérant que la société la FOIR'FOUILLE conclut qu'elle ne demande pas la réformation du jugement entrepris sur la matérialité de la contrefaçon au titre des deux dessins mais sollicite son infirmation sur le quantum des dommages-intérêts alloués à la société CARRE BLANC DISTRIBUTION ;

Que ni l'originalité des dessins BAHIA et GIRAFE ni la matérialité des actes de contrefaçon n'étant discutées devant la cour, le jugement ne pourra qu'être confirmé sur ces points ;

Considérant que la loi du 29 octobre 2007 dite de lutte contre la contrefaçon, réalisant la transposition en droit français de la directive européenne n° 2004/ 48/CE en date du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle a été publiée au Journal officiel le 30 octobre 2007 et, à défaut de dispositions transitoires expresses, la loi nouvelle est entrée en vigueur le lendemain de sa publication, le 31 octobre 2007 ;
Considérant que les dispositions nouvelles de cette loi relatives à l'indemnisation des actes de contrefaçon, dispositions sans indication transitoire et qui ne ne prévoient pas de mesure d'application par voie réglementaire, sont d'application immédiate aux situations en cours ;
Considérant que l'objet des sanctions civiles de la contrefaçon demeurant notamment la réparation du préjudice qu'elle cause par l'allocation de dommages-intérêts, l'évaluation de ce préjudice par le juge doit être faite au moment où il statue ;
Considérant qu'il en résulte qu'il doit être fait application en l'espèce des nouvelles modalités d'indemnisation du préjudice telles que prévues par l'article L. 333-1-3 du Code de la propriété intellectuelle, applicable en matière de droit d'auteur, issu de la loi du 29 octobre 2007 et qui édicte :
"Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire des droits du fait de l'atteinte" ;
Que l'article L. 521-7 du même Code, en matière de dessins et modèles, est édicté dans les mêmes termes, la seule différence de rédaction résidant dans le terme de contrefacteur au lieu d'auteur de l'atteinte ;
Considérant que la société CARRE BLANC DISTRIBUTION, appelante incidente, réclame en premier lieu le gain manqué, c'est-à-dire les bénéfices perdus sur les ventes manquées, qu'elle évalue à 80 000 € ;
Que contrairement à ce que soutient la société la FOIR'FOUILLE, la société CARRE BLANC DISTRIBUTION n'a pas à justifier d'une baisse de son chiffre d'affaires pour être indemnisée du gain manqué ;
Considérant que ce gain manqué peut être évalué sur la base de la masse contrefaisante, multipliée par la marge du titulaire de droits ;
Considérant qu'il résulte du procès-verbal de saisie contrefaçon du 1er février 2007 qu'ont été remis à l'huissier de justice un ordre d'achat du 1er juin 2006 émanant de la FOIR'FOUILLE à l'adresse de RIBA TEXTILES à New Delhi qui porte sur 6 288 serviettes brodées, 3 904 draps de bain brodés, 7 296 paires de gants brodés (soit 14 592 gants) et 672 grands draps de bain (100 cm x 150 cm), soit au total une masse contrefaisante de 25 456 pièces ; que figure également au nombre des pièces remises à l'huissier de justice le bon de livraison correspondant, d'un montant de 18 597,76 € TTC ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu de retirer de cette masse contrefaisante les stocks, ni les 6 898 articles que la société la FOIR'FOUILLE prétend sans en justifier avoir retiré de la vente ;
Considérant que la société CARRE BLANC DISTRIBUTION verse régulièrement aux débats une attestation de son commissaire aux comptes, KPMG, certifiant conformes les volumes vendus et les prix de vente tels qu'ils figurent sur deux tableaux récapitulatifs des volumes de chiffres d'affaires et de marges brutes au 31 janvier 2007 concernant BAHIA et GIRAFE, tableaux joints à ladite attestation ;
Considérant qu'eu égard à ces justificatifs, il y a lieu de calculer ainsi qu'il suit le manque à gagner, conformément aux marges détaillées et au décompte présenté par la société CARRE BLANC DISTRIBUTION en page 9 de ses écritures :
- 6 288 serviettes x 2,885 € (marge brute moyenne sur BAHIA et GIRAFE),- 3 904 draps de bains x 6,730 € - 14 592 gants de toilette x 0,790 € - 675 grands draps de bain (draps de plage) x 7,205 € Total = 60 805,85 € (et non 60 784,24 € comme indiqué dans les conclusions) ;

Considérant que la société la FOIR'FOUILLE n'établit pas que les quantités achetées et effectivement vendues par elle se limitent à celles figurant sur l'offre d'achat susvisée du 1er juin 2006 ;
Considérant qu'au titre du gain manqué, la cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour allouer à la société CARRE BLANC DISTRIBUTION la somme de 70 000 € ;
Considérant que par ailleurs, la société la FOIR'FOUILLE prétend en vain que devrait être prise en compte une "probabilité de perte de chance", pouvant être fixée selon elle au maximum à 50 % des articles vendus ; que cette argumentation, qui conduit à diminuer le préjudice du titulaire du droit du montant des ventes que lui-même ne pourra pas réaliser mais qui l'auront été par le contrefacteur, est totalement contraire au régime d'indemnisation du préjudice prévu par la loi du 29 octobre 2007 ;
Considérant que la société CARRE BLANC DISTRIBUTION réclame en second lieu paiement d'une somme de 50 000 € en réparation de la perte subie résultant de l'atteinte à la valeur patrimoniale de ses créations ;
Considérant que la mise sur le marché et la présentation des produits contrefaisants, de qualité inférieure et à un prix trois fois moins élevé, n'ont pu avoir pour effet que de dévaloriser les dessins originaux en les banalisant et d'inciter la clientèle à s'en détourner ; qu'au vu de ces éléments, l'atteinte portée à la valeur patrimoniale des dessins BAHIA et GIRAFE sera indemnisée par l'allocation à la société CARRE BLANC DISTRIBUTION de la somme de 20 000 € ;
Considérant que le jugement entrepris sera confirmé, par substitution de motifs, en ce qu'il a alloué à la société CARRE BLANC DISTRIBUTION la somme de 90 000 € en réparation des actes de contrefaçon ;
Sur la concurrence déloyale :
Considérant que la société CARRE BLANC DISTRIBUTION expose qu'elle a créé un réseau de franchise en France de 185 magasins qui divulguent et distribuent ses produits ;
Que la société CARRE BLANC BOUTIQUES gère les boutiques en propre à l'enseigne CARRE BLANC, 23 établissements figurant sur son extrait Kbis au 17 décembre 2008 ;
Considérant que la société LA FOIR'FOUILLE soutenant que le prétendu risque de confusion invoqué par les sociétés CARRE BLANC découle des actes de contrefaçon, il convient de relever que la société CARRE BLANC DISTRIBUTION, seule demanderesse à l'action en contrefaçon, a fondé son action sur le droit d'auteur et que la création d'un risque de confusion dans l'esprit du public est un élément d'appréciation étranger à la contrefaçon de droit d'auteur ;
Considérant que la comparaison des articles vendus dans les magasins de la société LA FOIR'FOUILLE avec les dessins originaux BAHIA et GIRAFE établit que les motifs brodés sur les produits vendus par la société LA FOIR'FOUILLE reproduisent sensiblement la combinaison des éléments caractéristiques des dessins originaux (girafes stylisées avec le même principe de broderie, avec le même fond marron, mêmes coutures jaunes de maintien et pois aux contours irréguliers réalisés dans le même fil que celui des coutures de maintien ; poissons stylisés avec le même principe de broderie, des couleurs vives, les mêmes rayures verticales, l'oeil noir et blanc, même couleur pour la nageoire et la queue du poisson) ; que ces dessins sont associés à des produits identiques à ceux commercialisés par la société CARRE BLANC DISTRIBUTION, à savoir des ensembles en éponge pour le bain ; qu'ils sont déclinés sur exactement la même gamme mais dans des conditions dévalorisantes ; que les articles de presse mis aux débats révèlent que les dessins BAHIA et GIRAFE ont fait l'objet d'une importante campagne publicitaire et ont reçu un succès certain auprès de la clientèle ; qu'en commercialisant les articles litigieux dans les conditions susvisées, la société LA FOIR'FOUILLE a manifestement cherché à tirer profit du succès remporté par les produits CARRE BLANC et à créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle ; qu'au surplus, un tel comportement était de nature à entrainer pour CARRE BLANC DISTRIBUTION des difficultés vis-à-vis de ses franchisés ;
Considérant que s'agissant de la société CARRE BLANC BOUTIQUES, elle subit un préjudice propre de concurrence déloyale en raison de la vente par la société LA FOIR'FOUILLE, dans de nombreux magasins situés en France, de produits copiant les dessins brodés appartenant à la société CARRE BLANC DISTRIBUTION, à des vils prix et dans des conditions dévalorisantes ; que le risque de confusion provoqué par les agissements de la société LA FOIR'FOUILLE a eu pour conséquence de capter une clientèle qui a pu croire à tort, comme le fait justement valoir la société intimée, que les produits CARRE BLANC étaient l'objet de liquidations de fins de série ou que les surplus de stocks étaient écoulés par des circuits parallèles ;
Considérant que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a rejeté les demandes des sociétés CARRE BLANC au titre de la concurrence déloyale ; qu'il convient d'allouer de ce chef à la société CARRE BLANC DISTRIBUTION la somme de 20 000 € et à la société CARRE BLANC BOUTIQUES la somme de 50 000 € ;
Sur les autres demandes :
Considérant que la mesure d'interdiction prononcée par les premiers juges, nécessaire pour mettre un terme aux agissements illicites, doit être confirmée ;
Considérant qu'il sera fait droit également aux mesures de publication du présent arrêt dans deux publications et aux frais de la société la FOIR'FOUILLE à concurrence de 2 500 € par insertion ; qu'au regard des éléments de la cause, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de publication sur la page d'accueil du site internet de la société la FOIR'FOUILLE ;
Considérant que l'équité commande d'allouer aux sociétés CARRE BLANC DISTRIBUTION et CARRE BLANC BOUTIQUES la somme de 3 000 € au titre des frais non compris dans les dépens d'appel ; que les premiers juges ont exactement apprécié les sommes demandées devant eux au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Considérant que la société la FOIR'FOUILLE, partie perdante, doit supporter les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,

- CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté les sociétés CARRE BLANC DISTRIBUTION et CARRE BLANC BOUTIQUES de leurs demandes au titre de la concurrence déloyale et au titre de la publication de la décision,

- STATUANT A NOUVEAU sur ces points réformés et Y AJOUTANT,

- Au titre de la concurrence déloyale, CONDAMNE la société la FOIR'FOUILLE à payer, à titre de dommages-intérêts, à la société CARRE BLANC DISTRIBUTION la somme de 20 000 € (vingt mille euros) et à la société CARRE BLANC BOUTIQUES la somme de 50 000 € (cinquante mille euros),

- AUTORISE les sociétés CARRE BLANC DISTRIBUTION et CARRE BLANC BOUTIQUES à faire publier le dispositif du présent arrêt dans deux magazines de son choix, aux frais de la société la FOIR'FOUILLE, à concurrence de 2 500 € (deux mille cinq cents euros) par insertion,

- CONDAMNE la société la FOIR'FOUILLE à payer à la société CARRE BLANC DISTRIBUTION et à la société CARRE BLANC BOUTIQUES ensemble la somme de 3 000 € (trois mille euros) au titre des frais non compris dans les dépens d'appel,

- REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties,

- CONDAMNE la société la FOIR'FOUILLE aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP JUPIN-ALGRIN, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Sylvie MANDEL, président, et par Sabine MAREVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 08/01264
Date de la décision : 02/04/2009

Analyses

MARQUE DE FABRIQUE - Contentieux - Action en contrefaçon.

La loi du 29 octobre 2007 dite de lutte contre la contrefaçon, réalisant la transposition en droit français de la directive européenne nº 2004/48/CE en date du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle a été publiée au Journal officiel le 30 octobre 2007 et, à défaut de dispositions transitoires expresses, la loi nouvelle est entrée en vigueur le lendemain de sa publication, le 31 octobre 2007.Les dispositions nouvelles de cette loi relatives à l'indemnisation des actes de contrefaçon, dispositions sans indication transitoire et qui ne prévoient pas de mesure d'application par voie réglementaire, sont d'application immédiate aux situations en cours. L'objet des sanctions civiles de la contrefaçon demeure notamment la réparation du préjudice qu'elle cause par l'allocation de dommages-intérêts, l'évaluation de ce préjudice par le juge doit être faite au moment où il statue.Il en résulte qu'il doit être fait application en l'espèce des nouvelles modalités d'indemnisation du préjudice telles que prévues par l'article L. 333-1-3 du Code de la propriété intellectuelle, applicable en matière de droit d'auteur, issu de la loi du 29 octobre 2007.


Références :

article L331-1 du code de la propriété intellectuelle

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Versailles, 23 janvier 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2009-04-02;08.01264 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award