Arrêt No
R. G : 07 / 00964
X...
C /
Y... L'AGENT JUDICIAIRE DU TRÉSOR
COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS
ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2009
CHAMBRE CIVILE
Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINT-DENIS en date du 06 JUIN 2007 suivant déclaration d'appel en date du 13 JUIN 2007 rg no 05 / 4154
APPELANT À TITRE PRINCIPAL ET INTIMÉ À TITRE INCIDENT :
Monsieur Flavien X...... RN 1 97434 SAINT-GILLES-LES-BAINS
Représentant : Selarl AKHOUN RAJABALY (avocat au barreau de SAINT-DENIS)
INTIMÉE À TITRE PRINCIPAL ET APPELANTE À TITRE INCIDENT :
Madame Monique Y... épouse Z...... ... 97423 LE GUILLAUME
Représentant : Me Paul SALEZ (avocat au barreau de SAINT DENIS)
INTERVENANT FORCE
L'AGENT JUDICIAIRE DU TRÉSOR 207 rue de Bercy 75572 PARIS CEDEX 12
Représentant : Selarl Philippe BARRE (avocats au barreau de SAINT-DENIS (RÉUNION)
CLÔTURE LE : 30 janvier 2009
DÉBATS : en application des dispositions de l'article 779 alinéa 3 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état à la demande des parties, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile entre le 09 février et le 13 février 2009.
Par bulletin du 16 février 2009, le président a avisé les parties que l'affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la cour composée de :
Président : François CREZE Conseiller : Gérard GR0S Conseiller : Anne JOUANARD
qui en ont délibéré
et que l'arrêt serait rendu le 13 mars 2009 par mise à disposition au greffe.
Par bulletin des 13 mars, 24 avril, 05 juin et 17 juillet 2009, le président a avisé les parties que le délibéré a été prorogé.
Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 04 septembre 2009
Greffier lors des débats : Marie Josée CAPELANY
LA COUR
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur Flavien X..., premier surveillant au centre pénitentiaire du Port, faisait l'objet d'une procédure d'instruction au cours de laquelle il était mis en examen du chef de harcèlement sexuel en suite du dépôt de plainte de Mme Monique Z..., surveillante principale dans le même établissement en février 1998.
Le juge d'instruction rendait une ordonnance de non-lieu en septembre 2001. Cette ordonnance était infirmée par la chambre de l'instruction de la cour d'appel qui renvoyait l'intéressé devant le tribunal correctionnel.
Par jugement du 11 avril 2003, le tribunal correctionnel de Saint-Denis de la Réunion prononçait la relaxe de Monsieur Flavien X... et déboutait Mme Monique Z... de sa constitution de partie civile.
Ensuite de l'appel interjeté par la partie civile, la cour d'appel par arrêt du 11 février 2005, confirmait la décision du 11 avril 2003 sur les intérêts civils.
Par acte du 16 décembre 2005, Monsieur X... faisait assigner Mme Z... devant le tribunal de grande instance de Saint-Denis pour l'entendre condamner à titre principal sur le fondement de l'article 1382 du Code civil au paiement d'une somme globale de 148. 389 € en réparation du préjudice physique matériel et moral découlant des nombreuses procédures judiciaires qu'il considère comme abusives pour être faites dans l'intention de lui nuire et de briser sa carrière professionnelle.
Mme Z... s'y opposait en contestant l'existence de toute faute, et sollicitait reconventionnellement la condamnation du demandeur à lui payer la somme de 15. 000 € à titre de dommages intérêts.
L'Agent Judiciaire du Trésor était appelé en intervention forcée le 02 octobre 2007. Il concluait à sa mise hors de cause.
ÉTAT DU LITIGE DEVANT LA COUR D'APPEL
Par jugement du 06 juin 2007, le tribunal de grande instance de Saint-Denis mettait hors de cause l'agent judiciaire du trésor, déboutait Monsieur Flavien X... de l'ensemble de ses demandes, et le condamnait à payer à Mme Monique Z... la somme de 1. 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il condamnait en outre in solidum Mme Monique Z... et Monsieur Flavien X... à payer à l'agent au judiciaire du trésor la somme de 500 € au titre des frais irrépétibles d'instance.
Suivant déclaration du 13 juin 2007, Monsieur Flavien X... interjetait appel de cette décision. Par conclusions récapitulatives du 28 avril 2008, il demande à la cour au visa des articles 1382 et suivants du Code civil d'infirmer la décision entreprise et statuant à nouveau, de condamner Mme Monique Z... à lui verser la somme de 148. 389 € au titre des dommages et intérêts pour préjudice physique, moral et matériel, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, et condamner la même à lui verser la somme de 2. 000 € au titre des frais irrépétibles d'instance.
Par conclusions récapitulatives du 27 février 2008, Mme Monique Z... demande à la cour de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté l'action fondée sur l'article 1382 du code civil, de recevoir son appel incident et de condamner Monsieur X... à lui payer la somme de 15. 000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 2. 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par conclusions récapitulatives du 27 novembre 2008, l'Agent Judiciaire du Trésor concluait à la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle l'a mis hors de cause, et demandait à la cour de condamner Monsieur X... à lui verser la somme de 3. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture intervenait le 30 janvier 2009 pour l'affaire être plaidée le 13 février 2009 et mise en délibéré initial au 13 mars 2009.
SUR QUOI, LA COUR
La cour se réfère la décision entreprise et aux conclusions récapitulatives susdites pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.
Sur l'action principale en dommages et intérêts
L'action engagée sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ne peut prospérer que si une faute est établie à l'encontre de Mme Z..., et qui soit distincte de la simple utilisation des voies de droit et alors qu'elle se disait victime de harcèlement sexuel.
Il faut donc que Monsieur X... établisse que Mme Z... a déposé plainte de mauvaise foi, ou témérairement, avec l'intention de nuire.
En l'espèce, ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, Monsieur X... reproche à Mme Z... de s'être engagée dans un véritable processus de destruction de sa personnalité, de son intégrité physique et morale dans l'intention de lui nuire et de briser sa carrière professionnelle en multipliant les procédures judiciaires et abusives pendant sept ans.
Pour y parvenir, il tente de démontrer par une minutieuse reconstitution des faits que l'acte matériel de harcèlement sexuel qui lui est reproché n'a pu avoir lieu, ajoutant que Mme Z... ne cherchait qu'à se venger de son supérieur hiérarchique.
Or, et nonobstant la relaxe ultérieure de Monsieur X..., l'argumentation du procureur général reprise par la chambre de l'instruction pour infirmer l'ordonnance de non-lieu et le renvoyer devant le tribunal correctionnel reste valable en ce qu'elle précise, avec référence aux cotes de fond, que :
« en l'état du témoignage crédible et cohérent de la victime et de l'existence d'un stress post-traumatique caractéristique (réf D32, D54), de l'attitude équivoque du mis en examen tant auprès de la victime que d'autres femmes (D34, D66), des pressions de Monsieur X... pour obtenir un faux alibi de Monsieur D... qui se souvint du comportement inhabituel de son supérieur hiérarchique ce jour là (D21, D 76), du changement de poste suspect et inopiné effectué le jour des faits entre Mme Z... et Monsieur E... à l'initiative de Monsieur X... (D22, D52, D57, D79 bis), il existe un ensemble de charges précises et concordantes à l'encontre du mis en examen... »
Le fait qu'une relaxe ait été finalement prononcée ne retire pas la pertinence de ces arguments quant à la légitimité de la plainte de Mme Z....
Par ailleurs, la laborieuse tentative de démonstration de Monsieur X... sur l'impossibilité matérielle des faits dénoncés en soulignant les incohérences et les contradictions dans les témoignages et les déclarations de la victime n'est pas convaincante en ce qu'elle repose sur une série de postulats techniques (clés, accès aux locaux) ou factuels (les horaires, le règlement interne au centre de détention) dont aucun n'est déterminant.
Il s'ensuit que ni le mensonge, ni la mauvaise foi, ni l'intention de nuire de Mme Z... ne sont établis et qu'il y a lieu de confirmer la décision entreprise de ce chef.
Sur l'action en dommages-intérêts reconventionnelle pour procédure abusive.
Par de justes motifs adoptés par la cour, les premiers juges ont exactement rappelé que la mauvaise appréciation de l'étendue de ces droits ne suffit pas à caractériser l'abus ni la mauvaise foi du demandeur dans l'exercice des voies de droit contre la partie défenderesse, d'autant qu'il a été relaxé des faits que lui reprochait Mme Z....
Le jugement entrepris sera donc également confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Sur la mise en cause de l'Agent Judiciaire du Trésor
Aux termes de l'article 38 de la loi du 03 avril 1955, l'agent judiciaire du trésor n'est compétent pour représenter l'État devant les tribunaux de l'ordre judiciaire que dans le cadre d'actions contentieuses tendant à faire déclarer l'état créancier ou débiteur pour des causes étrangères à l'impôt et au domaine.
S'agissant des contentieux strictement personnels aux deux parties principales, l'Agent Judiciaire du Trésor doit être mis hors de cause par confirmation de la décision attaquée.
Sur les frais irrépétibles d'instance
Il ne paraît pas inéquitable dans les circonstances de la cause, de laisser à chacune des parties la charge des frais irrépétibles exposés.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort.
DÉCLARE l'appel recevable.
CONFIRME la décision entreprise dans toutes ses dispositions.
DIT n'y avoir lieu à indemnisation des frais irrépétibles d'instance.
CONDAMNE Monsieur X... aux dépens, dont distraction au profit de Me Paul SALEZ et de Me Philippe BARRE, avocats aux offres de droit.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur François CREZE, Président de Chambre et par Madame Marie Josée CAPELANY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
signé