R.G : 15/05805
COUR D'APPEL DE ROUEN
COUR REGIONALE DES PENSIONS
ARRET DU 25 OCTOBRE 2016
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Décision rendue par le TRIBUNAL DES PENSIONS MILITAIRES DE ROUEN en date du 22 Septembre 2015
APPELANT :
MINISTERE DE LA DEFENSE SOUS DIRECTION DES PENSIONS BUREAU DU CONTENTIEUX DES PENSIONS 5 Place de Verdun 17016 LA ROCHELLE CEDEX
Représentée par Mme Catherine Germain, commissaire du gouvernement
INTIMÉ :
Monsieur Thomas X... né le 11 septembre 1980 ... 27550 FONTAINE LA SORET
Comparant en personne assisté par Me Mathilde COQUEREL, avocat au barreau d'Amiens
(Bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2016/005714 en date du 28/09/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ROUEN)
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré :
Madame PAMS-TATU, Président Monsieur DUPRAY, Conseiller Monsieur GALLAIS, Conseiller honoraire
désignés par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour de céans en date du 12 juillet 2016
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme NOEL DAZY, Greffier
DÉBATS :
A l'audience publique du 27 Septembre 2016, après rapport de M. GALLAIS
L'affaire a été mise en délibéré au 25 Octobre 2016
ARRÊT :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 25 Octobre 2016, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame PAMS-TATU, Président et par Mme NOEL DAZY, Greffier présent à cette audience.
* * *
Monsieur Thomas X..., né le 11 septembre 1980, est engagé dans l'armée de terre depuis le 1er février 2003.
Par arrêté no A 275 du 23 septembre 2013, il lui a été attribué une pension militaire d'invalidité temporaire de 10% , pour la période du 22 juin 2012 au 21 juin 2015 pour l'infirmité : « séquelles d'entorses du genou droit sur antécédent d'instabilité. Ligamentoplasties du ligament croisé à deux reprises. Cicatrices souples. Genou sec, augmenté de volume + 1 cm. Limitation de la flexion. Amyotrophie de la cuisse – 4 cm ».
Par requête enregistrée le 8 avril 2014, Monsieur X... a formé un recours devant le tribunal des pensions militaires de Rouen afin que soit révisé le taux accordé par cet arrêté et que lui soit reconnu un taux de 20%, prenant en considération non seulement les blessures reçues à l'occasion du service les 29 juin 2006 et 19 mai 2011, mais aussi celles résultant de l'accident survenu le 5 septembre 2003, également imputable, selon lui, au service.
Par jugement du 22 septembre 2015, le tribunal, considérant que le demandeur rapportait suffisamment la preuve de l'imputabilité au service, par un lien certain, direct et déterminant, de l'accident dont il a été victime le 5 septembre 2003 qui lui a causé un traumatisme de la rotule du genou droit, a infirmé ledit arrêté, dit que les séquelles de l'accident du 5 septembre 2003 ouvrent droit à pension d'invalidité et doivent être incluses dans l'évaluation du taux global d'invalidité et a fixé celui-ci à 20%.
Par lettre recommandée expédiée le 2 décembre 2015 et enregistrée au greffe de la cour de céans le 4 décembre 2015, le Ministre de la Défense a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 12 octobre 2015.
Par conclusions enregistrées le 30 mars 2016, complétées par celles déposées le 13 juin 2016, il demande à la cour d'infirmer le jugement, de dire que les «séquelles d'entorses du genou droit» ne peuvent être imputables qu'au regard des accidents des 29 juin 2006 et 19 mai 2011, que leur indemnisation au taux de 10% est justifiée et de maintenir en conséquence l'arrêté du 23 septembre 2013.
Le Ministre de la Défense fait valoir à cet effet pour l'essentiel qu'il appartient à Monsieur X... d'établir par un rapport officiel que l'affection dont il se prévaut provient de l'exécution d'un fait de service et que, s'il en va bien ainsi pour les accidents des 29 juin 2006 et 19 mai 2011, tel n'est pas le cas pour l'événement allégué du 5 septembre 2003 pour lequel il ne produit qu'un document qui n'a pas été rédigé en la forme réglementaire et qui, de surcroît, a été établi le 4 février 2015, soit 12 années après le fait invoqué.
Le Ministre ajoute que ce document de février 2015 est particulièrement succinct, que le demandeur aurait dû en 2003 se procurer les documents nécessaires comme il l'a fait en 2006 et 2011 et que seul un rapport circonstancié ou un extrait des registres des constatations peuvent, par leur concordance avec le livret médical, déterminer une imputabilité, d'autant plus qu'il existe une discordance sur la date des faits.
Il considère que, dans ces conditions, les exigences probatoires entendues au sens de l'article 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG) ne sont pas satisfaites.
Par écritures déposées les 29 avril et 3 août 2016, Monsieur Thomas X... sollicite la confirmation du jugement et, subsidiairement, une expertise médicale.
Il expose à cet effet que, le 5 septembre 2003, il est tombé sur le genou droit à l'occasion d'un entraînement de type « parcours du combattant » et que cet événement est mentionné sur son livret médical qui fait état d'un trauma rotule droit en service.
Il ajoute que, contrairement aux dispositions d'une instruction du 9 octobre 1992, l'administration n'a pas alors rédigé de rapport circonstancié ni renseigné le registre des constatations et qu'il a donc dû solliciter de celle-ci un rapport circonstancié de l'accident qui a été rédigé le 4 février 2015.
Monsieur X... relève que le ministre tente, avec mauvaise foi, de lui faire supporter les conséquences des insuffisances de ses services et fait abstraction des mentions figurant au dossier médical alors que la preuve de l'imputabilité au service par un lien direct, certain et déterminant de l'accident du 5 septembre 2003 est rapportée.
SUR CE,
Attendu, comme l'a justement énoncé le Tribunal et l'admettent les parties, que seule est en discussion l'imputabilité au service de l'accident que Monsieur X... date du 5 septembre 2003 ; que, dans le cas où cette imputabilité est reconnue, il n'est pas contesté qu'il peut prétendre à un taux d'invalidité de 20% ;
Attendu qu'il est aussi à juste titre admis que l'intimé ne peut bénéficier des présomptions d'imputabilité prévues à l'article 3 du CPMIVG et qu'il se trouve dès lors soumis au régime de la preuve posé par l'article 2 du même code ;
Attendu qu'il lui appartient donc d'établir l'existence d'une relation directe et certaine entre un fait de service et l'origine de l'infirmité qu'il invoque ;
Attendu que, comme en première instance, Monsieur X... est en mesure de se prévaloir de deux documents ;
Attendu que le premier est son livret médical sur lequel, à la date du 5 septembre 2003, a été portée la mention suivante par le Docteur Y..., médecin adjoint de l'ENSOA de Saint Maixent l'Ecole : « Trauma rotule droit en service hier » ;
Que le second est intitulé « rapport circonstancié » et daté du 4 février 2015 sur lequel le médecin en chef Pascal A..., commandant par suppléance du CMA Poitiers Saint Maixent, a énoncé : « Pendant une séance d'entraînement au parcours d'obstacles, l'adjudant X... s'est blessé au genou droit. Il a consulté » ; que la rubrique « Blessé ou malade » est complétée par l'indication : « depuis le 05/09/2003 » ;
Attendu que si l'appelant fait justement observer que la date de l'accident n'est pas le 5 mais le 4 septembre 2003 puisque le livret médical renseigné le 5 septembre 2003 précise que la blessure est survenue la veille, il est mal fondé à prétendre par ailleurs que la preuve qui incombe à Monsieur X... n'est pas suffisamment rapportée par celui-ci ;
Attendu spécialement qu'il se prévaut en vain du caractère tardif du rapport circonstancié puisque l'obligation dans laquelle s'est trouvé Monsieur X... d'en solliciter un pour les besoins de la présente procédure n'est que la conséquence de la carence des services de l'appelant qui se sont abstenus d'établir en septembre 2003 les documents qu'ils devaient rédiger ;
Attendu que les autorités qui ont établi et visé les pièces présentées par Monsieur X... permettent de s'assurer de l'authenticité des faits et constatations qui y sont énoncés ;
Attendu que le rapprochement entre les deux documents permet de considérer comme suffisamment établi que l'accident survenu dans le cadre du service le 4 septembre 2003 et dont les effets ont été médicalement constatés le lendemain, est bien à l'origine d'un traumatisme du genou droit comme le prétend Monsieur X... ;
Attendu que, dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont accueilli la demande qui leur était soumise et le jugement doit en conséquence être confirmé, sauf à préciser dans le dispositif du présent arrêt que l'accident de service litigieux, constaté dans ses effets le 5 septembre 2003, est survenu la veille ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement rendu par le Tribunal des Pensions Militaires de Rouen en date du 22 Septembre 2015 concernant M. Thomas X... ;
Précise que l'accident de service litigieux dont les conséquences ont été constatées le 5 septembre 2003 est survenu le 4 septembre 2003.
Le Greffier Le Président