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26/05/2005 | FRANCE | N°JURITEXT000006946214

France | France, Cour d'appel de riom, Chambre civile 1, 26 mai 2005, JURITEXT000006946214


No 04/987

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M. X... Pierre Y..., avocat inscrit depuis 1961 au barreau de l'Ardèche, installé à PRIVAS, a souhaité faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er juillet 2001 et a envisagé de céder sa clientèle à Z... Christine CUER-d'AULAN, avocate inscrite au même barreau ayant créé un cabinet à AUBENAS.

Une promesse de cession a ainsi été signée par ces deux conseils le 6 octobre 1998, sous diverses charges et conditions, plus particulièrement sous la condition suspensive d'obtention par la cessionnaire d'un prêt mobilier pour le finance

ment du rachat, l'indemnité due en cas de vente ayant été conventionnellement fixée ...

No 04/987

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M. X... Pierre Y..., avocat inscrit depuis 1961 au barreau de l'Ardèche, installé à PRIVAS, a souhaité faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er juillet 2001 et a envisagé de céder sa clientèle à Z... Christine CUER-d'AULAN, avocate inscrite au même barreau ayant créé un cabinet à AUBENAS.

Une promesse de cession a ainsi été signée par ces deux conseils le 6 octobre 1998, sous diverses charges et conditions, plus particulièrement sous la condition suspensive d'obtention par la cessionnaire d'un prêt mobilier pour le financement du rachat, l'indemnité due en cas de vente ayant été conventionnellement fixée par les parties à la promesse à la moyenne des trois derniers bénéfices annuels, indemnité que le cessionnaire s'engageait à payer au cédant en un seul versement le jour de la régularisation de l'acte authentique.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 8 juin 2001, Mme CUER-d'AULAN avisait le cédant de l'obligation dans laquelle elle se trouvait de se prévaloir de la condition suspensive de la promesse, faute pour elle d'avoir obtenu les concours bancaires qu'elle avait sollicités.

Estimant que la décision tardive de sa consoeur lui avait porté préjudice, puisqu'il avait dû céder son cabinet à une autre consoeur moyennant paiement d'une indemnité de (300.000 F) 45.734,71 ç alors que la moyenne des bénéfices annuels des trois exercices annuels précédant la cession s'élevait à (402.754 F) 61.399,45 ç, M. Pierre Y... a sollicité paiement par Mme CUER-d'AULAN d'une somme de 20.000 ç en réparation des préjudices matériels et moraux.

Par jugement en date du 13 février 2004, le Tribunal de Grande

Instance du PUY EN VELAY a condamné Z... Christine CUER-d'AULAN à payer à M. Pierre Y... la somme de 15.665 ç à titre de dommages-intérêts et a débouté les parties du surplus de leurs prétentions.

Appelante de cette décision dans des conditions de forme dont la régularité n'est pas contestée, Mme CUER-d'AULAN en sollicite, par voie de conclusions signifiées le 16 février 2005, la réformation.

Elle soulève, à titre principal, la nullité de la convention et subsidiairement, fait valoir que le montant de l'emprunt objet de la condition suspensive, portait sur la totalité des sommes nécessaires à la réalisation de l'achat. Elle conclut, en conséquence, au débouté des demandes de M. Y... et encore plus subsidiairement, à l'organisation d'une mesure d'expertise comptable.

Elle sollicite, en toute hypothèse, reconventionnellement, paiement d'une somme de 1.525 ç au titre du travail accompli pour le compte de M. Y.... No 04/987

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Par ses écritures signifiées le 1er mars 2005, M. Y... conclut à la confirmation du jugement et à l'allocation d'une somme de 3.000 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. SUR CE

Attendu que la cession de clientèle n'étant pas en elle-même illicite, à la condition toutefois que soit sauvegardée la liberté de choix des clients, est dénuée d'intérêt la discussion instaurée par les parties relativement à leurs capacités respectives à apprécier la portée des termes juridiques de leur convention ou à la durée de l'exercice de leur activité d'avocat ;

Attendu que la cession de clientèle envisagée doit, compte tenu de la nature libérale de l'activité d'avocat, s'analyser comme une cession

du pouvoir attractif, exercé sur les clients, lequel est lié à un ensemble de qualités subjectives personnelles propres au cédant ;

Que le report de la confiance des clients ne peut donc se faire que par le biais d'une collaboration préalable suivie d'une présentation du successeur à la clientèle ;

Que par la convention d'aide et assistance qu'elles ont souscrite pour la période ayant commencé à courir à compter du 1er décembre 2000 jusqu'à la cession effective du droit de présentation de clientèle, le 1er juillet 2001, les parties ont effectivement collaboré, leurs deux noms figurant sur un même papier à en-tête, Mme CUER-d'AULAN ayant été personnellement chargée du suivi de dossiers de M. Y... ..., d'une part, et l'appelante ayant été présentée par celui-ci à des clients "institutionnels", d'autre part ;

Attendu, en outre, que la convention des parties était motivée en ce qui concerne M. Y..., par sa décision de faire valoir ses droits à la retraite, ce qui favorisait la probabilité de la continuation de la fréquentation du cabinet par la clientèle du cédant ;

Attendu qu'en l'absence de preuve d'atteinte à la liberté des clients de recourir ou non au cessionnaire résultant de cette convention, celle-ci a, à bon droit, été validée par le Tribunal ;

Attendu qu'à titre subsidiaire, l'appelante soutient ne pas avoir obtenu les concours bancaires sollicités pour le financement de l'opération et se prévaut de la défaillance de la première des conditions suspensives stipulées à son bénéfice ;

Mais attendu que par des motifs pertinents auxquels la Cour se réfère expressément, le Tribunal a rejeté les prétentions de Mme CUER-d'AULAN ; No 04/987

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Qu'en effet elle ne justifie nullement du montant du prix de 300.000

F qui aurait été avancé, selon elle, lors de la signature de la convention ; qu'en tout état de cause, ce prix ne correspond aucunement à la moyenne des bénéfices réalisés par le cabinet au cours des trois années ayant précédé l'acte de cession : (61.406,46 ç en 1997 - 57.996,18 ç en 1996 - 101.048,23 ç en 1995) dont il lui appartenait, en tout état de cause, en professionnel avisé, de solliciter les justificatifs ;

Que la somme de 61.399,45 ç à laquelle s'établit la moyenne des trois dernières années précédant la prise d'effet de la cession est donc parfaitement comparable ;

Or attendu qu'il résulte des lettres par lesquelles les banques démarchées par l'appelante lui ont notifié refuser le prêt sollicité porte sur des montants supérieurs, Mme CUER-d'AULAN leur ayant soumis un projet de réorganisation du cabinet (dont la nécessité n'était pas avérée) ; que la condition suspensive ne visant que l'obtention d'un prêt pour le financement dudit rachat, elle ne peut prétendre que la condition est défaillie ;

Qu'il sera ici observé en outre que l'appelante n'établit pas avoir sollicité la banque gérant le compte CARPA du Barreau de l'Ardèche qui consent habituellement des prêts aux membres de celui-ci ;

Attendu, enfin, que la demande d'expertise présentée à titre subsidiaire est, en l'espèce, sans intérêt dès lors que sont parfaitement connus, au terme des pièces comptables versées aux débats, les montants des bénéfices des trois exercices, seuls à prendre en considération au terme de l'acte du 6 octobre 1998 ;

Attendu que la demande reconventionnelle de paiement d'une somme de 1.525 ç au titre de la rémunération du travail accompli pour le compte de M. Y... présentée pour la première fois en cause d'appel, sera déclarée irrecevable en application des dispositions de l'article 564 du nouveau code de procédure civile ;

Attendu que l'équité commande d'allouer à M. Y... une somme de 1.500 ç en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ; No 04/987

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Déclare irrecevable la demande reconventionnelle présentée par l'appelante en cause d'appel, comme étant nouvelle ;

Y ajoutant,

Condamne l'appelante à payer à M. Y... la somme de 1.500 çuros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

La condamne aux entiers dépens et dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. Le présent arrêt a été signé par M. BAUDRON, président, et par Mme PHILIPPE, greffier présent lors du prononcé. Le greffier le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de riom
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006946214
Date de la décision : 26/05/2005
Type d'affaire : Civile

Analyses

AVOCAT - Clientèle

La cession de clientèle n'étant pas en elle-même illicite à condition que soit préservée la liberté de choix des clients et doit s'analyser comme une cession du pouvoir attractif exercés sur les clients (qualités subjectives personnelles propres au cédant), le report de confiance ne pouvant se faire que par le biais d'une collaboration. La convention d'aide et d'assistance, motivée par le départ en retraite du cédant, intervenue entre deux avocats pour une période de 6 mois avant la cession effective du droit de présentation de clientèle, période pendant laquelle la collaboration entre les deux confrères a été effective, en l'absence de preuve d'atteinte à la liberté des clients de recourir ou non au cessionnaire, doit être validée.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.riom;arret;2005-05-26;juritext000006946214 ?
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