9ème Ch Sécurité Sociale
ARRET N°640
N° RG 20/00255 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QMRW
Jonction avec RG 20/00415
CAISSE D'ASSURANCE RETRAITE ET DE LA SANTÉ AU TRAVAIL PAYS DE LA LOIRE
C/
Mme [E] [O]
SAS GEIREC
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 14 OCTOBRE 2020
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,
Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Morgane LIZEE, lors des débats, et Mme Loeiza ROGER, lors du prononcé,
DÉBATS :
En chambre du Conseil du 02 Septembre 2020
devant Madame Véronique PUJES, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 14 Octobre 2020 par mise à disposition au greffe l'arrêt dont la teneur suit :
DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:
Date de la décision attaquée : 22 Avril 2016
Décision attaquée : Jugement
Juridiction : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTES
****
APPELANTE :
CAISSE D'ASSURANCE RETRAITE ET DE LA SANTÉ AU TRAVAIL PAYS DE LA LOIRE (CARSAT)
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Nicolas VILLATTE de la SELAFA VILLATTE ET ASSOCIES, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉES :
Madame [E] [O]
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Sandrine PORCHER-MOREAU, avocat au barreau de NANTES
SAS GEIREC
[Adresse 6],
[Adresse 6]
[Localité 4]
Ayant pour conseil Me Bérangère SOUBEILLE, de la SELARL LALLEMENT SOUBEILLE ASSOCIES, avocat au barreau de NANTES
Dispensée de comparaître
EXPOSE DU LITIGE :
Mme [E] [O], née le [Date naissance 2] 1937 et bénéficiaire de l'allocation supplémentaire du Fonds National de Solidarité (FNS) depuis le 1er août 1997, s'est vu notifier le 12 décembre 2012 l'arrêt du versement de cette allocation par la CARSAT des Pays de la Loire (la caisse) à effet du 1er août 1997 ainsi qu'un indu d'un montant de 37 013,79 euros dont la caisse précisait qu'il sera prélevé sur les arrérages de pension de retraite personnelle à compter de la mensualité de janvier 2013.
Le 13 février 2013,Mme [O] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Pays de la Loire.
Par jugement du 2 octobre 2015, ce tribunal a statué comme suit :
- déboute Mme [O] de ses demandes,
- confirme la décision de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du 12 décembre 2012.
Saisi en octobre 2015 par les parties de requêtes en interprétation, rectification et omission de statuer, le tribunal, par jugement du 22 avril 2016, a dit qu'il convenait d'interpréter et de compléter le jugement en substituant à son dispositif le dispositif suivant :
- dit qu'il n'y avait pas lieu à saisine préalable de la commission de recours amiable ;
- constate qu'aucune fraude ne peut être retenue à l'encontre de Mme [O] dans les déclarations effectuées ;
- constate que la situation de Mme [O] ne lui permettait plus de prétendre à l'allocation FNS à compter du 1er mars 2004 ;
- dit que l'action en répétition de l'indu de la caisse se prescrit par deux ans en application de l'article L.815-10 du code de la sécurité sociale ;
- condamne Mme [O] à verser à la caisse la somme de 5 321,12 euros avec intérêts légaux à compter du jugement ;
- déboute les parties de leurs demandes d'indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- déclare le jugement commun et opposable à la société d'expertise comptable Geirec.
Le 18 mai 2016, la caisse a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 2 mai précédent.
Le dossier a fait l'objet d'une radiation par arrêt du 10 janvier 2018 avant d'être réinscrit au rôle à la demande de la caisse sur la base de ses conclusions transmises le 10 janvier 2020 par voie postale et par voie électronique donnant lieu à deux enregistrements sous les n° 20-00255 et 20-00415.
Par ses conclusions n°2 transmises le 28 août 2020, auxquelles s'est référé et qu'a soutenues son conseil à l'audience, la caisse demande à la cour, au visa des article L.815-2 et suivants et R.815-25 et suivants du code de la sécurité sociale :
- d'infirmer partiellement le jugement du 22 avril 2016,
- de débouter Mme [O] de l'ensemble de ses demandes,
- de confirmer la décision de la commission de recours amiable (sic) du 12 décembre 2012,
- de condamner Mme [O] à lui verser la somme de 37 013,79 euros correspondant au trop perçu depuis le 1er août 1997,
- si la séparation de fait des époux depuis plus de deux ans était reconnue par la cour, de condamner la même à lui payer la somme de 37 013,79 euros correspondant au trop perçu depuis le 1er mars 2004,
- de la condamner également à lui régler la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- de la condamner enfin aux dépens et dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées et s'il est en conséquence nécessaire de procéder à l'exécution forcée par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire seront supportées par la partie condamnée aux dépens.
Par ses dernières conclusions transmises le 9 juillet 2020, auxquelles s'est référé et qu'a soutenues son conseil à l'audience, Mme [O] demande à la cour, au visa des articles L.815-2 et suivants et R.815-25 et suivants du code de la sécurité sociale dans leur version antérieure au 1er janvier 2006, de :
1/ à titre principal :
- débouter la caisse de sa demande en répétition d'indû,
- dire que Mme [O] n'est tenue à aucun remboursement d'arrérages d'allocation supplémentaire,
2/à titre subsidiaire :
- confirmer le jugement du 22 avril 2016 en ce qu'il :
constate qu'aucune fraude ne peut être retenue à l'encontre de Mme [O] dans les déclarations effectuées ;
dit que l'action en répétition de l'indu de la caisse se prescrit par deux ans en application de l'article L.815-10 du code de la sécurité sociale ;
condamne Mme [O] à verser à la caisse la somme de 5 321,12 euros ;
déclare le jugement commun et opposable à la société d'expertise comptable Geirec.
- y ajoutant,
dire que la somme de 5 321,12 euros produira intérêts à compter de l'arrêt en application de l'article L.1231-7 du code civil,
condamner la caisse à lui payer la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
déclarer l'arrêt commun et opposable à la société Geirec.
Par ses conclusions transmises le 13 juillet 2020, la société Geirec, dispensée de comparaître, demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur la demande de déclaration d'arrêt commun présentée par Mme [O] à son égard.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et, en ce qui concerne la caisse et Mme [O], soutenues oralement à l'audience.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la jonction des instances
En application de l'article 367 du code de procédure civile, il convient, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'ordonner la jonction des instances inscrites au répertoire général du greffe sous les numéros 20-00255 et 20-00415, le tout sous le numéro 20-00255.
Sur le fond
Sur la requête en interprétation du jugement du 2 octobre 2015
Mme [O] a saisi le tribunal d'une requête en interprétation au motif que le jugement du 2 octobre 2015 comportait une contradiction entre la motivation excluant toute fraude de sa part et le dispositif qui la déboutait de ses demandes.
Le tribunal, dans son jugement du 22 avril 2016 a considéré qu'il y avait effectivement lieu d'interpréter le jugement du 2 octobre 2015 en l'état de la contradiction soulignée par la requérante.
Sur ce :
En application de l'article 461 du code de procédure civile, il appartient à tout juge d'interpréter sa décision si elle n'est pas frappée d'appel.
Les juges, saisis d'une contestation relative à l'interprétation d'une précédente décision, ne peuvent, sous prétexte d'en déterminer le sens, apporter une modification quelconque aux dispositions précises de celle-ci, fussent-elles erronées. (pourvoi n° 07-16690)
Une requête présentée en application de l'article 461 du code de procédure civile, qui tend à l'interprétation d'une décision de justice dont le dispositif présente une ambiguïté ou une obscurité, ne peut par conséquent être dirigée contre un arrêt ayant rejeté en totalité une requête en récusation et en renvoi pour cause de suspicion légitime. (Pourvoi n° 14-01419).
Ainsi, un jugement appelle une interprétation lorsqu'il présente une obscurité, une ambiguïté ou une contradiction dans son dispositif qui constitue en effet le seul siège de l'autorité de la chose jugée (Ass. plén.,13 mars 2009, Bull., no 3).
Il n'est pas établi ni même soutenu en l'espèce que le jugement du 2 octobre 2015 qui, dans son dispositif, déboute Mme [O] de son recours et confirme la décision de la caisse du 12 décembre 2012, comporte des chefs de dispositif contradictoires ; il n'est ni obscur ni ambigu.
Ces dispositions du jugement sont précises et ne justifient aucune interprétation quand bien même seraient-elles le résultat d'une erreur intellectuelle du tribunal.
Si le jugement du 2 octobre 2015 ne lui donnait pas satisfaction, il appartenait à Mme [O] d'en interjeter appel et non de tenter d'en obtenir une réformation déguisée par la voie d'une requête en interprétation, non fondée en l'espèce.
C'est par conséquent à tort que le tribunal, le 22 avril 2016, a considéré qu'il y avait lieu d'interpréter le jugement du 2 octobre 2015 et, par voie de substitution de dispositif, a constaté qu'aucune fraude ne pouvait être retenue à l'encontre de Mme [O], dit que l'action en répétition de l'indu de la caisse se prescrivait par deux ans et condamné en conséquence Mme [O] à verser à la caisse la somme de 5 321,12 euros avec intérêts légaux.
Il s'ensuit que la décision entreprise sera infirmée de ce chef.
Sur les requêtes en omission de statuer entachant le jugement du 2 octobre 2015
La caisse a saisi le tribunal d'une requête en omission de statuer au motif que le jugement du 2 octobre 2015 n'avait pas statué sur ses demandes aux fins de condamnation de Mme [O] à lui verser la somme de 37 013,79 euros et en paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [O] a quant à elle saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'une requête en omission de statuer en prétendant que le jugement précité n'avait pas statué sur ses demandes aux fins de déclaration de jugement commun et opposable vis à vis de la société Geirec et en paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur ce :
Le tribunal, dans son jugement du 2 octobre 2015, n'a pas statué sur la demande présentée par la caisse aux fins de condamnation de Mme [O] au paiement de la somme de 37 013,79 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement.
Si le jugement du 22 avril 2016 a fait droit en partie à la demande aux fins de condamnation de Mme [O], force est néanmoins de constater que c'est le résultat de l'interprétation qu'a faite le tribunal du jugement précédent, interprétation qui n'avait pas lieu d'être.
Il s'ensuit que le dispositif du jugement du 2 octobre 2015, qui ne nécessitait pas d'interprétation en ce qu'il déboutait Mme [O] de ses demandes et confirmait la décision de la caisse du 12 décembre 2012 notifiant un indu de 37 013,79 euros, doit, par voie d'infirmation du jugement du 22 avril 2016, être complété en ce sens que Mme [O] est condamnée à payer ce montant à la caisse, outre les intérêts au taux légal à compter dudit jugement, lesquels sont dus de plein droit.
Le jugement du 22 avril 2016, qui, complétant la précédente décision, a rejeté les demandes respectives des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, sera confirmé.
La demande de Mme [O] aux fins de déclaration de jugement commun et opposable à la société Geirec qui n'est ni un organisme gérant un régime obligatoire de sécurité sociale ni un assureur est sans objet ; le jugement entrepris sera par conséquent infirmé sur ce point.
Sur les mesures accessoires en cause d'appel
L'équité ne commande pas de faire droit à la demande de la caisse fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, Mme [O] étant quant à elle déboutée de sa demande sur ce point dès lors qu'elle succombe à l'instance.
S'agissant des dépens, si la procédure était, en application des l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale gratuite et sans frais, l'article R.142-1-1 II, pris en application du décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale, dispose que les demandes sont formées, instruites et jugées selon les dispositions du code de procédure civile, de sorte que les dépens sont régis désormais par les règles de droit commun conformément à l'article 696 du code de procédure civile.
En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de Mme [O].
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition du greffe,
Ordonne la jonction des instances inscrites au répertoire général du greffe sous les numéros 20-00255 et 20-00415, le tout sous le numéro 20-00255;
Statuant sur la requête en interprétation :
Infirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Pays de la Loire du 22 avril 2016 en ce qu'il a dit qu'il convenait d'interpréter le jugement du 2 octobre 2015 et en conséquence constaté qu'aucune fraude ne pouvait être retenue à l'encontre de Mme [O], dit que l'action en répétition de l'indu de la caisse se prescrivait par deux ans et condamné en conséquence Mme [O] à verser à la caisse la somme de 5 321,12 euros avec intérêts légaux à compter du prononcé de la décision ;
Statuant à nouveau sur ce point,
Dit qu'il n'y a pas lieu d'interpréter le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Pays de la Loire du 2 octobre 2015 ;
Statuant sur la requête en omission de statuer :
Complète le dispositif du jugement en date du 2 octobre 2015 en ce sens que dans son dispositif après 'Confirme la décision de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du 12 décembre 2012' doit être ajoutée la phrase suivante : 'Condamne Mme [O] à payer à la CARSAT des Pays de la Loire la somme de 37 013,79 euros' ;
Rappelle que les intérêts au taux légal sont dus de plein droit à compter du jugement du 2 octobre 2015 ;
Infirme le jugement du 22 avril 2016 en ce qu'il a été déclaré commun et opposable à la société d'expertise SAS Geirec ;
Dit que cette demande est sans objet ;
Confirme le jugement du 22 avril 2016 en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes respectives fondées en cause d'appel sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit n'y avoir lieu de déclarer le présent arrêt commun (et opposable) à la société Geirec ;
Dit que mention du présent arrêt sera portée en marge de la minute du jugement complété et qu'il ne pourra plus être délivré de copie exécutoire sans mention de la décision rectificative ;
Condamne Mme [O] aux dépens exposés postérieurement au 31 décembre 2018.
LE GREFFIERLE PRESIDENT