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10/09/2020 | FRANCE | N°18/02070

France | France, Cour d'appel de Rennes, 4ème chambre, 10 septembre 2020, 18/02070


4ème Chambre





ARRÊT N°289



N° RG 18/02070 -

N° Portalis DBVL-V-B7C-OXFJ











NM / JV











Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 10 SEPTEMBRE 2020





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Hélène R

AULINE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Andrée GEORGEAULT, Conseillère,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Juliette VANHERSEL, lors des débats et lors du prononcé







DÉBATS :



A l'audience publique du 04 Juin 2020



ARRÊT :



Con...

4ème Chambre

ARRÊT N°289

N° RG 18/02070 -

N° Portalis DBVL-V-B7C-OXFJ

NM / JV

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 10 SEPTEMBRE 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Hélène RAULINE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Andrée GEORGEAULT, Conseillère,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Juliette VANHERSEL, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 04 Juin 2020

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 10 Septembre 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

SAS MINCO

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Caroline DUSSUD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

INTIMÉS :

Monsieur [N] [V]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Patrice HUGEL, Plaidant, avocat au barreau d'ANGERS

Représenté par Me Quentin BLANCHET MAGON, Postulant, avocat au barreau de RENNES

SAS AUFFRET LENNON, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Valérie POSTIC de la SELARL ATHENA AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

Compagnie d'assurances CRAMA GROUPAMA LOIRE BRETAGNE, agissant par son représentant légal

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Hélène DAOULAS de la SELARL DAOULAS-HERVE ET ASS., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

****

FAITS ET PROCÉDURE

M. [V] est propriétaire d'un immeuble, composé de trois logements destinés à la location, situé en front de mer à 50 mètres de l'Estran au [Adresse 3]

Suivant devis en date du 12 septembre 2005, dans le cadre de travaux de rénovation, il a confié à la société Auffret Lennon la pose et la fourniture de menuiseries extérieures en bois revêtues d'un habillage en aluminium thermolaqué, fabriquées par la société Minco.

Se plaignant d'un phénomène de corrosion des profilés en aluminium, ainsi que de l'oxydation des éléments de quincaillerie, M. [V] a fait assigner, par acte d'huissier en date du 10 octobre 2013, la société Minco et la société Auffret Lennon aux fins d'expertise devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Quimper, lequel a désigné M. [J] par ordonnance du 4 décembre 2013. L'expert a déposé son rapport le 5 décembre 2014.

Par actes d'huissier des 7, 8 et 9 octobre 2015, M. [V] a fait assigner la société Auffret Lennon, son assureur la CRAMA et la société Minco devant le tribunal de grande instance de Quimper.

Par un jugement assorti de l'exécution provisoire en date du 5 septembre 2017, le tribunal a :

- condamné in solidum la société Auffret Lennon, son assureur la société Groupama Loire-Bretagne et la société Minco à payer à M. [V] la somme de 54 537 euros TTC au titre des travaux de reprise, indexée sur l'indice BT01 applicable à la date du jugement et avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- débouté M. [V] de ses autres demandes de dommages-intérêts ;

- condamné in solidum la société Groupama Loire-Bretagne et la société Minco à garantir la société Auffret Lennon des condamnations prononcées à son encontre en principal, intérêts, frais et dépens ;

- condamné la société Minco à garantir la société Groupama Loire-Bretagne des condamnations prononcées à son encontre en principal, intérêts, frais et dépens ;

- débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire ;

- condamné in solidum la société Auffret Lennon, son assureur la société Groupama Loire-Bretagne et la société Minco aux dépens, y compris les frais d'expertise judiciaire, et à payer à M. [V] la somme de 6 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;

- condamné la société Minco à payer à la société Auffret Lennon la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à la société Groupama Loire-Bretagne la somme de 1 200 euros sur le même fondement.

La société Minco a interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 27 mars 2018.

M. [V] a formé un appel incident.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 juin 2020.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions en date du 10 septembre 2019, la société Minco demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

- débouter M. [N] [V] de toutes ses fins, demandes et conclusions.

- condamner M. [N] [V] à payer à la société Minco la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions en date du 16 avril 2020, M. [V] demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris en ses dispositions faisant grief ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions adverses ;

- confirmer la nature décennale des désordres sinon la responsabilité contractuelle de la société Auffret Lennon et l'application de la garantie de la société Minco ;

- condamner in solidum la société Auffret Lennon, la société Minco et la société Groupama à payer à M. [V] la somme de 112 553,71 euros TTC au titre de son préjudice matériel, outre les intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation au fond avec capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;

- condamner in solidum la société Auffret Lennon, la société Minco et la société Groupama à payer à M. [V] la somme de 1 795,74 euros TTC au titre du remplacement de quincailleries outre intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation au fond avec capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;

- condamner in solidum la société Auffret Lennon, la société Minco et la société Groupama à payer à M. [V] la somme de 93 950 euros au titre de son préjudice économique ;

A titre subsidiaire,

- ordonner un complément d'expertise avec pour mission de réaliser des tests d'étanchéité à l'eau des menuiseries avec profilé aluminium et sans profilé afin de déterminer la fonction exacte des profilés, constater les infiltrations d'eau mentionnées dans le rapport de M. [S] et le procès-verbal de constat d'huissier du 30 mars 2015, en déterminer l'origine, dire si elles sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination, déterminer les éventuelles responsabilités et chiffrer le coût et la durée des travaux de reprise ainsi que les préjudices subis ;

- désigner un expert autre que M. [J] ;

En toute hypothèse,

- condamner in solidum la société Auffret Lennon, la société Minco et la société Groupama à payer à M. [V] la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles pris en charge au titre de la procédure d'appel ;

- les condamner in solidum aux entiers dépens d'appel et de première instance en ce compris ceux de la procédure de référé, les frais d'expertise judiciaire (d'un montant de 7 090,68 euros TTC).

Dans ses dernières conclusions en date du 19 septembre 2019, au visa des articles 1792 et 1147 du code civil, la société Auffret Lennon demande à la cour de :

- infirmer la décision dont appel en ce qu'elle a :

- condamné in solidum la société Auffret Lennon, son assureur la société Groupama Loire-Bretagne et la société Minco à payer à M. [V] la somme de 54 537 euros TTC au titre des travaux de reprise, indexée sur l'indice BT01 applicable à la date du jugement et avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- condamné in solidum la société Auffret Lennon, son assureur la société Groupama Loire-Bretagne et la société Minco aux dépens, y compris les frais d'expertise judiciaire, et à payer àM. [V] la somme de 6 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;

Statuant à nouveau,

- constater que la réception tacite des travaux de la société Auffret Lennon est intervenue en décembre 2005 ;

- constater que l'action fondée engagée par M. [V] à l'encontre de la société Auffret Lennon est forclose ;

- constater que les profilés aluminium équipant les menuiseries mixtes mises en 'uvre par la société Auffret Lennon n'ont qu'une fonction esthétique ;

- constater que la preuve d'entrées d'eau dans l'immeuble de M. [V] en raison du phénomène de corrosion affectant les profilés aluminium équipant les menuiseries mixtes mises en 'uvre par la société Auffret Lennon, dans le délai d'épreuve, n'est pas rapportée ;

- dire que le phénomène de corrosion affectant les profilés aluminium équipant les menuiseries mixtes mises en 'uvre par la société Auffret Lennon ne porte pas atteinte à la destination de l'ouvrage ;

- constater l'absence de reconnaissance de responsabilité de la société Auffret Lennon ;

- constater que M. [V] a reconnu avoir reçu les préconisations d'entretien des menuiseries extérieures ;

- dire que la société Auffret Lennon a respecté son obligation de conseil ;

- déclarer irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la réclamation de 4 618,57 euros TTC selon devis Poupno du 2 mars 2018 ;

- constater que M. [V] ne rapporte pas la preuve de la réalité et de l'importance de son préjudice économique ;

- déclarer irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la réclamation de M. [V] à hauteur de 14 000 euros au titre du temps consacré à la gestion des désordres ;

- débouter M. [V] de sa demande de complément d'expertise ;

- par conséquent, débouter M. [V] de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société Auffret Lennon ;

A titre subsidiaire,

- limiter à la somme de 57 537 euros TTC l'indemnisation du préjudice matériel de M. [V] correspondant au coût du remplacement des menuiseries extérieures ;

- débouter M. [V] de sa réclamation au titre de son préjudice économique ;

- condamner la société Groupama, en qualité d'assureur de responsabilité décennale de la société Auffret Lennon, in solidum avec la société Minco, à la garantir en principal dommages-intérêts, intérêts, frais et accessoires de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre au bénéfice de M. [V] ;

En toute hypothèse,

- condamner M. [V] ou toute partie succombante à régler à la société Auffret Lennon la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance ou d'appel.

Dans ses dernières conclusions en date du 4 janvier 2019, la CRAMA Loire-Bretagne demande à la cour de :

- reformer le jugement en qu'il a fait droit aux demandes de M. [V] ;

- débouter M. [V] de toutes demandes, fins et conclusions ;

Subsidiairement,

- confirmer purement et simplement le jugement dont appel en ce qu'il a dit que la société Minco devra relever la CRAMA de la garantie, au titre des sommes pouvant être laissées à sa charge ;

- condamner M. [V] ou toute partie succombante aux entiers dépens et à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur les responsabilités

Il résulte de l'expertise judiciaire que les cadres dormants et ouvrants des menuiseries extérieures posées par la société Auffret Lennon sur le bien immobilier de M. [V] sont en bois. Ils sont assemblés sur le côté extérieur à des profilés en aluminium par des plots-verrous. Ces profilés sont démontables.

L'expert judiciaire indique que les profilés assurent la protection du bois, en lieu et place d'une peinture, mais n'ont pas pour fonction de réaliser l'étanchéité entre dormants et ouvrants.

Il observe que les lames finales des tabliers des volets roulants sont également démontables.

M. [J] a constaté une corrosion électrochimique quasi généralisée des profilés aluminiums située majoritairement sur les coupes d'onglets et la quincaillerie. Il rappelle que le phénomène de corrosion est accéléré en milieu marin.

L'expert a vérifié la traçabilité du laquage et indiqué que les profilés d'habillage extérieurs mis en oeuvre par la société Auffret-Lennon avaient reçu une protection par thermolaquage Qualimarine.

Il indique que la corrosion des profilés en aluminium et de la quincaillerie ne résulte pas d'une faute de conception ou d'exécution mais de l'absence de suivi des conseils d'entretien du fabricant. Il affirme qu'il n'y a aucune impropriété à destination de l'ouvrage.

Il impute au mauvais entretien des joints de frappe les infiltrations alléguées à la fin des opérations d'expertise et conclut à l'absence de lien avec la corrosion des profilés.

La société Minco critique la décision du tribunal qui a retenu le caractère décennal du désordre.

M. [V] réplique que la corrosion des profilés entraîne une atteinte tant à la solidité de l'ouvrage qu'à sa destination puisqu'elle emporte des risques d'infiltrations qui ont par la suite été avérés. A titre subsidiaire, il recherche la responsabilité contractuelle de la société Auffret-Lennon et la responsabilité quasi délictuelle de la société Minco.

Sur les garanties légales

Il n'est pas contesté qu'une réception tacite des travaux a eu lieu du fait de la prise de possession et du règlement intégral des travaux le 22 mai 2016.

Il n'est pas discuté que la corrosion de l'aluminium est apparue postérieurement à la réception et que les désordres n'étaient ni apparents ni réservés à cette date.

M. [V] n'opère pas la distinction qui aurait dû être réalisée selon les éléments d'équipement affectés de désordres.

Sur les profilés aluminium

M. [V] ne s'est plaint dans un premier temps, s'agissant des profilés, que de leur corrosion.

Contrairement à ce qu'à jugé le tribunal, la vérification des certificats et factures par l'expert établissent la qualité du laquage réalisé pour la société Minco par une société tiers SFPI.

Il s'évince du rapport d'expertise que la corrosion des profilés a pour origine un nettoyage insuffisant, M. [V] ayant exposé à l'expert les arroser deux fois par an au jet d'eau.

Il n'est pas discuté qu'il avait reçu la notice d'entretien.

Les attestations des femmes de ménage déclarant nettoyer les menuiseries tous les mois sont inopérantes, la notice interdisant l'utilisation des produits alcalins, acides ou abrasifs.

M. [V] fait valoir que les désordres esthétiques généralisés rendent impropres l'ouvrage à sa destination.

Il résulte, cependant, des pièces du dossier que les appartements ont été régulièrement loués. L'impropriété à destination ne peut être retenue.

A la fin de l'expertise, M. [V] a fait état d'infiltrations suite à un avis technique du 15 novembre 2014 de M. [S] qui a constaté le passage de l'eau après une mise sous pression avec un tuyau d'arrosage.

Le test réalisé ne reproduit pas les conditions naturelles de l'arrosage par averses, ce que reconnaît l'expert amiable.

Force est de constater que M. [V] ne justifie pas ni même n'allègue l'existence d'infiltrations à l'occasion d'intempéries.

L'expert judiciaire a indiqué que les entrées d'eau constatées par M. [S] proviennent de ce que les joints de frappe n'opèrent plus et qu'il n'est plus possible de réaliser leur compression par réglage. Ainsi, si le joint de la traverse basse n'est plus apte à assurer la compression de l'ouvrant, l'eau entre par arrosage au jet d'eau. Ces joints doivent être vérifiés annuellement par un professionnel, comme le rappelle le fascicule FD P 05-102 de surveillance et entretien des différents ouvrages ou installations d'une maison individuelle.

A partir du moment où M. [J] a signalé la nécessité de remplacer les joints, l'appelant, qui ne justifie pas y avoir procédé, est responsable de la dégradation des dormants et ouvrants et de l'apparition de moisissures constatées par M. [S] en mars 2019.

L'appelant est ainsi mal fondé à soutenir que les vices affectant les joints de menuiserie portent atteinte à la solidité de l'ouvrage puisque ceux ci sont exempts de vices, seul leur défaut d'entretien et leur changement régulier est à l'origine de la dégradation des menuiseries des fenêtres à l'expiration du délai décennal.

Le jugement est infirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité décennale des sociétés Auffret Lennon et Minco.

Sur les volets roulants et la quincaillerie

Les lames finales de tabliers roulants et la quincaillerie des fenêtres sont des éléments dissociables et relèvent comme le fait à juste titre plaider la société Minco de la garantie biennale.

Dès lors M. [V], forclos, est irrecevable à solliciter la garantie.

Sur le devoir de conseil

Le maître d'ouvrage, par l'effet de la chaîne des contrats, jouit de tous les droits et actions attachées à la chose vendue et qui en sont l'accessoire. Il bénéficie ainsi d'une action contractuelle directe à l'encontre du fournisseur et du fabricant. Il y a lieu de procéder à cette requalification concernant le fabricant en application de l'article 12 du code de procédure civile.

La demande d'expertise complémentaire est rejetée, les éléments du dossier étant suffisants pour statuer sur les responsabilités.

Pour retenir la faute du maître de l'ouvrage (fréquence et méthode de nettoyage) à qui avait été remis la notice d'entretien, l'expert expose que les menuiseries devaient faire l'objet d'un nettoyage à l'eau savonneuse au PH neutre accompagné d'un rinçage à l'eau claire tous les deux mois ou plus en bord de mer.

C'est à juste titre que le premier juge a rappelé que la notice établie par la société Minco précisait uniquement que 'l'aluminium se nettoie à l'eau légèrement savonneuse environ trois fois par an'.

Il se déduit du rapport d'expertise judiciaire que la seule protection contre le phénomène de corrosion en bord de mer est le nettoyage fréquent des menuiseries et que la notice est insuffisamment précise à cet égard.

La société Auffret Lennon, qui a fourni et posé les fenêtres d'un immeuble situé en front de mer, aurait dû avertir M. [V] des risques de corrosion compte tenu de l'exposition particulièrement agressive du site.

La société Minco sait que ses profilés peuvent être mis en oeuvre en bord de mer et connaît l'effet de l'air salin sur l'aluminium. Elle aurait dû procéder à un avertissement dans sa notice.

Dès lors la responsabilité contractuelle de la société Auffret Lennon comme de la société Minco est engagée pour défaut de conseil.

Sur l'indemnisation

Sur le préjudice matériel

M. [V] réclame la somme de 112 553,71 euros sur la base d'un devis du 30 juin 2016 qui inclut les menuiseries en bois auquel il ajoute en cause d'appel la somme de 4 618,57 euros de reprise des enduits à la chaux des tableaux extérieurs des ouvertures du rez de chaussée suivant devis du 2 mars 2018.

Ces sommes comprennent les volets roulants et la quincaillerie, soumis à la prescription biennale, qui ne peuvent donner droit à indemnisation.

Il a été vu plus haut que les profilés en aluminium sont démontables et que les dégradations postérieures à l'expiration du délai décennal sont imputables à un défaut d'entretien. La demande au titre du remplacement intégral des menuiseries et de la réfection des enduits n'est donc pas justifiée.

Le remplacement des profilés aluminium a été chiffré à 11 962, 50 euros HT et le laquage à 3 600 euros HT outre le coût d'intervention de la société qui assure la pose pour 2485,42 euros.

Le préjudice résultant de la faute commise par le poseur et le fabricant réside en une perte de chance pour M. [V] d'empêcher la corrosion des profilés grâce à un lavage fréquent.

Au regard des éléments du dossier, du coût des travaux, cette perte de chance est élevée. Elle sera évaluée à la somme de 13 000 euros.

La société Auffret Lennon et la société Minco seront condamnées in solidum à payer à M. [V] une indemnité de 13 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 9 octobre 2015 et capitalisation des intérêts.

Sur le préjudice économique

M. [V] conteste le rejet de sa demande d'indemnisation du préjudice économique et réclame la somme de 93 950 euros.

L'appelant sollicite, en premier lieu, une indemnité de 67 650 euros au titre de la perte de 6% de son chiffre d'affaires annuel entre 2010 et 2020 à raison de deux semaines de location par an en raison de la difficulté à fidéliser une clientèle qui a subi des désagréments du fait des désordres.

M. [V] ne verse pas aux débats les pièces permettant d'apprécier l'évolution de son chiffre d'affaires qui, en tout état de cause, à supposer une baisse établie sur la période concernée, peut avoir d'autres causes que la corrosion des profilés, le désagrément en découlant pour la clientèle ne ressortant pas de l'évidence.

Il demande également réparation à hauteur de 12 300 euros pour le préjudice subi du fait de l'impossibilité de louer les appartements pendant quatre semaines pendant la réalisation des travaux qui ne pourront se dérouler de la mi-octobre à la fin février en raison d'un vent pouvant avoisiner les 90 km/h.

Cette prétention est infondée, M. [V] pouvant remplacer les profilés aluminium hors saison touristique.

Le jugement est confirmé sur ces deux premiers points.

L'appelant demande, pour la première fois en cause d'appel, la somme de 14 000 euros pour l'indemniser du temps passé pour la gestion des désordres (déplacements, réparation d'urgence, mécontentement des locataires...) qu'il évalue entre 15 à 20 jours par an.

Ce préjudice se rattachant aux mêmes faits originaires, il est recevable, contrairement à ce que soutient la société Auffret Lennon.

Les tracas générés par la présente procédure seront indemnisés à hauteur de 1 000 euros.

Sur les demandes en garantie

En l'absence de désordre décennal, la société Auffret Lennon est déboutée de sa demande en garantie à l'encontre de la CRAMA.

La dette est répartie en fonction de la gravité des fautes respectives.

Les manquements des deux sociétés ont été examinés plus haut. Elles ont contribué de manière égale à la survenance des dommages. La société Minco sera condamnée à garantir la société Auffret Lennon à hauteur de la moitié des condamnations prononcées contre elle.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance sont infirmées.

La société Minco et la société Auffret Lennon qui succombent pour l'essentiel seront condamnées aux dépens de première instance et d'appel et à payer la somme de 6 000 euros à M. [V] au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire :

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté M. [V] de sa demande de dommages et intérêts au titre de son préjudice économique et de son préjudice de jouissance,

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

CONSTATE que la réception tacite des travaux est intervenue le 22 mai 2016,

DECLARE irrecevables les demandes au titre des lames finales des volets roulants et de la quincaillerie,

DEBOUTE les parties de leurs demandes à l'égard de la CRAMA,

DIT n'y avoir lieu à expertise complémentaire,

CONDAMNE in solidum la société Auffret Lennon et la société Minco à payer à M. [V] la somme de 13 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2015,

DITque les intérêts échus au moins pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts au taux légal conformément à ce que prévoit l'article 1154 devenu 1343-2 du code civil.

CONDAMNE la société Minco à garantir la société Auffret Lennon à hauteur de la moitié du montant des condamnations prononcées contre elle, principal, intérêts, frais irrépétibles et dépens,

CONDAMNE in solidum la société Auffret Lennon et la société Minco à payer à M. [V] la somme de 1 000 euros de dommages et intérêts,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE in solidum la société Auffret Lennon et la société Minco à payer à M. [V] la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum la société Auffret Lennon et la société Minco aux dépens de première et d'appel, en ce compris les frais de référés et d'expertise judiciaire, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La Greffière,La Présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18/02070
Date de la décision : 10/09/2020

Références :

Cour d'appel de Rennes 04, arrêt n°18/02070 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-09-10;18.02070 ?
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