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23/10/2019 | FRANCE | N°16/09659

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 23 octobre 2019, 16/09659


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°



N° RG 16/09659 -

N° Portalis DBVL-V-B7A-NSDJ













Mme [S] [P]



C/



Mme [S] [C]

















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRAN

ÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 23 OCTOBRE 2019





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Régine CAPRA, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Hervé KORSEC, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnell...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°

N° RG 16/09659 -

N° Portalis DBVL-V-B7A-NSDJ

Mme [S] [P]

C/

Mme [S] [C]

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 23 OCTOBRE 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Régine CAPRA, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Hervé KORSEC, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

GREFFIER :

Madame Natacha MORIN, lors des débats, et Monsieur Pierre DANTON, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 25 Juin 2019 devant Monsieur Hervé KORSEC, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame [D], médiateur

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 23 Octobre 2019 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

Madame [S] [P]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Assistée par Me Elodie STIERLEN de la SELARL CARABIN-STIERLEN AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

Madame [S] [C]

née le [Date naissance 1] 1962 à

[Adresse 4]

[Localité 2]

Assistée par Me Bertrand PAGES, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [W] [C] a été embauchée par Madame [S] [P], exploitant l'entreprise AXE'SERVICES, en qualité de dessinatrice suivant contrat du 10 juin 2003 ; son contrat de travail a été rompu le 8 décembre 2014, suite à son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle (CSP), dans le cadre d'un licenciement pour motif économique.

Contestant les critères d'ordre du licenciement pour cause économique et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, Madame [C] a saisi le Conseil de prud'hommes de Rennes le 8 juin 2015 afin de le voir, selon le dernier état de sa demande :

Condamner son employeur à lui payer les sommes suivantes :

- 41,02 € nets correspondant à la perte de salaires non compensée par la prévoyance sur la période d'arrêt de travail du 19 au 30 juillet 2010 outre 41,37 € de congés payés s'y rapportant,

- 524,69 € à titre de rappel sur les indemnités de congés payés pris en août 2012, avril, mai et août 2013, janvier, mars, août et novembre 2014 du fait de la non-prise en compte des heures supplémentaires et de la règle du 10ème,

-117,39 € au tire des majorations pour heures supplémentaires récupérées sans la majoration de 25 % en 2010, 2011 et 2012,

Dire que Mme [C] a été victime d'une discrimination salariale à compter d'avril 2013 et condamner l'employeur au paiement de :

- 6.769,22 € à titre de rappel de salaires correspondant à la différence de rémunération perçue par rapport à celle de M. [M], dessinateur, outre 676,92 € au titre des congés payés s'y rapportant,

- 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour réparer le préjudice causé par cette discrimination,

Constater que l'application volontaire de la convention collective nationale des entreprises d'architecture résulte du contrat de travail de Mme [C] et non d'un simple usage ;

Dire en conséquence que la dénonciation d'un usage est inopposable à Mme [C] ;

Dire que la signature de l'avenant au contrat de travail de 2012 est intervenue au mépris des dispositions de l'article 1110 du Code Civil, de l'article L.1222-6 du code du travail et de l'article III-4 de la convention collective des entreprises d'architecture ;

Dire que Mme [C] relevait à tout le moins du niveau III position 1 coefficient 320 de la convention collective des entreprises d'architecture et condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

- 12.996,36 € à titre de rappel de salaires pour la période de juin 2010 à juin 2012 et la somme de 25.480,80 € pour la période à compter du 1er juillet 2012,

- 1.992,20 € à titre de rappel sur indemnité compensatrice de préavis,

- 1.013,65 € à titre de rappel sur indemnité compensatrice de congés payés,

- 3.831,29 € à titre de rappel sur l'indemnité de licenciement ;

Dire le licenciement intervenu sans respect des critères d'ordre de licenciement et condamner l'employeur au paiement de la somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la perte de l'emploi ;

Ordonner la remise des bulletins de salaires, du certificat de travail et de l'attestation POLE EMPLOI rectifiés sous astreinte de 50 € par jour de retard ;

Condamner l'employeur au paiement de la somme de 2.000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

Condamner Madame [P] aux entiers dépens y compris ceux éventuels d'exécution.

La défenderesse s'opposait aux prétentions de la demanderesse et sollicitait du Conseil qu'il :

A titre principal,

Déboute Madame [C] de l'ensemble de ses demandes,

En conséquence,

Dise que Madame [C] n'a fait l'objet d'aucune discrimination salariale ni d'inégalité de traitement ;

Dise que la convention collective des entreprises d'architecture constituait un engagement unilatéral de l'employeur qui a été régulièrement dénoncé et est opposable à Madame [C] ;

Dise que l'avenant au contrat de travail en date du 1er juillet 2012 est opposable à Madame [C] ;

Dise que le licenciement économique de Madame [C] est intervenu dans le respect des dispositions légales en matière de critères d'ordre ;

Lui donner acte du paiement de la somme de 372,63 € au titre de la perte de salaire du 19 au 30 juillet 2010 ;

A titre subsidiaire,

Réduise le montant des dommages et intérêts sollicités pour le non-respect des critères d'ordre ;

En tout état de cause,

Rejette la demande d'exécution provisoire formulée par Madame [C] et celle relative à la remise des documents rectifiés sous astreinte ;

Déboute Madame [C] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Madame [C] à payer à l'entreprise AXE SERVICES la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par jugement rendu le 10 novembre 2016, le Conseil des prud'hommes de Rennes statuait ainsi qu'il suit :

« Dit que la demande de rappels de majorations pour heures supplémentaires récupérées sans la majoration de 25 %, antérieure au 8 décembre 2011 est prescrite,

Dit que Madame [W] [C] a été victime d'une discrimination salariale,

Condamne Madame [S] [P] à payer à Madame [W] [C] les sommes suivantes :

- 41,02 € nets au titre de la perte de salaires non compensée par la prévoyance sur la période d'arrêt de travail du 19 au 30 juillet 2010,

- 41,37 € au titre des congés payés se rapportant à l'ensemble des indemnités correspondant au maintien de salaires,

- 54,03 € au titre des majorations pour heures supplémentaires récupérées sans la majoration de 25 % en 2012,

- 6.769,22 € à titre de rappel de salaires correspondant à la différence de rémunération perçue par rapport à celle de Monsieur [M], dessinateur,

- 676,92 € au titre des congés payés s'y rapportant,

- 980 € à titre de rappel sur indemnité compensatrice de préavis,

- 499,37 € à titre de rappel sur indemnité compensatrice de congés payés,

- 1.544,66 € à titre de rappel sur l'indemnité de licenciement,

avec intérêts de droit à compter de la citation,

Dit que l'application volontaire de la convention collective nationale des entreprises d'architecture résulte du contrat de travail de Madame [C] et non d'un simple usage,

Dit que la dénonciation d'un usage est opposable à Madame [C],

Dit que la signature de l'avenant au contrat de travail de 2012 n'est pas intervenue au mépris des dispositions de l'article 1110 du Code Civil, de l'article L.1222-6 du Code du Travail et de l'article 11I-4 de la convention collective des entreprises d'architecture,

Dit que Madame [C] ne relevait pas du niveau III position 1 coefficient 320 de la convention collective des entreprises d'architecture,

Dit que le licenciement est intervenu en respectant les critères d'ordre,

Ordonne la remise des bulletins de salaires, du certificat de travail et de l'attestation destinée à Pôle Emploi, rectifiés pour tenir compte du présent jugement, sous astreinte de 20 € par jour de retard commençant à courir 60 jours après la notification du présent jugement,

Dit que le Conseil de Prud'hommes de Rennes est compétent pour une éventuelle liquidation de l'astreinte,

Condamne Madame [P] à payer à Madame [C] la somme de 2.000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Dit que l'exécution provisoire du jugement est de droit en ce qui concerne les salaires et accessoires en application de l'article R.1454-28 du Code du Travail,

Condamne Madame [P] aux entiers dépens y compris les frais éventuels d'exécution du présent jugement.»

Suivant déclaration de son avocat en date du 21 décembre 2016 au greffe de la Cour d'appel, Madame [P] faisait appel de la décision.

Aux termes des écritures de son avocat présentées en cause d'appel, Madame [P] demande à la Cour de :

A TITRE PRINCIPAL

REFORMER le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de RENNES le 10 novembre 2016 en ce qu'il l'a condamnée à payer à Madame [C] les sommes suivantes :

41,37 € au titre du rappel de salaire sur indemnisation de la période du 19 au 30 juillet 2010,

41,37 € au titre des congés payés se rapportant à l'ensemble des indemnités correspondant au maintien de salaire,

54,03 € au titre des majorations pour heures supplémentaires non récupérées,

6 769,22 € au titre de rappel de salaires par rapport à M.[M],

676,92 € au titre des congés payés y afférents,

499,37 € à titre de rappel sur indemnité compensatrice de congés payés,

980 € à titre de rappel sur indemnité compensatrice de préavis,

1.544,66 € à titre de rappel sur indemnité de licenciement.

CONFIRMER, le jugement rendu pour le surplus.

EN CONSEQUENCE,

DIRE que Madame [C] n'a fait l'objet d'aucune discrimination salariale, ni d'inégalité de traitement ;

DIRE que la convention collective des entreprises d'architecture constituait un engagement unilatéral de l'employeur et a été régulièrement dénoncée et est opposable à Madame [C];

DIRE que l'avenant au contrat de travail en date du 1er juillet 2012 est opposable à Madame [C] ;

DIRE que Madame [C] ne peut prétendre au coefficient 320 de la convention collective des entreprises d'architecture ;

DIRE que le licenciement économique de Madame [C] est intervenu dans le respect des dispositions légales en matière de critères d'ordre ;

A TITRE SUBSIDAIRE,

REDUIRE le montant des dommages intérêts alloués au titre d'une prétendue inégalité de traitement ou discrimination ;

REDUIRE le montant du rappel sur indemnité de licenciement ;

DIRE que le rappel sur préavis devra être versé à Pôle Emploi en lieu et place de Madame [C] ;

REDUIRE le montant des dommages intérêts sollicité pour le non-respect des critères d'ordre.

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

CONDAMNER Madame [C] à payer à l'entreprise AXE'SERVICES la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER Madame [C] aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, l'appelante expose qu'elle a, au travers de son entreprise individuelle employant 3 salariés dont un cadre, pour activité principale le dessin technique en architecture mais n'exerce pas l'activité d'architecte dans la mesure où elle n'est pas titulaire du diplôme d'architecte et n'intervient que pour l'élaboration de phases graphiques, soit sur une partie restreinte de la mission de maîtrise d''uvre ; elle fait valoir qu'elle a fait application volontaire de la convention collective nationale des entreprises d'architecture jusqu'au 15 février 2012, date à laquelle elle a informé l'ensemble de ses salariés de son souhait de dénoncer cet usage à compter du 1er juillet 2012, chaque salarié ayant signé un avenant à son contrat de travail mettant fin à la convention de forfait en heures; elle conteste en conséquence les demandes relevant de l'application de la convention collective des entreprises d'architecture, le rappel de majorations d'heures supplémentaires récupérées et les demandes de rappel de congés payés, l'appelante ne justifiant pas de ses demandes; s'agissant de la perte de salaire du 19 au 30 juillet 2010, elle estime, outre que cette demande est prescrite, qu'elle est injustifiée dès lors que la situation dénoncée par l'appelante a été régularisée ; elle soutient par ailleurs qu'elle a été contrainte de supprimer un poste de dessinatrice pour des motifs économiques, le contrat ayant été rompu le 8 décembre 2014 suite à l'adhésion de Madame [C] au CSP et qu'elle a parfaitement appliqué les critères d'ordre qu'elle a notifiés à l'intimée le 16 décembre 2014 ; enfin elle conteste encore toute inégalité de traitement alors que l'autre technicien n'exerçait pas les mêmes fonctions que l'intimée tel qu'elle en justifie et elle conteste toute discrimination.

* * *

Par conclusions de son avocat présentées en cause d'appel, Madame [C] demande à la Cour de :

Condamner Mme [P] à payer à Mme [C] :

la somme de 524,69 € à titre de rappel sur les indemnités de congés payés pris en août 2012, avril, mai et août 2013, janvier, mars, août et novembre 2014 du fait de la non prise en compte des heures supplémentaires et de la règle du 10ème ;

la somme de 117,39 € au titre des majorations pour heures supplémentaires récupérées sans la majoration de 25 % en 2010, 2011 et 2012 ;

une somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour réparer le préjudice causé par la discrimination salariale et/ou le manquement au principe à travail égal - salaire égal ;

Constater que l'application volontaire de la convention collective nationale des entreprises d'architecture résulte du contrat de travail de Mme [C] et non d'un simple usage ;

Dire en conséquence que la dénonciation d'un usage est inopposable à Mme [C] ;

Dire que la signature de l'avenant au contrat de travail de 2012 est intervenue au mépris des dispositions de l'article 1110 du Code Civil, de l'article L.1222-6 du Code du Travail et de l'article III-4 de la convention collective des entreprises d'architecture ;

Dire que Mme [C] relevait à tout le moins du niveau III position 1 coefficient 320 de la convention collective des entreprises d'architecture ;

Condamner en conséquence Mme [P] à lui payer le rappel de salaires correspondant depuis juin 2010, soit la somme de 12.996,36 € pour la période jusqu'au 30 juin 2012 et la somme de 25.480,80 € pour la période à compter du 1er juillet 2012 ;

Condamner Mme [P] à payer à Mme [C] les rappels de 1.992,20 € sur l'indemnité compensatrice de préavis, de 1.013,65 € sur l'indemnité compensatrice de congés payés et de 3.831,29 € sur l'indemnité de licenciement ;

Dire le licenciement intervenu sans respect des critères d'ordre de licenciement ;

Condamner en conséquence Mme [P] au paiement d'une somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la perte de l'emploi ;

Confirmer le jugement en ses autres dispositions ;

Condamner Mme [P] au paiement d'une indemnité de 2.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens, y compris ceux éventuels d'exécution.

A l'appui de ses prétentions, l'intimée conteste que ses demandes de rappel de salaire soient prescrites et estime justifiées ses demandes relatives au maintien du salaire pendant son hospitalisation de juillet 2010, au rappel d'indemnité compensatrice de congés payés sur les heures supplémentaires sur laquelle le Conseil des prud'hommes a omis de statuer, de même que sa demande de rappel de majorations au titre des heures supplémentaires récupérées; s'agissant de la discrimination salariale, elle soutient qu'elle est en droit de prétendre au même salaire que Monsieur [M] embauché en septembre 2013 en qualité de dessinateur et occupant les mêmes fonctions qu'elle; elle fait valoir en outre qu'elle est bien fondée à se prévaloir de la convention collective des entreprises d'architecture pour solliciter l'application des minimums conventionnels, que ce soit pour la période antérieure au 30 juin 2012 ou celle postérieure ; elle estime enfin justifiées ses demandes de complément d'indemnité de rupture sur la base du salaire rectifié, outre qu'elle conteste l'ordre des licenciements.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions adressées au greffe de la Cour, le 16 mai 2019 pour Madame [S] [P], exploitant l'entreprise AXE'SERVICES et le 16 mai 2017 pour Madame [W] [C].

SUR CE, LA COUR

Sur la prescription

Conformément aux dispositions de l'article L.3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour, ou lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Il résulte de la loi n° 2013'504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, en son article 21 traitant de la prescription des actions en justice, que les dispositions du code du travail modifiant l'article L.3245-1 relatif à la prescription de l'action en paiement ou en répétition du salaire s'appliquent aux prescriptions en cours à la date de la promulgation de la loi sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Dans la mesure où le délai de prescription a été réduit de 5 à 3 ans par l'intervention de la loi nouvelle applicable à compter du 17 juin 2013, les dispositions légales précitées ont vocation à s'appliquer et la demande formée par Madame [C] devant le Conseil des prud'hommes le 8 juin 2015 par laquelle elle sollicite des rappels de salaire à compter de juillet 2010 ne se heurte pas à la prescription, le jugement déféré devant être infirmé en ce qu'il a retenu la prescription de la demande de rappel de majorations pour heures supplémentaires pour la période antérieure au 8 décembre 2011.

Sur l'application de la convention collective nationale des entreprises d'architecture et la nullité de l'avenant au contrat de travail du 29 juin 2012

Conformément aux dispositions des articles 1134 du Code civil et L.1222-6 du code du travail et au visa des règles régissant la dénonciation et la mise en cause des engagements unilatéraux de l'employeur, les éléments du statut collectif ne s'incorporent pas au contrat de travail, sauf s'il résulte de la volonté des parties d'en contractualiser des éléments.

Le contrat de travail à durée indéterminée signé entre les parties à effet du 23 juin 2003, dispose que Madame [C] est engagée en qualité de dessinatrice, pour un salaire de 1.375 € sur la base d'un horaire hebdomadaire de 39 heures ; il est mentionné que son contrat est soumis « aux conventions collectives des cabinets d'architectes » ; par une lettre recommandée avec avis de réception du 15 février 2012, l'employeur a informé Madame [C] de ce qu'il souhaitait dénoncer l'usage constitué par l'application volontaire de la convention collective des entreprises d'architecture à compter du 1er juillet 2012.

L'avenant au contrat de travail signé entre les parties le 29 juin 2012, à effet du 1er juillet 2012, précise que ses dispositions se substituent à l'ensemble des dispositions contractuelles jusqu'à présent applicable ; il y est indiqué que Madame [C] est dessinatrice en architecture, statut technicien, sa rémunération brute mensuelle étant portée à 1.650 € pour 35 heures hebdomadaires ; il est mentionné sous l'article 9 que l'activité développée par Madame [P] ne relève d'aucune convention collective de branche étendue.

Il en ressort que la seule mention, dans le contrat de travail signé par les parties le 10 juin 2003, de l'application « des conventions collectives des cabinets d'architectes» est insuffisante à caractériser la volonté de l'employeur de l'appliquer individuellement à Madame [C] indépendamment de son application générale dans l'entreprise en vertu d'un usage et à établir la volonté des parties de contractualiser ce statut collectif.

Il s'ensuit que la dénonciation de cet usage par Madame [P], le 15 février 2012 à effet du 1er juillet 2012, est opposable à Madame [C] et le jugement déféré sera en conséquence infirmé en ce qu'il a dit que l'application volontaire de la convention collective nationale des entreprises d'architecture résulte du contrat de travail de Madame [C] et non d'un usage, mais confirmé en ce qu'il a dit que la dénonciation de l'usage lui est opposable.

S'agissant de la demande en nullité de l'avenant au contrat de travail du 29 juin 2012, dès lors qu'au-delà de la contestation du droit de l'employeur de dénoncer unilatéralement l'application de la convention collective des architectes, l'intimée n'établit aucun vice du consentement, il y a lieu de rejeter sa demande en nullité et de confirmer encore le jugement entrepris sur ce point.

Sur les demandes de rappel de de salaire

Le rappel de salaire lié à l'application de la convention collective

L'application volontaire par un employeur d'une convention collective résultant de la mention dans un contrat de travail n'implique pas à elle seule l'engagement d'appliquer à l'avenir les dispositions de ses avenants éventuels ou d'accords postérieurs venant la compléter, même lorsque cette mention est reproduite sur les bulletins de salaire ultérieurs.

A cet égard, les bulletins de paie de l'intimée laissent apparaître les rubriques qualification, échelon et coefficient non renseignées et il n'est fait état par les parties d'aucun élément permettant de considérer que l'employeur se soit engagé à faire application des éventuels avenants au statut collectif postérieurement à la date de la signature du contrat.

Il s'ensuit que la seule mention de l'application volontaire de la convention collective nationale des entreprises d'architecture, à la date de signature du contrat le 10 juin 2003, est impuissante à établir à elle seule la volonté de l'employeur d'étendre cette application aux accords ultérieurs et notamment à l'accord du 7 décembre 2010 relatif à la fixation de la valeur du point en Bretagne applicable aux salariés pour l'année 2011 et ce, même si la mention de l'application de la convention collective des entreprises d'architecture a été reproduite sur les bulletins de paie postérieurs de l'intimée.

Madame [C] est en conséquence mal fondée à se prévaloir, au soutien de sa demande de rappel de salaire, de la valeur du point fixée par les accords postérieurs à la date de signature du contrat de travail et le jugement déféré qui l'en a déboutée sera confirmé à ce titre.

La perte de salaire pour la période du 19 au 30 juillet 2010

S'agissant du maintien du salaire pendant la maladie, Madame [C] expose qu'elle a été en arrêt de travail du 19 au 30 juillet 2010 et a perçu au cours de ce mois la somme de 1.025,80 € net, en ce compris les indemnités journalières.

Dans la mesure où il n'est pas contesté que l'intimée pouvait prétendre, au regard de son ancienneté, au visa de la convention collective des entreprises d'architecture alors applicable dans l'entreprise et du régime de prévoyance retenu, au maintien intégral de son salaire à compter du premier jour d'hospitalisation et ce pendant 30 jours, soit la somme de 1.439,44 € nets, elle est bien fondée à solliciter un complément de 413,65 € ; l'employeur s'étant acquitté au cours de la procédure de la somme de 372,63 € nets, il reste redevable de la somme de 41,02€ net et le jugement entrepris doit être encore confirmé sur ce point.

Par ailleurs, il appartient à l'employeur, eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés la directive 2003/88/ CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé et en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement.

Il ressort des bulletins de salaire de l'intimée que sur ses 30 jours de congés, 6 jours de congés non pris sur l'exercice du 1er juin 2010 au 31 mai 2011 ont été reportés sur l'exercice suivant, le bulletin de salaire du mois de juin 2011 laissant apparaître un droit à congé de 36 jours ; il en résulte que la maladie de la salariée au mois de juillet 2010 n'a pas affecté son droit à congé et qu'elle a pu bénéficier de ses congés indépendamment de son arrêt maladie, le jugement déféré devant être infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande d'indemnité compensatrice de congés payés à ce titre.

Sur le rappel de majoration de 25 % au titre des heures supplémentaires récupérées

Madame [C], qui expose, au titre de l'année 2010, avoir effectué 17,66 heures supplémentaires qui ont été récupérées le 14 mai 2010 et le 12 novembre 2010, produit à cet égard un document pro forma de l'employeur de demande de journée de récupération auquel est annexée une fiche d'heures supplémentaires également établie sur un document pro forma et laissant apparaître la date, le client, le dossier au titre duquel les heures supplémentaires ont été effectuées avec l'indication des temps ; elle produit les mêmes pièces s'agissant de ses demandes relatives aux années 2011 et 2012 ; l'employeur qui a expressément autorisé la récupération de ces heures ne justifie pas les avoir payées au taux majoré alors qu'elles devaient donner lieu aux majorations légales.

Il convient dès lors de faire droit à la demande, exception faite de celle portant sur les heures récupérées le 14 mai 2010 qui se heurte à la prescription compte tenu de ce qui a été précédemment jugé et d'allouer à la salariée la somme de 99,29 € bruts à ce titre, le jugement qui a fait droit à la demande pour la somme de 54,03 € devant être infirmé sur ce point.

Le rappel de salaire lié à l'égalité de traitement

L'employeur est tenu d'assurer une égalité de rémunération entre les salariés dès lors qu'ils sont placés dans une situation identique ; il appartient au salarié qui invoque le principe à travail égal, salaire égal, de soumettre les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération et il incombe ensuite à l'employeur de rapporter la preuve des éléments objectifs justifiant cette différence.

L'avenant au contrat de travail signé par Madame [C] le 29 juin 2012 précise qu'elle a à charge, en sa qualité de dessinatrice en architecture, statut technicien, de réaliser à l'aide d'outils informatiques les plans concernant les bâtiments neufs ou en réhabilitation, sous forme d'avant-projet, de plans d'exécution ou de vente ; il est précisé qu'elle travaille seule ou en collaboration, en suivant les instructions données par le chef d'agence ou toute autre personne ayant délégation ; le contrat de travail à durée indéterminée de Monsieur [M], daté du 2 septembre 2013, dispose qu'il a à charge, en qualité de dessinateur, statut technicien, sous le contrôle du chef d'agence, de réaliser les plans et les autres documents associés qui lui seront demandés et d'exécuter ses missions dans le respect des règles techniques.

Madame [C] justifie par ailleurs, au travers des échanges de courriels qu'elle produit que Monsieur [M], titulaire d'un CAP, a été embauché à compter du 22 avril 2013 en qualité de dessinateur, statut technicien avec une rémunération mensuelle brute de 2.200 € pour une durée de travail hebdomadaire de 35 heures alors qu'elle-même exerçait précisément les mêmes fonctions, outre qu'elle avait une ancienneté de 10 ans et était titulaire d'un CAP/BEP mais ne percevait qu'un salaire brut de 1.710 € ; il en ressort que l'intimée établi des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement en matière de rémunération.

Aux fins de rapporter la preuve des éléments objectifs justifiant cette différence, l'employeur fait valoir que Monsieur [M] et Madame [C] n'exerçaient pas les mêmes fonctions et n'avaient pas la même expérience, Monsieur [M] ayant été embauché dans la perspective du départ en retraite de Monsieur [J], dessinateur projeteur, statut cadre, ayant à charge des missions complexes que ne pouvait assurer Madame [C] et pour remplacer partiellement sur sites Monsieur [P], atteint d'une maladie invalidante ; elle produit à cet égard le contrat de travail de Monsieur [J] duquel il ressort qu'il lui incombait d'étudier les dossiers techniques, de rechercher les meilleures solutions au regard des contraintes et des normes, de concevoir les plans du futur ouvrage en CAO-DAO, de modifier le cas échéant les plans à partir des informations terrain et de superviser l'équipe de dessinateurs; outre diverses attestations de clients architectes ou maître d''uvre déclarant que Monsieur [V] [P] était leur seul contact dans l'entreprise, l'employeur produit encore une attestation de ce dernier qui précise qu'il dirige en fait l'entreprise de son épouse depuis 1993 en raison de ses problèmes de santé ; il expose que Madame [C] exécutait des fonctions de base à raison de ses compétences techniques limitées et qu'elle donnait satisfaction dans ses fonctions, mais qu'il ne pouvait lui confier de dossiers complexes compte tenu de ce qu'elle n'était pas en mesure de repérer un problème technique ou d'application des normes ; il précise qu'il a augmenté régulièrement sa rémunération mais n'a jamais reçu de sa part de demande d'augmentation de salaire ou de requalification de poste ; il produit encore une attestation d'une autre dessinatrice indiquant que Monsieur [M] avait plus de qualification qu'elle-même ou que Madame [C], bien qu'elles occupaient les mêmes fonctions ; l'employeur produit enfin les fiches d'heures de Monsieur [M] mentionnant le nom des dossiers sur lesquels il travaillait et l'indication pour exemple qu'il a effectué un relevé le 10 à septembre 2013 pour la construction de l'hôtel Tour d'Auvergne à [Localité 2].

Il ressort de ces éléments que Madame [C] et Monsieur [M], dessinateurs en architecture, avaient lors de l'embauche du second, une expérience similaire dans leurs fonctions, Madame [C] disposant en outre d'un BEP et d'une ancienneté de 10 ans dans l'entreprise; si l'employeur soutient que les deux salariés avaient des compétences distinctes et n'utilisaient pas les mêmes logiciels, il y a lieu de relever que par une lettre du 10 septembre 2015, Monsieur [M] transmettait à Madame [C] son contrat de travail et confirmait que le seul diplôme en sa possession était bien un CAP de dessinateur génie civil et qu'il n'avait jamais travaillé avec le logiciel PointLine, logiciel que l'intimée maîtrisait, au motif qu'il ne savait pas l'utiliser.

En outre si les qualités professionnelles ou la différence de qualité de travail peuvent constituer des motifs objectifs justifiant une différence de traitement entre deux salariés occupant le même emploi, de tels éléments susceptibles de justifier des augmentations de salaire plus importantes ou une progression plus rapide dans la grille indiciaire, pour le salarié plus méritant, ne peuvent justifier une différence de traitement lors de l'embauche, à un moment où l'employeur n'a pas encore pu apprécier les qualités professionnelles de l'intéressé.

Il s'ensuit que l'appelante, qui se limite à faire valoir les compétences techniques plus étendues de Monsieur [M] s'agissant de l'application des règles techniques et des normes, ne rapporte pas la preuve des éléments objectifs justifiant la différence de rémunération à l'embauche de Monsieur [M], étant relevé qu'embauché selon l'employeur pour remplacer Monsieur [J], il ne relevait pas du statut cadre comme ce dernier.

Dans la mesure où l'appelante échoue à rapporter la preuve des éléments objectifs justifiant la différence de rémunération des deux salariés en cause, l'intimée est bien fondée à solliciter le rappel de salaire dont elle a été privée.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a dit la preuve de l'inégalité de traitement entre Monsieur [M] et Madame [C] suffisamment rapportée et a condamné l'appelante à verser à Madame [C] la somme de 6.769,22 € à titre de rappel de salaire pour la période du 22 avril 2012 jusqu'à la rupture du contrat de travail conformément à sa demande, en ce compris les rappels sur heures supplémentaires, ainsi que celle de 676,92€ au titre des congés payés afférents.

Le rappel sur indemnités de congés payés

S'agissant de l'année 2012, Madame [C] expose qu'elle a perçu sur la période de référence du 1er mai 2011 au 30 avril 2012 une rémunération brute mensuelle de 1.885,67 € alors que l'indemnité de congés payés versée par son employeur a été calculée sur la base d'un salaire moyen mensuel de 1.734,35 € bruts.

Pour autant, les bulletins de paie et les tableaux comparatifs produits par l'employeur laissent apparaître qu'au cours de la période légale de référence, du 1er juin 2011 au 31 mai 2012, l'intimée a perçu un salaire brut mensuel de 1.849,61 €, soit 22.195,32 € sur la période, de sorte que selon la règle du 10e, elle devait percevoir une indemnité de congés payés de 2.219,53 € pour 30 jours ouvrables, soit une indemnité journalière de 73,98 € ; à cet égard l'appelante relève justement que l'intimée ne s'explique pas sur le salaire brut de 1.885,67 € qu'elle retient et observe qui lui a été fait application de la règle du maintien du salaire sur la base de l'augmentation de salaire porté à 1.867,58 € au mois de juillet 2012 qui lui était plus favorable, soit une indemnité de congés payés de 78,57 €/jour.

S'agissant des années 2013 à 2014, étant rappelé qu'à compter du mois de juillet 2012 il a été adopté une durée collective de travail de 35 heures hebdomadaires alors qu'auparavant était appliqué un forfait en heures sur une base de 39 heures hebdomadaires, l'employeur établi qu'il a encore appliqué en 2013 la règle du maintien de salaire plus favorable à la salariée en lui allouant, tenu compte des heures supplémentaires, une indemnité de congés payés de 78,92 € par jour, au lieu de 73,98 € ressortant de l'application de la règle du 10ème, l'indemnisation des congés payés étant identique au titre de l'année 2014, quelle que soit la règle mise en 'uvre.

Dans la mesure où Madame [C], qui rétabli un salaire théorique à partir d'une moyenne d'heures supplémentaires ne correspondant pas aux heures supplémentaires effectivement réalisées sur la période, ne caractérise aucun manquement de l'employeur à ce titre, il y a lieu de confirmer le jugement querellé qui l'a débouté de sa demande.

Sur la discrimination

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

L'article L.1134-1 du même code dispose qu'en cas de litige relatif à l'application du texte précédent, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si l'intimée a établi des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération tel que précédemment jugé, elle ne fait état d'aucun élément de fait susceptible de caractériser la prise en compte de critères illicites visés par l'article L.1132-1 du code du travail à l'origine de cette différence de traitement, étant observé qu'une différence de traitement entre les salariés d'une entreprise ne constitue pas en elle-même une discrimination illicite au sens des dispositions légales précitées ; en outre, même si l'employeur a échoué à rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant la différence de rémunération constatée entre les deux salariés, en ce qu'il a pris en compte les qualités professionnelles supposées du salarié nouvellement embauché, pour autant il établit suffisamment que cette disparité reposait sur des éléments étrangers à une discrimination illicite.

Il s'ensuit que le jugement querellé doit encore être confirmé en ce qu'il a débouté l'intimée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre, étant relevé que s'agissant de l'inégalité de rémunération, son préjudice a déjà été réparé, l'intimée ne justifiant d'aucun préjudice complémentaire à ce titre.

Sur l'ordre des licenciements pour motif économique

Conformément aux dispositions de l'article L.1233-5 du code du travail en sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères requis pour fixer l'ordre des licenciements ; lorsque l'employeur fixe les critères gouvernant l'ordre des licenciements, il doit prendre en compte les critères légaux notamment ceux liés aux charges de famille, à la situation des salariés dont les caractéristiques sociales rendent la réinsertion difficile, à l'ancienneté ou encore aux qualités professionnelles ; si le juge ne peut, pour la mise en 'uvre de l'ordre des licenciements, substituer son appréciation des qualités professionnelles du salarié à celle de l'employeur, elle doit toutefois être fondée sur des éléments objectifs et vérifiables et il lui appartient en cas de contestation, de vérifier que l'appréciation portée sur les aptitudes professionnelles du salarié ne procède pas d'une erreur manifeste ou d'un détournement de pouvoir.

Par lettre recommandée du 9 décembre 2014, Madame [C] interrogeait son employeur sur les critères d'ordre du licenciement économique et par lettre du 16 décembre 2014, l'appelante lui transmettait une grille des critères comprenant les charges de famille, l'ancienneté, les difficultés de réinsertion et les qualités professionnelles, des points étant affectés à chacun des critères visés.

Au moment du licenciement l'appelante employait trois dessinatrices, étant observé que Monsieur [M] avait quitté l'entreprise antérieurement, et produit une fiche individuelle de renseignements complétée par les trois salariées concernées à la date du 4 novembre 2014, chaque salariée mentionnant sa situation familiale et ses enfants à charge, ses diplômes et qualifications, ainsi que ses principales expériences professionnelles ; il en ressort que les deux autres dessinatrices ont obtenu 12 points, l'une en raison d'une plus grande ancienneté et de ses charges de famille, l'autre en raison de ses charges de famille et du fait qu'elle disposait d'une maîtrise approfondie du logiciel Autocad indispensable à l'entreprise et il est produit une attestation de la salariée en question déclarant que depuis plus de 15 ans elle est la seule à travailler sur ce logiciel au sein de l'entreprise, outre qu'elle avait également une ancienneté supérieure à 10 ans ; l'appelante quant à elle a obtenu 8,5 points étant relevé qu'elle est célibataire, n'a pas d'enfants à charge, qu'ont été pris en compte ses diplômes et sa bonne maîtrise du logiciel PointLine, outre sa formation initiale récente de quatre semaines sur le logiciel Autocad.

Il s'ensuit que l'employeur établi suffisamment la mise en 'uvre des critères légaux sur des éléments objectifs et vérifiables dans des conditions exemptes d'erreur manifeste ou de détournement de pouvoir et il y a lieu de confirmer le jugement déféré qui a débouté Madame [C] de sa demande de dommages et intérêts formée à ce titre.

Sur les rappels indemnitaires

Dans la mesure où il a été fait droit à la demande de Madame [C], s'agissant de l'inégalité de rémunération, il y a lieu de majorer dans les mêmes conditions les indemnités de rupture ensuite de la rupture du contrat de travail pour motif économique, Madame [C] ayant adhéré au CSP le 24 novembre 2014.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a alloué à la salariée, à raison de la majoration du salaire de référence fixé à 2.200 € bruts, la somme de 980 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, celle de 499,37 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés et celle de 1.544,66 € au titre de l'indemnité légale de licenciement.

Il y a lieu enfin de confirmer le jugement entrepris qui a ordonné la remise des bulletins de salaire ou d'un bulletin de salaire rectificatif et de l'attestation Pôle emploi conformes aux termes du présent arrêt, sans qu'il soit utile en l'état d'assortir cette obligation d'une astreinte.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile

Il apparaîtrait inéquitable de laisser à la charge de Madame [W] [C] les frais irrépétibles non compris dans les dépens et Madame [S] [P] sera condamnée à lui payer la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, le jugement devant être réformé en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une indemnité de 2.000 € à ce titre en première instance.

Madame [S] [P] qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement du Conseil des prud'hommes de Rennes sauf en ce qui concerne la prescription des demandes, l'indemnité de congés payés correspondant au maintien du salaire, la contractualisation de la convention collective nationale des entreprises d'architecture, et l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Dit que les demandes formées par Madame [W] [C] pour la période postérieure au 8 juin 2010 ne se heurtent pas à la prescription ;

Dit que l'application volontaire de la convention collective nationale des entreprises d'architecture par Madame [S] [P] résulte d'un usage et que la dénonciation de cet usage est opposable à Madame [W] [C];

Déboute Madame [W] [C] de sa demande de rappel de salaire fondée sur l'application des avenants à la convention collective fixant la valeur du point conventionnel ;

Déboute Madame [W] [C] de sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés au titre de son arrêt maladie ;

Condamne Madame [S] [P] à payer à Madame [W] [C] la somme de 99,29 € bruts au titre des majorations pour heures supplémentaires ;

Condamne Madame [S] [P] à payer à Madame [W] [C] la somme de 2.500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Madame [S] [P] aux dépens d'appel ;

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, et signé par Madame LE MERLUS, conseiller, et Monsieur DANTON, greffier.

Le GREFFIERPour le PRESIDENT empêché

M. DANTONMme LE MERLUS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 16/09659
Date de la décision : 23/10/2019

Références :

Cour d'appel de Rennes 05, arrêt n°16/09659 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-23;16.09659 ?
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