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13/06/2019 | FRANCE | N°18/04254

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre des baux ruraux, 13 juin 2019, 18/04254


Chambre des Baux Ruraux





ARRÊT N° 26



N° RG 18/04254 - N° Portalis DBVL-V-B7C-O6PW













Mme [K] [V]



C/



M. [B] [H]



















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée













Copie exécutoire délivrée



le :



à :



Me LE MENN

Me GAONAC'H

RÉPUBLIQUE FRANÃ

‡AISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 JUIN 2019



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Maurice LACHAL, Président,

Assesseur : Madame Geneviève SOCHACKI, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle LE POTIER, Conseillère,



GREFFIER :



Madame ...

Chambre des Baux Ruraux

ARRÊT N° 26

N° RG 18/04254 - N° Portalis DBVL-V-B7C-O6PW

Mme [K] [V]

C/

M. [B] [H]

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me LE MENN

Me GAONAC'H

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 JUIN 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Maurice LACHAL, Président,

Assesseur : Madame Geneviève SOCHACKI, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle LE POTIER, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Virginie SERVOUZE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 02 Mai 2019

devant Monsieur Maurice LACHAL, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 13 Juin 2019 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

Madame [K] [V]

née le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 1]

[Adresse 1]'

[Localité 2]

Représentée par Me Julien LE MENN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

INTIMÉ :

Monsieur [B] [H]

né le [Date naissance 2] 1978 à [Localité 1]

[Adresse 2]'

[Localité 3]

Représenté par Me Arnaud GAONAC'H, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

*****

Faits et procédure :

Suivant acte sous-seing privé en date du 25 août 2009, Mme [K] [V] a donné à bail rural à M. [B] [H] un bâtiment d'élevage (porcherie de 320 places) ainsi que diverses parcelles de terre situés à [Localité 2] (Finistère), [Localité 4], cadastrés section YA n° [Cadastre 1] (devenu [Cadastre 2]),[Cadastre 3] et [Cadastre 4] d'une contenance de 21 ha 11 a 85 ca à effet rétroactif au 1er janvier 2006 moyennant un fermage de 7 622 €.

M. [B] [H] a mis le bail à disposition de l'EARL de Kerislay.

Par déclaration au greffe en date du 10 octobre 2014, l'EARL de Kerislay a fait convoquer Mme [K] [V] devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Quimper aux fins de voir annuler le congé délivré à l'EARL de Kerislay par Mme [K] [V].

Un médiateur a été désigné mais la médiation a échoué.

Par jugement en date du 13 janvier 2015, le tribunal de grande instance de Quimper a ouvert une procédure de redressement judiciaire de l'EARL de Kerislay. Le 10 novembre 2015, ce redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire.

L'instance a été reprise devant le tribunal paritaire des baux ruraux. La SELARL EP & associés, en sa qualité de liquidateur judiciaire de l'EARL de Kerislay, est intervenue volontairement. M. [B] [H] est lui aussi intervenu volontairement à l'audience du 11 avril 2016.

Par jugement contradictoire en date du 3 juin 2016, le tribunal paritaire des baux ruraux de Quimper a :

constaté que Mme [K] [V] renonçait au congé délivré exclusivement à l'EARL de Kerislay le 27 juin 2014 ;

constaté l'intervention volontaire à l'instance de la SELARL EP & associés, ès qualités de liquidateur de l'EARL de Kerislay ;

mis hors de cause la SELARL EP & associés, ès qualités de liquidateur de l'EARL de Kerislay ;

constaté en conséquence qu'indépendamment des demandes reconventionnelles présentées par Mme [K] [V] à l'encontre de M. [B] [H], ce dernier était demeuré à la date des débats titulaire du contrat de bail rural portant sur un bâtiment d'élevage et diverses parcelles de terre ;

constaté que M. [B] [H] intervenant volontaire à l'instance n'avait présenté aucune demande ;

déclaré recevables les demandes reconventionnelles présentées par Mme [K] [V] à l'encontre de M. [B] [H] ;

condamné M. [B] [H] à payer à Mme [K] [V] la somme de 9 277, 68 € au titre des fermages impayés, et cela avec intérêts au taux légal à compter du 3 juin 2016 ;

débouté Mme [K] [V] du surplus de ses demandes de ce chef ;

débouté Mme [K] [V] de sa demande présentée aux fins de résiliation du bail rural consenti par Mme [K] [V] à M. [B] [H] et des demandes annexes à la résiliation du contrat de bail ;

ordonné l'exécution provisoire de la décision ;

dit n'y avoir lieu à l'allocation d'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

laissé à la charge de Mme [K] [V] les dépens existant à la date du 11 avril 2016 ;

condamné M. [B] [H] aux dépens nés à compter du 11 avril 2016.

Le 1er juillet 2016, Mme [K] [V] a fait appel de cette décision seulement à l'encontre de M. [B] [H].

Moyens et prétentions des parties :

Mme [K] [V] demande à la cour de :

réformer le jugement déféré ;

rejeter le moyen invoqué par M. [B] [H] au titre de l'irrégularité de la procédure en première instance et de l'irrecevabilité des demandes présentées par Mme [K] [V] ;

constater ou, à défaut, prononcer la résiliation du bail rural liant Mme [K] [V] à M. [B] [H] avec conséquences de droit ;

ordonner l'expulsion de M. [B] [H] ainsi que de tout occupant de son chef, sous astreinte de 150 € par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

fixer l'indemnité d'occupation à laquelle M. [B] [H] sera tenu jusqu'à la libération effective des lieux sur la base du montant indexé du fermage, soit 8 759, 40 € par an ;

condamner M. [B] [H] au paiement des fermages impayés, soit la somme de 28'779, 28 € ;

débouter M. [B] [H] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

condamner M. [B] [H] aux dépens, qui comprendront le coût de l'établissement du procès-verbal de constat par huissier de justice le 12 septembre 2016, et à payer à Mme [K] [V] une somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [K] [V] expose que M. [B] [H], personne physique, est intervenu volontairement à l'instance en cours dans la mesure où il est titulaire du bail rural et que cette intervention volontaire a été actée par le tribunal. Elle ajoute qu'elle a présenté des demandes reconventionnelles, que la phase de conciliation est obligatoire pour la demande initiale et que les demandes incidentes et/ou reconventionnelles ne sont pas visées par cette phase de conciliation obligatoire. Elle souligne que cet éventuel non-respect de la phase de conciliation devait être soulevé avant toute défense au fond et ne peut être invoqué pour la première fois en cause d'appel, la jurisprudence de cour d'appel invoquée par l'intimé n'étant pas applicable au cas d'espèce.

Au fond, Mme [K] [V] conclut à la résiliation du bail rural compte tenu de l'absence d'activité agricole de M. [B] [H]. Elle rappelle que les actifs de l'EARL de Kerislay ont été réalisés et qu'il n'y a plus d'activité agricole, M. [B] [H] associé unique au sein de l'EARL de Kerislay étant dépourvu de moyens de production et les bâtiments d'élevage étant vides depuis le 10 novembre 2015. Elle souligne que l'abandon du fonds rural loué a été constaté par Maître [X], huissier de justice à [Localité 5], 12 septembre 2016. Elle relève qu'une attestation produite par l'intimé émane d'un cousin de celui-ci et qu'une autre attestation produite prouve que M. [B] [H] ne dispose plus de moyens de production ni d'équipement pour mener une activité agricole. Elle ajoute qu'elle est aussi recevable et fondée à solliciter la résiliation du bail rural au regard des fermages demeurés impayés. Elle précise que le contrat de bail ne précise pas les modalités de règlement du fermage mais que ces modalités ressortent de l'accord des parties et de la pratique qu'ils ont décidée à savoir un règlement trimestriel. Elle reproche au premier juge d'avoir considéré que le fermage était payable au 31 décembre de chaque année. Elle fait valoir que ce débat présente un intérêt plus limité en cause d'appel puisque les fermages de 2015, 2016, 2017 et 2018 n'ont pas été payés et que le montant des fermages impayés s'élève à la somme de 28'779, 28 € comprenant le fermage du premier trimestre 2019, les demandes portant sur les fermages postérieurs au jugement déféré ne constituant pas des demandes nouvelles. Elle rappelle que la somme de 9 277, 68 € réglée par le biais d'une saisie attribution a bien été prise en considération. Elle relate que si une somme supérieure au montant de la saisie attribution a été remise à l'huissier de justice, le reliquat non visé par la créance a immédiatement été restitué à M. [B] [H] et qu'elle n'a elle-même perçu le fruit de la saisie attribution que suite à cette restitution. Elle mentionne que si la porcherie n'a pas été garnie en animaux ce n'est pas en raison d'un soi-disant mauvais état comme le soutient l'intimé mais en raison de la cessation d'activité agricole de celui-ci. Elle rappelle qu'aucune doléance de travaux n'avait été émise auparavant. Elle souligne que la demande indemnitaire pour perte de marge brute présentée par M. [B] [H] se heurte à des motifs d'irrecevabilité, ce dernier n'exploitant plus le bâtiment pour des raisons personnelles à savoir la liquidation judiciaire de son exploitation agricole et le calcul de la perte de marge brute se rapportant à des éléments comptables et financiers de l'EARL de Kerislay et non de M. [B] [H]. Elle signale que de plus le document produit serait un faux, le responsable du groupement porc au sein de la coopérative Triskallia attestant que ses services n'ont jamais établi d'attestation au bénéfice de M. [B] [H]. Elle conclut aussi au rejet de la demande d'expertise judiciaire, la position de l'intimé étant manifestement vouée à l'échec.

En réponse, M. [B] [H] demande à la cour de :

- sur son appel incident,

infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevables les prétentions du bailleur ;

dire et juger que les demandes de Mme [K] [V] à l'encontre de M. [B] [H] n'ont fait l'objet d'aucune tentative de conciliation et qu'elles sont irrecevables ;

débouter Mme [K] [V] de l'ensemble de ses prétentions ;

- sur l'appel principal de Mme [K] [V],

débouter Mme [K] [V] de sa demande de résiliation pour défaut d'exploitation ;

à titre subsidiaire, désigner un expert pour donner un avis sur l'état des parcelles agricoles et bâtiments faisant l'objet du bail ;

débouter Mme [K] [V] de sa demande de résiliation pour défaut de paiement de fermages impayés ;

à titre reconventionnel, condamner Mme [K] [V] à restituer la somme de 17'294,52 € au titre des fermages ;

dire et juger que la demande de paiement au titre des fermages impayés après le 31 décembre 2015 est irrecevable s'agissant de prétentions nouvelles au sens de l'article 564 du code de procédure civile ;

dire et juger que l'argumentation soulevée par l'appelante visant à soutenir que la cour d'appel est compétente sur sa demande au titre des fermages impayés après le 31 décembre 2015 est irrecevable en vertu de l'article 122 du code de procédure civile ;

à titre subsidiaire, dire et juger que Mme [K] [V] n'a pas satisfait à son obligation de délivrance ;

condamner Mme [K] [V] à la somme de 38'342, 16 € au titre de la perte de la marge brute pour les années 2016 à 2018 ;

débouter Mme [K] [V] de ses prétentions ;

à titre infiniment subsidiaire, désigner un expert comme demandé ci-dessus ;

en tout état de cause, confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté toute demande de résiliation du bail rural ;

condamner Mme [K] [V] aux dépens et à une indemnité de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [B] [H] fait valoir que si le bailleur pouvait formuler des demandes incidentes à l'encontre du demandeur initial, il ne peut en revanche sans passer par la tentative de conciliation faire de demande à l'encontre d'un intervenant volontaire d'autant plus qu'à l'audience en tant qu'intervenant volontaire, il n'a repris pour son compte que les prétentions du demandeur initial et n'a formulé aucune demande. Il souligne que la jurisprudence considère que l'intervention volontaire ne répare pas l'irrégularité de l'absence de tentative de conciliation. Il conclut, à titre principal à l'irrecevabilité des prétentions du bailleur.

Au fond, M. [B] [H] explique que le bailleur soutient que le bâtiment d'élevage est abandonné depuis la fin de l'année 2015 et que la porcherie est vide laissée dans un état pitoyable. Il prétend que les travaux nécessaires visés par le bailleur relèvent des travaux de grosses réparations, à la charge du bailleur, qui empêchent le preneur de jouir totalement de la chose louée. Il ajoute que les parcelles de terre sont exploitées par lui comme il le prouve. Il en déduit que la demande de résiliation n'est pas justifiée et, à titre subsidiaire, il réclame une expertise judiciaire aux frais avancés du bailleur. Il considère que le tribunal a jugé pertinemment que le terme du bail est prévu au 31 décembre de l'année, qu'à l'exception de la lettre du 7 janvier 2015 au titre de l'échéance due au 31 décembre 2014 les autres mises en demeure ne portaient pas sur des fermages échus et ne permettait pas aux bailleurs de justifier une demande de résiliation au 11 avril 2016. Il rappelle que ses primes PAC 2017 et 2018 ne lui ont pas été versés en raison des saisies attributions réalisées par huissier de justice à la demande de Mme [K] [V] et que ces saisies attributions ont permis à cette dernière de récupérer un total de 28'467, 02 €. Il ajoute que le trop-perçu de 17'294, 52 € ne lui a pas été remboursé. Il signale que le bailleur a pu récupérer une somme représentant la totalité de la condamnation du premier jugement et même un trop-perçu et conclut à la confirmation du jugement déféré qui a débouté le bailleur de sa demande de résiliation de bail. À titre reconventionnel, il sollicite la restitution du trop-perçu. Au titre de la demande de paiement des fermages impayés après le 31 décembre 2015, il soutient qu'il s'agit d'une demande nouvelle irrecevable devant la cour d'autant plus que le bailleur a déjà saisi en ce sens le tribunal paritaire des baux ruraux de Quimper le 27 juillet 2018 et que cette instance a été radiée. À titre subsidiaire, il rappelle à nouveau que le bailleur a manqué à son obligation de fournir des locaux en bon état de grosses réparations et qu'il est fondé à solliciter la réparation de son préjudice de perte de marge brute pour les années 2016 à 2018 pour un montant de 38'342, 16 € et de demander la compensation de cette somme avec celle réclamée au titre des fermages impayés pour la même période. À titre infiniment subsidiaire, il indique qu'en tout état de cause le bailleur a manqué à son obligation principale de délivrance et que dans l'hypothèse où la cour jugerait qu'elle n'est pas suffisamment informée, il conviendrait d'ordonner une expertise aux frais avancés du bailleur.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément aux articles 946, 455 et 749 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience.

Sur quoi, la cour

1. M. [B] [H] soutient que les demandes formées par Mme [K] [V] à son encontre sont irrecevables pour ne pas avoir fait l'objet d'une tentative de conciliation alors qu'il n'est qu'intervenant volontaire à la procédure.

En vertu de l'article 66 du code de procédure civile, constitue une intervention la demande dont l'objet est de rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties originaires, l'intervention étant volontaire si la demande émane du tiers.

Aux termes de l'article 325 du code de procédure civile, l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.

Il ressort des articles 328 à 330 du code de procédure civile que l'intervention volontaire est soit principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme, soit accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie.

L'EARL de Kerislay étant en liquidation judiciaire, l'intervention volontaire de M. [B] [H] dans le litige opposant cette EARL et Mme [K] [V] n'était pas faite pour appuyer les prétentions de cette entreprise agricole désormais représentée par son liquidateur judiciaire, la SELARL EP & associés, mais elle élevait une prétention au profit de lui-même qui rappelait être le seul titulaire du bail et qui 'envisageait de demander le maintien du bail rural à son profit' comme l'a repris le jugement déféré. Cette intervention volontaire de M. [B] [H] a été admise par le tribunal paritaire et n'est pas contestée. Il s'en déduit que cette intervention volontaire se rattachait aux prétentions des parties originaires par un lien suffisant. De même, M. [B] [H] par son intervention volontaire est devenu une partie au procès revendiquant à l'encontre de Mme [K] [V] le maintien du bail rural à son profit. Or, il est de jurisprudence établie que les demandes reconventionnelles ne sont pas soumises au préalable de conciliation prévue devant le tribunal paritaire des baux ruraux. Dès lors, Mme [K] [V] est recevable en sa demande reconventionnelle pour s'opposer au maintien du bail rural au profit de M. [B] [H].

2. M. [B] [H] soutient aussi que la demande de paiement au titre des fermages impayés après le 31 décembre 2015 est irrecevable pour ne pas avoir été soumise au préalable de conciliation et comme étant nouvelles au sens de l'article 564 du code de procédure civile.

D'abord, le préliminaire de conciliation n'étant prévu que devant le tribunal paritaire des baux ruraux, la demande formée au cours de l'instance d'appel n'a pas à être soumise à ce préalable.

Ensuite, il ressort de la combinaison des articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile que les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance de la révélation d'un fait, à moins que ses prétentions tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ou que les demandes nouvelles soient l'accessoire, la conséquence ou le complément des demandes soumises au premier juge. En l'espèce, Mme [K] [V] sollicite la résiliation du bail rural pour non paiement des fermages et non exploitation des lieux loués. Il s'agit donc de faire juger une question née de l'intervention volontaire de M. [B] [H] qui sollicite le maintien du bail rural à son profit. Dès lors, toutes les demandes de Mme [K] [V] formées à l'encontre de M. [B] [H] sont recevables.

3. Il ressort des pièces versées et des débats que la porcherie louée permettait auparavant l'engraissement de 300 porcs selon trois rotations par an c'est-à-dire en application d'un contrat d'intégration entre l'agriculteur et une coopérative agricole. Cette porcherie d'engraissement de 320 places est désormais vide. Si des membres de la famille et des amis de M. [B] [H] ont permis de manière ponctuelle l'ensemencement de terres, il n'en demeure pas moins que l'absence d'utilisation de la porcherie démontre l'absence d'exploitation effective de l'ensemble du bien loué. M. [B] [H] prétend que la cause de cette non exploitation est liée à l'état du bâtiment, la bailleresse n'ayant pas rempli son obligation de délivrance. Au soutien de cette prétention, M. [B] [H] verse aux débats une lettre qui émanerait du 'service porc' de la coopérative agricole Triskalia indiquant que le bâtiment en cause 'n'est plus conforme aux normes actuelles et présente des signes évidents de vétustés importantes'. Or, cet écrit ne comporte pas le nom du rédacteur et le responsable du groupement porc pour le Finistère de cette coopérative atteste sur l'honneur ne pas en être le signataire. De plus, les termes repris ci-dessus sont particulièrement vagues et imprécis et le constat d'huissier de justice en date du 14 février 2017, tenant en 14 lignes et comportant 11 photographies, est insuffisant non seulement pour affirmer que Mme [K] [V] n'a pas accompli son obligation de délivrance vis-à-vis du preneur mais aussi pour ordonner une expertise judiciaire des lieux. Dans ces conditions, l'absence d'exploitation des lieux loués justifie la résiliation du bail rural sans qu'il soit besoin d'examiner les autres demandes tendant à la résiliation du bail notamment pour non paiement des fermages, étant précisé que l'huissier de justice ayant pratiqué la saisie attribution atteste que Mme [K] [V] n'a pas reçu plus que la somme qui lui a été allouée en exécution du jugement de première instance bénéficiant de l'exécution provisoire. Les demandes pécuniaires de M. [B] [H] ne sont donc pas justifiées et seront rejetées.

En conséquence, il y a lieu d'ordonner l'expulsion de M. [B] [H] sans qu'une astreinte soit prononcée.

Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.

4. Mme [K] [V] sollicite la condamnation de M. [B] [H] au paiement des fermages impayés à hauteur de 28'779, 28 €. L'intimé se contente d'indiquer que dans une autre instance, à ce jour radiée, l'appelante n'a sollicité que la somme de 19'604, 09 €. Or, Mme [K] [V] démontre que dans cette dernière instance elle ne réclamait que les loyers impayés à la date du 27 du juillet 2018 alors qu'elle demande dans la présente instance le montant des fermages impayés à la date du 1er mai 2019. L'appelante sollicite par ailleurs une indemnité d'occupation annuelle sur la base du montant indexé du fermage, soit la somme de 8 759, 40 €, que M. [B] [H] ne contredit pas. Dans ces conditions, il sera fait droit aux demandes de Mme [K] [V]. Le jugement déféré sera réformé en ce sens.

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens. Le coût du procès-verbal de constat par huissier de justice du 12 septembre 2016 constitue des frais irrépétibles.

Il serait inéquitable de laisser à Mme [K] [V] la charge des frais exposés par elle non compris dans les dépens. Il y a lieu de condamner M. [B] [H] à lui verser une somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré sauf sur les demandes de résiliation de bail et d'expulsion ainsi que sur le montant des fermages impayés ;

Statuant à nouveau sur ces points,

Prononce la résiliation du bail liant Mme [K] [V] à M. [B] [H] portant sur un bâtiment d'élevage ainsi que diverses parcelles de terre situés à [Localité 2] (Finistère), [Localité 4], cadastrés section YA n° [Cadastre 2] (anciennement [Cadastre 1]), [Cadastre 3] et [Cadastre 4] d'une contenance de 21 ha 11 a 85 ca ;

Ordonne l'expulsion de M. [B] [H], ainsi que de tout occupant de son chef, du bâtiment d'élevage ainsi que des diverses parcelles de terre situés à [Localité 2] (Finistère), [Localité 4], cadastrés section YA n° [Cadastre 2] (anciennement [Cadastre 1]), [Cadastre 3] et [Cadastre 4] d'une contenance de 21 ha 11 a 85 ca ;

Fixe l'indemnité d'occupation due par M. [B] [H] jusqu'à la libération effective des lieux à un montant annuel de 8 759, 40 € ;

Condamne M. [B] [H] à payer à Mme [K] [V] la somme de 28'779, 28 € au titre des fermages impayés au 1er mai 2019 ;

Condamne M. [B] [H] aux dépens et à payer à Mme [K] [V] une somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre des baux ruraux
Numéro d'arrêt : 18/04254
Date de la décision : 13/06/2019

Références :

Cour d'appel de Rennes BR, arrêt n°18/04254 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-13;18.04254 ?
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