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03/05/2019 | FRANCE | N°16/00702

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 03 mai 2019, 16/00702


2ème Chambre





ARRÊT N°278



N° RG 16/00702

N° Portalis DBVL-V-B7A- MVXE













POLE EMPLOI BRETAGNE



C/



M. [N] [L]















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée











Copie exécutoire délivrée



le :



à : Me Mélanie VOISINE

Me Jean-David CHAUDET








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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 3 MAI 2019







COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Joël CHRISTIEN,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Marie-Odile GELOT-BARBIER, Con...

2ème Chambre

ARRÊT N°278

N° RG 16/00702

N° Portalis DBVL-V-B7A- MVXE

POLE EMPLOI BRETAGNE

C/

M. [N] [L]

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Mélanie VOISINE

Me Jean-David CHAUDET

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 3 MAI 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Marie-Odile GELOT-BARBIER, Conseillère, rédactrice,

GREFFIER :

Monsieur Régis ZIEGLER, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 26 février 2019, Madame Marie-Odile GELOT-BARBIER, Conseillère, entendue en son rapport,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 3 mai 2019 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

L'institut national public POLE EMPLOI BRETAGNE

dont le siège est [Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Mélanie VOISINE de la SCP BALLU-GOUGEON, VOISINE, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉ :

Monsieur [N] [L]

né le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 13 juin 2006, M. [N] [L] a conclu un contrat de franchise avec la société Fiventis SAS. Ce contrat a été résilié le 28 décembre 2007.

En septembre 2006 et dans le cadre de la création de son entreprise, la société JPB Conseils AFP, M. [L] a obtenu le bénéfice de l'aide à la reprise ou à la création d'entreprise (ARCE) pour un montant de 63 133,96 euros donnant lieu à deux versements de 31 566,98 euros chacun.

Par jugement du conseil des prud'hommes de Rennes du 10 novembre 2008, confirmé en appel le 23 février 2010, le contrat de franchise a été requalifié en contrat de travail. La société Fiventis a été condamnée en outre à régler à M. [L] diverses sommes à titre de rappel de salaires et d'indemnité de préavis ainsi qu'en réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat.

Estimant que la requalification du contrat de franchise en contrat de travail remettait en cause le versement de l'ARCE, Pôle emploi a sollicité le remboursement de cette aide auprès de M. [L].

Cette demande étant restée sans effet, Pôle emploi a fait assigner M. [L] devant le tribunal de grande instance de Rennes, par acte du 21 mai 2014, afin d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 63 079,18 euros en principal.

Par jugement du17 novembre 2015, le tribunal a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription qui était opposée par le défendeur mais, sur le fond, a débouté Pôle emploi de ses demandes et l'a condamné à verser à M. [L] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Pôle emploi a relevé appel de cette décision le 25 janvier 2016 et demande à la cour de :

Vu le Règlement général annexé à la convention d'assurance chômage du 18/01/2006,

Vu l'article 2224 du code civil,

Vu l'article L. 5141-1 du code du travail,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action,

- le déclarer en conséquence recevable dans son action,

- infirmer le jugement dont appel en toutes ses autres dispositions,

En conséquence,

- condamner M. [L] à lui payer la somme de 63 079,18 euros avec intérêts aux taux légal à compter du 28 mai 2013 et jusqu'à parfait règlement,

- condamner M. [L] au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [L] au paiement des entiers dépens.

Selon ses dernières conclusions, M. [L] demande à la cour de :

Vu l'article L. 5422-5 du code du travail

Vu l'article 26 §2 du règlement de l'assurance chômage,

Vu l'article 34 paragraphe 2 de la convention du 18 janvier 2006 relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage.

Vu l'article 122 du code de procédure civile,

Vu l'article 559 du code de procédure civile

À titre principal,

- réformer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action de Pôle emploi,

Statuant de nouveau,

- constater que l'action de Pôle emploi était prescrite au jour où l'assignation lui a été délivrée le 21 mai 2014,

- déclarer en conséquence Pôle emploi irrecevable en son action,

- déclarer éteinte la créance de Pôle emploi à son encontre,

- débouter Pôle emploi de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires,

À titre subsidiaire,

- déclarer inexistante la créance de Pôle emploi à son encontre,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Pole emploi de ses demandes,

En tout état de cause,

- débouter Pôle emploi de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires,

- constater que l'appel formé par Pôle emploi a dégénéré en abus de droit d'agir en justice,

- condamner Pôle emploi à lui verser la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 559 du code de procédure civile,

- condamner Pôle emploi à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel qui seront recouvrés par la SCP JD Chaudet, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour Pôle emploi le 31 janvier 2019 et pour M. [L] le 7 janvier 2019, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 14 février 2019.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Sur la prescription :

En application de l'article 34 § 2 du règlement général annexé à la convention d'assurance chômage du 18 janvier 2006, l'action en répétition des sommes indûment versées se prescrit, sauf cas de fraude ou de fausse déclaration, par 3 ans et, en cas de fraude ou de fausse déclaration, par 10 ans à compter du jour du versement de ces sommes. La prescription de l'action éteint la créance.

Les parties s'accordent pour indiquer que l'action engagée par Pôle emploi est soumise au délai de prescription de trois ans.

Il est constant que la demande en répétition de l'indu formée par Pôle emploi fait suite à la requalification du contrat de franchise conclu entre M. [L] et la société Fiventis en contrat de travail.

Le jugement du conseil des prud'hommes de Rennes en date du 10 novembre 2008 qui a procédé à cette requalification a été frappé d'appel et a été confirmé, sur ce point, par la cour d'appel de Rennes suivant un arrêt du 23 février 2010.

Enfin et par un arrêt du 18 janvier 2012, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi qui avait été formé par la société Fiventis.

Il s'ensuit que Pôle emploi était dans l'impossibilité d'agir en restitution des sommes versées au titre de l'ARCE tant qu'il n'avait pas été statué sur le pourvoi de la société Fiventis qui contestait l'existence d'un contrat de travail.

La prescription triennale n'a donc commencé à courir que le 18 janvier 2012, date de l'arrêt de rejet rendu par la Cour de cassation, et n'était pas acquise lorsque Pôle emploi a saisi le tribunal de grande instance de Rennes par assignation du 21 mai 2014.

Par conséquent, il convient, par substitution de motifs, de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir.

Sur le fond :

A l'appui de sa demande en paiement, Pôle emploi expose que le versement de l'ARCE étant conditionné par la création ou la reprise d'une entreprise, la requalification du contrat de franchise en contrat de travail a eu pour effet de priver M. [L] du droit à percevoir cette aide; que l'ARCE ayant été effectivement versée au moyen de deux virements intervenus les 13 septembre 2006 et 8 mars 2007, pour une somme totale de 63 133,96 euros, son remboursement a été sollicité en vain auprès de M. [L].

Il ajoute, en réponse à l'argumentation développée par l'intimé, que celui-ci n'était pas éligible à l'octroi de l' aide aux chômeurs créateurs d'entreprise (ACCRE), qui doit être obtenue pour prétendre au bénéfice de l'ARCE, dans la mesure où il n'était pas demandeur d'emploi mais exerçait une activité salariée auprès de la société Fiventis ; que M. [L] n'a obtenu ces aides qu'en raison des informations erronées qu'il a transmises ; qu'en outre, la société JPB Conseils AFP avait un caractère purement fictif et n'avait été constituée que pour répondre à la demande de la société Fiventis.

M. [L] soutient que Pôle emploi ne produit aucune pièce démontrant la réalité de sa créance ; qu'en outre et contrairement aux affirmations de l'appelant, il remplissait les conditions pour bénéficier de l'ARCE, celle-ci étant justifiée par la création de son entreprise, la société JPB Conseils AFP dont l'activité s'est poursuivie, ce qui a d'ailleurs donné lieu au deuxième versement du 8 mars 2007 ; que la requalification du contrat de franchise en contrat de travail n'a eu aucun effet sur le versement de l'ARCE, seule la création de la société JPB Conseils AFP, qui a exercé son activité en 2006 et 2007, conditionnant le versement de l'aide.

Il n'est pas contestable que M. [L] a perçu l'ARCE pour un montant total de 63 133,96 euros au moyen de deux virements bancaires, l'un de 31 566,98 euros le 13 septembre 2006 et le second, de même montant, le 8 mars 2007.

Ces paiements sont confirmés non seulement par l'historique établi par Pôle emploi mais également par le courrier de l'Assédic du 12 septembre 2006 notifiant l'attribution de l'aide, et par le courrier de M. [L] en date du 2 janvier 2010 dans lequel il rappelle avoir opté pour le versement en capital de 50 % de ses droits, 'ce qui a donné lieu à 2 versements au jour de constitution de la société et dans le délai de 6 mois'. L'intimé reconnaît d'ailleurs en page 11 de ses écritures avoir perçu l'ARCE en totalité.

Par ailleurs, il est constant que M. [L] avait sollicité le bénéfice de l'ARCE le 9 août 2006 en faisant valoir qu'il avait créé une société dénommée JPB Conseils Assurances Finances & Patrimoine dont la date de début d'activité était fixée au 1er septembre 2006.

Il est également admis que, parallèlement à la création de cette entreprise, M. [L] a conclu avec la société Fiventis un contrat de franchise, daté du 13 juin 2006 et portant sur une activité de conseil en gestion de patrimoine et conseil en investissements financiers.

Si M. [L] soutient que la société JPB Conseils AFP avait une existence autonome et que le contrat de franchise n'affectait pas son activité, il ne produit cependant aucun élément démontrant l'exercice effectif d'une activité par la société JPB Conseils AFP, indépendamment des fonctions qu'il exerçait lui-même dans le cadre du contrat conclu avec la société Fiventis.

La seule pièce qu'il verse aux débats à cet égard est constituée par une attestation d'un expert comptable en date du 1er mars 2007 qui se borne à indiquer qu'à cette date, la société JPB Conseils AFP poursuivait toujours son activité, ce qui ne suffit pas à établir la réalité de cette activité, étant observé, d'une part, qu'à la date indiquée, le contrat de franchise conclu avec la société Fiventis n'avait pas encore été résilié - la résiliation étant intervenue à l'initiative de cette dernière le 28 décembre 2007 - et, d'autre part, qu'aucun autre document, notamment comptable, n'est produit.

Dans l'arrêt du 23 février 2010, la cour d'appel de Rennes relève sur ce point que la constitution de deux sociétés par M. [L], à savoir la société JPB Conseils et la société JPB Courtage, avait été exigée par le franchiseur, la société Fiventis, lors de la conclusion du contrat de franchise et que ces deux sociétés 'où le franchisé apparaît seul ont un caractère purement fictif et couvrent une activité en réalité purement personnelle'.

Il doit être ainsi constaté, en l'état des éléments versés aux débats, que la société JPB Conseils AFP n'exerçait en réalité aucune activité autonome et n'avait été créée que pour permettre l'exécution du contrat de franchise dont les stipulations, reproduites dans l'arrêt susmentionné, mettaient notamment à la charge de M. [L] l'obligation de s'approvisionner exclusivement auprès du franchiseur.

La relation entre la société Fiventis et M. [L] ayant été par la suite requalifiée en contrat de travail avec effet au 13 juin 2006, Pôle emploi est fondé à soutenir que ce dernier ne remplissait pas les conditions pour prétendre à l'obtention de l'ARCE.

Il sera donc fait droit à la demande en paiement, le jugement étant infirmé sur ce chef.

Il s'ensuit que la demande indemnitaire pour appel abusif présentée par M. [L] ne peut prospérer et sera rejetée.

M. [L], partie succombante, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, le jugement étant infirmé en ce qu'il a condamné Pôle emploi sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de Pôle emploi les frais qu'il a exposés à l'occasion de la présente instance de sorte que sa prétention au titre des frais irrépétibles sera écartée.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme le jugement rendu le 17 novembre 2015 par le tribunal de grande instance de Rennes sauf en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Condamne M. [N] [L] à payer à Pôle emploi la somme de 63 079,18 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2013,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [N] [L] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile par l'avocat qui en a fait la demande,

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16/00702
Date de la décision : 03/05/2019

Références :

Cour d'appel de Rennes 1B, arrêt n°16/00702 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-03;16.00702 ?
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