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26/04/2019 | FRANCE | N°16/09854

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 26 avril 2019, 16/09854


8ème Ch Prud'homale








ARRÊT N°161





R.G : N° RG 16/09854 - N° Portalis DBVL-V-B7A-NSVU




















M. H... P...





C/





SASU MEDIAPOST


























Infirmation























Copie exécutoire délivrée


le :





à :
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REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE RENNES


ARRÊT DU 26 AVRIL 2019











COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :





Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,


Madame Isabelle LECOQ-CARON, Conseillère,


Monsieur Emmanuel ROCHARD, Conseiller,





GREFFIER :





Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°161

R.G : N° RG 16/09854 - N° Portalis DBVL-V-B7A-NSVU

M. H... P...

C/

SASU MEDIAPOST

Infirmation

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 AVRIL 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Conseillère,

Monsieur Emmanuel ROCHARD, Conseiller,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 28 Février 2019

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 26 Avril 2019 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur H... P...

né le [...] à MARMANDE

demeurant [...]

représenté par Me Emmanuelle POULARD-CHOBLET de la SELARL GUIMARAES & POULARD, avocat au barreau de NANTES

INTIMEE :

La SASU MEDIAPOST prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[...]

comparante à l'audience en la personne de Mme M... W..., Responsable des Ressources Humaines, et représentée par Me Benoît GEORGE de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Nissa JAZOTTES, Avocate plaidante du Barreau de TOULOUSE

M. H... P... a été engagé le 5 mars 2007 par la SA MEDIAPOST, spécialisée dans la distribution de prospectus publicitaires, en qualité de distributeur dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel modulé suivant la convention collective de la distribution directe, pour une rémunération mensuelle moyenne de 535,02 € brut.

En octobre 2011, il a été élu délégué du personnel suppléant, puis représentant syndical au CHSCT en mars 2012 et délégué syndical régional en septembre 2012.

Le 24 avril 2013, M. P... a saisi le Conseil de prud'hommes de NANTES aux fins de requalifier le contrat à temps partiel modulé en contrat de droit commun à temps plein et a présenté les chefs de demande suivants à l'encontre de la SA MEDIAPOST :

- 66.383,29 € à titre de rappel de salaire de mai 2008 à novembre 2015,

- 6.638,33 € au titre des congés payés afférents,

- 6.020,95 € au titre du rappel de prime d'ancienneté sur la période du 5 mars 2010 au 30 septembre 2016,

- 302,09 € au titre des congés payés afférents,

-117,18 € au titre des frais de déplacement de l'année 2010,

- 10.000 € à titre des dommages et intérêts pour retard de paiement des salaires,

- 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi suite à la minoration des indemnités journalières versées par la CPAM,

- 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

La cour est saisie d'un appel régulièrement formé le 28 décembre 2016 par M. P... contre le jugement de départage du Conseil de prud'hommes de NANTES du 29 novembre 2016, par lequel il a :

- Constaté le non-respect par la SA MEDIAPOST de l'obligation de décompte des heures travaillées et de l'accord de modulation,

- Condamné la SA MEDIAPOST à régler à M. P... les sommes suivantes assorties des intérêts au taux légal :

'' 7.750,25 € au titre du rappel de salaire du 1er mai 2008 au 31 mars 2013,

'' 775,02 € au titre des congés payés afférents,

'' 172,94 € au titre de la prime d'ancienneté afférente aux heures effectuées non rémunérées, en quittance ou en deniers,

'' 117,18 € au titre de frais de déplacement pour l'année 2010,

'' 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la SA MEDIAPOST à remettre à M. P... un bulletin de salaire rectifié,

- Débouté M. P... de ses autres demandes,

- Décerné acte de ce qu'il se désiste de sa demande pour travail dissimulé,

- Condamné la SA MEDIAPOST aux dépens, dont le remboursement à M. P... de la somme de 35 € au titre de la contribution pour l'aide juridique.

Par conclusions notifiées par la voie électronique le 30 janvier 2019, M. P... demande à la Cour de :

- Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il condamne la SA MEDIAPOST à lui verser la somme de 117,18 € net à titre de frais de déplacement pour l'année 2010,

- Réformer ledit jugement,

- Constater le non respect par la SA MEDIAPOST de l'ob1igation de décompte des heures réellement travaillées et de l'accord de modulation,

- Requalifier le contrat à temps partiel modulé en contrat de droit commun à temps plein,

- Condamner la SA MEDIAPOST à lui régler :

'' 85.519,71 € brut à titre de rappel de salaire pour la période de mai 2008 à décembre 2018,

'' 8.551,97 € brut au titre des congés payés afférents

'' 4.872,86 € brut au titre du rappel de la prime d'ancienneté sur la période du 5 mars 2010 au 31 décembre 2018,

'' 487,28 € brut au titre des congés payés afférents,

'' 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour le retard dans le paiement de ses salaires,

'' 3.000 € net à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi suite à la minoration des indemnités journalières versées par la CPAM,

'' 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- A titre subsidiaire, confirmer le jugement de première instance et condamner la SA MEDISPOST à lui régler sur la base des relevés d'heures personnels les sommes de:

'' 9.034,97 € brut pour la période de mai 2008 à septembre 2016,

'' 903,49 € brut à titre de congés payés afférents,

'' 230,17 € brut sur la période de mars 2010 à septembre 2016,

'' 27,51 € brut à titre de congés payés afférents,

- Condamner la SA MEDIAPOST à lui remettre à des bulletins de salaires récapitulatifs mois par mois et année par année, tous documents conformes à la décision à intervenir et sous astreinte de 100 € par jour de retard,

- Fixer la moyenne mensuelle brute des salaires à la somme 1.520,68 € brut,

- Condamner la SA MEDIAPOST aux entiers dépens de la présente instance.

Par conclusions notifiées par la voie électronique le 13 avril 2017, la SA MEDIAPOST demande à la Cour de :

- Débouter M. P... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Le condamner à lui verser la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées par la voie électronique.

La procédure a été clôturée le 21 février 2019.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la qualification du contrat de travail

Pour infirmation de la décision, M. P... expose en substance que':

- La pré-quantification du temps de travail ne respecte pas les dispositions relatives au SMIC'; il n'était pas rémunéré de l'intégralité des heures de travail effectuées, mais seulement sur la base d'une pré-quantification mentionnée sur les feuilles de route et reprise sur les récapitulatifs et les bulletins de salaire'; ce temps pré-quantifié ne correspond pas au temps réel de travail que la société MEDIAPOST se dispense de décompter, ne permettant pas ainsi de vérifier si le salarié est bien rémunéré au minimum sur la base du SMIC'; le contrat à temps partiel modulé ne permet pas de déroger à la nécessité de décompter les heures de travail réellement effectuées';

- La société n'a pas respecté le cumul de ses heures de délégation et ses heures de travail, ni ses disponibilités'; les heures de délégation font partie intégrante du temps de travail de M. P...'; l'unique bilan d'activité de juin 2008 ne renverse pas la présomption d'un contrat à temps plein';

- Le contrat de travail doit être qualifié de contrat à temps complet compte tenu du non respect de l'accord de modulation'; les modulations hautes et basses n'étaient pas respectées'; le salarié n'était pas informé du programme indicatif annuel et du planning prévisionnel dans les délais et était à la disposition de son employeur'; le contrat de travail à temps partiel modulé est présumé être un contrat à temps plein'; il appartient à la société MEDIAPOST de démontrer que le salarié pouvait prévoir son rythme de travail et n'était pas dans l'obligation de se tenir en permanence à sa disposition.

La SA MEDIAPOST réplique que le travail est organisé par la société et fait l'objet d'une quantification qui correspond au temps de la mission'; que s'agissant de la charge de la preuve de l'horaire effectué, elle repose sur les deux parties'; que les outils de contrôle mis en place démontrent que la société remplit l'ensemble de ses obligations légales'; que la signature de la feuille de route vaut acceptation et reconnaissance du temps de travail mentionné'; que M. P... avait connaissance de son planning prévisionnel'; qu'il reconnaît lui même la conformité de son temps de travail à son contrat de travail'; qu'il ne se tenait donc pas à la disposition de la société.

En application de l'article L. 3123-25 du code du travail dans sa version antérieure à la loi n°2008-789 du 20 août 2008, une convention ou un accord collectif de travail étendu ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire ou mensuelle peut varier dans certaines limites sur tout ou partie de l'année à condition que, sur un an, la durée hebdomadaire ou mensuelle n'excède pas la durée stipulée au contrat, que cette convention ou cet accord prévoit notamment :

5° Les limites à l'intérieur desquelles la durée du travail peut varier, l'écart entre chacune de ces limites et la durée stipulée au contrat de travail ne pouvant excéder le tiers de cette durée. La durée du travail du salarié ne peut être portée à un niveau égal ou supérieur à la durée légale hebdomadaire,

6° Les modalités selon lesquelles le programme indicatif de la répartition de la durée du travail est communiqué par écrit au salarié,

7° Les conditions et les délais dans lesquels les horaires de travail sont notifiés par écrit au salarié,

8° Les modalités et les délais selon lesquels ces horaires peuvent être modifiés, cette modification ne pouvant intervenir moins de sept jours après la date à laquelle le salarié en a été informé. Ce délai peut être ramené à trois jours par convention ou accord collectif de branche étendu ou convention ou accord d'entreprise ou d'établissement (...),

La convention collective de la distribution directe du 9 février 2004, en son chapitre IV, statuts particuliers, article 1.2 prévoit le recours au temps partiel modulé ainsi que la période d'appréciation de la variation, de la durée du travail en ces termes :

- 1.2 Dispositions relatives au temps partiel modulé

...La durée hebdomadaire ou mensuelle du travail peut varier au-dessous ou au-dessus de la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue au contrat dans la limite de 1/3 de cette durée. La durée hebdomadaire du travail du salarié ne peut être portée à un niveau égal ou supérieur à un temps plein à l'issue de la période de modulation. Un récapitulatif mensuel des heures travaillées est annexé au bulletin de paie.

Le programme indicatif de répartition de la durée du travail et les horaires de travail sont communiqués par écrit aux salariés concernés, au début de chaque période de modulation, selon les modalités définies au sein de chaque entreprise.

Sous réserve d'un délai de prévenance de 7 jours ouvrés, délai pouvant être exceptionnellement réduit à 3 jours ouvrés en cas d'accord d'entreprise prévoyant une contrepartie pour les salariés, les entreprises ou les établissements peuvent modifier la durée de l'horaire de travail ainsi que ses modalités de répartition initiales. Pour faire face à des situations imprévues ou des contraintes exceptionnelles, ce délai peut être réduit avec l'accord du salarié dans les cas suivants:

- surcroît temporaire d'activité ;

- travaux urgents à accomplir dans un délai limité ;

- absence d'un ou de plusieurs salariés.

L'article 2.2.3. Dispositions relatives au temps partiel modulé (cas particulier des distributeurs) de cette même convention précise que :

- Le décompte du temps de travail effectué par chaque salarié est récapitulé grâce aux feuilles de route ou bons de travail et application des dispositions de la grille de correspondance de la présente convention (annexe III).

Les entreprises doivent mettre en place au moins une fois par an une procédure de révision du niveau des volumes de distribution évalués en référencements horaires et qui correspondent aux rémunérations contractuellement garanties à chaque distributeur employé dans le cadre d'un contrat à temps partiel modulé.

Cette procédure doit s'appliquer à tous les salariés travaillant à temps partiel modulé présents durant les 12 mois écoulés précédant la date de révision.

Lors de cette révision, l'activité de chaque distributeur est analysée en fonction de la charge de travail moyenne hebdomadaire accomplie durant l'année écoulée, dans le cadre de la modulation (hors prestations additionnelles qui reposent sur le strict volontariat et qui font l'objet d'une prise en compte particulière). Il sera alors proposé au distributeur :

- soit de redéfinir cette durée en prenant en compte la durée moyenne découlant des distributions effectuées au cours de la période de modulation (hors prestations additionnelles qui repose sur le strict volontariat, cf.ci-après) ;

- soit de maintenir la durée prévue au contrat.

Dans ces deux cas, le distributeur dispose d'un délai de réflexion de 15 jours pour donner sa réponse.

En cas de refus, le distributeur conserve, pour l'année à venir, la durée contractuelle prévue à son contrat de travail à temps partiel modulé.

Toute proposition de réduction de la durée contractuelle garantie par l'employeur est constitutive d'une modification d'un élément essentiel du contrat de travail.

L'accord d'entreprise de MEDIAPOST en date du 22 octobre 2004 prévoit que':

- Article 2.2 Calendriers individualisés': Le calendrier individuel indiquera la répartition du temps de travail sur l'année, sur la base de fourchette de temps et sera communiqué aux intéressés par voie d'affichage au moins 15 jours avant le début de chaque période de modulation'; chaque semaine, il sera remis aux salariés le programme horaire précis pour la semaine suivante'; ce nombre d'heures sera inscrit dans les feuilles de route remises aux distributeurs avant chaque distribution et signées par eux'; dans l'hypothèse où un salarié serait, par ailleurs, titulaire d'un contrat de travail dans une autre entreprise, celui-ci doit impérativement indiquer ses jours de disponibilité afin q'il en soit tenu compte pour l'élaboration de son calendrier'; dans ce cas, le salarié indique le nombre d'heures hebdomadaires travaillées au service de son autre employeur et ceci afin de respecter la durée maximale de travail autorisée'; dans tous les cas, il sera tenu compte de ces deux paramètres pour établir le calendrier du salarié.

- Article 2.3 Modification des horaires collectifs ou individuels de travail': Afin de faire face à des variations d'activité principalement d'origine commerciale modifiant la qualité de la semaine (haute, moyenne ou basse) pour plus des deux tiers des distributeurs et sous réserve d'un délai de prévenance de 7 jours ouvrés, délai pouvant être exceptionnellement réduit à 3 jours ouvrés, il est possible de modifier le calendrier indicatif de la plate forme après consultation des délégués du personnel.

Il est constant qu'en cas de non-respect des modalités selon lesquelles le programme indicatif de la répartition de la durée du travail est communiqué par écrit au salarié et des conditions et délai dans lesquels les horaires de travail sont notifiés par écrit au salarié, le contrat est présumé à temps complet'; qu'il incombe alors à l'employeur de rapporter la preuve que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

En l'espèce, le contrat de travail de M. P... stipule que l'horaire mensuel moyen est fixé à 26 heures, la durée pouvant varier de plus ou moins 8 heures, soit le tiers de la durée prévue'; qu'un «'calendrier indicatif indiquant la répartition du temps de travail sur l'année, sur la base de fourchettes de temps sera communiqué à M. P... au moins 15 jours avant le début de chaque période de modulation'»'; que dans tous les cas, le programme horaire sera conforme aux jours et heures de disponibilité déclarés par M. P... et figurant dans le dossier administratif'; que chaque semaine, il sera remis à M. P... le nombre d'heures précis pour la semaine suivante'; que le nombre d'heures précis sera inscrit sur les feuilles de route remises aux distributeurs avant chaque distribution'; que la signature de la feuille de route vaut acceptation de sa part des éléments qui la composent.

Par avenant en date du 27 avril 2007, l'horaire mensuel moyen a été augmenté à hauteur de 43,33 heures, la durée pouvant varier de plus ou moins 14 heures. Par avenant en date du 30 septembre 2008, l'horaire moyen mensuel a été fixé à 52 heures à compter du 1er octobre 2008, la durée pouvant varier de plus ou moins 17 heures. Par avenant en date du 31 octobre 2011, l'horaire moyen mensuel a été fixé à 60,66 heures à compter du 1er septembre 2009, la durée pouvant varier de plus ou moins 20 heures.

Il est constant que les heures de délégation sont de plein droit considérées comme temps de travail.

Il résulte des pièces versées au débat que M. P... a travaillé au delà de la variation du tiers de l'horaire mensuel fixé par le contrat de travail durant les mois de mai 2008 (69,27 heures), juin 2008 (69,44 heures), septembre 2008 (66,55 heures), novembre 2008 (72,17 heures), décembre 2008 (84,55 heures), avril 2009 (78,21 heures), décembre 2009 (80,88 heures), mars 2010 (84,88 heures), juin 2010 (82,31heures), février 2011 (98,80 heures), juin 2011 (86,04 heures), février 2012 (96,74 heures), octobre 2012 (86,06 heures).

La société MEDIAPOST n'établit pas avoir communiqué à M. P... le programme indicatif indiquant la répartition du temps de travail sur l'année, sur la base de fourchettes de temps au moins 15 jours avant le début de chaque période de modulation. Le «'planning indicatif individuel'» produit par la société pour la période de modulation répartissant les semaines selon la densité de l'activité (forte, moyenne ou faible) ne constitue pas le calendrier indicatif de répartition du temps de travail en ce qu'il ne mentionne nullement les jours travaillés et le nombre d'heures travaillées et en ce qu'il ne permet nullement à M. P... de planifier son activité. De surcroît M. P... établit que le planning indicatif pour la période de modulation du 1er juin 2013 au 31 mai 2014 lui a été envoyé le 22 mai 2013, soit moins de 15 jours avant le début de la période de modulation'; qu'il a reçu le planning de modulation pour la période 2014-2015 le 2 juin 2014, la période ayant déjà commencé le 1er juin'; qu'il a reçu le planning indicatif pour la période de modulation 2015-2016 le 26 mai 2015, soit 6 jours avant la période. Seuls les plannings pour les périodes 2016-2017 et 2017-2018 ont été reçus dans les délais, mais toujours sans indication de la répartition du temps de travail. La société n'établit pas davantage avoir remis, chaque semaine, à M. P... le programme horaire précis pour la semaine suivante, la signature de la feuille de route ne pouvant suppléer cette remise du programme dans le délai de prévenance prévu. Et les pièces du dossier établissent que de manière habituelle le planning de chaque semaine n'était par remis à M. P... 7 jours à l'avance et par exemple que M. P... a reçu le planning de la semaine le 6 décembre 2010 pour la semaine du 6 au 12 décembre 200, le 27 décembre 2010 pour la semaine du 27 décembre au 2 janvier 2011, le 11 juillet 2011 pour la semaine du 11 au 17 juillet 2011, le 18 juillet 2011 pour la semaine du 18 au 24 juillet 2011, le 4 février 2013 pour la semaine du 4 au 10 février 2013(...) Les constats d'huissier versés au débat ne concernent pas M. P....

Il est donc établi que ne sont pas réunies les conditions légales et conventionnelles du recours au contrat de travail à temps partiel modulé. Le contrat de travail de M. P... est en conséquence présumé à temps complet, sauf à la société MEDIAPOST de démontrer que le salarié n'était pas dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il travaillait et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de son employeur.

La société MEDIAPOST produit quelques feuilles de route qui n'établissent pas que pour les autres périodes non visées, les distributions étaient réalisées à des jours fixés par le responsable du dépôt en accord avec le salarié parmi les jours de disponibilité. En tout état de cause, à défaut de démontrer que M. P... recevait ses feuilles de route avec un délai de prévenance suffisant, la société MEDIAPOST n'établit pas que son salarié, dont la durée de travail variait de manière importante et de façon habituelle au-delà du tiers de la durée de travail stipulée au contrat de travail, n'était pas dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur. Le seul fait que M. P... ait signé le bilan d'activité 2008 qui précise que le contrat de travail actuel est de 10 heures par semaine, qu'il souhaite augmenter son temps de travail à 12 heures et que ses disponibilités supplémentaires sont du lundi au vendredi 7 heures par jour ne suffit pas à établir que les règles de la modulation du temps de travail partiel ont été respectées par l'employeur et que M. P... était en mesure de planifier la répartition de son temps de travail dans un délai préalable suffisant.

Il convient en conséquence de requalifier le contrat de M. P... en contrat à durée indéterminée à temps plein et d'infirmer le jugement entrepris.

Sur le rappel de salaire

Il s'ensuit que M. P... est fondé à réclamer un rappel de salaire sur la base d'un contrat de travail à temps plein.

Il résulte des pièces versées au débat et notamment des bulletins de paie que le rappel de salaire s'élève à la somme de':

- 66.383,29 € brut pour la période de mai 2008 à septembre 2016,

- 6.638,33 € brut au titre des congés payés afférents,

- 12.792,03 € brut pour la période de juillet 2017 à décembre 2018',

- 1.279,20 € brut au titre des congés payés afférents,

soit un total de 85.519,71 € brut à titre de rappel de salaire et 8.551,97 € euros brut au titre des congés payés afférents.

Sur le rappel de la prime d'ancienneté

La convention collective prévoit le versement d'une prime d'ancienneté et les modalités de calcul. Elle ne doit pas être inférieure à 2,33% pour deux ans d'ancienneté, 3,33% pour trois ans, 4,33% pour quatre ans et 5,33% pour 5 ans etc...

M. P... doit bénéficier de la prime d'ancienneté sur la base d'un temps plein. Au vu des pièces produites, le rappel de la prime d'ancienneté est d'un montant de 4.872,86 € brut et les congés payés afférents de 487,28 €.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

En application de l'article L.1222-1 du Code du travail, le contrat de travail est présumé exécuté de bonne foi, de sorte que la charge de la preuve de l'exécution de mauvaise foi dudit contrat incombe à celui qui l'invoque.

En l'espèce, en n'appliquant pas les dispositions légales et conventionnelles et en laissant fluctuer la durée du temps de travail, sans production d'un calendrier indicatif de modulation, ou sans production de ce calendrier dans un délai de prévenance raisonnable, la société MEDIAPOST a commis une faute qui a causé au salarié un préjudice en ce qu'il a dû se maintenir à la disposition de son employeur sans être rémunéré en contrepartie.

Dès lors, la société MEDIAPOST devra verser à M. P... la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. La décision entreprise sera infirmée.

Sur le rappel des frais de déplacement

Pour confirmation de la décision, M. P... soutient en substance que les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être remboursés sans pouvoir être imputés sur sa rémunération'; qu'il a signalé à plusieurs reprises à son employeur que le kilométrage effectué ne correspondait pas aux frais de déplacement réglés'; que sur la base du barème fiscal kilométrique 2011 applicable pour les déplacements de 2010, la société MEDIAPOST devra régler la somme de 117,18 € net pour un véhicule de 3CV et pour mois de 5000 kilomètres par an.

La société MEDIAPOST réplique en exposant que les indemnités kilométriques figurent sur les bulletins de paie et ont été réglées'; que M. P... n'établit pas qu'il a effectué un nombre de kilomètres plus important.

En application de l'article 1315 ancien du Code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

En l'espèce, M. P... ne rapporte pas la preuve des frais kilométriques exposés et non payés et procède par simple allégation. C'est donc à tort que les premiers juges lui ont alloué la somme de 117,18 euros au titre des frais kilométriques de 2010. La décision sera donc infirmée.

Sur les dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de la minoration des indemnités journalières versées par la CPAM

M. P... soutient en substance qu'il a été plusieurs mois en arrêt maladie'; que la société MEDIAPOST l'ayant de manière fautive rémunéré sur la base d'un temps partiel, cette faute l'a privé d'une partie des indemnités journalières auxquelles il pouvait prétendre.

La société MEDIAPOST ne réplique pas sur ce point.

Il résulte des pièces versées au débat que M. P... a été placé en arrêt maladie de juillet 2013 à mars 2014. Il a dû percevoir les indemnités journalières sur la base d'un travail à temps partiel. Compte tenu de la requalification du contrat de travail en contrat à temps plein, M. P... aurait dû percevoir des indemnités journalières sur la base d'un temps plein. Le non respect des dispositions applicables au contrat de travail modulé à temps partiel a privé M. P... de la chance de percevoir les dites indemnités. Cependant, M. P... ne justifie pas du montant des indemnités journalières perçues et ne donne aucun élément de calcul de son préjudice. Il convient donc de le débouter de sa demande. La décision entreprise sera donc confirmée par substitution de motif.

Sur la capitalisation des intérêts

En application de l'article 1343-2 du Code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lorsqu'elle est régulièrement demandée. En l'espèce, il doit être fait droit à cette demande.

Sur la remise des documents

La société MEDIAPOST devra remettre à M. P... un bulletin de salaire rectifié et une attestation pôle emploi conformes à la présente décision sans qu'il y ait lieu à astreinte.

Sur les frais irrépétibles

La société MEDIAPOST sera condamnée aux entiers dépens et devra verser la somme de 1.500€ à M. P... en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement,

et statuant à nouveau,

REQUALIFIE le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein,

CONDAMNE la SA MEDIAPOST à verser à M. P... les sommes suivantes':

- 85.519,71 € brut à titre de rappel de salaire,

- 8.551,97 € brut au titre des congés payés afférents,

- 4.872,86 € brut à titre de rappel de la prime d'ancienneté,

- 487,28 € brut au titre des congés payés afférents,

- 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud'hommes, les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue,

ORDONNE la capitalisation des intérêts,

CONDAMNE la SA MEDIAPOST à remettre à M. P... un bulletin de paie récapitulatif et une attestation pôle emploi conformes à la présente décision,

DEBOUTE M. P... du surplus de ses demandes,

CONDAMNE la SA MEDIAPOST aux entiers dépens,

CONDAMNE la SA MEDIAPOST à verser à M. P... la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 16/09854
Date de la décision : 26/04/2019

Références :

Cour d'appel de Rennes 08, arrêt n°16/09854 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-04-26;16.09854 ?
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