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22/02/2019 | FRANCE | N°16/07637

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 22 février 2019, 16/07637


8ème Ch Prud'homale








ARRÊT N°72





N° RG 16/07637


N° Portalis DBVL-V-B7A-NLXE




















M. J... A...





C/





SAS CAPACITES


























Confirmation























Copie exécutoire délivrée


le :





à :









RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE RENNES


ARRÊT DU 22 FEVRIER 2019








COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :





Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,


Madame Isabelle LECOQ-CARON, Conseillère,


Monsieur Emmanuel ROCHARD, Conseiller,





GREFFIER :





Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°72

N° RG 16/07637

N° Portalis DBVL-V-B7A-NLXE

M. J... A...

C/

SAS CAPACITES

Confirmation

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 22 FEVRIER 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Conseillère,

Monsieur Emmanuel ROCHARD, Conseiller,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 11 Janvier 2019

devant Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 22 Février 2019 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur J... A...

né le [...] à AULNAY SOUS BOIS (93)

demeurant [...]

ayant Me Yvonnick GAUTIER de la SCP GAUTIER/LHERMITTE, Avocats au Barreau de RENNES, pour postulant et représenté par Me Camille DELAHAYE substituant à l'audience Me Eric MARLOT de la SELARL MARLOT, DAUGAN, LE QUERE,, Avocats plaidants du Barreau de RENNES

INTIMÉE :

La SAS CAPACITES prise en la personne de son représentant légal, ayant son siège social :

[...]

[...]

Représentée par Me Marine GALLAIS substituant à l'audience Me Séverine DEVOIZE de la SELARL BRETLIM, Avocats au Barreau de SAINT-NAZAIRE

M. J... A... a été engagé le 2 avril 2012 par la SAS CAPACITÉS, filiale de l'Université de NANTES spécialisée dans la recherche-développement en sciences physiques et naturelles, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en qualité d'ingénieur d'études, statut cadre, et percevait une rémunération mensuelle de 3 634,55 € pour 151,67 heures. Il exerçait sa mission en télétravail à son domicile.

Le 18 août 2015, M. A... a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 28 août 2015, avant d'être licencié pour motif personnel le 4 septembre 2015, pour critiques systématiques concernant les orientations stratégiques et commerciales et attitude négative et revendicative.

Il a saisi le conseil de prud'hommes de SAINT-NAZAIRE le 17 septembre 2015, pour voir qualifier le licenciement pour motif personnel en licenciement pour motif économique individuel, prononcer la nullité du licenciement pour harcèlement moral et obtenir le règlement de diverses sommes :

- 18.762,55 € au titre de rappel d'heures supplémentaires,

- 43.614 € au titre de l'indemnité minimale pour nullité du licenciement économique,

- 21.807 € au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- 750 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Dépens,

- Indexation des demandes pécuniaires sur l'intérêt légal,

- Exécution provisoire.

La cour est saisie d'un appel régulièrement formé par M. A... le 10 octobre 2016 contre le jugement du 20 septembre 2016, par lequel le conseil de prud'hommes a :

' Dit que le licenciement de M. A... repose sur un motif personnel et non sur un motif économique individuel,

' Dit que le licenciement de M. A... repose sur une cause réelle et sérieuse,

' Débouté M. A... de sa demande de nullité de son licenciement pour harcèlement moral,

' Débouté M. A... de l'intégralité de ses autres demandes,

' Condamné M. A... à verser à la SAS CAPACITÉS la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu l'avis de fixation du fixant la clôture de la procédure au 20 novembre 2018 et l'audience de plaidoiries au 11 janvier 2019,

Vu les écritures du 26 octobre 2018, M. A... demande à la cour de:

' Infirmer le Jugement du Conseil de Prud'hommes de SAINT-NAZAIRE en toutes ses dispositions,

' Dire que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse,

' Condamner en conséquence, la Société CAPACITES au paiement de la somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts,

En toutes hypothèses,

' Condamner la Société CAPACITES à payer à M. A... les somme suivantes :

- 17.206,27 € au titre des heures supplémentaires effectuées non payées,

- 1.720,62 € de congés payés afférents,

- 1.072, 02 € au titre de l'indemnité de télétravail.

- 21.807,30 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 10.000 € à titre de dommages et intérêts au regard de l'exécution déloyale du contrat de travail et du caractère vexatoire de la rupture,

- 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

' Condamner la Société CAPACITES aux entiers dépens.

Vu les écritures du 9 février 2018, la SAS CAPACITÉS demande à la cour de :

' Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de SAINT NAZAIRE en date du 20 septembre 2016,

' Débouter M. A... de l'intégralité de ses demandes,

' Condamner M. A... à verser à la Société la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

' Condamner M. A... aux dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les heures supplémentaires :

Pour infirmation et condamnation de son employeur à lui verser un rappel au titre des heures supplémentaires, M. J... A... fait valoir en substance qu'ainsi que le reconnaît son employeur, il a toujours adressé à son supérieur et à la responsable administrative et financière ses relevés d'heures qui mettaient en évidence l'exécution d'heures supplémentaires, que l'employeur bien qu'informé ne s'y est pas opposé et ne peut se prévaloir de l'exécution des tâches en télétravail pour s'affranchir de ses obligations, alors qu'il était tenu de s'assurer du respect de la réglementation sur le temps de travail et de définir des plages de travail.

Pour confirmation et débouté de M. A..., la SAS CAPACITES soutient que l'intéressé revendique le paiement d'heures supplémentaires accomplies sur la période avril 2012 - 7 décembre 2015 sans apporter aucun justificatif des horaires accomplis sur cette période, alors que la Société a toujours indiqué à ses salariés que le temps de travail était établi à 38.5 heures et que les heures supplémentaires ne pouvaient être faites qu'à la demande expresse du supérieur hiérarchique, comme cela lui a été rappelé par mail le 16 juillet 2015, (P13 employeur) qu'une plage de disponibilité avait été définie avec le salarié, que pendant toute la relation de travail, M. A... a adressé à la Responsable Administrative des rapports d'activité qui n'avaient pour seul but que de déterminer que la part d'activité pouvant relever du Crédit Impôt Recherche, sans qu'il puisse s'agir d'un décompte du temps de travail mentionnant le moindre horaire, qu'en outre compte tenu de sa situation de télétravail, son temps de travail dont la gestion était sous sa propre responsabilité, était invérifiable par l'employeur.

Selon l'article L. 3121-10 du Code du Travail, la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaines civile ; l'article L. 3121-22 énonce que les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l'article L. 3121-10, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25% pour chacune des huit premières heures supplémentaires, les heures suivantes donnant lieu à une majoration de 50 % ;

Une convention ou un accord de branche étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir un taux de majoration différent qui ne peut être inférieur à 10%;

Aux termes de l'article L.3171-4 du Code du Travail , en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures supplémentaires, d'étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, la preuve contraire ;

La règle selon laquelle nul ne peut se forger de preuve à soi même n'est pas applicable à l'étaiement (et non à la preuve) d'une demande au titre des heures supplémentaires et que le décompte précis d'un salarié, qui permet à l'employeur de répondre en fournissant les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, est de nature à étayer la demande de ce dernier ;

En l'espèce, si en application du paragraphe de l'extrait BOI-BIC-RICI-10-10-20-20-20160706 du 06 juillet 2016, les entreprises doivent pouvoir établir avec précision et rigueur le temps réellement et exclusivement passé à la réalisation d'opérations de recherches, toute détermination forfaitaire étant exclue, cette circonstance est insuffisante à établir que l'employeur qui avait déterminé avec le salarié, une plage de disponibilité de 9h à 21h, avait une réelle connaissance des horaires effectivement réalisés au delà de l'horaire contractuel, par M. J... A... , la preuve n'étant pas rapportée que M. L... en était destinataire.

Ceci étant, les décomptes produits qui précisent la répartition horaire des différentes missions réalisées par M. J... A... et la proportion précise des heures affectées à la recherche dans le but de permettre de vérifier que le néo-docteur est bien employé à des missions justifiant l'octroi du crédit emploi recherche, ne constituent pas des éléments de nature à étayer la demande de l'intéressé dès lors qu'ils se bornent semaine par semaine à déclarer le nombre d'heures et la proportion afférente de chaque tâche, sans la moindre précision sur les heures de début ou de fin de journée et de pause méridienne, ne permettant pas de la sorte à l'employeur de répondre en fournissant le cas échéant les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer la décision entreprise et de débouter M. J... A... des demandes formulées à ce titre et par voie de conséquence de le débouter de sa demande au titre du travail dissimulé.

Sur la prise en charge du coût du télétravail :

M. J... A... fait valoir qu'en application de l'article L.1222-10 du Code du travail, l'employeur doit prendre en charge les coûts directement engendrés par le télétravail et doit ainsi verser à son salarié une indemnité de télétravail, qu'aucune indemnité ne lui a jamais été versée alors que le caractère d'ordre public des dispositions précitées fait obstacle à la faculté de l'employeur de se prévaloir du courrier par lequel le salarié le décharge de ce coût.

En application des dispositions de l'article L.1222-10 du Code du travail, "tous les coûts découlant directement de l'exercice du télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communication et outils, ainsi que la maintenance de ceux-ci" doivent être pris en charge par l'employeur.

En l'espèce, à l'appui de sa demande de débouté général, l'employeur ne développe aucune argumentation concernant l'indemnité de télétravail et ne formule aucune objection à l'encontre du montant de la demande, de sorte qu'il y a lieu de faire droit à la demande formulée à ce titre tant en son principe qu'en son montant.

Sur la rupture :

Pour infirmation et rupture abusive, M. J... A... fait plaider que les griefs qui lui sont imputés sont peu circonstanciés, vagues et imprécis sans qu'il soit démontré qu'ils sont relatifs à des faits non atteints par la prescription, qu'au contraire ces faits sont tous antérieurs à mai 2015, que l'employeur ne peut échapper aux effets de la prescription en soutenant que le licenciement ne serait pas disciplinaire.

M. J... A... ajoute que les griefs fondés sur une prétendue critique systématique des orientations stratégiques et commerciales de son supérieur, sur une prétendue remise en cause de M. L... ou une attitude négative et revendicative, sont formulés à son encontre dans un contexte où la pérennité de son emploi n'est plus assurée, qu'il n'avait jamais fait l'objet de remarque ou de sanction avant la fin du crédit d'impôt, qu'il ne peut lui être imputé une prétendue dégradation du climat social liée aux difficultés de ses collègues et supérieurs à travailler avec lui, alors qu'il exerce ses missions en télétravail et que ses collègues intervenaient dans un secteur totalement distinct, qu'aucun élément n'est versé sur les difficultés alléguées de communication ou de transmission de l'information, qu'il n'est pas possible de le licencier sur le seul contenu des échanges de courriels du 29 avril 2015 qui ne comportent aucune critique formulée "avec virulence, mépris et manque de respect de certain" des décisions de M. L..., permettant de qualifier ses propos d'irrévérencieux voire de méprisants, alors que la nature et l'ancienneté de leurs relations laissaient place à une aisance verbale dans les échanges ;

M. J... A... estime par ailleurs qu'il ne peut lui être fait grief de s'opposer aux orientations de sa hiérarchie, alors qu'il a lui-même suggéré la nécessité de recruter un commercial qu'il a d'ailleurs souhaité rencontrer en vain, qu'il ne peut lui être reproché de s'être soucié de l'avenir de son emploi en proposant un développement au Mexique avec lequel un partenariat existait déjà, de sorte que c'est en réalité son refus de signer l'avenant élargissant ses missions à des fonctions commerciales pour autofinancer son salaire qui est à l'origine de la volonté de son employeur de s'en séparer.

La SAS CAPACITES réplique que le licenciement de M. J... A... n'a pas un caractère disciplinaire, qu'il tire seulement les conséquences de l'accumulation de faits ne permettant plus son maintien dans l'entreprise, arguant de ce que M. J... A... critiquait systématiquement les orientations stratégiques et commerciales prises par M. L... responsable de la cellule, y compris en le dénigrant et en tenant à son égard des propos irrévérencieux, en lui imputant notamment l'origine des difficultés de la cellule, que tout en refusant de s'occuper de l'aspect commercial, M. J... A... qui ne va pas accepter de ne pas être au sein de la cellule, l'interlocuteur de la personne recrutée en qualité de Responsable du développement économique, ne va cesser d'interpeller son employeur sur un ton délibérément polémique, qu'il va également démontrer une certaine incapacité à accepter les décisions prises par son supérieur, comme le démontre son obstination à vouloir développer une mission sur le Mexique.

La SAS CAPACITES précise que le comportement particulier et le mode de communication fermé de M. J... A... ne lui ont pas permis de s'insérer dans le cadre d'un travail en équipe ni de dégager d'axe de développement possible en mettant en place des échanges constructifs, que la rupture de son contrat de travail résulte de son incapacité à s'adapter à son environnement professionnel et non pas à des difficultés économiques qui ne sont pas avérées.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

En application des dispositions de l'article L1332-4 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut, à lui seul, donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au delà de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; lorsqu'un fait fautif a eu lieu plus de deux mois avant le déclenchement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur de rapporter lui-même la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de la procédure disciplinaire, mais l'existence de faits commis dans cette période permet l'examen de faits plus anciens relevant du même comportement, reproduits dans la période ;

Il résulte notamment de ces principes que seuls les faits dénoncés dans la lettre de licenciement doivent être pris en compte à condition qu'ils ne soient pas antérieurs de plus de deux mois à l'engagement de la procédure, exclusion faite de faits relevant éventuellement du même comportement s'ils n'ont pas été invoqués, exclusion faite plus encore de faits relevant d'un autre comportement, spécialement s'ils sont antérieurs de plus de deux mois

La lettre de licenciement qui circonscrit les limites du litige et qui lie le juge, est ainsi rédigée :

« Ce licenciement est justifié par vos critiques systématiques concernant les orientations stratégiques et commerciales prises par le responsable de la cellule « I-Réalité » et par une remise en cause régulière de son autorité hiérarchique.

Cette remise en cause se matérialise par de longs débats, souvent stériles, et par l'envoi régulier de mails polémiques qui insupportent tous vos interlocuteurs et génère un stress inacceptable.

De nombreux collaborateurs se plaignent régulièrement de votre attitude ouvertement négative et revendicative.

Un tel comportement est insupportable dans la mesure où vous avez clairement refusé (ce qui est votre droit le plus strict) d'étendre vos missions à de la prospection afin d'assurer l'équilibre financier de la cellule alors qu'il s'agit d'un enjeu important pour la cellule.

Nous vous avons demandé à plusieurs reprises d'être vigilant sur ces sujets et d'être constructif dans vos échanges. Malheureusement nous sommes au regret de constater qu'aucun changement n'est intervenu au cours des dernières semaines ; bien au contraire,' De plus, la performance de la cellule passe inévitablement par une bonne transmission de l'information. Or, nous sommes au regret de constater que vous rencontrez de grandes difficultés à transmettre aux autres membres de la cellule les informations sur lesquelles vous travaillez et à communiquer sereinement et sans polémiquer avec eux.

Chacun redoute aujourd'hui de travailler avec vous. »

En l'espèce, les faits tels que relevés dans la lettre de licenciement pour justifier la mesure prise à l'encontre de M. J... A..., ne revêtent pas de caractère disciplinaire dans la mesure où s'ils caractérisent effectivement une attitude générale négative et potentiellement préjudiciable à la société, ils ne constituent pas pour autant des manquements pouvant être qualifiés d'insubordination, de sorte que M. J... A... n'est pas fondé à opposer à son employeur la prescription des faits auxquels ils se rapportent.

En l'espèce, il résulte des pièces produites aux débats et en particulier des nombreux échanges de courriels tant entre l'appelant et M. L... son supérieur direct (p 4 et 11employeur), qu'avec M.V... Président Directeur Général Délégué de la SAS CAPACITES (p 6,7,8 et 9 employeur), qu'au travers de ses écrits, M. J... A... critique de manière quasi-systématique les orientations définies par son employeur ou les instructions qui peuvent lui être données en employant pour ce faire un ton délibérément polémique, émaillé à de nombreuses reprises de sous-entendus plus ou moins explicites sur les conséquences de l'engagement politique supposé de son supérieur (p12 notamment) et de propos méprisants à l'égard des scientifiques fonctionnaires, imputant accessoirement à M.TRICHET d'avoir mis son nom sur des publications scientifiques qu'il n'avait peut être même pas lues.

Le ton des courriels adressés par M. J... A... à M. L..., que ne peuvent justifier ni l'antériorité de leurs relations, ni la liberté de ton reconnue à tout cadre dans une entreprise et le refus du salarié de mettre un terme à ce type d'échanges en dépit des injonctions de M. L... et M. V... constitue à lui seul une cause réelle et sérieuse de licenciement, sans qu'il soit nécessaire de suivre M. J... A... dans ses développements sur un prétendu motif économique de son licenciement.

Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris de ce chef et de débouter M. J... A... des demandes formulées à ce titre, y compris celle relative au caractère vexatoire du licenciement.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

A l'appui des prétentions formulées à ce titre, M. J... A... fait essentiellement valoir que la société a détourné le contrat signé de son objet en voulant lui faire signer un avenant adjoignant des fonctions d'ingénieur d'affaires aux fonctions de chercheur pour lesquelles les crédits emplois recherche avaient été octroyés.

La SAS CAPACITES réfute l'argumentation développée par le salarié, exposant qu'en réalité elle aurait pu se passer de lui soumettre un avenant, dans la mesure où les missions y figurant font partie intégrante des missions d'ingénieur de recherches, qu'elle a surtout voulu sortir M. J... A... de son isolement et pérenniser son emploi.

En application des dispositions de l'article L. 1222-1 du Code du travail, le contrat de travail est présumé exécuté de bonne foi, de sorte que la charge de la preuve de l'exécution de mauvaise foi dudit contrat incombe à celui qui l'invoque.

En l'espèce, le fait pour un employeur de soumettre à un salarié qui a été employé dans le cadre d'un contrat bénéficiant d'un financement au titre des crédits emploi recherche, un avenant destiné à lui permettre de poursuivre sa mission au delà de la période financée, ne peut en soi constituer une exécution déloyale du contrat de travail, la recherche de financement étant de surcroît un des aspects dont le chercheur ne peut s'abstraire, que se soit sous forme de partenariat ou au travers de réponse à des appels d'offre concernant des projets, ou même sur initiative personnelle, de sorte que M. J... A... ne peut tirer argument du fait que s'il avait eu connaissance de ce risque d'évolution de ses fonctions, ne s'y serait pas engagé, pour prétendre que l'employeur a exécuté de mauvaise foi son contrat de travail.

Il y a lieu en conséquence et sous le bénéfice de l'appréciation ci-dessus sur les conditions vexatoires du licenciement, de le débouter de la demande formulée à ce titre.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Les éléments de la cause justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

et y ajoutant,

CONDAMNE la SAS CAPACITES à verser à M. J... A... :

- 1.072, 02 € au titre de l'indemnité de télétravail.

- 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

RAPPELLE que la somme de nature salariale portera intérêts au taux légal à compter de la date de présentation de la demande en cause d'appel,

ORDONNE l'éventuelle capitalisation des intérêts,

CONDAMNE la SAS CAPACITES aux dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 16/07637
Date de la décision : 22/02/2019

Références :

Cour d'appel de Rennes 08, arrêt n°16/07637 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-22;16.07637 ?
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