2ème Chambre
ARRÊT N° 489
N° RG 15/04839
Société LOIRE ATLANTIQUE DEVELOPPEMENT SELA
C/
M. Guy X...
Mme Yvette X...
M. Luc Olivier Y...
Mme Josette Y...
Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Z...
Me A...
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 28 SEPTEMBRE 2018
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:
Monsieur Joël CHRISTIEN, Président, rédacteur,
Madame Isabelle LE POTIER, Conseillère,
Madame Pascale DOTTE-CHARVY, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Marlène ANGER, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 12 Juin 2018
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 28 Septembre 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
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APPELANTE :
Société LOIRE-ATLANTIQUE DEVELOPPEMENT - SELA
[...]
Représentée par Me François-Xavier Z... de la SELARL C.V.S., Postulant, avocat au barreau de RENNES
Assistée par Me Christian NAUX de la SELARL C.V.S., Plaidant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉS :
Monsieur Guy X...
[...]
Représenté par Me Antoine A... de la SELARL PUBLI-JURIS, avocat au barreau de NANTES
Madame Yvette X...
[...]
Représentée par Me Antoine A... de la SELARL PUBLI-JURIS, avocat au barreau de NANTES
Monsieur Luc Olivier Y...
[...]
Représenté par Me Antoine A... de la SELARL PUBLI-JURIS, avocat au barreau de NANTES
Madame Josette Y...
[...]
Représentée par Me Antoine A... de la SELARL PUBLI-JURIS, avocat au barreau de NANTES
****
EXPOSÉ DU LITIGE
Par délibération de son conseil municipal du 14 octobre 2003, la commune de Nort-sur-Erdre a créé la [...] et, selon traité du 3 novembre 2004, son maire a concédé à la Société d'équipement de la Loire-Atlantique, à présent dénommée Loire-Atlantique développement-SELA (la SELA), les travaux d'aménagement en vue de la réalisation d'un lotissement.
Corrélativement, les époux X..., propriétaires d'une parcelle cadastrée section [...] située en bordure extérieure du périmètre de la ZAC, ont régularisé une déclaration de division parcellaire n'ayant, selon arrêté municipal du 2 septembre 2011, fait l'objet d'aucune opposition et, en vue de viabiliser la nouvelle parcelle cadastrée n°[...], ils ont, par convention d'offre de concours du 1er août 2011, confié à la SELA la réalisation de travaux de desserte en voirie et réseaux divers moyennant le prix de 23920 euros TTC payable à raison d'un acompte de 2390 euros à la signature du marché et le solde de 20000 euros à la signature de l'acte de vente.
Prétendant que, ni les époux X..., ni les époux Y..., auxquels la parcelle viabilisée a été vendue le 24 janvier 2012, n'avaient accepté de régler le solde de l'offre de concours en dépit de mises en demeure des 26 juin et 13 juillet 2012, la SELA les a, par acte du 18 avril 2013, fait assigner en paiement devant le tribunal de grande instance de Nantes.
Par jugement du 16 avril 2015, le premier juge a:
rejeté l'exception d'incompétence du tribunal de grande instance au profit du tribunal administratif soulevée par les époux X... et les époux Y...,
débouté la SELA de sa demande au motif qu'elle n'apportait pas la preuve des travaux dont elle demandait le paiement,
condamné la SELA au paiement d'une indemnité de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
ordonné l'exécution provisoire de la décision.
La SELA a relevé appel de ce jugement le 19 juin 2015, en demandant à la cour de:
condamner les époux X..., ou subsidiairement les époux Y..., au paiement de la somme de 21530 euros correspondant au solde des sommes restant dues en application de l'offre de concours du 1er août 2011, avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure,
autoriser la capitalisation des intérêts à compter de la mise en demeure du 2 mai 2012,
en tout état de cause, condamner solidairement, ou l'un à défaut de l'autre, les époux Y... et X... au paiement d'une indemnité de 6000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Sans dire s'ils concluent à la confirmation ou à l'infirmation du jugement attaqué, les époux X... et les époux Y... demandent à la cour de:
débouter la SELA de ses demandes,
condamner la SELA à payer aux époux X... et Y..., ensemble, une somme de 10000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral,
condamner la SELA à payer aux époux Y... une somme de 10000euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice financier pour recours abusif ainsi qu'à une amende civile,
condamner la SELA au paiement d'une indemnité de 4000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour la SELA 3 avril 2018, et pour les époux X... et Y... le 5 avril 2018, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 26 avril 2018.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Les époux X... sollicitent leur mise hors de cause en arguant de ce qu'aux termes de l'acte de vente du 24 janvier 2012, les acquéreurs s'étaient engagés à supporter les frais de viabilisation et de voirie ainsi qu'à rembourser aux vendeurs l'acompte de 2390 euros versé à la SELA à la signature de la convention d'offre de concours du 1er août 2011.
La SELA fait cependant à juste titre valoir que l'acte de vente lui est inopposable et qu'elle est recevable à agir à titre principal contre ses cocontractants.
Pour s'opposer à la demande en paiement de la SELA, les intimés invoquent d'autre part une fin de non recevoir tirée de son défaut de qualité pour agir depuis que le traité de concession d'aménagement de la ZAC a été résilié le 19 août 2015 par la commune qui serait ainsi subrogée dans ses droits.
Cependant, la parcelle n°[...], dont la viabilisation a été confiée à la SELA, ne se situait pas dans le périmètre de la ZAC, et l'action de l'appelante n'est nullement fondée sur le traité de concession du 3 novembre 2004 mais sur la convention, distincte, d'offre de concours du 1er août 2011 régissant les relations de droit privé nouées avec les époux X... en marge de l'opération d'aménagement de la ZAC mais indépendamment de celle-ci.
Les époux X... et Y... soutiennent encore que la convention d'offre de concours serait dépourvue de base légale après l'annulation, par décision définitive du tribunal administratif de Nantes du 5 juillet 2017, de la concession d'aménagement du 9 novembre 2004 attribuée à la SELA sans mise en concurrence préalable, ainsi que de cause après l'annulation de la délibération de création de la ZAC par décision du Conseil d'État du 3 septembre 2009 à laquelle s'attache l'autorité de chose jugée.
Il vient cependant d'être souligné que l'offre de concours du 1er août 2011 a été conclue dans le cadre de relations de droit privé nouées avec les époux X... en marge de l'opération d'aménagement de la ZAC mais indépendamment de celle-ci.
Il ressort en effet du préambule de l'acte du 1er août 2011 que ces derniers se sont eux-mêmes rapprochés de la SELA afin qu'elle adapte les travaux d'aménagement de la ZAC voisine qui lui étaient confiés en vue de permettre une desserte de la parcelle pour la rendre constructible par une voirie et l'accès aux réseaux d'eaux potable et usée, d'électricité et de gaz, et que la SELA a accepté de réaliser ces travaux complémentaires en contrepartie d'un contribution financière des époux X... qui valorisaient ainsi leur terrain.
Il n'existe en outre aucune indivisibilité entre la décision de création de la ZAC, le traité de concession d'aménagement et la convention d'offre de concours, la circonstance que cette dernière se réfère à l'opération d'aménagement voisine ne suffisant pas à la priver de base légale au seul motif que l'attribution de la concession d'aménagement a lui-même été jugée illicite, ou de cause au motif que la décision de création de la ZAC a été annulée.
Les intimés prétendent aussi à tort que la convention d'offre de concours du 1er août 2011 serait irrégulière comme contrevenant aux dispositions de l'article L.332-6 du code de l'urbanisme qui interdit de percevoir sur les bénéficiaires d'autorisations de construire d'autres paiements que la taxe locale d'équipement, la contribution aux dépenses d'équipements publics et la redevance d'archéologie préventive.
Ce texte ne s'applique en effet pas aux bénéficiaires d'autorisation de division parcellaires dont l'opération est réalisée hors de toute demande de permis de construire.
La convention conclue entre la SELA et les époux X... pouvait donc légalement prévoir de mettre à la charge de ces derniers une participation financière en rémunération des travaux commandés, dès lors que cette prestation, étrangère aux opérations de construction réalisées sur le périmètre de la ZAC, n'avait pour objet que de viabiliser une parcelle née d'une division de leur fond en vue de la valoriser avant sa cession, et que le permis de construction n'a été accordé aux acquéreurs de la parcelle que le 20 septembre 2012, postérieurement à l'exécution des travaux de viabilisation.
Par ailleurs, la SELA démontre suffisamment devant la cour que les travaux commandés et facturés en exécution de la convention du 1er août 2011 ont été effectivement réalisés, ainsi que cela résulte du décompte général des travaux dressé par la société de maîtrise d''uvre et du procès-verbal de constat d'huissier du 29 juin 2015.
Au surplus, cette exécution effective des travaux résulte aussi des termes du courrier des époux Y... du 2 juillet 2012, lesquels contestaient leur prix mais non leur réalité et joignaient à leur lettre divers clichés photographiques en attestant, alors que le dossier d'étude d'impact de création de la ZAC révèle qu'avant ces travaux, la voie, alors dénommée chemin des vignes et devenue, selon les plans cadastraux produits, rue du sabotier, n'était pas viabilisée.
Enfin, les parties à la convention du 1er août 2011 sont convenues de fixer le prix des travaux à 20000 euros HT, soit 23920 euros TTC.
Alors que, selon l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, les époux X... ne sont donc pas fondés à contester la pertinence économique de ce prix.
Il seront donc condamnés, après déduction de l'acompte de 2390 euros, au paiement du solde de 21530 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 juin 2012 et capitalisation de ceux-ci par années entière à compter de la demande formée pour la première fois par conclusions d'appel du 18 septembre 2015.
La demande en paiement formée par les intimés au titre de leur préjudice moral et pour appel abusif est nécessairement dénuée de fondement, puisqu'il a été fait droit à la demande en paiement formée par la SELA.
Partie succombante, les époux X... supporteront la charge des entiers dépens de première instance et d'appel.
Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de la SELA l'intégralité des frais exposés par elle à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, à la charge des époux X....
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Infirme le jugement rendu le 16 avril 2015 par le tribunal de grande instance de Nantes en toutes ses dispositions;
Déclare l'action de la société Loire-Atlantique développement-SELA recevable;
Condamne les époux X... à payer à la société Loire-Atlantique développement-SELA la somme de 21530 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2012;
Autorise la capitalisation des intérêts par années entières à compter du 18 septembre 2015;
Condamne solidairement les époux X... à payer à la société Loire-Atlantique développement-SELA une somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne les époux X... aux dépens de première instance et d'appel ;
Accorde le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT