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19/12/2017 | FRANCE | N°17/03507

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 19 décembre 2017, 17/03507


1ère Chambre





ARRÊT N°510/2017



R.G : 17/03507-17/6361













SCI [Adresse 1]



C/



SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE HAUTS DE FRANCE ANCIENNEMENT DÉNOMMÉE CAISSE D'EPARGNE PICARDIE



















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée













Copie exécutoire délivrée



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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 19 DÉCEMBRE 2017





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Monsieur Marc JANIN, Conseiller,

Assesseur : Mada...

1ère Chambre

ARRÊT N°510/2017

R.G : 17/03507-17/6361

SCI [Adresse 1]

C/

SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE HAUTS DE FRANCE ANCIENNEMENT DÉNOMMÉE CAISSE D'EPARGNE PICARDIE

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 19 DÉCEMBRE 2017

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Monsieur Marc JANIN, Conseiller,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 Novembre 2017 devant Monsieur Marc JANIN, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 19 Décembre 2017 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

SCI SCI [Adresse 1] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Yann PAILLER de la SELARL BRITANNIA, avocat au barreau de BREST

INTIMÉE :

SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE HAUTS DE FRANCE ANCIENNEMENT DÉNOMMÉE CAISSE D'EPARGNE PICARDIE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Elisabeth PHILY de la SCP GLOAGUEN & PHILY, avocat au barreau de BREST

FAITS ET PROCÉDURE:

La Sa Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie, devenue la Caisse d'épargne et de prévoyance des Hauts-de-France (la banque), qui avait consenti, selon un acte notarié du 7 mars 2008, un prêt de 257 400 € à la Sci [Adresse 1], a fait délivrer à celle-ci, par voie de signification des 3 juin et 22 septembre 2015, deux commandements de payer valant saisie immobilière de bâtiments et parcelles situés à [Localité 3] (Finistère), lieudit '[Localité 4]', qui ont été publiés au service de la publicité foncière.

La banque a, faute de paiement, poursuivi la procédure de vente de l'immeuble saisi devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Brest.

Par jugement rendu le 7 février 2017, ce juge a:

dit que l'action de la banque n'est pas prescrite,

mentionné le montant de sa créance à la somme de 264 867,52 € avec intérêts postérieurs et accessoires jusqu'au jour du paiement,

ordonné la vente forcée du bien saisi aux conditions fixées dans le cahier des conditions de vente,

fixé l'audience à laquelle il y sera procédé au 27 juin 2017,

déterminé les modalités de visite de l'immeuble et de publicité de la vente,

dit que le coût du commandement est compris dans les frais soumis à taxe,

condamné la Sci [Adresse 1] à payer à la banque la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

dit que les dépens seront compris dans les frais soumis à taxe.

La Sci [Adresse 1] a interjeté appel de ce jugement le 10 mai 2017.

Par ordonnance rendue le 26 mai 2017 sur la requête de l'appelant mise au rôle de la cour sous le numéro RG 17/03507, l'affaire a été fixée à l'audience du 6 novembre 2017.

L'appelante a fait assigner la banque à comparaître par acte mis au rôle de la cour sous le numéro RG 17/06361.

Elle demande à la cour, pour les motifs développés dans ses dernières conclusions du 2 novembre 2017, auxquelles il sera renvoyé:

de réformer le jugement déféré,

de prononcer la déchéance des intérêts, et subsidiairement l'annulation de la stipulation concernant les intérêts conventionnels du prêt,

de prononcer en tout état de cause la déchéance du droit aux intérêts,

de fixer la créance de la banque à la somme de 132 908,63 €,

de condamner celle-ci à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

de la condamner aux entiers dépens.

Par dernières conclusions du 13 septembre 2017 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la banque demande à la cour:

de confirmer le jugement entrepris,

de condamner la Sci [Adresse 1] au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

subsidiairement, de fixer le montant de sa créance à la somme de 234 551,01 €, avec intérêts au taux légal,

de débouter la Sci [Adresse 1] du surplus de ses prétentions,

de la condamner aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION DE LA COUR:

Il convient de joindre les instances.

Seul le moyen tiré de l'irrégularité de la stipulation d'intérêts conventionnels figurant à l'acte de prêt est soumis à la cour.

Le juge de l'exécution a considéré que l'action en nullité de cette stipulation était prescrite au motif que le délai de prescription quinquennal avait couru à partir du jour, soit le 7 mars 2008, de la signature du contrat, lequel comprenait le relevé de compte mentionnant le coût du crédit consenti et dont la lecture par la Sci [Adresse 1] permettait donc à celle-ci de disposer de tous les éléments d'appréciation quant à la validité du taux effectif global stipulé.

L'acte authentique de prêt comporte en annexe les conditions particulières selon lesquelles, 'durant la phase d'amortissement, les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant dû, au taux d'intérêt indiqué... sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours'.

Si les engagements résultant d'une telle stipulation ne peuvent échapper à un professionnel de l'immobilier, ils ne peuvent être opposés à un emprunteur profane qui bénéficie des dispositions combinées des articles 1907 du Code civil et L. 313-1 et R. 313-1 du Code de la consommation relatives au calcul du taux effectif global, dont il résulte que le taux conventionnel doit, comme le taux effectif global, être calculé sur la base d'une année civile comptant 12 mois normalisés de 30,41666 jours chacun, soit 365/12, que l'année soit bissextile ou non.

Or, si la Sci [Adresse 1] a pour objet statutaire, comme toutes les sociétés civiles immobilières, l'acquisition de tous biens immobiliers, la gestion, la mise en valeur, l'administration, l'exploitation et la location de tous biens immobiliers dont elle pourrait être propriétaire, il est constant toutefois que, selon l'acte de prêt, celui-ci était consenti pour l'acquisition d'une maison à titre de logement, que la destination d'un prêt du type de celui qui a été souscrit est le financement de l'habitation de l'emprunteur, que le taux effectif global était déterminé conformément à l'article L. 313-1 du Code de la consommation, et que c'est bien à l'adresse du bien financé et saisi pris comme domicile qu'ont été délivrées, à la Sci [Adresse 1], en la personne de sa gérante, Madame [L] [L], laquelle y a été rencontrée et a reçu copie de l'acte, le commandement de payer valant saisie du 22 septembre 2015 et, le 29 septembre suivant, l'assignation pour l'audience d'orientation.

La Sci [Adresse 1] doit en conséquence être regardée comme un non professionnel de l'immobilier, qui ne pouvait nécessairement se convaincre par elle-même, à la seule lecture de l'acte de prêt, de l'irrégularité du taux d'intérêt conventionnel stipulé.

Dès lors, c'est à tort que le juge de l'exécution a considéré que le délai de prescription de l'action en nullité de clause de stipulation de l'intérêt conventionnel avait couru dès la signature de cet acte.

En outre, il est constant que la Sci [Adresse 1] avait, par ses conclusions déposées le 7 février 2017 devant le juge de l'exécution, sollicité à titre principal la déchéance des intérêts, et à titre subsidiaire seulement l'annulation de la stipulation des intérêts conventionnels.

Or une telle demande, fondée sur les articles L. 312-8 et L. 312-33 du Code de la consommation dans leur rédaction en vigueur au moment du contrat, est soumise à la prescription quinquennale édictée par l'article L. 110-4 du Code de commerce, dans les conditions prévues par l'article 26 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.

C'est donc dans le cas où la Sci [Adresse 1] aurait eu connaissance de l'irrégularité du taux d'intérêt conventionnel stipulé avant le 7 février 2012 que son action en déchéance des intérêts ou annulation de la stipulation des intérêts conventionnels serait prescrite.

Or, la Sci [Adresse 1] soutient que c'est lorsqu'elle a été conduite à consulter un professionnel du droit dans le cadre de l'instance ouverte par son assignation devant le juge de l'exécution qu'elle a connu l'irrégularité et la banque, qui soulève la fin de non recevoir tirée de la prescription, ne rapporte pas la preuve contraire.

Il en résulte que cette fin de non recevoir ne peut être valablement opposée aux demandes de la Sci [Adresse 1].

Au fond, il sera dit en effet que le calcul de l'intérêt sur la base d'une année bancaire de 360 jours ainsi que stipulé au contrat ne peut être opposé à l'emprunteur non-professionnel à l'égard duquel l'intérêt doit être fixé sur la base d'une année civile de 365 jours.

La sanction de l'irrégularité de la clause de stipulation d'intérêts est, selon les dispositions de l'article L. 312-33 du Code de la consommation applicable au contrat, la déchéance du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

Il est constant que le capital prêté à la Sci [Adresse 1] aux termes de l'acte de prêt du 7 mars 2008 était d'un montant de 257 400 €; le montant de chaque échéance de remboursement due au 1er de chaque mois était, de la première, le 1er avril 2008, à la cent dix neuvième, le 1er mars 2018, de 1 824,86 €.

Selon les conclusions de la banque devant le juge de l'exécution, la première échéance impayée est celle du 1er juin 2013, la somme de 1 155,96 € restant due sur cette échéance.

Il s'ensuit que la Sci [Adresse 1] avait, au 1er juillet 2013, réglé:

- en 2008: 9 x 1 824,86 € = 16 423,74 €,

- en 2009: 12 x 1 824,86 € = 21 898,32 €,

- en 2010: 12 x 1 824,86 € = 21 898,32 €,

- en 2011: 12 x 1 824,86 € = 21 898,32 €,

- en 2012: 12 x 1 824,86 € = 21 898,32 €,

- en 2013: (5 x 1 824,86 €) + (1 824,86 € - 1 155,96 €) = 9 793,20 €,

soit un total de 113 810,22 €.

Il résulte des relevés du compte ouvert pour effectuer les mouvements relatifs au remboursement produit par la banque, que celui-ci a été crédité, par divers versements opérés entre le 20 juin 2013 et le 5 mars 2014 pour un montant total de 11 350 €.

Le montant total des remboursements effectués par la Sci [Adresse 1] est en donc de:

113 810,22 € + 11 350 € = 125 160,22 €,

et le total restant dû est en conséquence de:

257 400 € - 125 160,22 € = 132 239,78 €.

La réduction du montant de la clause pénale par le jugement déféré à la somme de 100 €, ainsi que l'addition de frais de procédure pour un montant de 187,56 €, ne sont pas contestés devant la cour.

Il convient en définitive de faire droit à la demande de la Sci [Adresse 1] tendant à voir fixer le montant de la créance de la banque à la somme de 132 908,63 €.

Il n'y a pas lieu à indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les dépens d'appel seront à la charge de la banque.

PAR CES MOTIFS:

La cour,

Après rapport fait à l'audience;

Ordonne la jonction des instances mises à son rôle sous les numéros RG 17/03507 et RG 17/06361;

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a mentionné le montant de la créance de la Sa Caisse d'épargne et de prévoyance des Hauts-de-France pour un montant de 264 867,52 €;

Statuant à nouveau:

Mentionne le montant de la créance de la Sa Caisse d'épargne et de prévoyance des Hauts-de-France contre la Sci [Adresse 1] pour un montant de 132 908,63 €, outre intérêts postérieurs et accessoires jusqu'au jour du paiement;

Renvoie les parties devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Brest pour fixation de la date de l'audience d'adjudication et des modalités de visite et de publicité de l'immeuble saisi;

Rejette toutes autres demandes;

Condamne la Sa Caisse d'épargne et de prévoyance des Hauts-de-France aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17/03507
Date de la décision : 19/12/2017

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°17/03507 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-19;17.03507 ?
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