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24/06/2016 | FRANCE | N°15/02227

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre del'expropriation, 24 juin 2016, 15/02227


Chambre del'Expropriation





ARRÊT N° 19



R.G : 15/02227

15/03545













[Adresse 1]



C/



Mme [S] [U] [P] épouse [N] [Z] [L]

Mme [U] [N] [Z] [L] épouse [I]

M. [X] [N] [Z] [L]

M. [P] [N] [Z] [L]















Jonction +

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire délivrÃ

©e

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 24 JUIN 2016





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Jean-François DELCAN, Président,

Madame Christine GROS, Conseiller,

Madame Sylvie REBE, Conseiller,

...

Chambre del'Expropriation

ARRÊT N° 19

R.G : 15/02227

15/03545

[Adresse 1]

C/

Mme [S] [U] [P] épouse [N] [Z] [L]

Mme [U] [N] [Z] [L] épouse [I]

M. [X] [N] [Z] [L]

M. [P] [N] [Z] [L]

Jonction +

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 24 JUIN 2016

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Jean-François DELCAN, Président,

Madame Christine GROS, Conseiller,

Madame Sylvie REBE, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Françoise FOUVILLE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 18 Mars 2016

devant Monsieur Jean-François DELCAN, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

EN PRESENCE DE :

Monsieur le Commissaire du Gouvernement d'Ille et Vilaine

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 24 Juin 2016 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

COMMUNE DE PLEINE FOUGERES Représentée par son Maire en exercice, domicilié en cette qualité à la Mairie de PLEINE FOUGERES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Vincent LAHALLE de la SELARL LAHALLE/DERVILLERS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Madame [S] [U] [P] épouse [N] [Z] [L]

née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Claudine SCOTTO D'APOLLONIA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS

Madame [U] [N] [Z] [L] épouse [I]

née le [Date naissance 2] 1982 à [Localité 2]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Claudine SCOTTO D'APOLLONIA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [X] [N] [Z] [L]

né le [Date naissance 3] 1983 à [Localité 2]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représenté par Me Claudine SCOTTO D'APOLLONIA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [P] [N] [Z] [L]

né le [Date naissance 4] 1986 à [Localité 2]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représenté par Me Claudine SCOTTO D'APOLLONIA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS

********************

Les consorts [Z] sont propriétaires indivis des parcelles ZI [Cadastre 1] et [Cadastre 2], ZS [Cadastre 1] situées à [Localité 3]. Les deux premières sont partiellement incluses (47 597 m²) dans un emplacement réservé en zone 1AUL et en zone Npb.

Mme [S] [U] [P], veuve [N] [Z] [L], a mis en demeure la commune d'acquérir les parcelles, exerçant son droit de délaissement. L'offre lui paraissant insuffisante, sur la base d'une valeur unitaire de 1,50 € le mètre carré, elle l'a rejetée.

L'indivision [Z] a saisi le juge de l'expropriation. Par jugement du 19 décembre 2014, le juge de l'expropriation d'Ille-et-Vilaine a estimé que Mme [S] [Z], propriétaire en pleine propriété de la moitié des parcelles, avait qualité pour adresser au maire de la commune la demande de délaissement et que le mémoire de saisine ayant été établi au nom de tous les membres de l'indivision, il pouvait en être déduit qu'elle agissait pour le compte de l'indivision. Il a fixé la date de référence au 21 janvier 2011. À cette date, les parcelles étaient situées dans des zones inconstructibles. Il a rejeté la qualification de terrain à bâtir et a évalué les parcelles en fonction de leur situation privilégiée. Il a retenu une valeur unitaire de 3 € le mètre carré et a fixé les indemnités suivantes :

- parcelle ZI [Cadastre 1] : 5190 m² X 3 € = 15 570 €

- parcelle ZI [Cadastre 2] :

- en zone 1 AUL : 40 202 m² X 3 € = 120 606 €

- en zone Npb : 2205 m² X 3 € = 6615 €

Sous-total : 142 791 €

- abattement pour occupation (10 %) : 14 279,10 €

Solde : 128 511,90 €

Indemnité de remploi : 13 851,19 €

Total : 142 363,09 €

Le juge de l'expropriation a rejeté la demande d'emprise totale concernant la parcelle ZS [Cadastre 1]. Pour les autres parcelles, il a fait droit à cette demande et a retenu la valeur de la terre agricole (0,46 € le mètre carré). Il a fixé l'indemnité principale à 16 749,98 € pour les 36 413 m², a déduit l'indemnité d'occupation, soit un solde de 15 074,99 € et a fixé l'indemnité de remploi à 2507,49 €. Il a calculé le total général à 159 616,05 € (selon décision rectificative du 6 février 2015), a ordonné le transfert de propriété des parcelles ZI [Cadastre 1] et ZI [Cadastre 2] au profit de la commune de PLEINE-FOUGERES et a condamné la commune de PLEINE-FOUGERES à payer la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La commune de PLEINE-FOUGERES a interjeté appel le 18 mars 2015 (instance n° 15/2227).

Les consorts [Z] ont fait appel le 24 avril 2015 (instance n° 15/3545).

Par mémoire déposé le 12 juin 2015 et notifié aux autres parties les 17 et 18 juin 2015, la commune de PLEINE-FOUGERES soutient que la saisine du juge de l'expropriation était irrecevable car entachée d'irrégularité. Le droit de délaissement avait été adressé à la commune par Mme [S] [Z], seule. Elle n'avait pas le pouvoir d'engager l'indivision.

À titre subsidiaire, elle approuve la décision du premier juge ayant fixé la date de référence au 21 janvier 2011, date à laquelle une partie des parcelles ZI [Cadastre 1] et [Cadastre 2] se trouvait en zone 1AUL, inconstructible, correspondant à des espaces réservés aux sports et aux loisirs, et une partie de la parcelle ZI [Cadastre 2] en zone Npb qui n'autorise aucune construction. De plus, les réseaux publics ne permettent pas une desserte suffisante pour l'ensemble. Les terrains doivent être évalués en fonction de leur situation privilégiée. Selon les termes de comparaison, la commune retient une valeur unitaire de 1,80 € le mètre carré pour les parcelles classées en zone 1 AUL et 0,75 € le mètre carré pour les parcelles classées en zone Npb, soit une indemnité principale de 75 225,82 € après déduction de l'abattement pour occupation de 10 %, plus une indemnité de remploi de 8522,58 €. La commune sollicite la confirmation du jugement qui a rejeté la demande d'emprise totale de la parcelle ZS [Cadastre 1]. Pour les parcelles ZI [Cadastre 1] et [Cadastre 2], elle demande l'infirmation du jugement ; les consorts [Z] ne produisent aucune pièce permettant d'évaluer l'impact du délaissement sur l'ensemble de l'exploitation agricole. Subsidiairement, elle propose une valeur de 0,31 € le mètre carré, "terrain occupé". Elle s'oppose également à la demande de dépréciation du surplus. Elle demande une indemnité de 3500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par mémoire du 18 août 2015, notifié aux autres parties le 9 septembre 2015, les consorts [Z] se portent appelants incidents. Ils soutiennent que l'exercice du droit de délaissement effectué par Mme [Z] était régulier car elle est propriétaire de la moitié de tous les biens composant la masse indivise. Elle a agi dans l'intérêt de l'indivision de sorte que les autres indivisaires se sont joints ensuite à la saisine du juge de l'expropriation. Ils soutiennent que la date de référence doit être fixée au 13 décembre 2010, date à laquelle le plan local d'urbanisme a fixé et délimité le zonage des parcelles et l'emplacement réservé n° 1. Selon eux, la parcelle ZI [Cadastre 1] peut être qualifiée de terrain à bâtir et la parcelle [Cadastre 2] de "terrain hautement privilégié". Les parties classées en zone A sont des "terrains agricoles très privilégiés", comme la parcelle ZS [Cadastre 1] dans sa partie classée en zone NPb, et même "hautement privilégiée" pour sa partie classée en zone 1AUTa. Les termes de comparaison permettent de retenir une valeur de 30 € le mètre carré pour le terrain à bâtir, une valeur de 12 € le mètre carré pour le terrain privilégié, une valeur de [Cadastre 1] € le mètre carré pour le terrain agricole en zone A et NPb et une valeur de 12 € pour le terrain agricole en zone 1AUTa.

Les consorts [Z] demandent la fixation des valeurs suivantes :

Parcelle ZI [Cadastre 1] pour sa partie en zone 1AUL : 5190 m² X 30 € = 155 700 € et indemnité de remploi de 16 570 €

Parcelle ZI [Cadastre 2] pour sa partie en zone 1AUL : 42 407 m² X 12 € = 508 884 € et une indemnité de remploi de 51 888,40 €.

Ils requièrent l'emprise totale de la propriété qui subit un grave déséquilibre dans son exploitation. La surface restante est inférieure à la surface minimale d'installation. Les consorts [Z] demandent la fixation des valeurs suivantes :

Parcelles ZI [Cadastre 1] et [Cadastre 2] partiellement classées en zone A : 35 713 m² X [Cadastre 1] € = 71 426 € et une indemnité de remploi de 8142,60 €

Parcelle ZS [Cadastre 1] partiellement classée en zone 1AUTa : 29 235 m² X 12 € = 350 820 € et une indemnité de remploi de 36 082 €

Parcelle ZS [Cadastre 1] partiellement classée en zone NPb : 29 235 m² X [Cadastre 1] € = 58 470 € et indemnité de remploi de 6847 €.

Le montant total des indemnités sollicitées dans le cadre de la réquisition d'emprise totale s'élève à 531 787,60 €.

Les consorts [Z] demandent une somme de 8000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 11 août 2015, notifiées aux autres parties le 9 septembre 2015, le commissaire du gouvernement estime recevable la demande de délaissement. Aucune des parcelles ne peut recevoir la qualification de terrain à bâtir, à la date de référence du 21 janvier 2011. Il est proposé un prix unique de [Cadastre 1] € le mètre carré. Le commissaire du gouvernement estime que la demande d'emprise totale n'est pas fondée mais qu'il peut être admis une dépréciation du surplus pour les parcelles ZI [Cadastre 1] et [Cadastre 2].

Les parties ont déposé des mémoires complémentaires.

La commune de PLEINE-FOUGERES, par mémoire déposé le 3 novembre 2015 et notifié le 17 novembre 2015, soulève la déchéance du mémoire d'appel des consorts [Z], déposé le 18 août 2015, soit plus de trois mois après leur appel et l'irrecevabilité du mémoire en défense déposé le 18 août 2015 alors que le mémoire d'appel de la commune leur avait été notifié le 16 juin 2015. Par ailleurs, elle développe les règles du Code civil applicables à l'indivision. Elle répond sur certains termes de comparaison.

Les consorts [Z] répondent, par mémoire déposé le 15 février 2016, qu'ils ont respecté le délai de deux mois prévu par l'article R. 311-26 du code de l'expropriation et que, n'étant pas appelants principaux, ils n'étaient pas tenus par le délai de trois mois. Ils développent leurs observations sur la recevabilité de la mise en demeure d'acquérir faites par Mme [S] [Z]. Ils produisent, dans un nouveau mémoire du 29 février 2016 une attestation du mandat de procuration selon laquelle ils ont donné verbalement, lors d'une réunion familiale du 10 mai 2011, tous pouvoirs à leur mère pour adresser la mise en demeure d'acquérir à la commune.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour une bonne administration de la justice, il sera prononcé la jonction des dossiers n° 15/2227 et 15/3545.

Sur la déchéance de l'appel :

L'article R. 311-26 du code de l'expropriation prévoit qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans le délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.

Dans le dossier n° 15/3545, les consorts [Z] ont envoyé leur déclaration d'appel par pli recommandé le 24 avril 2015. Ils disposaient d'un délai de trois mois pour déposer leur mémoire. Or, ils n'ont pas déposé de mémoire d'appel. Leur premier mémoire est celui du 18 août 2015, intitulé "mémoire en réponse et d'appel incident".

En conséquence, la déclaration d'appel des consorts [Z] sera déclarée caduque.

Sur l'irrecevabilité du mémoire déposé par les consorts [Z] en août 2015 :

Le mémoire d'appel de la commune de PLEINE-FOUGERES a été notifié à l'avocat des consorts [Z] le 18 juin 2015 (date de réception de l'avis). Ces derniers disposaient d'un délai de deux mois pour déposer leur mémoire en réponse (article R. 311-26). Ils l'ont déposé le 18 août 2015. Ils ont déclaré, dans ce mémoire, faire appel incident. Le délai de réponse a été respecté. Le moyen d'irrecevabilité sera rejeté.

Sur l'irrecevabilité du mémoire complémentaire et des pièces déposées le 29 février 2016 :

Ce mémoire complémentaire est une réponse au mémoire de la commune de PLEINE-FOUGERES, notifié le 17 novembre 2015. Il ne contient pas de demande complémentaire ; il se limite à apporter des précisions et des justifications complémentaires en réplique au mémoire adverse. Le moyen d'irrecevabilité sera rejeté.

Sur l'irrecevabilité de la saisine du juge de l'expropriation :

L'article L. 230-1 du code de l'urbanisme prévoit que la mise en demeure de procéder à l'acquisition d'un terrain bâti ou non est adressée par le propriétaire à la mairie de la commune où se situe le bien. Elle mentionne les fermiers, locataires, ceux qui ont des droits d'emphytéose, d'habitation ou d'usage et ceux qui peuvent réclamer des servitudes.

L'article L. 230-3 dispose que la collectivité ou le service public qui fait l'objet de la mise en demeure doit se prononcer dans le délai d'un an à compter de la réception en mairie de la demande du propriétaire. En cas d'accord amiable, le prix d'acquisition doit être payé au plus tard deux ans à compter de la réception en mairie de cette demande.

A défaut d'accord amiable à l'expiration du délai d'un an mentionné au premier alinéa, le juge de l'expropriation, saisi soit par le propriétaire, soit par la collectivité ou le service public qui a fait l'objet de la mise en demeure, prononce le transfert de propriété et fixe le prix de l'immeuble. Ce prix, y compris l'indemnité de réemploi, est fixé et payé comme en matière d'expropriation, sans qu'il soit tenu compte des dispositions qui ont justifié le droit de délaissement.

En l'espèce, Mme [S] [U] [P] veuve [Z] a adressé, le 17 juin 2011, un courrier à la mairie de [Localité 3] dont l'objet était la mise en oeuvre du droit de délaissement des parcelles incluses dans l'emplacement réservé n° [Cadastre 1] et dans la zone 1 AUTa du plan local d'urbanisme (pièce n° 4). Dans ce courrier, elle se présentait comme la propriétaire de trois parcelles. Elle ne mentionnait pas le caractère indivis de ces biens.

Des échanges de courrier ont eu lieu jusqu'au 21 novembre 2012. À aucun moment, il n'est mentionné le caractère indivis des parcelles.

Les consorts [Z] ont saisi, ensemble, le juge de l'expropriation par mémoire du 30 janvier 2014.

L'attestation du notaire (pièces n° 7 et 8) établit que les parcelles concernées sont en indivision.

L'article 815-3 du Code civil prévoit que le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition.

L'existence d'un mandat tacite est présumée mais seulement pour les actes d'administration.

Pour un acte de disposition (et l'exercice du droit de délaissement est un acte de disposition), il faut un mandat express. En application de l'article 1985 du Code civil, il est possible de donner un mandat verbal, sauf à en prouver l'existence si besoin. Or, Mme [S] [U] [P] produit des mandats de procuration (pièces [Cadastre 1], 3 et 4 annexées à son mémoire du 29 février 2016) selon lesquelles chacun de ses enfants lui a donné mandat, à la suite d'une réunion du 10 mai 2011, de mettre la commune de PLEINE-FOUGERES en demeure d'acquérir les parcelles en indivision. Même en l'absence de ces mandats écrits, le premier juge avait pu déduire de la présence de tous les indivisaires dans le mémoire de saisine du 30 janvier 2014 qu'il avait été donné mandat verbal à Mme [S] [U] [P] pour exercer le droit de délaissement.

En conséquence, il est prouvé que la mise en demeure du 17 juin 2011 a été faite avec l'accord de tous les indivisaires. La procédure était régulière, notamment la saisine du juge de l'expropriation. Le moyen d'irrecevabilité sera rejeté.

Sur le fond :

La date de référence :

Il s'agit de la date à laquelle est devenue opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public le plan local d'urbanisme ou l'approuvant, le révisant ou le modifiant et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien. Le plan local d'urbanisme de la commune de PLEINE-FOUGERES a été approuvé par délibération du 13 décembre 2010. Cette approbation a été affichée en mairie et publiée dans un journal agréé le 21 janvier 2011. Le premier juge a retenu, à juste titre, cette date.

L'usage effectif des parcelles :

La partie de la parcelle ZI [Cadastre 1], incluse dans l'emplacement réservé (5190 m²), se trouve en zone 1AUL. Il en est de même pour une partie de la parcelle ZI [Cadastre 2] (40 202 m²) dont la pointe sud-est (2205 m²) se trouve en zone Npb.

La zone 1AUL est une zone naturelle où ne sont autorisées que les constructions ou installations nécessaires au fonctionnement des services publics, les constructions ou installations à usage des activités sportives de loisirs, les équipements scolaires et périscolaires. Ces dérogations visent essentiellement des équipements publics. Elles sont extrêmement limitées. Le premier juge en a donc déduit, à juste titre, que la zone devait être considérée comme inconstructible. La zone Npb correspond à un espace naturel où ne sont autorisées que les constructions ou installations nécessaires au fonctionnement des services publics ou des établissements d'intérêt collectif ainsi que l'aménagement de parcs naturels de loisirs et de sports ; il est aussi possible d'étendre des constructions existantes. La parcelle considérée, qui est un terrain nu, n'est donc pas constructible. Le critère juridique pour prétendre à la qualification de terrain à bâtir fait défaut et le premier juge, à bon escient, a évalué les parcelles comme terres agricoles en situation privilégiée.

L'évaluation des biens :

Les consorts [Z] citent, comme termes de comparaison, une vente de 2006 concernant un terrain à bâtir, dans la commune de [Localité 3], trois ventes de terrains à bâtir dans la commune de [Localité 4], une vente de terrain à bâtir dans la commune de [Localité 5]. Le premier juge les a donc écartés à juste titre puisqu'ils ne reflétaient pas le marché immobilier de [Localité 3], pour des parcelles non constructibles, en situation privilégiée.

Selon les références fournies par le commissaire du gouvernement (tableau page 13 des conclusions) et la commune de [Localité 3], il ressort une valeur de 3,78 € le mètre carré pour 5 terrains situés en zone 1AUE, 1AUA et 1NAE (3,20 €, 3,74 €, 4 €). Les superficies des parcelles sont moins importantes et le zonage est plus favorable. Les terres agricoles sont au prix de 0,43 € le mètre carré, en moyenne.

L'argument tiré de l'application de l'article L. 322-9 du code de l'expropriation ne sera pas retenu dans la mesure où le zonage a changé entre le moment de l'attestation de propriété et la date de référence. Le mode de calcul prévu par ce texte ne s'impose pas au juge de l'expropriation.

Le premier juge a tenu compte, d'une part, du bon emplacement des parcelles appartenant aux consorts [Z], d'autre part, des restrictions dans l'utilisation du sol et de la superficie plus grande pour évaluer leurs terrains sur une base de 3 € le mètre carré. Il a fixé cette valeur uniformément, tant pour les parcelles situées en zone 1AUL que pour la partie située en zone Npb qui ne présente pas de différence fondamentale et qui se trouve la plus proche [P]. Ce prix apparaît conforme aux données du marché.

La décision sera confirmée sur ce point.

Les parcelles étaient louées à un agriculteur et il a été procédé, à juste titre, à un abattement de 10 % pour occupation.

L'indemnité de remploi a été calculée selon les tranches relatives aux frais notariaux.

La réquisition d'emprise totale :

L'article L. 242-4 du code de l'expropriation prévoit que, lorsqu'une emprise partielle résultant de l'expropriation compromet la structure d'une exploitation agricole de nature à provoquer sa disparition ou à lui occasionner un grave déséquilibre au sens des articles L. 123-4 à L. 123-5-6 et L. 352-1 du code rural et de la pêche maritime :

1° Le propriétaire exproprié peut demander au juge l'emprise totale. Il en informe le ou les exploitants. Dans le cas où le propriétaire exproprié n'est pas lui-même exploitant, le versement par l'expropriant du prix d'acquisition de la portion acquise en sus de la partie expropriée entraîne de plein droit la résiliation du bail, sans indemnité et nonobstant toute clause contraire ;

2° L'exploitant qui n'est pas lui-même propriétaire peut, s'il entend ne pas poursuivre l'exploitation ou lorsqu'il y a résiliation du bail en application du 1° ci-dessus, demander à l'expropriant les indemnités auxquelles il aurait pu prétendre en application de l'article L. 322-1 dans le cas où la totalité de l'exploitation aurait été expropriée. L'exploitant informe le ou les propriétaires de l'exploitation de la demande qu'il présente à l'expropriant.

Le premier juge a rejeté, à bon droit, la réquisition d'emprise totale de la parcelle ZS[Cadastre 1] qui n'est pas située dans l'emplacement réservé, qui ne forme pas une unité foncière avec les parcelles ZI [Cadastre 1] et [Cadastre 2].

Il a calculé le déséquilibre en additionnant la surface totale des terres, dans l'emplacement réservé (16 180 m² + 67 130 m² = 83 310 €), en déterminant la valeur de productivité de la partie sous emprise, en retenant qu'elle était supérieure au pourcentage prévu par la loi (10 %).

Il est parti du principe que les parcelles situées dans l'emplacement réservé représentaient la surface totale de l'exploitation du locataire, M. [G]. Or, comme le fait remarquer la commune de PLEINE-FOUGERES, le déséquilibre de l'exploitation doit s'apprécier par rapport à l'ensemble de l'exploitation agricole du preneur, qui n'est pas connue ; notamment, il n'est pas produit le relevé MSA. En conséquence, faute d'éléments pertinents, il n'est pas établi l'existence d'un déséquilibre grave de l'exploitation. Le jugement sera infirmé sur ce point et la demande d'emprise totale sera rejetée.

La demande de dépréciation du surplus n'est pas reprise en appel.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens.

Chacune des parties succombe partiellement dans ses prétentions. Les dépens d'appel seront partagés par moitié.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Prononce la jonction des dossiers n° 15/2227 et 15/3545 ;

Déclare caduque la déclaration d'appel des consorts [Z] ;

Rejette les moyens d'irrecevabilité des mémoires déposés par les consorts [Z] les 18 août 2015 et 29 février 2016 ;

Confirme le jugement rendu le 19 décembre 2014 par le juge d'expropriation d'Ille-et-Vilaine sauf en ce qui concerne la demande d'emprise totale ;

Rejette la demande d'emprise totale ;

Recalculant,

Fixer l'indemnité due par la commune de PLEINE-FOUGERES aux consorts [Z] de la façon suivante :

- parcelle ZI [Cadastre 1] : 5190 m² X 3 € = 15 570 €

- parcelle ZI [Cadastre 2] :

- partie en zone 1AUL : 40 202 m² X 3 € : 120 606 €

- partie en zone Npb : 2205 m² X 3 € : 6615 €

Sous-total : 142 791 €

- abattement pour occupation (10%) : 14 279,10 €

Solde : 128 511,90 €

- indemnité de remploi : 13 851,19 €

Total : 142 363,09 € ;

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Partage les dépens d'appel par moitié.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre del'expropriation
Numéro d'arrêt : 15/02227
Date de la décision : 24/06/2016

Références :

Cour d'appel de Rennes EX, arrêt n°15/02227 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-24;15.02227 ?
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