1ère Chambre
ARRÊT N°50
R.G : 10/09072
M. [D] [B]
C/
Société [M] IMMOBILIER SCI
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 31 JANVIER 2012
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Xavier BEUZIT, Président,
Madame Anne TEZE, Conseiller, entendu en son rapport
Madame Odile MALLET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Claudine PERRIER, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 13 Décembre 2011
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par Monsieur Xavier BEUZIT, Président, à l'audience publique du 31 Janvier 2012, après prolongation de la date indiquée à l'issue des débats.
****
APPELANT :
Monsieur [D] [B]
né le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 3]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par la SCP D ABOVILLE DE MONCUIT ST HILAIRE, avoués, assisté de Me Thierry CABOT, avocat
INTIMÉE :
Société [M] IMMOBILIER SCI
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représentée par la SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, avoués,
assistée de Me Emmanuel LE VACON, avocat
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte authentique du 31 décembre 1997, M. [G] [M] et la SA [M] ont constitué entre eux la SCI [M] IMMOBILIER à laquelle ils ont fait apport par acte ultérieur du 2 avril 1998 de divers biens ou droits immobiliers.
Suite à un jugement du 12 juin 1998 prononçant l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de la SA [M] locataire gérant d'un fonds de commerce de fabrication et distribution d'escaliers appartenant à M. [M] et exploité dans les locaux de la SCI [M] IMMOBILIER, le Tribunal de Grande Instance de Dinan statuant en matière commerciale a par jugement du 30 juillet 1999 arrêté et ordonné la cession des éléments d'actifs de la société [M] au profit de la société BELLAY MENUISERIES, dont les parts détenues dans le capital de la SCI, pris acte d'une part de l'engagement de M. [G] [M] de céder le fonds de commerce dont il était propriétaire au cessionnaire, d'autre part, de l'engagement de la SCI [M] IMMOBILIER de consentir à ce dernier un bail commercial moyennant un loyer annuel de 500000 F = 76 224,51 € et dit que les actes de cession devaient être régularisés avant le 30 septembre 1999.
Suivant acte authentique reçu à cette date par M. [B] notaire, le fonds de commerce a été vendu à la SARL ESCARMOR acquéreur substitué, étant convenu dans ce même acte que la régularisation de la cession des parts sociales et du bail commercial s'avérant impossible en raison du défaut de main-levée et de radiation des hypothèques prises en 1990 auquel s'ajoutaient la prise en 1998 d'inscriptions d'hypothèques judiciaires, l'absence de publication de l'augmentation de capital social et des formalités requises auprès du greffe du Tribunal de Commerce, M. [M] et M. [X], commissaire à l'exécution du plan de cession, confèrent à la société ESCARMOR, cessionnaire à compter du jour d'entrée en jouissance, le droit d'occuper la totalité des locaux d'exploitation, à charge pour le cessionnaire de contracter toutes les assurances liées à son activité et à ses conséquences.
La SCI [M] IMMOBILIER ayant assigné la SARL ESCARMOR en paiement d'un loyer annuel de 500 000 F = 76 224,51 € comme énoncé dans le jugement arrêtant le plan de cession et ce à compter de son entrée dans les lieux, cette Cour a par arrêt infirmatif du 14 septembre 2004 condamné la seconde à payer à la première une indemnité d'occupation de 3176 € par mois à compter de l'assignation délivrée le 4 juin 2004.
Exposant que M. [D] [B] avait manqué à ses obligations ce dont il était résulté pour elle une perte de loyers et chance de bénéficier du statut des baux commerciaux, la SCI [M] IMMOBILIER l'a assigné en dommages - intérêts.
Par jugement du 9 novembre 2010, le Tribunal de Grande Instance de Saint-Brieuc saisi du litige a :
- condamné M. [D] [B] à payer à la SCI [M] IMMOBILIER à titre de dommages-intérêts la somme de 454 172,44 € pour la perte du droit à la perception de loyers sur la période du 1er octobre 1999 au 31 décembre 2008 avec intérêts au taux légal à compter du jugement et celle de 150000 € pour perte de chance de bénéficier des conditions plus favorables d'un bail commercial,
- condamné le même aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code procédure civile.
Par déclaration du 21 décembre 2010, M. [D] [B] a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de conclusions récapitulatives déposées le 14 avril 2011 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, l'appelant demande à la Cour de :
- infirmer le jugement entrepris,
- débouter la SCI [M] IMMOBILIER de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la SCI [M] IMMOBILIER aux dépens ainsi qu'à payer à M. [B] la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de conclusions récapitulatives déposées le 14 juin 2011 auxquelles il est également renvoyé pour l'exposé des moyens, la SCI [M] IMMOBILIER demande au contraire de :
- confirmer le jugement au visa de l'article 1382 du code civil,
- condamner M. [D] [B] aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 8000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
DISCUSSION
Sur la responsabilité de M. [B], notaire
Considérant que la SCI [M] IMMOBILIER reproche à M. [B] d'avoir au regard des difficultés énoncées dans l'acte du 30 septembre 1999 préféré établir à son détriment une convention de jouissance gratuite des lieux d'exploitation dont elle était propriétaire sans l'informer des conséquences nuisant à ses intérêts ni rechercher d'autres solutions plutôt que de refuser de recevoir l'acte et d'en aviser le Tribunal ayant arrêté le plan de cession des actifs de la SA [M] ;
Mais considérant qu'à la date limite du 30 septembre 1999 fixée par le Tribunal pour régulariser les actes de cession prévus dans le plan, M. [G] [M] associé majoritaire gérant de la SCI n'avait pas satisfait à son engagement de faire procéder à la main-levée et radiation des hypothèques prises en 1990 sur les immeubles ultérieurement apportés par lui à la SCI, en sûreté du paiement d'une somme de 2 900 000 F = 442 102,15 €, et ce dans les quarante jours de l'acte d'apport du 2 avril 1997 ; qu'à l'égard des tiers, le montant du capital de la SCI demeurait à 10 000 F = 1524,49 € décomposé en 100 parts de 100 F dont 40 attribuées à la SA [M], nonobstant les apports des associés ayant pour effet de le porter à 5 600 000 F = 853 714,50 €, faute pour M. [G] [M] d'avoir provisionné les frais de publication et autres formalités auprès du greffe du Tribunal de Commerce ; qu'au surplus, l'état hypothécaire sollicité par M. [B] révélait l'inscription d'hypothèques judiciaires provisoires prises les 23 juin et 26 juin 1998 en sûreté du paiement des sommes de 500 000 F = 76224,51 € et 1 515 000 F en principal = 230 960,26 € ; qu'il n'est pas contesté que ces éléments rendaient impossible la cession des parts détenues par la SA [M] dans le capital de la SCI au prix de 1 900 000 F HT = 289 653,13 €, tel que fixé dans le plan de cession arrêté par jugement du 30 juillet 1999 ;
Considérant, par ailleurs, qu'il résulte de l'économie de ce plan que la conclusion d'un bail commercial moyennant un loyer annuel de 500 000 F = 333 130,52 € à charge de la société cessionnaire du fonds était subordonnée à l'acquisition par cette dernière des parts sociales détenues par la SA [M] en ce qu'elle permettait une rétrocession de partie des loyers au travers des bénéfices distribués par la SCI propriétaire des murs;
Considérant que la SCI dont M. [G] [M] était le gérant avait nécessairement connaissance de cette situation ;
Considérant que la SCI ne justifie pas en quoi le refus par M. [B] de passer l'acte de cession du fonds de commerce lui aurait permis de conclure un bail commercial comme prévu dans le plan de cession alors que les éléments du dossier révèlent que sur les deux offres de reprise, seule celle retenue par le Tribunal prévoyait la conclusion d'un bail commercial laquelle n'a pu être réalisée par suite du défaut de cession des parts sociales incluse dans le périmètre du plan mais non imputable à M. [B] ;
Considérant par ailleurs, que la SCI ne démontre pas et ce pour les mêmes raisons, que mieux informée elle aurait été en mesure de négocier un nouveau bail commercial et là encore pour un loyer identique à celui énoncé dans le plan de cession en vertu duquel la société cessionnaire était entrée dans les lieux au lendemain du jugement du 30 juillet 1994, sans toutefois que soit fixée une indemnité d'occupation pour la période précédant les actes de cession ;
Considérant qu'il sera observé, au surplus, que M. [B] avait adressé préalablement à M. [G] [M] et à M. [X], commissaire à l'exécution du plan, le projet d'acte rectifié de sorte que la SCI dont M. [G] [M] était le gérant en avait pleinement connaissance ; qu'aucun des destinataires n'a élevé de protestation sur la clause litigieuse, sauf pour le conseil de M. [G] [M] à indiquer que 'l'étude [X]' l'avait informé de ce qu'une convention d'occupation des locaux devait être établie ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que dans l'esprit des parties, la clause en litige ne faisait que régler une situation provisoire résultant d'un plan mal abouti auquel M. [B] était étranger en tenant compte des contraintes tenant à l'occupation déjà effective des lieux par la société cessionnaire du fonds de commerce et nécessité de maintenir l'exploitation du fonds afin d'éviter toute dévalorisation de ce bien ;
Considérant que M. [B] ne disposait pas du pouvoir de contraindre les parties à conclure une convention autre que celle qui a été signée laquelle ne faisait pas obstacle à la négociation d'un second bail commercial ni au paiement par le cessionnaire d'une indemnité d'occupation ou d'un loyer augmenté des charges afférentes à l'occupation ; que d'ailleurs la SCI a obtenu judiciairement la condamnation de la société ESCARMOR occupante de ses immeubles au paiement d'une indemnité ;
Considérant qu'en l'absence de préjudice démontré imputable à M. [B], il y a lieu d'infirmer le jugement et de débouter la SCI de l'ensemble de ses demandes ;
Sur les dépens et article 700 du code de procédure civile
Considérant qu'échouant dans ses prétentions, la SCI [M] IMMOBILIER sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ; qu'elle ne peut de ce fait prétendre au bénéfice de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant en revanche qu'il sera alloué à M. [B] la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DECISION
La Cour,
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Déboute la SCI [M] IMMOBILIER de son action en responsabilité et dommages-intérêts formée contre M. [D] [B] ;
Condamne la SCI [M] IMMOBILIER aux dépens de première instance et d'appel avec recouvrement conforme à l'article 699 du code de procédure civile ainsi qu'à payer à M. [D] [B] la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la SCI [M] IMMOBILIER de sa demande d'indemnité fondée sur ce même texte.
LE GREFFIER.-.LE PRÉSIDENT.-.