1ère Chambre
ARRÊT N°366
R.G : 09/06857
M. [T] [S]
Mme [N] [B] épouse [S]
C/
OPAC QUIMPER CORNOUAILLE
M. [F] [I]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 27 SEPTEMBRE 2011
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Xavier BEUZIT, Président,
Madame Anne TEZE, Conseiller,
Madame Odile MALLET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Claudine PERRIER, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 27 Juin 2011
devant Madame Odile MALLET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par Monsieur Xavier BEUZIT, Président, à l'audience publique du 27 Septembre 2011, date indiquée à l'issue des débats.
****
APPELANTS :
Monsieur [T] [S]
[Adresse 5]
[Localité 4]
représenté par la SCP CASTRES COLLEU PEROT LE COULS BOUVET, avoués
assisté de Me LE BRAS, avocat
Madame [N] [B] épouse [S]
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par la SCP CASTRES COLLEU PEROT LE COULS BOUVET, avoués
assistée de Me LE BRAS, avocat
INTIMÉS :
OPAC QUIMPER CORNOUAILLE
[Adresse 15]
[Adresse 15]
[Localité 2]
représentée par la SCP SCP BAZILLE Jean-Jacques, avoués
assistée de Me Gérard BRIEC, avocat
Monsieur [F] [I]
[Adresse 11]
[Localité 3]
représenté par la SCP BAZILLE Jean-Jacques, avoués
assisté de Me Alain COROLLER-BEQUET, avocat
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur [T] [S] et son épouse, Madame [N] [B], sont propriétaires d'un immeuble cadastré commune du [Localité 4], section AE n°[Cadastre 6] composé d'un bâtiment à usage de commerce et d'habitation ouvrant [Adresse 5] et d'une cour à l'arrière.
Monsieur [F] [I] est propriétaire du fonds contigu cadastré section AE n° [Cadastre 7], situé au n°1 de la même place, donnant à l'arrière sur la cour.
L'OPAC de Quimper-Cornouaille est propriétaire des parcelles AE n° [Cadastre 8] et [Cadastre 9] ouvrant au nord sur la rue du Passage et au sud sur la cour.
Contestant le droit de passage sur la cour revendiqué par Monsieur [I] et l'OPAC, les époux [S] ont obtenu, par ordonnance du 30 juillet 2004, la désignation de Monsieur [J] en qualité d'expert.
Après dépôt du rapport d'expertise, ils ont saisi le juge du fond aux fins de voir constater l'extinction de la servitude de passage bénéficiant à la parcelle AE [Cadastre 7], l'absence de toute servitude de passage au profit de l'OPAC, la suppression de deux garages de l'OPAC ouvrant sur leur cour et constater l'extinction d'une servitude de puisage.
Par jugement du 28 avril 2009 le tribunal de grande instance de Quimper a :
constaté l'extinction de la servitude de puisage grevant la parcelle cadastrée au [Localité 4], section AE n°[Cadastre 6],
débouté les époux [S] de leurs autres demandes,
débouté Monsieur [I] de l'ensemble de ses demandes,
débouté l'OPAC de Quimper-Cornouaille de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile,
dit que les dépens seront supportés pour un tiers par les époux [S], pour un tiers par Monsieur [I] et pour un tiers par l'OPAC de Quimper-Cornouaille.
Appel de ce jugement a été interjeté par les époux [S].
POSITION DES PARTIES
Dans leurs dernières conclusions en date du 24 mai 2011 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, les époux [S] demandent à la cour, au visa des articles 703 et 702 du code civil :
d'infirmer le jugement, sauf en ce qu'il a constaté l'extinction de la servitude de puisage grevant la parcelle AE [Cadastre 6],
de supprimer la servitude de passage établie au profit de Monsieur [I],
de dire et juger que l'OPAC ne bénéficie d'aucun droit de passage sur la cour des époux [S],
à titre subsidiaire, d'ordonner la suppression des deux garages ouverts par l'OPAC sur la cour des époux [S],
de condamner Monsieur [I] et l'OPAC aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures en date du 28 décembre 2010 auxquelles il est également renvoyé pour l'exposé des moyens, Monsieur [I] demande au contraire à la cour :
de rejeter des débats le rapport d'expertise dressé par Monsieur [L],
d'infirmer partiellement le jugement,
de débouter les époux [S] de leur demande en suppression de la servitude de passage située sous le porche de leur immeuble aujourd'hui cadastré section AE [Cadastre 6],
de dire et juger que la propriété de Monsieur [I], cadastrée AE [Cadastre 7] dispose d'un droit de passage permettant d'accéder à la place des résistants et des fusillés lequel emprunte le porche de l'immeuble cadastré AE [Cadastre 6],
de dire et juger que la servitude de passage pour accéder au puits n'est pas éteinte,
de dire et juger que les époux [S] ne sont pas propriétaires de la totalité de la parcelle AE [Cadastre 6] et que leurs droits sur la cour existante sont limités par le partage du 6 décembre 1845,
de condamner les époux [S] aux dépens d'instance et d'appel et au paiement d'une somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions en date du 20 décembre 2010 l'OPAC demande à la cour :
de confirmer le jugement et débouter les époux [S] de toutes leurs demandes,
de condamner in solidum les époux [S] aux dépens d'instance et d'appel et au paiement d'une somme de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
* sur le rapport d'expertise de monsieur [L]
Postérieurement au prononcé du jugement, les époux [S] ont soumis le dossier à Monsieur [L], géomètre-expert.
Le rapport dressé le 4 février 2010 par cet expert a été régulièrement communiqué aux parties et soumis à la discussion et la contradiction. Dès lors ce rapport constitue un moyen de preuve admissible et ne saurait être écarté des débats.
* sur les servitudes de passage
- sur le droit de passage de Monsieur [I]
Les époux [S] demandent à la cour de constater l'extinction de la servitude de passage grevant leur cour cadastrée AE [Cadastre 6] au profit du fonds cadastré AE [Cadastre 7] appartenant à Monsieur [I] sur le fondement de l'article 703 du code civil selon lequel les servitudes cessent lorsque les choses se trouvent en tel état qu'on ne peut plus en user.
Les propriétés des parties proviennent d'un fonds qui appartenait à [E] [G] veuve [M] qui a fait l'objet d'une division à l'occasion d'une donation-partage consentie le 6 décembre 1845 par [E] [G] à ses huit enfants.
Il ressort de la lecture de cet acte de division que la parcelle actuellement cadastrée AE [Cadastre 6], appartenant aux époux [S], correspondait alors à la maison située [Adresse 13] et celle actuellement cadastrée AE [Cadastre 7] appartenant à Monsieur [I] à la maison alors située [Adresse 12].
L'acte de division du 6 décembre 1845 dispose que la cour dépendant de la maison située [Adresse 13] devra droit de passage à pied et à charrettes à l'article précédent (immeuble situé [Adresse 12]) et aux deux articles à son côté sud-est pour fréquenter le jardin dépendant de l'article suivant (maison située [Adresse 14]). Ce passage sera d'un mètre au moins.
Ce même acte de division dispose que la maison située [Adresse 12] aura droit de passage à pied et à charrettes par la grande cour à la portion de cette cour qui lui appartiendra privativement, sur celle qui se trouve derrière elle en ligne droite à partie de l'angle extérieur de l'escalier existant au bout du couchant de ladite maison, lequel fait saillie sur la grande cour.
L'acte de division a donc institué une servitude de passage grevant la parcelle actuellement cadastrée AE [Cadastre 6] au profit de la parcelle AE [Cadastre 7] et précise que l'assiette du droit de passage se situe au sud-est de la parcelle grevée.
Il en résulte que, contrairement à ce que soutiennent les époux [S] et Monsieur [L], le passage institué en 1845 ne créait pas un accès à partir de la rue du passage, située au nord, mais à partir de la place des halles en passant sous le porche situé au sud-est de la parcelle grevée.
Il ressort d'ailleurs du titre des époux [M]/[G] en date du 7 novembre 1829 qu'il existait déjà à cette date 'une porte cochère, bout du midi servant d'entrée à la cour', ce que vient corroborer une ancienne photographie.
Les lieux n'ayant pas été modifiés, la servitude de passage par la porte cochère étant toujours utile et utilisée, les époux [S] ne sont pas fondés à solliciter son extinction sur le fondement de l'article 703 du code civil.
- sur le droit de passage de l'OPAC
Les époux [S] demandent à la cour de constater que l'OPAC ne bénéficie d'aucun droit de passage et, subsidiairement, qu'il a aggravé l'exercice de la servitude.
Lors de la division intervenue le 6 décembre 1845 les parcelles actuellement cadastrées AE [Cadastre 8] et [Cadastre 9] appartenant à l'OPAC n'étaient pas bâties.
Dans l'acte de division il est indiqué que la maison située [Adresse 12] inclut la portion de cour derrière elle en son endroit et les trois carrés du grand jardin derrière la cour en longeant jusqu'au verger ci-dessus la rue menant à la place des cendres.
Il ressort de ce descriptif que les parcelles actuellement cadastrées AE [Cadastre 8] et [Cadastre 9] étaient rattachées, au jour de la division, à la maison située [Adresse 12].
Or ainsi qu'il a précédemment été indiqué l'acte de 1845 avait grevé la parcelle actuellement cadastrée AE [Cadastre 6] d'un droit de passage au profit de la propriété alors située [Adresse 12] qui correspond aujourd'hui aux parcelles AE [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9].
Cette servitude était à pied et charrettes. Compte tenu des évolutions techniques survenues depuis l'année 1845, l'utilisation de voitures automobiles aux lieu et place de charrettes ne saurait s'analyser comme une aggravation de la servitude de passage mais tout au plus comme une adaptation aux conditions actuelles de vie.
En conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les époux [S] de leurs demandes dirigées contre l'OPAC.
* sur le puits
Monsieur [I] demande à voir dire et juger que le puits situé dans la cour dépendant de la parcelle AE [Cadastre 6] appartient indivisément aux propriétaires des parcelles AE [Cadastre 6] et AE [Cadastre 7].
Le titre des époux [S] et ceux de leurs auteurs ne contiennent aucune mention relative au caractère indivis du puits situé dans leur cour, ni n'évoquent de servitude de puisage.
L'acte du 23 décembre 2003 par lequel Monsieur [I] a acquis la parcelle AE [Cadastre 7] ne mentionne aucun droit au puits. En revanche le titre de ses auteurs, à savoir l'acte de vente [O]/[A] en date des 30 avril et 4 mai 1993 énonce que l'acquéreur aura concurremment avec le vendeur le droit au puits existant dans la cour appartenant aux époux [S] et précise que cette servitude a été constituée suivant acte de donation-partage du 6 décembre 1845.
L'acte antérieur, à savoir la vente [U]/[O] du 6 décembre 1967 rappelle également que les parcelles AE [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9] et [Cadastre 10] ont droit au puits dans la cour appartenant aux époux [Z] cadastrée [Cadastre 1] en vertu du même acte du 6 décembre 1845, les époux [Z] étant les auteurs directs des époux [S].
Un acte en date du 5 février 1873 emportant le partage de la communauté ayant existé entre [Y] [H] et [C] [M] contient la mention suivante, dans le chapitre relatif aux mitoyennetés et servitudes : 'et enfin, de conserver commun et indivis comme par le passé entre les propriétés qui y avaient droit le puits existant dans la cour dépendant de la maison comprise sous l'article premier du deuxième lot', cette maison étant celle située [Adresse 13].
Toutefois l'acte du 6 décembre 1845 n'a ni institué, ni mentionné aucune servitude de puisage, de sorte que les références faites à cet acte par les titres des 30 avril et 4 mai 1993 et 6 décembre 1967 sont erronées. D'autre part la référence au caractère indivis du puits portée à l'acte de partage du 5 février 1873 ne reposant sur aucun autre titre antérieur, il ne saurait être créateur de droit.
En conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [I] de sa demande, sauf à préciser que le puits situé sur la parcelle AE [Cadastre 6] n'est pas indivis.
* sur la propriété de la parcelle AE [Cadastre 6]
Monsieur [I] demande à voir dire et juger que les époux [S] ne sont pas propriétaires de l'intégralité de la parcelle AE [Cadastre 6] au motif que l'acte de division du 6 décembre 1845 a attribué à ses auteurs une maison avec portion de cour derrière tandis que la propriété [S] était constituée d'une maison avec la cour derrière moins la partie attribuée à l'article ci-dessus (soit la partie qui appartient aujourd'hui à Monsieur [I]).
Les époux [S] ont acquis la parcelle AE [Cadastre 6] composée d'une maison avec cour à l'arrière. Les titres de leurs auteurs, à savoir les consorts [Z], les consorts [V], Madame [D], les consorts [H] mentionnent tous qu'il dépend de leurs fonds la cour située au couchant de la maison donnant sur la place.
Les époux [U], puis les époux [O], auteurs de Monsieur [I], étaient propriétaires des parcelles AE [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9] et [Cadastre 10], soit d'une maison avec cour à l'arrière, telle que décrite dans l'acte de 1845.
Les époux [O] ont procédé à la division de leur fonds en vendant la maison cadastrée AE [Cadastre 7] aux époux [A], auteurs de Monsieur [I], suivant acte des 30 avril et 4 mai 1993, et les parcelles non bâties [Cadastre 8], 45 et 46 à la commune du [Localité 4] suivant acte du 7 novembre 1994.
Il en résulte que les époux [S] justifient de leur droit de propriété sur la cour actuellement cadastrée AE [Cadastre 6] tandis que Monsieur [I] n'est propriétaire que de la parcelle bâtie cadastrée AE [Cadastre 7], à l'exclusion de toute portion de cour.
En conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle présentée par Monsieur [I], sauf à préciser que ce dernier sera débouté de son action en dénégation du droit de propriété des époux [S] sur la parcelle AE [Cadastre 6].
* sur les dépens et frais irrépétibles
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.
Les dépens seront partagés pour moitié entre les époux [S] et Monsieur [I] qui succombent partiellement en leurs demandes. De ce fait ils ne sauraient prétendre au bénéfice de l'article 700 du code de procédure civile. A ce titre les époux [S] seront condamnés à payer à l'OPAC une somme de 1.500 €.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déboute Monsieur [F] [I] de sa demande tendant à voir écarter des débats le rapport amiable dressé par Monsieur [L].
Confirme le jugement en date du 28 avril 2009 rendu par le tribunal de grande instance de Quimper en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Dit que le puits situé sur la parcelle cadastrée commune de [Localité 4] section AE n°[Cadastre 6] ne fait pas l'objet d'un droit de propriété indivis.
Déboute Monsieur [I] de son action en dénégation du droit de propriété des époux [S] sur la cour cadastrée commune du [Localité 4], section AE n°[Cadastre 6].
Déboute Monsieur [T] [S], Madame [N] [B] épouse [S] et Monsieur [F] [I] de leurs demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne in solidum les époux [S] à payer à l'OPAC Quimper-Cornouaille une somme de mille cinq cents euros (1.500,00 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit que les dépens d'appel seront supportés pour moitié par les époux [S] et pour moitié par Monsieur [I].
le greffier le président