La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/10/2010 | FRANCE | N°09/05208

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre des baux ruraux, 14 octobre 2010, 09/05208


Chambre des Baux Ruraux





ARRÊT N° 33



R.G : 09/05208













M. [K] [J]

Mme [I] [V] épouse [J]



C/



Mme [Y] [H] épouse [S]

















Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
r>AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 14 OCTOBRE 2010





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président,

Monsieur Patrick GARREC, Conseiller,

Madame Agnès LAFAY, Conseiller,



GREFFIER :



Madame Françoise FOUVILLE, lors des débats et lo...

Chambre des Baux Ruraux

ARRÊT N° 33

R.G : 09/05208

M. [K] [J]

Mme [I] [V] épouse [J]

C/

Mme [Y] [H] épouse [S]

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 14 OCTOBRE 2010

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président,

Monsieur Patrick GARREC, Conseiller,

Madame Agnès LAFAY, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Françoise FOUVILLE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 Septembre 2010

devant Monsieur Patrick GARREC, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 14 Octobre 2010, date indiquée à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [K] [J]

'[Adresse 5]'

[Localité 8]

Représenté par Me Julien DERVILLERS, avocat

Madame [I] [V] épouse [J]

'[Adresse 5]'

[Localité 8]

Représentée par Me Julien DERVILLERS, avocat

INTIMÉE :

Madame [Y] [H] épouse [S]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Eric LEMONNIER, avocat

****************

I - CADRE DU LITIGE :

A - OBJET :

Action engagée par Madame [Y] [H] épouse [S], titulaire d'un bail rural consenti le 26 avril 2001 par acte authentique, portant sur un ensemble de terres agricoles situées sur le territoire des communes de [Localité 3], [Localité 7], [Localité 8], [Localité 9] représentant une surface louée de 27 ha 82 a 05 ca, contre Monsieur [K] [J] et Madame [I] [V] épouse [J], bailleurs, tendant à voir annuler un congé que ces derniers lui ont fait délivrer par acte extra-judiciaire du 26 juin 2008 pour prendre effet le 1er janvier 2010, terme du bail, congé fondé sur les dispositions des articles L 411.58 et L 411.59 du Code rural, les bailleurs entendant reprendre les terres au profit de leur fille, Madame [D] [J] épouse [E], née le [Date naissance 1] 1970, exerçant au jour de la délivrance du congé la profession de maître d'hôtel.

Invoquant que cette reprise lui causerait un préjudice insurmontable dans la mesure où, à partir de 2001, elle a fait d'importants investissements calibrés en fonction de la taille de son exploitation (71 ha environ) et de la nature de ses activités (élevage laitier), la poursuivante entend discuter,

' la capacité professionnelle de Madame [E] à reprendre les terres sur la base d'un diplôme (BEPA) qu'elle n'a pas mis en valeur au sein d'une exploitation jusqu'au jour de la reprise, et la valeur même de ce titre au regard du cadre réglementaire imposé par les articles L 411.58 et L 411.59 du Code rural.

' son intention réelle d'exploiter des terres à vocation agricole à partir d'un domicile situé au lieu dit '[Localité 6]', Monsieur et Madame [J] ayant eux-mêmes leur domicile en ce lieu.

' le fait qu'elle possède déjà ou a les capacités financières d'acquérir le cheptel et le matériel nécessaires à l'exploitation des terres qu'elle prétend, sans être convaincante, vouer aux cultures céréalières.

' le fait qu'elle détient l'autorisation d'exploiter les terres exigée par les dispositions des articles L411.58 et L411.59 du Code rural alors que son projet n'est pas de ceux qui, au regard de l'article L331.2.II du Code rural, sont soumis au régime de la simple déclaration.

' le fait qu'elle a l'intention sincère de mettre en valeur les terres agricoles alors que les pièces qu'elle communique établissent qu'elle fonde la reprise sur le projet d'aménager dans les immeubles, non loués, appartenant à Monsieur et Madame [J], des chambres d'hôtes dans le contexte de l'ouverture d'un gîte rural tourné vers l'activité touristique en sorte que l'activité agricole proprement dite ne sera que subsidiaire, accessoire, et apparaît comme le prétexte à la reprise du bail, Madame [E], maître d'hôtel de profession, entendant poursuivre l'exercice de sa profession dans ce nouvel environnement au bénéfice de l'expérience qui est la sienne dans l'accueil hôtelier.

' le fait que le financement et la viabilité économique du projet soient acquis, en particulier, dans le cadre de la poursuite de l'activité agricole proprement dite, alors que Madame [E] ne justifie pas de la détention des droits à produire qui sont la condition essentielle de l'équilibre d'une exploitation agricole et de son maintien (Droits à paiement unique ou DPU).

Madame [Y] [H] épouse [S] fait valoir enfin qu'au regard de la consistance du projet dénoncé il paraît clair qu'il a vocation à l'évincer des terres en raison d'une animosité personnelle que Monsieur et Madame [J] nourrissent à son égard à la suite d'une condamnation prononcée le 26 mai 2004 par le Tribunal Correctionnel de RENNES à l'encontre de Madame [J] pour des faits de violences volontaires (coups de feu non suivis d'ITT) et parce qu'ils n'ont jamais supporté d'avoir été contraints de louer leurs terres pour pouvoir cesser leur activité en 2001.

Monsieur [K] [J] et Madame [I] [V] épouse [J] réfutent la pertinence de ces réserves et font valoir,

- que Madame [E], leur fille, a abandonné sa profession de maître d'hôtel au cours de l'année 2010 et qu'elle est en mesure de tenir l'engagement pris d'exploiter personnellement le bien repris de façon effective et permanente durant neuf ans,

- qu'elle a son domicile au lieu dit '[Adresse 5]', siège de leur ancienne exploitation qui comprend plusieurs maisons dont l'une sera aménagée en gîte rural,

- qu'au regard des dispositions, seules applicables, des articles L 331.2 et R 331.1 du Code rural, le fait qu'elle détient de longue date le BEPA suffit à attester de sa capacité professionnelle, l'article D 343.4 du Code rural fixant d'autres conditions, qu'elle satisfait aussi pour être née avant le 1er janvier 1971, qui ne sont cependant pas applicables dans le contexte de l'article L 411.59 dudit code,

- qu'elle verse aux débats les preuves de son investissement dans le projet d'ouvrir un gîte rural et une ferme pédagogique ayant pour support essentiel la production de céréales et l'ouverture d'un élevage de vaches allaitantes,

- qu'elle produit également les preuves de sa capacité à obtenir les concours bancaires nécessaires alors qu'elle dispose du matériel agricole pour développer cette branche d'activité,

- qu'elle produit également les preuves des compléments de formation suivis à ce jour pour s'investir dans l'activité ainsi envisagée,

- qu'au regard de ces éléments, il n'est pas sérieux de soutenir qu'elle a pu s'investir de pareille façon dans la construction de ce projet sans avoir l'intention sincère de le mener à son terme et dans le seul dessein de satisfaire 'l'esprit de rancune' que nourriraient ses parents à l'encontre de Madame [Y] [H] épouse [S],

- que la question de savoir si le fait que cette dernière entend conserver ses DPU a une influence sur le succès de son entreprise n'est pas de nature à influencer la discussion,

- que la reprise des terres se fera dans le respect de la réglementation relative au contrôle des structures dès que Madame [Y] [H] épouse [S] aura libéré les terres, ce, selon les dispositions des articles L411.58, L411.59, L331.2.II du Code rural, ce dernier texte, en sa rédaction découlant de la loi du 5 janvier 2006, instaurant un régime de déclaration et non d'autorisation lorsque la reprise est, comme c'est le cas en l'espèce, effectuée au profit d'un déclarant qui satisfait aux conditions de capacité, d'expérience professionnelle mentionnée au 3ième paragraphe I du même texte, lorsque les biens sont libres de location au jour de la déclaration, et lorsqu'ils ont été détenus par un parent ou allié depuis neuf ans au moins.

- que cette lecture du texte n'est pas erronée comme le prétend à cet égard Madame [Y] [H] épouse [S] puisque c'est celle là-même que propose une circulaire du Ministère de l'Agriculture, la circonstance que les biens sont libres de location devant s'envisager après validation du congé par le Juge, la déclaration s'imposant alors dans le mois qui suit l'événement,

- que, s'agissant d'une reprise totale du bien loué, les conséquences de celles-ci pour le preneur n'ont pas lieu d'influencer la discussion puisque l'article L 411.62 du Code rural n'est pas opposable qui, en cas de reprise partielle seulement, stipule que la reprise ne doit pas porter atteinte à l'équilibre économique de l'exploitation du preneur.

- qu'enfin, en l'absence d'accord de leur part, exigé par l'article D 654-107 du Code rural, il ne pourra être donné suite à la demande des époux [J] tendant à se voir transférer la quantité de référence laitière affectée aux parcelles objet de la reprise, la circonstance que Madame [E] ne dispose pas aujourd'hui des moyens de production lui permettant de tirer parti de la référence laitière litigieuse ne pouvant la priver de la possibilité de le faire à terme, lorsqu'elle en aura acquis les moyens.

B) - DECISION DISCUTEE :

Jugement du Tribunal Paritaire des Baux Ruraux siégeant au Tribunal d'instance de FOUGERES en date du 3 juillet 2009 qui a :

- déclaré nul le congé pour reprise délivré à Madame [Y] [H] épouse [S] le 26 juin 2008.

- condamné Monsieur [K] [J] et Madame [I] [V] épouse [J] à verser à Madame [Y] [H] épouse [S] la somme de 450 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

C) - MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES:

Monsieur [K] [J] et Madame [I] [V]

épouse [J] ont relevé appel par déclaration reçue au greffe de la Cour le 20 juillet 2009 du jugement notifié à la personne de Monsieur [K] [J] le 6 juillet 2009 (LRAR reçue le 6 juillet 2009) et à la personne de Madame [I] [V] épouse [J] le même jour (LRAR reçue le 6 juillet 2009).

Madame [Y] [S] née [H] a déposé au greffe de la Cour le 2 septembre 2010 ses conclusions d'intimée, développées oralement à la barre.

Monsieur [K] [J] et Madame [I] [V] épouse [J] ont déposé à la barre le 9 septembre 2010 des conclusions développées oralement à la barre.

Autorisés par le Président d'audience, les époux [J] ont versé aux débats en cours de délibéré un document attestant de l'obtention d'un concours bancaire de 120 000 € ayant pour objet : 'Installation agricole bovine-viande céréale et chambre d'hôte à [Adresse 5]'.

' une attestation du service Pôle emploi en date du 19 septembre 2010 ayant valeur fiscale pour 'demandeurs d'emploi de longue durée 'évoquant l'inscription de Madame [E] à la date du 2 octobre 2009 dans ses registres, inscription en cours de validité.

Sur demande de la Cour formulée en délibéré Monsieur et Madame [J] et Madame [Y] [H] épouse [S] ont été invités à conclure sur l'application en la cause des dispositions nouvelles, issues de la loi du 5 janvier 2006, au bail objet du congé, article L331.2 II du Code rural créé aux termes de l'article 14 II 8è de la dite loi), bail en cours au jour de la promulgation de la loi.

Monsieur et Madame [J] ont, par suite, déposé une note en délibéré communiquée à la partie adverse le 29 septembre 2010.

Madame [Y] [H] épouse [S] a déposé en cours de délibéré une note datée du 1er octobre 2010 répondant à la demande de la Cour et une note de la même date répondant à la communication de pièces adverse, réplique à laquelle les époux [J] ont eux même apporté la contradiction aux termes d'une note complémentaire datée du 5 octobre 2010.

II - MOTIFS DE LA DECISION :

La solution du litige opposant les parties dépend directement de la loi applicable, les articles L 411-58 et L 411.59 du Code rural ayant, comme l'article L331.2 § I et II dudit Code, été profondément remaniés en ce que, notamment, dans le nouveau cadre défini par la loi du 5 janvier 2006, les dispositions de l'article L331.2§ II, création de la loi, font échec aux dispositions de l'article L411.59 dernier alinéa en sa dernière rédaction issue de la loi : 'le bénéficiaire de la reprise doit justifier ........, qu'il répond aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnées aux articles L331.2 à L331.5 ou qu'il a bénéficié d'une autorisation d'exploiter en application de ces dispositions'.

Cette question de droit transitoire a été tranchée par un arrêt de la Cour de cassation, 3è Chambre Civile, du 24 juin 2009 (Commenté dans la revue Droit Rural 2009 Août Septembre p 41,42, dans la revue DALLOZ 2009 livret n°27 p 1828 - 1829) : le régime dérogatoire de la déclaration (article 14 § II de la loi) ne fait pas partie des dispositions de la loi d'orientation agricole immédiatement applicables aux baux en cours.

L'article 104 de la loi du 5 janvier 2006 prévoit en effet que seules diverses dispositions de l'article 98 de la loi 'sont applicables aux baux en cours à la date de la promulgation'.

Or, le bail qui liait les parties était en cours et venait à son terme le 1er janvier 2010 lorsque la loi a été promulguée en 2006.

Il s'en déduit nécessairement que, sauf à étendre la portée du texte dans le temps, ce qui ne peut être l'oeuvre du juge, l'article 14 II de la loi relatif au régime de la déclaration ne peut être mis en oeuvre dans le cadre du congé litigieux même s'il faut admettre, nonobstant ce principe qui paraît applicable à toutes les dispositions de la loi, et donc aux dispositions issues de la mise à exécution des articles 8 et 103 de la loi, que le litige doit être tranché sur la base des articles L 411.58 et L 411.59 du Code rural en leur rédaction issue de l'Ordonnance 2006 - 870 du 13 juillet 2006 (article 8 § IV et V) dans la mesure où ladite ordonnance évoque en son article 16 que 'les dispositions de la présente ordonnance sont applicables aux baux en cours à la date de sa publication à l'exception de l'article 11 complétant l'article 416 - 3 du Code rural qui n'est applicable qu'aux baux conclus ou renouvelés depuis sa publication'.

Dans la mesure où, par ailleurs, il n'est pas allégué qu'à la date de prise d'effet du congé, 1er janvier 2010, date à laquelle il convient de se placer pour apprécier si Madame [D] [J] épouse [E] devait disposer d'une autorisation préalable d'exploiter, celle-ci n'avait nul besoin d'une telle autorisation pour quelque motif de droit que ce soit, où il n'est pas davantage contesté que cette autorisation n'a pas été sollicitée, il convient de considérer que, les conditions posées par les articles L411.58 et L411.59 du Code rural n'étant pas satisfaites de ce chef au 1er janvier 2010, c'est à bon droit que le Premier Juge a déclaré nul le congé pour reprise délivré à Madame [Y] [H] épouse [S] le 26 juin 2008.

Le jugement est donc confirmé et il est alloué à cette dernière une indemnité de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Perdant sur leur recours, Monsieur [K] [J] et Madame [I] [V] épouse [J] ne peuvent qu'être déboutés de leur demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile.

III - DECISION :

- Confirme le jugement déféré ;

- Ajoutant,

- Condamne Monsieur [K] [J] et Madame [I] [V] épouse [J] à payer à Madame [Y] [H] épouse [S] la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

- Déboute Monsieur [K] [J] et Madame [I] [V] épouse [J] de leur demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile.

- Les condamne aux dépens d'appel.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre des baux ruraux
Numéro d'arrêt : 09/05208
Date de la décision : 14/10/2010

Références :

Cour d'appel de Rennes L3, arrêt n°09/05208 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-10-14;09.05208 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award